M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous n’avons rien « démantelé » ; nous avons créé une structure interministérielle pour mieux lutter contre la fraude. Autrement dit, nous avons réuni un certain nombre de services à des fins de coordination.

Le décret a été présenté en conseil des ministres, et nous allons plutôt, de manière générale, dans le sens d’un renforcement de la lutte contre la fraude : le travail interministériel que nous menons vise justement à éviter le fonctionnement en silos, par structure ministérielle, chancellerie, ministère de l’intérieur, ministère de l’économie, des finances et de la relance. Tout cela va plutôt dans le sens que vous appelez de vos vœux.

M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 535 rectifié est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Il y a deux parties dans cet amendement. J’ai bien compris ce qu’il en était concernant la première partie. Restent deux alinéas : « L’Agence de service et de paiement peut effectuer tout contrôle par l’intermédiaire de tout agent habilité. » et « Les paiements sont immédiatement suspendus en cas de présomption de fraude. » Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que tel sera bien le cas ?

Ces alinéas ne figurent pas dans le texte. Peut-on envisager de supprimer le premier alinéa et de voter sur les suivants ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. J’arrive aux limites de mes compétences.

Pour ce qui concerne le contrôle, ce sont les inspections du travail qui sont notamment mobilisées. Pour ce qui concerne le paiement, comme il s’agit de contrôles a posteriori, l’argent qui a été indûment versé, premièrement, fait l’objet d’un rappel et, deuxièmement, par construction, puisqu’il y a fraude, l’entreprise ne peut plus bénéficier du chômage partiel. A priori, donc, l’ASP suspend ses paiements, puisque, la fraude étant caractérisée, les éléments qui déclenchent le paiement font désormais défaut.

Y a-t-il automaticité ? Si vous avez fraudé sur M. Paul, êtes-vous fondé à demander le remboursement de l’indemnité versée à M. Henri ? Je pense que ce dernier remboursement, en revanche, est maintenu.

M. le président. Madame Goulet, que décidez-vous ?

Mme Nathalie Goulet. Je retire cet amendement au profit de ceux qui vont suivre.

M. le président. L’amendement n° 535 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 241 rectifié quater est présenté par Mmes N. Goulet et Lavarde, MM. Delahaye, Louault, Mizzon, Détraigne et Guerriau, Mmes Guidez et Férat, MM. Lefèvre et Saury, Mme Goy-Chavent, M. Savin, Mmes Vermeillet, Vullien, Billon et Kauffmann, MM. Bouchet, Canevet, Delcros, Bazin, Le Nay, Moga et Lafon, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mmes Garriaud-Maylam et Saint-Pé, MM. Longeot et Marseille et Mmes Morin-Desailly et Sollogoub.

L’amendement n° 945 est présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Le versement de l’indemnisation au titre du placement en position d’activité partielle de salariés mentionnée à l’article 2 du décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle est subordonné à la consultation du fichier national des comptes bancaires et au contrôle du greffe du tribunal de commerce.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 241 rectifié quater.

Mme Nathalie Goulet. Compte tenu des 1 740 opérations frauduleuses qui ont déjà été identifiées, au nom de 1 069 sociétés différentes demandant des versements de fonds sur plus de 170 comptes bancaires différents, notamment des comptes domiciliés à l’étranger, je vous propose, dans la lignée du précédent amendement, que le versement de l’indemnisation au titre du placement de salariés en position d’activité partielle soit subordonné à la fois à la consultation du Ficoba et au contrôle du greffe du tribunal de commerce.

Qu’un tel versement soit effectué sur un compte bancaire à l’étranger, ça me semble quand même un peu curieux. Par ailleurs, il arrive aussi que la fraude passe par de faux relevés d’identité bancaire.

Vous le savez, le Premier ministre m’avait confié, ainsi qu’à Carole Grandjean, une mission sur la fraude sociale. Nous avions rencontré exactement le même type de dispositifs avec les entreprises éphémères. Ces dispositifs sont connus et largement condamnés, notamment par Tracfin, qui les a décortiqués. En conséquence, je pense que nous pourrions au moins inscrire dans la loi cette obligation de consultation du Ficoba et du greffe, afin que l’on sache si la société existe avant de verser les indemnités. Vu les montants considérés, s’il y a 2 % ou 3 % de fraude, cela fait des sommes extrêmement importantes.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 945.

M. Pascal Savoldelli. Il faudrait vraiment voter ces amendements. Il y va en effet de l’utilisation de l’argent public.

Nous avons été unanimes, ici, à soutenir le Gouvernement lors de la mise en place du chômage partiel à la suite du confinement et de l’arrêt des activités. Mais, selon les chiffres mêmes du Gouvernement, un tiers des entreprises, quand même, sont suspectées de fraude ! Nous demandons donc que le versement des fonds soit subordonné à la consultation du fichier national des comptes bancaires et au contrôle du greffe du tribunal de commerce. L’essentiel de la fraude, en effet, se fait sur les numéros Siret.

Elle a raison, Mme Goulet : on connaît en grande partie la méthode utilisée. Il faut donc se doter d’outils de contrôle et de vigilance. Cela n’empêche pas la mise en œuvre d’autres dispositifs, mais il y va quand même, je le répète, de l’utilisation de l’argent public et d’un dispositif dont, déjà, un tiers des entreprises bénéficiaires ont été suspectées de fraude !

Nous allons peut-être avoir un débat, dans les semaines ou dans les mois à venir, sur l’arrêt ou la poursuite du chômage partiel. Nous avons donc tout intérêt à nous donner les garanties de son contrôle – c’est le minimum – avant d’éventuellement donner suite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut concilier deux objectifs : l’efficacité – tout dispositif de contrôle préalable ralentirait le processus ; or il y a des entreprises qui ne peuvent pas attendre – et la lutte contre la fraude.

Très clairement, si le contrôle est un contrôle préalable manuel, par le greffe, j’y suis opposé. En revanche, peut-être est-il possible d’automatiser une consultation du fichier national des comptes bancaires et assimilés en rendant les traitements informatiques un peu plus performants. Je m’étonne – je ne sais pas si c’est vrai ; je ne l’espère pas – qu’on puisse faire de tels versements sur des RIB de comptes étrangers sans que ça suscite une alerte : ça pose quand même problème…

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je suis d’ailleurs étonné de l’incompatibilité des logiciels avec certains types de matériel informatique – je pense à une grande marque dont le logo est une pomme. Le système n’est pas toujours très performant…

Concrètement, s’il s’agit de procéder à des croisements automatisés permettant de vérifier le numéro Siret ou l’inscription au registre du greffe, c’est-à-dire l’existence de l’entreprise, de contrôler que l’entreprise est à jour de ses obligations ou de consulter le Ficoba, il faut le faire. Si, en revanche, les vérifications nécessitent des opérations manuelles et un contrôle préalable, cela risque de ralentir le processus. Il vaut mieux des contrôles a posteriori.

Nous pourrons toujours retravailler les amendements au cours de la navette ; je pense en tout cas que, à plus de 30 milliards d’euros de chômage partiel, la question mérite qu’on s’y arrête un instant. Même s’il y a 1 % ou 2 % de fraude, imaginez les sommes ! C’est une question à la fois de morale publique et de finances publiques.

M. Pascal Savoldelli. Très bien ! Vous avez raison !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je ne suis pas certain que ces amendements soient directement opérationnels, mais la question mérite qu’on l’étudie et qu’on essaie d’automatiser les contrôles. Sagesse, donc.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Nous partageons totalement l’objectif ici exposé. Je vais juste corriger un point : ce ne sont pas 30 % des entreprises bénéficiaires qui sont fraudeuses, mais 30 % des entreprises – un peu moins, d’ailleurs – qui ont été contrôlées.

M. Pascal Savoldelli. Qui ont été suspectées !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En règle générale, quand vous faites un contrôle, vous essayez un tout petit peu de le cibler : vous allez chercher là où vous avez une chance de trouver – ça paraît logique… Forcément, le taux de fraude sera plus élevé que celui que vous trouveriez si vous cherchiez dans l’ensemble de la population. Attention, donc, à ne pas caricaturer : je ne pense pas, ni ne souhaite, d’ailleurs, qu’une entreprise sur trois ait fraudé au chômage partiel.

Il existe déjà, par ailleurs, un arsenal de contrôles à notre disposition. Nous l’utilisons en nous appuyant notamment sur des moyens informatiques qui ne passent pas nécessairement par le Ficoba.

Ce qui m’embête dans la disposition que vous proposez, madame Goulet, c’est qu’elle consiste en un contrôle ex ante et en une vérification d’éléments qui sont vérifiables par ailleurs, de manière plus souple et plus rapide. L’enjeu est d’éviter un goulet d’étranglement pour les entreprises qui font bien les choses, sachant que l’effet serait à peu près identique par rapport à la situation où on laisse, tout simplement, les contrôles se faire.

Pour des raisons de demande massive de chômage partiel, nous sommes passés, vous le savez, d’un contrôle a priori, préalable à l’autorisation, à un contrôle a posteriori : nous autorisons les entreprises avant de les contrôler. Nous revenons maintenant à un nombre de demandes qui nous permet de remettre en place des contrôles a priori ; mais ne surchargeons pas administrativement ces contrôles.

Ces contrôles seront faits, de manière sérieuse : une lutte contre la fraude est bien en place. Se prémunir collectivement contre la fraude ne veut pas dire créer plein de procédures administratives, dont certaines seront non seulement d’une maigre utilité, mais bloqueront l’accès d’entreprises qui en ont besoin au chômage partiel.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.

M. Philippe Dallier. Tout le monde ici sera d’accord, évidemment, pour contrôler le plus possible et lutter contre la fraude, surtout en cette période. Ce qui me surprend, néanmoins, c’est qu’on se sente obligé d’écrire dans la loi qu’il faut aller consulter tel ou tel fichier : ça paraît surréaliste ! (Mme la ministre déléguée approuve.)

L’administration n’utilise peut-être pas toujours la bonne procédure ; peut-être faut-il lui en suggérer une autre. Mais nous allons, nous, jusqu’à inscrire dans la loi « voilà ce qu’il faut faire : tel fichier d’abord, tel autre ensuite » ! Cela me semble assez révélateur de la manière dont fonctionne ce pays : on se sent toujours obligé de tout écrire dans la loi, en tout cas beaucoup trop de choses, alors qu’on pourrait certainement régler différemment de tels problèmes.

Nous pouvons bien, dans nos débats ou ailleurs, suggérer à l’administration de travailler différemment, sur la foi des contrôles que nous effectuons, qui sont, pour ce qui concerne la commission des finances, des contrôles budgétaires. Quant à inscrire de telles précisions dans la loi, ça me perturbe : ça ne devrait pas relever de la loi.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est réglementaire !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Même pas !

M. Philippe Dallier. Ou alors, jusqu’à quel niveau de détail devrons-nous descendre ? Irons-nous jusqu’à écrire qu’il ne faut pas utiliser du matériel Apple, mais tel ou tel autre type d’appareil ? Tout cela m’étonne beaucoup.

M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

M. Fabien Gay. Il y a plusieurs formes de fraudes : celle qu’ont évoquée nos collègues Nathalie Goulet et Pascal Savoldelli sur les numéros Siret, par exemple, et une fraude massive sur le recours au chômage partiel pour les salariés. En l’espèce, je ne mets pas à égalité toutes les entreprises : je suis convaincu que certains petits chefs d’entreprise n’avaient jamais été confrontés à cette question et étaient persuadés qu’on pouvait recourir au chômage partiel et continuer à faire travailler ses salariés.

M. Fabien Gay. Le problème, c’est que de grandes entreprises l’ont fait également. On parle de 30 % de suspicion : dans le lot, on trouve tous ces cas différents.

Madame la ministre, je peux vous citer des noms d’entreprises dont les commerciaux ont été mis au chômage partiel tout en continuant à démarcher des clients et à répondre au téléphone. On appelle ça une fraude au chômage partiel !

M. Philippe Dallier. On est d’accord, mais le problème n’est pas là !

M. Fabien Gay. On s’apprête à prolonger le dispositif, avec un chômage partiel de longue durée ; nous pensons que c’est une bonne chose, et nous avons, en la matière, des propositions – nous pensons par exemple qu’il faut davantage renforcer le volet formation, et nous aurons ce débat avec vous. Mais n’oublions pas que le chômage partiel coûte 30 milliards d’euros, pour un million d’entreprises et 12 millions de salariés. Il y a la fraude « fiscale », mais il y a la fraude au travail. Il faut que les inspections du travail puissent réaliser les contrôles.

Madame la ministre, mes chiffres sont un peu différents des vôtres concernant ce qu’avait annoncé Muriel Pénicaud. Vous avez raison : 3 000 contrôles effectués au 30 juin, 850 cas – un tiers de fraude : on y est. Elle avait fait état de 12 000 contrôles en cours et d’un objectif de 50 000 contrôles avant la fin de l’été. Sommes-nous en capacité, oui ou non, de tenir cet objectif ? Comment allons-nous faire au cours des dix-huit prochains mois ? Allez-vous donner aux inspections du travail assez de pouvoir pour contrôler ce chômage partiel de longue durée ?

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Mme Sophie Taillé-Polian. M. Gay a tout à fait raison ; il y a bien deux aspects : la fraude au dispositif et ce qu’il faut bien appeler, tout simplement, le travail dissimulé. Ce que proposent Mme Goulet et M. Savoldelli va vraiment dans le bon sens : il y a quand même eu une dérive très nette quand on a automatisé l’acceptation de la demande.

On a désormais un peu plus de temps ; il faut mettre ce temps à profit, que tout le monde sache qu’on ne peut pas faire une demande sans être soumis à un certain nombre de vérifications. On sait qu’il y a des gens qui vont essayer de passer entre les mailles du filet – je ne sais pas si ce qu’ils font est « indélicat » ou « inapproprié » ; je trouve, moi, que c’est purement scandaleux. Il faut donc renforcer les services qui, au sein des Direccte, gèrent cela.

Mme Pénicaud me l’avait indiqué, 300 à 400 vacataires ont été embauchés au titre des opérations de contrôle. À mon sens, il faut pérenniser ce dispositif.

Il faut aussi renforcer l’inspection du travail : comme l’a dit M. Gay, le travail dissimulé est vraiment difficile à mettre au jour. Cette pratique peut concerner tel salarié et ne pas concerner tel autre. Mais ces fraudes ont été, hélas, pratiquées à grande échelle. Nous en avons tous entendu des exemples autour de nous, et la presse s’en est fait l’écho : on a demandé à certaines personnes de travailler quand même, un peu ou beaucoup, depuis chez elles. Beaucoup de salariés ont été absolument scandalisés par ces pratiques.

Il faut donc à la fois pérenniser les emplois de vacataires créés et peut-être augmenter leur nombre, renforcer les contrôles a priori – je soutiendrai les amendements en ce sens – et accroître les effectifs de l’inspection du travail, d’autant que ce dispositif de recherche du travail dissimulé sera pérennisé. Ne vous inquiétez pas : même si le chômage partiel diminue, les inspecteurs du travail ne manqueront pas de missions à accomplir, qu’il s’agisse de l’égalité femmes-hommes, des conditions de travail, de la santé ou de la sécurité. L’augmentation du nombre d’inspecteurs du travail sera forcément utile.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous avons atteint un rythme de soixante-huit amendements à l’heure, ce qui est un record : il me semble que nous pouvons encore consacrer quelques minutes à ce sujet…

L’observation de Philippe Dallier est tout à fait juste.

Mme Nathalie Goulet. Toutefois, en lisant ce qu’a indiqué le parquet en ouvrant les procédures, le législateur peut légitimement s’inquiéter.

La découverte de « similitudes entre de nombreuses demandes d’autorisation d’activité partielle déposées par des entreprises » a éveillé les soupçons. Vu l’ampleur de la fraude et des ramifications internationales révélées par les premières investigations, le parquet s’est saisi des dossiers au titre de sa compétence nationale en matière de lutte contre la criminalité organisée, d’autant que les virements étaient montés depuis l’étranger. Il faut bien croire que le fichier national des comptes bancaires n’avait pas été vérifié !

Selon une source proche du dossier, les enquêteurs soupçonnent « une organisation criminelle d’avoir monté une fraude depuis l’étranger ». Cela signifie que le contrôle n’a pas été fait : il faut bien que le législateur s’en mêle, car, a priori, il y a tout de même un petit problème…

Au cours des premières investigations, la justice a découvert des « demandes frauduleuses de versement d’indemnités » par télédéclaration, « en usurpant la raison sociale et le numéro d’identification Siret d’entreprises existantes qui ne demandaient pas à bénéficier » de ces aides.

Vous voyez bien où est la difficulté : on peut tout à fait retirer ces amendements et renoncer à faire quoi que ce soit…

M. Philippe Dallier. L’administration fera tout de même quelque chose !

Mme Nathalie Goulet. Mon cher collègue, bien sûr, l’administration doit agir ! Cela étant, je n’ai pas l’intention de retirer mon amendement, d’autant que le problème en question se pose dans d’autres domaines ; je pense à la fraude aux prestations, ou encore à la fraude au carrousel. On retrouve toujours les mêmes stratagèmes, et, vous le savez mieux que moi, par exemple pour ce qui concerne la fraude à la TVA : pour exploiter un système existant, la créativité des fraudeurs n’a pas de limites !

Ces fraudes représentent beaucoup d’argent et elles privent d’aides des personnes qui en auraient vraiment besoin. Il n’est tout de même pas inutile d’y passer une minute pour tenter d’obtenir, de l’administration et du Gouvernement, les mesures nécessaires pour essayer de les endiguer ! (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, que les choses soient bien claires : le dispositif de chômage partiel d’urgence, nous l’avons enclenché ensemble, après votre vote, en assumant le fait de déplacer le contrôle a posteriori.

M. Fabien Gay. On n’avait pas le choix !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. On n’avait pas le choix : merci de le dire !

Par construction, on n’a pas pu contrôler a priori, puisqu’on a fait le choix d’un contrôle a posteriori.

À présent, nous menons des contrôles a posteriori et, puisque nous avons davantage de capacités pour examiner les nouvelles demandes, nous faisons de plus en plus de contrôles a priori. L’administration ne reste pas les bras croisés à attendre que les fraudeurs nous fassent les poches : ce n’est pas notre intérêt ! (M. Philippe Dallier opine.) Les personnels sont sur le terrain. Comme l’ont très bien souligné M. Gay et Mme Taillé-Polian, c’est Muriel Pénicaud qui a organisé le recrutement de vacataires pour accélérer les opérations de contrôle.

En outre, le sujet le plus sensible, en tout cas celui qui remonte le plus souvent, ce n’est pas la fraude au numéro Siret, même si elle est tout à fait condamnable et doit évidemment être pourchassée : c’est le cas de personnes en télétravail à la maison, mais déclarées en chômage partiel auprès de la Direccte.

M. Fabien Gay. C’est le travail dissimulé !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. C’est le cas du commercial qui continue à appeler ses clients : voilà ce qui représente le plus grand volume de fraudes.

Mme Sophie Primas. Absolument !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. Vous pouvez faire tous les contrôles Ficoba que vous voulez en mobilisant les greffes de tribunaux : ce n’est pas ce qui vous permettra de surprendre ces fraudeurs !

Je rejoins donc ce qui vient d’être dit. L’administration contrôle. On lui reproche d’ailleurs parfois de trop contrôler…

Mme Sophie Primas. Pas dans ce cas !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. En pareil cas, elle contrôle avec tous les moyens qui sont à sa disposition. C’est pourquoi nous organisons, à l’échelon interministériel, la lutte contre la fraude de façon à pouvoir utiliser tous les leviers disponibles, qu’ils relèvent de l’informatique ou du renseignement, ou qu’ils soient économiques et financiers. L’objectif, c’est que les fraudes ne se reproduisent pas.

Je vous le rappelle, lorsque des cas de fraude sont révélés, non seulement le fraudeur doit reverser les aides indûment perçues, mais il se voit infliger une interdiction de bénéficier pendant cinq ans d’aides publiques. Aussitôt, le versement des aides s’arrête : il n’y a pas besoin d’inscrire de telles dispositions dans la loi. Enfin, s’y ajoutent des sanctions pénales, ce qui n’est pas illégitime.

M. le président. Mes chers collègues, deux autres orateurs ont demandé la parole sur ces amendements. Il ne s’agit pas d’un petit sujet, mais nous en débattons tout de même depuis vingt minutes, alors que nous avancions auparavant à un bon rythme.

Il y a quelques instants, on m’a demandé à quelle heure nous finirions l’examen de ce texte : je vous indique simplement qu’a priori il est prévu d’ouvrir la séance de demain si nous n’avançons pas plus vite.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

M. Jean-Yves Leconte. Je serai très bref.

Effectivement, on n’avait d’autre choix que d’opter pour le contrôle a posteriori. Il s’agissait d’une démarche de confiance, d’une part, envers les entreprises et, d’autre part, entre le Parlement et le Gouvernement : nous sommes tous d’accord.

Toutefois, ce qui heurte le sens commun, c’est que certains demandeurs sollicitent des virements vers des comptes à l’étranger tout en se présentant comme des entreprises françaises. Nous n’aurions pas imaginé que l’administration puisse laisser passer de telles demandes : ces fraudes sont absolument étonnantes, et même franchement choquantes ! Sur ce point, l’administration a fauté.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Mme Sophie Primas. Il s’agit là d’une question majeure, qui relève de la morale : alors que de graves difficultés économiques se profilent, les entreprises ne peuvent pas jouer à frauder aux dépens du chômage partiel. Nous devons être extrêmement clairs.

Cela étant – je rejoins Philippe Dallier –, telle qu’elle est organisée aujourd’hui, l’administration est très motivée pour courir après la fraude. Il faut lui laisser un maximum de flexibilité : elle doit disposer de tous les outils nécessaires, même ceux auxquels nous, législateur, pourrions ne pas penser.

L’ensemble des services doivent pouvoir travailler, y compris les administrations déconcentrées, à l’échelle des départements, pour débusquer la fraude de la manière la plus intelligente et la plus adéquate possible. (Mme la ministre déléguée opine.)

Enfin, monsieur Gay, je suis moins manichéenne que vous : il n’y a pas, d’un côté, des gros qui fraudent sciemment et, de l’autre, des petits qui trichent sans le savoir… En tout cas, je connais de petites entreprises qui trichent !

M. Fabien Gay. Vous êtes encore plus dure que moi !

Mme Sophie Primas. À ces chefs d’entreprise, je dis exactement ce que Mme la ministre vient de rappeler. Non seulement ils devront rembourser les fonds injustement perçus et seront privés de toute aide publique pendant cinq ans, mais ils s’exposent à des sanctions pénales : qu’ils se le tiennent pour dit !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 241 rectifié quater et 945.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Fabien Gay. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 236 rectifié quater, présenté par Mmes N. Goulet et Lavarde, MM. Delahaye, Louault et Mizzon, Mme N. Delattre, MM. Delcros, Détraigne et Guerriau, Mmes Guidez et Férat, MM. Lefèvre et Saury, Mme Goy-Chavent, M. Savin, Mmes Vermeillet, Vullien, Billon et Kauffmann, MM. Bouchet, Canevet, Bazin, Le Nay, Moga, Lafon et Gabouty, Mmes Garriaud-Maylam et Saint-Pé, M. Longeot, Mme Morin-Desailly, M. Marseille et Mme Sollogoub, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales assurent le contrôle du versement de l’indemnisation au titre du placement en position d’activité partielle de salariés mentionné à l’article 2 du décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. L’amendement est défendu : c’est la même idée que précédemment.

M. le président. L’amendement n° 932 rectifié, présenté par MM. Savoldelli et Bocquet, Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

…. - Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale assurent le contrôle du versement de l’indemnisation au titre du placement en position d’activité partielle des salariés mentionnés à l’article 2 du décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle.

La parole est à M. Fabien Gay.