Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales -  Médias, livre et industries culturelles - Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Compte de concours financiers : Avances à l'audiovisuel public - État D (début)

Mme la présidente. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », figurant à l’état B.

ÉTAT B

(En euros)

Mission / Programme

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

Médias, livre et industries culturelles

625 287 989

606 489 591

Presse et médias

288 559 363

288 559 363

Livre et industries culturelles

336 728 626

317 930 228

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° II-694, présenté par M. Assouline, Mme S. Robert, MM. Kanner et Antiste, Mme Lepage, MM. Lozach et Magner, Mme Monier, M. Stanzione, Mme Van Heghe et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

3 500 000

 

3 500 000

 

Livre et industries culturelles

 

3 500 000

 

3 500 000

TOTAL

3 500 000

3 500 000

3 500 000

3 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Comme cela a été souligné dans quelques interventions, les radios locales associatives ont été les oubliées du plan de relance. Alors que les 680 radios de territoire en France métropolitaine et outre- mer, à statut associatif le plus souvent, ont poursuivi et renforcé leurs programmes au bénéfice de leurs auditrices et des leurs auditeurs, des services de l’État, dans des conditions budgétaires dramatiques, aucun geste n’a été fait en leur direction. Pourtant, ils ont été unanimement salués, y compris par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et le ministère de la culture.

Ce travail de terrain lors du premier confinement a permis de maintenir le lien social dans les quartiers, les campagnes, auprès de travailleurs indépendants et des petites entreprises durement impactés.

Une augmentation du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), d’un montant de 1 million d’euros, est prévue pour 2021, mais, comme vous le savez, elle est spécifiquement destinée à compenser l’augmentation du nombre de services autorisés, notamment en radio numérique terrestre, ou DAB. Cette augmentation limitée, qui équivaut à 1 500 euros par radio, ne prend pas en compte l’impact dramatique de la crise sanitaire.

Je veux donc plaider dans cet hémicycle, où nous représentons les territoires, pour ces radios territoriales qui maillent le territoire et qui ont été lourdement touchées par la crise sanitaire. Elles ont pourtant été très utiles, parce qu’il fallait créer du lien, du réseau, passer des messages. Les gens étant obligés de rester chez eux, ils écoutaient plus la radio. Elles ont rendu un service, mais elles sont absentes du plan de relance.

On s’est demandé comment faire, puisque l’on est dans le cadre d’un exercice contraint, où il faut dire où l’on prend l’argent si l’on veut le redonner. Le choix, selon nous le meilleur, s’est porté sur le budget de la Hadopi. Je n’irai pas jusqu’à dire sur quelle mission de cet organisme, parce qu’elles sont toutes essentielles. En effet, le piratage est un fléau et il ne faut pas baisser la garde. Mais la mort de la Hadopi est déjà programmée. On a même prolongé le mandat de ses membres, parce qu’on nous a dit qu’elle allait fusionner avec le CSA. Finalement, il n’y a pas de fusion, puisqu’il n’y a pas encore de loi audiovisuelle, mais la fin de la Hadopi étant toujours annoncée par la ministre elle-même, c’est là que l’on peut faire porter le plus facilement l’effort pour remplir de joie ces radios qui ont rendu de fiers services et qui en ont bien besoin.

Mme la présidente. L’amendement n° II-855, présenté par M. Bilhac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

3 500 000

 

3 500 000

 

Livre et industries culturelles

 

3 500 000

 

3 500 000

TOTAL

3 500 000

3 500 000

3 500 000

3 500 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit notre collègue David Assouline. Je partage tout à fait ses propos sur l’importance de ces radios locales associatives implantées dans nos territoires, dans nos quartiers. Elles sont en lien avec tout le tissu associatif, culturel, sportif, institutionnel. Elles sont la voix des territoires. Cette somme relativement modeste qui est demandée pour leur permettre de survivre me semble nécessaire aujourd’hui.

Mme la présidente. L’amendement n° II-837 rectifié, présenté par Mme de Marco, MM. Dossus et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

 1 300 000

 

1 300 000 

 

Livre et industries culturelles

 

 1 300 000

 

1 300 000 

TOTAL

1 300 000

1 300 000

1 300 000

1 300 000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Cet amendement vient aussi en soutien des radios associatives. Pour nous, c’est plus modeste : on retire 1,3 million d’euros à la Hadopi, somme qui correspond à une ligne budgétaire d’envoi de lettres aux internautes et au coût des différentes études censées prouver l’efficacité du dispositif.

Ainsi, les sanctions prononcées par la Hadopi pour l’année 2021 par l’envoi de lettres seraient suspendues. L’outil Hadopi est de plus en plus obsolète et dépassé. En effet, l’industrie culturelle s’est adaptée à l’usage des internautes, comme je l’ai déjà dit, et elle se tourne de plus en plus vers des plateformes de streaming légal sans avoir besoin de la menace de sanctions de la Hadopi. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a déclaré en février 2021 contraires à la Constitution les pouvoirs que la loi a donnés à la Hadopi pour identifier les personnes qui partagent les œuvres sur internet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Sur les trois amendements, la commission des finances est réservée. Nous allons demander l’avis du Gouvernement. Pourquoi ? Tous les orateurs ont dit que beaucoup d’efforts avaient déjà été faits par les LFR et par le budget 2021. Sur l’expression radiophonique, la LFR 3 a ajouté 30 millions d’euros. Normalement, cette somme est accessible aussi bien aux radios commerciales qu’aux radios associatives. Si tel est le cas, je dois reconnaître que je ne vois pas bien pourquoi rajouter 3,5 millions d’euros. Si tel n’est pas le cas, l’avis de la commission évoluera plutôt en faveur de l’amendement à 3,5 millions d’euros, à une réserve près : l’amendement ne serait acceptable que si le Gouvernement levait le gage, puisqu’on ne peut pas dire que l’on va mettre à mort la Hadopi comme cela, au détour d’un amendement. Il faudrait peut-être un vrai débat pour faire autrement que ce que nous faisons aujourd’hui à minuit. Ce n’est pas ainsi que l’on fait la loi. Cette réserve vaut pour les autres amendements, d’autant que l’un d’eux porte sur le livre, ce qui n’est guère mieux.

En résumé, soit le Gouvernement nous dit que les 30 millions d’euros de la LFR 3 sont facilement accessibles aux radios associatives, et la commission émettra un avis défavorable sur les amendements ; soit le Gouvernement nous dit que c’est plus compliqué pour les radios associatives que pour les radios commerciales, et nous donnerons alors un avis de sagesse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Bien sûr, comme vous tous, je salue le rôle structurant des radios d’initiative locale, qui jouent un rôle social remarquable sur l’ensemble de nos territoires. C’est pourquoi il a été décidé plusieurs mesures exceptionnelles en leur faveur.

Pour répondre très clairement à M. le rapporteur spécial Roger Karoutchi, il est vrai que les radios associatives ne sont pas éligibles au dispositif spécifique du fonds de soutien à la diffusion que vous signalez, mais le Gouvernement a souhaité renforcer de manière pérenne les crédits du FSER, que vous connaissez bien, en portant sa dotation dans le PLF 2021 à 32 millions d’euros, soit une augmentation de 1,25 million d’euros par rapport à 2020. C’est un niveau historiquement élevé.

De plus, pour le calcul des aides versées au titre du FSER en 2021, un assouplissement des critères permettra de tenir compte des circonstances particulières qu’ont subies les radios pendant la crise sanitaire de 2020.

Enfin, vous avez voté, dans le cadre de la LFR 4, la création d’un fonds à destination des petites structures de l’économie sociale et solidaire, doté de 30 millions d’euros, et qui sera activé en début d’année prochaine.

Je travaille très activement avec la secrétaire d’État Olivia Gregoire pour que ce fonds bénéficie aux radios associatives. Vous allez retrouver votre argent, cher Roger Karoutchi, de cette façon.

Ces structures font l’objet de toute l’attention du Gouvernement, et je rappelle le rôle fondamental qu’elles jouent en tant que médias de proximité. Les échanges continuent entre les services du ministère de la culture et les représentants du secteur pour mieux accompagner ces structures sur nos territoires. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à ces trois amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour explication de vote.

M. Jean-Raymond Hugonet. Je vais soutenir et voter l’amendement de notre collègue Assouline. N’allez pas voir dans ce geste une quelconque nostalgie de l’époque de la création de NRJ, avec Jean-Paul Baudecroux et Jean-Pierre d’Amico, rue du Télégraphe, ou une déclaration d’amour du cinéphile que je suis à Good Morning England, ce merveilleux film.

Tout simplement, on l’a vu, et notamment pendant la période de crise, ces radios, que l’on ne doit pas considérer comme de la valetaille,…

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Il ne s’agit pas de cela !

M. Jean-Raymond Hugonet. … sont essentielles. J’en connais bien une, d’ailleurs, et je la salue : il s’agit de radio Terre de Mixes, dont les animateurs doivent nous écouter ce soir. Elle est située dans la capitale du Hurepoix, en Essonne, c’est-à-dire Limours, que tout le monde connaît…

J’atteste clairement de leur utilité, puisque leur radio est située entre un collège et un lycée, et que l’on y apprend aux jeunes, aussi, ce que l’on a oublié d’apprendre dans notre pays : ce qu’est une Nation ; ce qu’est la démocratie ; ce qu’est le respect des uns et des autres.

Rien que pour cela, et sachant les moyens limités avec lesquels ils se débattent, je soutiendrai très volontiers cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Mme Victoire Jasmin. Dans les outre-mer, les radios locales jouent un rôle important. Le Sénat a fait en 2018 un rapport sur les risques naturels majeurs et il y a pointé le rôle essentiel à cet égard des radios à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy.

De façon générale, en Guadeloupe et dans toutes les collectivités d’outre-mer, je le répète, les radios locales jouent un rôle important, notamment pour la traduction, parce que ce sont des territoires où cohabitent des populations de nombreuses nationalités, parlant plusieurs langues.

Ces radios ont la possibilité de traduire et de compléter les messages de prévention adressés par les chaînes nationales et les chaînes en français.

D’autre part, pendant le confinement, une radio a travaillé avec des enseignants de l’éducation nationale dans le rectorat de Guadeloupe pour prendre en compte les difficultés des familles, beaucoup d’entre elles ne pouvant pas suivre les travaux d’enseignement à distance organisés par les établissements. Sachez que cette radio, appelée Bel’Radio, a joué un rôle essentiel, tous les jours en Guadeloupe, pour aider les familles, et particulièrement certaines familles ayant des enfants allophones, qui n’ont pas le français comme langue maternelle.

Je ne sais pas de quels moyens vous allez pouvoir disposer, parce que vous avez déjà fait un certain nombre d’annonces, mais il est important pour nos territoires de mettre en place une aide pour les différentes radios, qui sont très nombreuses, c’est vrai.

Il faut également savoir que, pendant que l’on égrenait le nombre de morts dans les Ehpad, sur tout le territoire national, ces radios ont joué un véritable rôle « anxiolytique » pour nos compatriotes ultramarins face ce qui se passait un peu partout dans le monde, y compris sur le territoire national, alors que nous n’étions pas encore impactés par les difficultés que nous avons connues, certes, plus tard.

Le rôle des radios est primordial pour la prévention de tous les risques, qu’ils soient naturels ou sanitaires, mais également en matière de pédagogie, pour aider les familles qui se trouvent souvent dans des zones blanches en ce qui concerne l’accessibilité aux réseaux numériques. Cela a été souligné dans un rapport du Défenseur des droits sur les outre-mer.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mme la ministre a répondu à notre rapporteur spécial à propos de la non-éligibilité de ces radios au Fonds de soutien à l’expression radiophonique. L’adoption de mon amendement s’en trouve d’autant plus justifiée.

Cet amendement a été déposé dans le même esprit que ceux qui suivent, mais sous une forme différente. Je ne dis pas qu’il faut empêcher la Hadopi d’envoyer les lettres d’avertissement, qui ont au moins une valeur pédagogique. En effet, le piratage ne peut pas être justifié.

Il serait injustifiable de croire que les auteurs et les créateurs qui subissent déjà la violence inouïe des géants du numérique, les Gafam, devraient être livrés à eux-mêmes parce que l’on n’a pas de solution à leur offrir. À une autre époque, on pouvait encore arguer de l’absence d’offre commerciale de substitution, ou de sa cherté ; aujourd’hui, il faut plutôt parvenir à construire un système, analogue à ce qui existe ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, qui permette de décourager le piratage.

Je suis donc loin d’encourager le piratage. Je dis simplement que ces radios associatives remplissent un rôle fondamental. J’aurais aimé que l’on pense à elles dans le plan de relance ; cela n’a pas été le cas. L’examen de cette mission budgétaire constitue donc la dernière session de rattrapage.

Il faut vous dire, madame la ministre, que faire de la radio ou de la télévision nécessite aujourd’hui des techniques qui coûtent fort cher ! Le secteur associatif bricole, mais il doit tout de même en passer par une masse incompressible d’investissements.

Très souvent, le travail de ces animateurs est ensuite bénévole plutôt que salarié, parce que tout l’argent passe dans la technique. C’est pourquoi il faut les aider : il faut aider tous ceux qui, sur notre territoire, dans une situation aussi dramatique que celle que nous subissons aujourd’hui, font un effort de citoyenneté et de lien social.

Grâce à eux, il y a autre chose à voir et à écouter que ce que déversent ceux qui en ont les moyens, par les réseaux sociaux, les chaînes de télévision, ou d’autres grands supports ; rappelons que les principales chaînes sont aujourd’hui tenues par de grands groupes, par des milliardaires. Heureusement, il est des hommes et des femmes qui, sur leur territoire, font un travail patient : il faut absolument proclamer que ce travail est positif, qu’il incarne la République au plus près des gens.

Aussi, offrons-leur au moins 3,5 millions d’euros ! On a bien trouvé 100 milliards d’euros pour la relance ! C’est le geste minimum que je demande dans cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je voterai également en faveur de l’amendement qu’a présenté David Assouline et j’invite mes collègues à en faire de même.

Bien entendu, madame la ministre, nous aurions préféré que vous levassiez le gage. Les équilibres qu’il faut trouver en seconde partie d’un projet de loi de finances sont toujours délicats ; il me semble que la proposition de David Assouline est la plus intéressante en la matière. Je soutiens donc cet amendement, parce que ces radios associatives sont dans une situation difficile, et ce pour deux raisons.

Tout d’abord, elles connaissent une baisse réelle de leurs recettes. Ce sont avant tout des radios militantes ; or le confinement les empêche d’organiser les manifestations qui leur fournissent d’ordinaire une grande part de ces recettes. Elles subissent aussi la chute des publicités locales dans ce contexte particulier.

Ensuite, nombre d’entre elles doivent passer au format numérique de diffusion DAB+, sans être financées pour ce faire, contrairement aux nouvelles radios associatives. Il y a là une distorsion qui n’est pas acceptable.

Comme les orateurs précédents l’ont rappelé avec force, ces radios jouent un rôle essentiel dans la vie sociale et la démocratie locale de nos territoires.

Nous avons évoqué un autre point encore, cet après-midi, avec la commission des finances : ces radios jouent dans certains territoires un rôle particulier en faveur de la présence sur les ondes des langues régionales. Ainsi, ces langues peuvent trouver une expression radiophonique importante.

Pour toutes ces raisons, je soutiens cet amendement. À mes yeux, ces radios devraient être éligibles au FSER ; je l’avais d’ailleurs demandé par deux fois en commission. J’avais fait une erreur d’aiguillage la première fois ; cette fois, grâce à David Assouline, j’ai la chance de pouvoir défendre ces radios au bon endroit, toujours avec la même conviction !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Quel dommage que les radios associatives ne soient pas éligibles au FSER…

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Mais elles le sont !

Mme Catherine Morin-Desailly. … et qu’elles n’aient pas bénéficié du plan de relance !

Nous avons tous de telles radios dans nos territoires et nous connaissons pleinement leur rôle et l’importance qu’elles revêtent, notamment dans certains quartiers, où elles contribuent à préserver du lien social et à propager culture et citoyenneté.

Pour pleinement éclairer le débat, je veux souligner combien ces exercices budgétaires sont délicats : on doit toujours prendre à l’un pour donner à l’autre. Il faut pleinement mesurer les enjeux et prendre garde à ce qu’une telle proposition n’envoie pas un signal négatif en matière de piratage. Celui-ci a explosé pendant le confinement.

Lors de la discussion générale sur ces crédits, j’évoquais le manque à gagner occasionné par le piratage en 2019 : quelque 1 milliard d’euros, soit 2 650 emplois perdus. Ajoutons-y, toujours en 2019, 332 millions d’euros de pertes de revenu pour l’État.

Ces chiffres doivent être bien pris en compte. C’est pourquoi je veux mettre en garde ceux qui affirment que l’on peut prendre des crédits à la Hadopi, parce qu’elle disparaîtra bientôt. Non, la Hadopi ne va pas disparaître ; elle doit simplement fusionner avec le CSA, de manière à recréer une entité unique de régulation, qui ne cessera pas de lutter contre le piratage.

Je ne dis pas qu’il ne faut pas aider les radios associatives, bien au contraire ! Simplement, nous nous trouvons face à une difficulté : il faut bien prendre garde à ne pas envoyer des signaux négatifs en nous privant des moyens nécessaires à la lutte contre le piratage. Nous devons prendre en compte l’ensemble des aspects du problème.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Ce débat est passionnant ! En réalité, il n’y a pas de bonne solution. Je comprends très bien la nécessité de ces 3,5 millions d’euros pour les radios associatives.

Je ne suis pas satisfait des gages choisis ; c’est le moins que l’on puisse dire. J’imagine que le Gouvernement ne les lèvera pas, puisqu’il est hostile à ces amendements.

La situation est donc des plus sympathiques : la commission des finances va s’en remettre à la sagesse du Sénat, et nous allons adopter l’un de ces amendements, mais l’Assemblée nationale reviendra sur notre vote, parce que l’on pourra arguer du gage utilisé pour discréditer cette modification de crédits.

Convenez que la situation est quelque peu compliquée : il aurait mieux valu que l’on essayât de trouver un accord entre la Haute Assemblée et le Gouvernement, même si je comprends aussi votre position, madame la ministre.

Cela n’a pas été le cas ; la commission des finances confirme donc son avis de sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot, ministre. J’ai bien entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, tout ce que vous avez dit sur les radios associatives, dites « radios locales ».

L’État aide 700 de ces radios, sur l’ensemble du territoire. Certaines d’entre elles sont très performantes et participent à l’animation des territoires, mais soyons logiques : ce n’est pas le cas de toutes. Il y a de grandes inégalités qualitatives ; plutôt que d’affirmer que les radios associatives, en général, participent à la vie locale avec les qualités que vous leur avez attribuées, il faudrait convenir que, si beaucoup d’entre elles le font, on ne saurait le dire de toutes. Il convient d’examiner au cas par cas le travail qui est véritablement effectué dans ce domaine.

Pardonnez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, mais vous allez affoler ces radios locales ! J’ai entendu dire au moins quatre fois la même erreur : les radios locales ne seraient pas éligibles au FSER. Mais bien sûr que si !

Les radios locales sont bien éligibles au Fonds de soutien à l’expression radiophonique. Il y a dû y avoir confusion avec le dispositif spécifique du Fonds de soutien à la diffusion prévu par la troisième loi de finances rectificative. Si les radios locales écoutent vos propos, que dira-t-on ! Le FSER est exactement l’outil de soutien disponible pour les radios associatives.

Ses crédits sont justement augmentés dans ce projet de loi de finances, à 32 millions d’euros ; c’est tout à fait important. Je l’ai bien dit dans mon propos introductif : les radios locales sont évidemment éligibles au FSER !

M. David Assouline. Je n’ai pas dit le contraire !

Mme Roselyne Bachelot, ministre. Je reconnais que vous ne l’avez pas dit, monsieur Assouline – vous connaissez le dossier –, mais je l’ai entendu dire au moins trois fois dans cet hémicycle. Rendez-vous compte de l’inquiétude qui est suscitée par de tels propos !

Le FSER est précisément le fonds qui soutient ces radios locales. Nous avons largement augmenté ses crédits de manière à accompagner ces radios dans la crise qu’elles traversent. Évidemment, on peut souhaiter encore augmenter les crédits dédiés à ces acteurs, dont nombre sont importants pour le tissu local, mais il faut se demander comment financer cette augmentation.

Je rejoins tout à fait les propos de Mme Morin-Desailly à ce sujet : sabrer les crédits de la Hadopi ne me paraît pas de bonne politique, car son rôle dans la régulation de la protection de la propriété intellectuelle est absolument indispensable. Il ne faudrait pas, au travers d’une action qui peut apparaître tout à fait légitime, se livrer à un travail de déstabilisation d’une institution tout à fait indispensable.

Je souhaite pour ma part qu’une partie des travaux du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique soit reprise dans un texte plus restreint, qui permettra de reprendre ces dispositions de lutte contre le piratage et de se doter d’une institution résultant de la fusion du CSA et de la Hadopi.

Ce projet est sur l’établi ; c’est un chantier extrêmement important, sur lequel les travaux continuent. Nous devions, par le projet de loi initial, transposer les directives européennes en la matière. Nous ne pourrons peut-être pas défendre un texte aussi ambitieux, dans la mesure où le calendrier parlementaire est extrêmement chargé, mais je tiens à ce que de telles dispositions y figurent.

Ce n’est pas au moment où les radios, les télévisions et les créateurs sont menacés de pillage qu’il convient de fragiliser l’institution qui est là pour les protéger !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-694.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos II-855 et II-837 rectifié n’ont plus d’objet.

L’amendement n° II-856, présenté par M. Bilhac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Presse et médias

2 000 000

 

2 000 000

 

Livre et industries culturelles

 

2 000 000

 

2 000 000

TOTAL

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

0

La parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Je ne reviendrai pas sur toute l’utilité des radios locales associatives ; ce serait redondant. J’irai donc droit au fait.

Les radios sont obligées d’émettre à la fois dans le format numérique terrestre DAB+ et sur la bande FM. Les radios que l’on a d’abord autorisées à émettre en DAB+, et qui aujourd’hui doivent émettre en FM, reçoivent une aide d’un montant de 16 000 euros par entreprise,…

M. Julien Bargeton. C’est qu’il reste des crédits !

M. Christian Bilhac. … afin de pouvoir répondre à la demande d’émettre sous les deux formats.

En revanche, celles qui sont depuis longtemps autorisées sur la bande FM et qui doivent aujourd’hui passer au format DAB+ n’ont droit à aucune aide, alors qu’elles doivent dépenser pour ce faire une somme de l’ordre de 12 000 euros.

Je propose donc d’ouvrir des crédits, à hauteur de 2 millions d’euros, visant à permettre aux radios bénéficiaires d’une autorisation d’émettre sur la bande FM qui doivent passer au format DAB+ de répondre à cette obligation.

Pour rendre cet amendement recevable, cette ouverture de crédits serait compensée par une annulation d’un montant équivalent à l’action n° 01 du programme 134.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Je m’étonne que cet amendement soit appelé en discussion après l’adoption de l’amendement n° II-694.

Notre assemblée vient d’ouvrir 3,5 millions d’euros de crédits supplémentaires pour les radios, et celui-ci vise à ouvrir 2 millions d’euros de crédits sur la même ligne : il me semble qu’il aurait dû être considéré comme n’ayant plus d’objet…

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, je sortirais de mes fonctions si je décidais maintenant qu’il ne convient pas de l’examiner !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. J’en conviens, madame la présidente.

Par cohérence avec notre position dans la discussion des amendements précédents, il me faut émettre au nom de la commission un avis de sagesse. Toutefois, le dernier vote positif de notre assemblée m’incite à m’en remettre à la subtilité de la Haute Assemblée, en parlant de « sagesse négative »…

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Roselyne Bachelot, ministre. On peut certes souhaiter des fonds toujours plus importants pour toutes les actions que l’on soutient, mais il convient aussi de rendre des arbitrages entre différentes dépenses et différentes priorités.

Je note que ces 2 millions d’euros seraient prélevés sur les crédits alloués au secteur du livre et de la librairie. Franchement, quand on connaît la crise que traversent les libraires, que l’on soutient à bout de bras, préconiser de prélever une telle somme sur cette action me paraît à tout le moins extrêmement étrange !

L’avis du Gouvernement sur cet amendement est donc défavorable.