compte rendu intégral

Présidence de M. Georges Patient

vice-président

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

Mme Martine Filleul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 42 vicies - Amendements n° II-1454 rectifié bis et n° II-1463 rectifié bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Seconde partie

Loi de finances pour 2021

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Articles non rattachés

Suite de la discussion d’un projet de loi

Seconde partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article 43

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 137, rapport n° 138, avis nos 139 à 144).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des articles non rattachés.

Nous en sommes parvenus à l’article 43.

SECONDE PARTIE (suite)

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE IV (suite)

DISPOSITIONS PERMANENTES

I. – MESURES FISCALES ET MESURES BUDGÉTAIRES NON RATTACHÉES (SUITE)

Articles non rattachés
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Article additionnel après l'article 43 -  Amendement II-1462 rectifié

Article 43

I. – Le chapitre Ier du titre III du livre III du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 331-3 est complété par un l ainsi rédigé :

« l) Pour l’acquisition de terrains nus, bâtis ou aménagés et de gisements artificialisés en vue d’y réaliser des travaux de transformation et, le cas échéant, de dépollution, d’entretien et d’aménagement pour leur conversion en espaces naturels par un département, une commune, un établissement public de coopération intercommunale ou un opérateur public, notamment le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, les établissements publics fonciers ou l’agence des espaces verts de la région d’Île-de-France ; »

2° Après le 9° de l’article L. 331-7, il est inséré un 10° ainsi rédigé :

« 10° Les surfaces annexes, à usage de stationnement, aménagées au-dessus ou en-dessous des immeubles ou intégrées au bâti, dans un plan vertical. » ;

3° Au premier alinéa des articles L. 331-8 et L. 331-41, la référence : « 9° » est remplacée par la référence : « 10° » ;

4° Les 6° et 7° de l’article L. 331-9 sont abrogés ;

5° Les deux premiers alinéas de l’article L. 331-15 sont ainsi rédigés :

« Le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population ou la création d’équipements publics généraux sont rendues nécessaires en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs.

« Les travaux et équipements mentionnés au premier alinéa visent notamment les travaux de recomposition et d’aménagement des espaces publics permettant d’améliorer la qualité du cadre de vie, de lutter contre les îlots de chaleur urbains, de renforcer la biodiversité ou de développer l’usage des transports collectifs et des mobilités actives. »

II. – Les 2° à 5° du I entrent en vigueur le 1er janvier 2022.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l’article 43 prévoit que les recettes de la part « ex-taxe des espaces naturels sensibles » de la taxe d’aménagement puissent être affectées à la renaturation des friches urbaines et sols pollués.

Il s’agit naturellement d’une tâche absolument nécessaire ; le génie écologique est évidemment une piste très intéressante pour atteindre l’objectif du zéro artificialisation nette.

Cependant, la renaturation des friches et leur dépollution sont particulièrement coûteuses et risquent d’absorber une part majoritaire de ces recettes.

Or cette part de la taxe d’aménagement constitue la principale recette affectée à la biodiversité et aux espaces protégés. Leur financement public risque donc de baisser.

Les départements n’ont pas été consultés sur le sujet et sont particulièrement inquiets de cet article 43, comme l’a rappelé l’Assemblée des départements de France (ADF). Ils estiment qu’alors que les dépenses croissantes du revenu de solidarité active (RSA) pourraient déjà rogner le budget alloué aux espaces naturels sensibles, gérés par les départements, le fléchage de cette taxe vers une dépollution urbaine très coûteuse pourrait aspirer une grande partie des ressources dévolues à la biodiversité.

Cela est-il opportun ? Le Président de la République a annoncé, à plusieurs reprises, une augmentation des surfaces protégées en France. La stratégie de l’Union européenne pour la biodiversité et la stratégie nationale des aires protégées prévoient la même chose.

La France s’apprête à accueillir à Marseille le Congrès mondial de la nature et un G20 sur la biodiversité. Doit également se tenir la conférence des parties (COP) de la Convention sur la biodiversité, importante car elle doit fixer les objectifs à 2030. La France a annoncé vouloir y jouer un rôle diplomatique.

Seuls 20 % des sites Natura 2000 sont en bon état de conservation, d’où un risque de contentieux européen, à terme. Les moyens affectés à la protection de la biodiversité sont très faibles en France.

J’ai assisté à un colloque, il y a quelques mois, sur la renaturation. Ce que la science de l’écologie peut faire est sans aucun doute fantastique, mais le coût est exorbitant.

Monsieur le ministre, nous avons besoin d’être rassurés sur le fait que la part de la taxe allant vers la biodiversité sera maintenue. Dans l’enveloppe, le compte n’y est pas.

M. le président. L’amendement n° II-1177 rectifié, présenté par MM. Jomier, Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mmes Artigalas et Bonnefoy, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Leconte, Marie et Mérillou, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Angèle Préville.

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a fort bien dit mon collègue Joël Labbé, la taxe d’aménagement est la principale recette fiscale affectée à la biodiversité en France.

En élargissant les possibilités d’usage des recettes de cette taxe à de nouveaux postes de dépenses, aussi justifiés soient-ils, le risque est grand de voir diminuer les recettes de la taxe affectées aux espaces naturels sensibles et, en particulier, aux aires protégées de la biodiversité.

Ce risque est d’autant plus important que les nouveaux postes de dépenses introduits par l’article, à savoir notamment la dépollution des sols et la réhabilitation des friches urbaines, sont extrêmement coûteux. Certains départements intéressés pourraient ainsi y consacrer une part importante voire majoritaire des recettes de la taxe, entraînant une diminution délétère du financement actuellement dédié à la protection de la biodiversité.

L’anticipation des effets d’une telle disposition semble faire largement défaut et les risques sont considérables, de sorte qu’il nous apparaît raisonnable de la supprimer pour que le Gouvernement ait le temps de mûrir sa réflexion en analysant finement les tenants et les aboutissants de la mesure.

Rappelons que, à défaut d’obtenir leur augmentation, une sécurisation des financements actuels pour la protection de la biodiversité doit être une condition sine qua non de sa mise en œuvre. Pour financer la dépollution des sols et la réhabilitation des friches urbaines, le mécanisme du fonds Friches annoncé à l’issue du Conseil de défense écologique du 27 juillet dernier semble tout indiqué : le Gouvernement a toute latitude pour augmenter en conséquence l’enveloppe qu’il a initialement souhaité fixer à hauteur de 300 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Madame la sénatrice, je demande le retrait de cet amendement. En effet, comme vous le savez, cette réforme est motivée par deux éléments, mais nous n’arrivons pas tout à fait à la même conclusion.

En premier lieu, les recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement font l’objet d’une sous-consommation chronique dans de nombreux départements, notamment à dominante urbaine. L’élargissement de cette taxe au financement des opérations de renaturation des terrains laissés en friche répond pleinement aux objectifs que vous appelez de vos vœux.

En second lieu, compte tenu des moyens dédiés à la lutte contre l’artificialisation des sols et au regard de l’ampleur des opérations de construction et d’aménagement, responsables de cette artificialisation, les départements méritent que la réforme leur offre cette faculté, dont je rappelle qu’elle est non pas une obligation, mais une opportunité. Mon seul souhait est que, d’ici à un an ou deux, les départements aient consommé toute la part prévue des recettes de la taxe et appellent à l’augmenter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur général a été précis dans ses propos et je les partage. Rappelant ce qui motive la présentation de cet article dans le projet de loi de finances, il a précisé que la mesure relevait de la possibilité et non de l’obligation.

Enfin, il a souligné que les niveaux de consommation relatifs à certains postes de dépenses rendaient tout à fait tenable cette disposition, sans contrarier les objectifs rappelés par le sénateur Labbé.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Angèle Préville. Je maintiens l’amendement, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1177 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° II-1127, présenté par M. Husson, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

des articles L. 331-8 et L. 331-41

par les mots :

de l’article L. 331-8

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-1127.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-193 rectifié est présenté par Mme Loisier, MM. Delcros, Le Nay, J.M. Arnaud, Henno, Canevet et Louault, Mmes Billon, Perrot et Vermeillet, M. Kern, Mmes de La Provôté et Jacquemet, MM. L. Hervé, Moga, S. Demilly et Longeot, Mme Morin-Desailly, M. Menonville et Mme Berthet.

L’amendement n° II-927 rectifié est présenté par MM. Gremillet et D. Laurent, Mme Deromedi, MM. Paccaud, Sautarel, Sol et Courtial, Mme Joseph, M. Houpert, Mmes L. Darcos, Estrosi Sassone et Chauvin, MM. Rietmann et Perrin, Mme Belrhiti, MM. Bonhomme et Laménie, Mme Malet, MM. Somon, Mouiller, Vogel et Bouloux, Mmes Lassarade et Drexler, M. Lefèvre, Mmes Jacques et Garriaud-Maylam, MM. B. Fournier, Longuet et Sido, Mme Gruny, M. Saury, Mme Ventalon, M. Rapin, Mme Di Folco, MM. Mandelli et Chatillon, Mme M. Mercier et M. Brisson.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 9° de l’article L. 331-9, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les surfaces de stationnement perméables à revêtement drainant. » ;

II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

…. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

…. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour présenter l’amendement n° II-193 rectifié.

Mme Anne-Catherine Loisier. Par cet amendement, nous souhaitons permettre aux organes délibérants des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d’exonérer de la taxe d’aménagement, en tout ou partie, les parkings à revêtement de sol drainant.

Cette technique conjugue remplissage gazon et remplissage pavé, afin de répondre aux usages tout en introduisant davantage de végétalisation dans les espaces urbains.

Ce type de parkings a plusieurs fonctions environnementales : infiltration verticale des eaux pluviales ; restauration des échanges entre l’air, la terre et l’eau ; lutte contre les îlots de chaleur ; aménagement de cheminements piétons pour des parkings verts, comme ceux des grandes surfaces commerciales ; et végétalisation en milieu urbain.

Au regard de ces nombreuses externalités positives qui bénéficient à l’ensemble de la collectivité, il est important de soutenir cette technique par une fiscalité adaptée, dans les meilleurs délais, pour répondre aux enjeux climatiques et écologiques.

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour présenter l’amendement n° II-927 rectifié.

Mme Laure Darcos. Je défends l’amendement de notre collègue Daniel Gremillet. Comme l’a dit Mme Loisier, cet amendement vise à octroyer la possibilité aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’exonérer de la taxe d’aménagement, en tout ou partie, les constructions et aménagements de surfaces de stationnement perméables à revêtement drainant, technique qui permet de lutter contre l’artificialisation des sols.

Ce faisant, il s’agit de soutenir les collectivités dans leur effort de végétalisation, au regard des nombreux bénéfices qui résultent de cette politique publique : lutte contre les îlots de chaleur urbains, la pollution et les inondations ; préservation de la biodiversité et de la qualité de l’air ; contribution à la santé physique et mentale et au bien-être des personnes ; amélioration du cadre de vie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces amendements, car ils vont à l’envers de la réforme que porte l’article 43. Il s’agit en effet de prévoir une incitation fiscale à la création de places de stationnement situées au-dessus et au-dessous des immeubles, afin d’éviter le déploiement parfois intempestif de parkings en extérieur ou situés à côté des habitations.

Je partage votre analyse selon laquelle il faut préférer des parkings végétalisés, ombragés, et avec un sol drainant plutôt que ceux où l’on ne trouve qu’une ou deux espèces d’arbres qui végètent, car ils sont enserrés dans un sol imperméabilisé.

Cependant, l’article 43 introduit une mesure qui vise à ce qu’il y ait moins d’artificialisation des sols et qui favorise une meilleure utilisation des espaces de parking pour que les villes puissent densifier raisonnablement les espaces dédiés à l’habitation. On pourra ainsi aménager davantage d’espaces verts, dans certains endroits, en remplaçant les parkings par des poches de nature qui amélioreront la qualité de vie des riverains.

Je considère, pour ma part, que dans un premier temps il faut laisser cette réforme se mettre en œuvre et en rester à une exonération unique. À défaut, l’action publique manquera de lisibilité, et je vous donne mon billet que certains parkings en ouvrage seront mal utilisés, tandis que d’autres, végétalisés et de meilleure qualité, seront également sous-utilisés. La dépense publique y perdra en efficacité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons que celles qu’a exprimées M. le rapporteur général.

Je partage l’analyse selon laquelle il faut laisser du temps à cette réforme, avant de la modifier. Le Gouvernement n’est favorable ni aux propositions de suppression d’exonérations ni à celles d’une modulation de la taxe d’aménagement. Il reste attaché à un objectif de stabilité et souhaite laisser « vieillir » la réforme de la taxe d’aménagement, si vous me permettez l’expression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-193 rectifié et II-927 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L’amendement n° II-589 rectifié bis est présenté par MM. Chevrollier, Le Gleut, Savary et Bascher, Mme Deromedi, MM. Cuypers, Pemezec, Segouin, de Nicolaÿ, Brisson, Cardoux, Rapin, Favreau et Bonhomme, Mme Garriaud-Maylam, M. Belin, Mme Belrhiti et MM. Courtial, Reichardt et Saury.

L’amendement n° II-1279 rectifié est présenté par Mmes Préville et Meunier, M. P. Joly, Mme Le Houerou, M. Gillé et Mme Monier.

L’amendement n° II-1461 rectifié est présenté par MM. Labbé, Salmon et Parigi, Mme Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard et Mme Poncet Monge.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Le 3° de l’article L. 331-12 est abrogé ;

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° II-589 rectifié bis.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tend à supprimer l’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement pour les locaux à usage industriel ou artisanal, ainsi que pour les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l’objet d’une exploitation commerciale.

En effet, l’article 43 prévoit que les recettes de la taxe d’aménagement pourront être affectées à la renaturation des friches urbaines et sols pollués, ce qui est fort souhaitable, mais très coûteux. Une part importante des recettes risque donc d’être absorbée.

L’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement représente pour les collectivités locales un financement public en moins pour mener une tâche fondamentale. Est-ce bien opportun, alors que le Président de la République a annoncé qu’il fallait augmenter les surfaces protégées en France et que le Gouvernement s’apprête à publier la stratégie nationale des aires protégées 2020-2030 ? En outre, 20 % seulement des sites Natura 2000 sont en bon état.

Il existe manifestement une contradiction entre les objectifs fixés par le Gouvernement et les moyens mis en place, la biodiversité étant sous-financée. Ce nouvel abattement risque de dégrader encore la situation financière.

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° II-1279 rectifié.

Mme Angèle Préville. Je rappelle que, en matière de biodiversité, nous connaissons une baisse drastique à la fois en espèces et en nombre, c’est-à-dire en qualité et en quantité, qui constitue un phénomène absolument vertigineux. Or nous n’avons pas encore vraiment commencé à l’endiguer.

L’artificialisation des sols est l’une des grandes causes de la disparition de la biodiversité en France : 9,4 % du territoire était artificialisé en 2015, et la consommation d’espace croît en moyenne de 1,4 % par an depuis 1992. Les conséquences en sont non seulement une perte d’espaces naturels, agricoles et forestiers, mais également une disparition des fonctions biologiques du sol, une perte de services écosystémiques et un danger pour la population.

La France s’est engagée, au travers du plan Biodiversité, à lutter contre l’artificialisation des sols. La fiscalité représente un des moyens pour atteindre ce but. Cependant, certains outils fiscaux vont à l’encontre de cette ambition et constituent ce que l’on appelle une subvention néfaste pour la biodiversité.

Alors que la France s’est engagée à les réduire progressivement, ces aides fiscales sont encore nombreuses et très peu d’actions ont été entreprises pour respecter cet objectif. Pourtant, l’année 2020 constitue une date butoir pour la France, qu’il s’agisse des objectifs d’Aichi ou du Congrès mondial de la nature, où la France devra faire valoir les mesures qu’elle a adoptées pendant ces dernières années. Le projet de loi de finances est la dernière occasion possible pour avancer sur la réduction des subventions néfastes.

Ces aides fiscales ont un double impact : elles représentent des dépenses pour l’État et les collectivités, et sont en partie facteurs de dégradation de l’environnement et de perte de biodiversité. Dans le contexte actuel où les Français ont exprimé, lors du grand débat, leur souhait d’entamer une véritable transition écologique, de protéger l’environnement et de voir baisser la fiscalité et le niveau d’imposition, la subsistance de ces aides est un non-sens.

Cet abattement est malvenu compte tenu du rythme croissant d’artificialisation des sols et de la perte monétaire qu’il engendre pour les collectivités, départements et régions.

Cet amendement a donc pour objet de le supprimer.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° II-1461 rectifié.

M. Joël Labbé. Cet amendement a été particulièrement bien défendu par nos deux collègues Guillaume Chevrollier et Angèle Préville.

J’ajouterai que, « plus ça va, moins ça va » dans la politique du « en même temps ». On ne peut pas vouloir préserver la biodiversité et l’environnement, et continuer un développement économique à tout crin, en particulier vers les zones d’activités extérieures, avec les grandes surfaces et le e-commerce. Ce type de mesures incitatives est absolument contre-productif par rapport aux politiques que l’on doit mener. Je défends donc cet amendement avec force.

M. le président. L’amendement n° II-1237, présenté par Mme Préville, MM. Féraud, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Antiste, Mmes Artigalas et Bonnefoy, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jomier et Kerrouche, Mme Le Houerou, MM. Leconte, Marie et Mérillou, Mme Monier, MM. Montaugé, Redon-Sarrazy, Sueur, Temal, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 3° de l’article L. 331-12 est complété par les mots : « , lorsque ceux-ci ont été construit sur des sols déjà artificialisés » ;

La parole est à Mme Angèle Préville

Mme Angèle Préville. Comme je l’ai déjà expliqué, l’artificialisation des sols entraîne une perte des espaces naturels, agricoles et forestiers. Chaque année, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) étudie son impact et indique que la dynamique ne faiblit pas.

Cet amendement vise en conséquence à supprimer l’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement pour les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, lorsque ces locaux ont été construits sur des sols qui n’étaient pas encore artificialisés.

La France s’est engagée à lutter contre ce phénomène dans le cadre du plan Biodiversité. Le Gouvernement entend réduire les niches fiscales ayant un impact défavorable sur l’environnement. Cet abattement de 50 % de la taxe d’aménagement pour les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes, les entrepôts et hangars non ouverts au public en fait partie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de ces amendements, car j’estime que la modernisation, la rénovation ou encore l’extension des locaux commerciaux ne conduisent pas nécessairement à une artificialisation des sols.

En effet, on voit de plus en plus se développer des mutations d’espaces ou de bâtiments dans des zones d’activités ou des zones commerciales, ou bien même en ville, pour reconfigurer ces zones. C’est ce qu’on appelle « la ville qui se reconstruit sur elle-même ». Ces reconfigurations font parfois surgir – même si ce n’est pas toujours le cas – des espaces plus aérés, avec davantage de nature et des constructions qui font de la place au végétal et qui respectent le bon fonctionnement naturel et écologique des sites.

Il faut donc veiller à ce que l’offre d’activités et l’offre commerciale correspondent à la pression démographique qui continue d’exister dans un certain nombre de territoires, y compris urbains.

Je rappelle que l’abattement de 50 % de la taxe d’aménagement pour les locaux abritant des activités économiques a été mis en œuvre en 2010. L’objectif était à l’époque de ne pas alourdir la fiscalité des acteurs économiques par rapport au régime de la taxe locale d’équipement.

En outre, comme vous le savez, des concurrences stériles et inutiles peuvent surgir entre deux territoires voisins ou deux périmètres d’intercommunalité. Il faut donc faire attention à certains effets de bord.

Si l’un de ces amendements devait être adopté, ce serait plutôt le n° II-1237, qui vise spécifiquement les espaces de nature : il entre ainsi dans la logique de l’ambition de zéro artificialisation nette affichée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.

M. Guillaume Chevrollier. Malgré les arguments toujours très pertinents de M. le rapporteur général, je maintiens mon amendement.

En effet, un tel abattement profite surtout à la grande distribution, aux entrepôts et aux surfaces logistiques, alors qu’ils sont en grande partie responsables de l’artificialisation. Au nom de la justice fiscale, cet amendement vise à rééquilibrer la situation en faveur des petits commerces.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.