Sommaire

Présidence de Mme Laurence Rossignol

Secrétaires :

Mme Françoise Férat, M. Loïc Hervé.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

respect des principes de la république

M. Roger Karoutchi ; M. Jean Castex, Premier ministre ; M. Roger Karoutchi.

menace d’un brexit sans accord pour le secteur de la pêche

Mme Catherine Fournier ; Mme Annick Girardin, ministre de la mer.

moyens mis en œuvre pour la prévention de la covid-19

M. Jérémy Bacchi ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Jérémy Bacchi.

création d’un million d’emplois pour les jeunes

M. Alain Richard ; Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

décret du 2 décembre 2020 relatif à la collecte de données personnelles liées à la sécurité intérieure

M. Michel Dagbert ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.

laïcité

Mme Nathalie Delattre ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.

politique du gouvernement en matière d’énergie et de climat

M. Jacques Fernique ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.

mesures sanitaires dans les trains et investissements sur la ligne paris-orléans-limoges-toulouse

M. Daniel Chasseing ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Daniel Chasseing.

stratégie vaccinale

M. Bernard Bonne ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; M. Bernard Bonne.

edf et projet hercule

M. Sebastien Pla ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Sebastien Pla.

politique du gouvernement en matière de sécurité

M. Henri Leroy ; M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur.

coordination des politiques européennes en direction des stations de ski

M. Loïc Hervé ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes ; M. Loïc Hervé.

ouverture des stations de ski

Mme Sylviane Noël ; M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

politique sociale du gouvernement et mesures d’accompagnement face à la crise

Mme Martine Filleul ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Martine Filleul.

procédure judiciaire liée à l’attentat de nice

M. Stéphane Le Rudulier ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

situation en nouvelle-calédonie

M. Jean-François Longeot ; M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer.

Suspension et reprise de la séance

3. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

4. Création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux. – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la proposition de loi

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles

Mme Véronique Guillotin

Mme Nadia Sollogoub

Mme Émilienne Poumirol

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Jean-Pierre Decool

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Martin Lévrier

M. Jérémy Bacchi

Mme Corinne Imbert

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

Mme Laurence Cohen, rapporteure

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Éliane Assassi

Mme Laurence Cohen, rapporteure

Rejet, par scrutin public n° 43, de l’article.

Article 2

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Rejet, par scrutin public n° 44, de l’article.

Article 3 – Rejet.

Article 4

Mme Michelle Meunier

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Amendements identiques nos 1 de Mme Émilienne Poumirol et 2 de Mme Laurence Cohen. – Rejet des deux amendements.

Rejet de l’article.

Article 5

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Pierre Laurent

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Émilienne Poumirol

M. Bernard Jomier

M. René-Paul Savary

Mme Michelle Gréaume

Mme Laurence Cohen, rapporteure

Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales

5. Aménagement numérique des territoires. – Rejet d’une proposition de résolution

Discussion générale :

Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de résolution

Mme Éliane Assassi

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Patrick Chaize

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Guillaume Gontard

M. Frédéric Marchand

M. Éric Gold

Mme Viviane Artigalas

M. Jean-Marc Boyer

Mme Patricia Demas

M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Clôture de la discussion générale.

Texte de la proposition de résolution

Vote sur l’ensemble

Rejet de la proposition de résolution.

6. Modification de l’ordre du jour

7. Ordre du jour

Nomination de membres d’une éventuelle commission mixte paritaire

compte rendu intégral

Présidence de Mme Laurence Rossignol

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

M. Loïc Hervé.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence du président Gérard Larcher, qui se trouve actuellement au musée d’Orsay, où il est allé présenter les condoléances du Sénat à la famille du président Giscard d’Estaing.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, celui des uns et des autres, mais aussi celui du temps de parole.

respect des principes de la république

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : quelle conception le Gouvernement a-t-il de l’unité de la Nation dans notre République indivisible ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Marques de surprise sur de nombreuses travées.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Roger Karoutchi, voilà une question courte qui, si j’osais, pourrait donner lieu à une réponse de quarante-cinq minutes, voire de deux heures, tant elle est fondatrice et importante !

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous avons le temps… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean Castex, Premier ministre. Je vais faire le lien, si vous me le permettez, entre cette question et le projet de loi que le conseil des ministres a adopté ce matin et qui vise précisément, vous le savez, à conforter l’unité de la République.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Mais sans nommer l’ennemi !

M. Jean Castex, Premier ministre. La République – ai-je besoin de le dire ? –, c’est notre bien collectif le plus précieux.

M. Jean Castex, Premier ministre. Hélas, certains – ils sont divers et nombreux – non seulement n’ont pas la même conception de l’unité de la République que nous, mais surtout, et c’est bien plus grave, cherchent à porter atteinte à ses valeurs fondatrices.

Ils le font éventuellement – c’est le pire – en recourant à la violence, voire au crime ; ils le font également d’un point de vue idéologique, en s’en prenant à nos valeurs et en distrayant des enfants de leur obligation scolaire, afin de leur inculquer des principes totalement contraires à nos fondements républicains.

Ils le font encore en excipant de la belle loi de 1901, c’est-à-dire en recourant au tissu associatif, pour s’adonner, derrière le paravent que constitue ce texte, à des actions visant à détacher de la République les plus jeunes de nos enfants.

S’en prennent aussi à la République et à son unité, monsieur le sénateur, tous ceux qui, lors de manifestations, troublent le droit de manifester – c’est un droit républicain –, en s’adonnant à des violences parfaitement inadmissibles, que l’unité de la République ne saurait tolérer.

Aussi, monsieur le sénateur, notre conception de l’unité de la République est faite à la fois d’intransigeance et de grande fermeté ; les dispositions législatives que nous allons proposer, qui sont en cours de préparation et qui seront prochainement discutées par la Haute Assemblée, porteront témoignage de cet engagement tout à fait résolu à préserver, à conforter et à défendre nos valeurs républicaines.

Je précise toutefois que notre conception de l’unité de la République est une conception émancipatrice, une conception de progrès ; elle s’appuie, d’un côté, sur l’indispensable fermeté, et même sur la nécessaire répression, mais aussi, d’un autre côté, sur l’éducation, sur l’habitat et sur l’ensemble des politiques publiques qui font le lien entre tous les citoyens.

Notre conception de la République et de son unité exige donc la cohérence dans les politiques publiques, et c’est bien à cette cohérence que travaille ardemment mon gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le Premier ministre, je ne doute pas du tout de vos intentions, mais je voulais insister sur le fait que, pour nous, la Nation n’est pas un agrégat de communautés.

M. Roger Karoutchi. C’est un creuset, dans lequel tout le monde se retrouve.

Je vous entends bien, monsieur le Premier ministre, mais j’ai également entendu le Président de la République dire qu’il fallait constituer une liste de 300 à 500 personnes issues de la diversité, afin de donner à ces dernières des noms de rue et des statues…

Or, je vous le dis sincèrement, monsieur le Premier ministre, Félix Éboué n’a pas eu besoin d’une telle liste pour être au Panthéon ni pour être l’honneur de la résistance, et Gaston Monnerville, qui a présidé cette noble assemblée, n’en a pas eu davantage besoin, non plus que Manouchian.

M. Roger Karoutchi. Tous ceux auxquels, en raison de leur valeur personnelle, la République doit sa reconnaissance doivent l’obtenir, mais les inscrire sur une telle liste reviendrait à réduire leurs mérites. Ils n’ont pas à être reconnus parce qu’ils représentent la diversité ; ils doivent l’être pour leur valeur personnelle.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Roger Karoutchi. Le creuset de la Nation, de la République, c’est évidemment l’intégration, ce que d’autres appelleraient l’assimilation du passé.

C’est cela, créer une Nation qui ait un avenir commun et qui se sente unie dans la difficulté et dans les crises. Cela ne consiste pas à dire que les gens auront notre reconnaissance parce qu’ils appartiennent à telle ou telle catégorie ! Nombre de sénateurs, ici, ont des origines ou des religions diverses, mais tous sont des Français qui servent la République.

Monsieur le Premier ministre, faites en sorte que l’État défende la République et la Nation une et indivisible. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

menace d’un brexit sans accord pour le secteur de la pêche

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Catherine Fournier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Tout d’abord, en ce mercredi 9 décembre 2020, jour de deuil national en hommage au Président Valéry Giscard d’Estaing, la famille centriste salue l’action réformatrice de ce grand homme d’État. L’Union européenne faisait partie de l’ADN du Président Valéry Giscard d’Estaing, dont le septennat restera celui de l’instauration du Conseil européen, de la préfiguration de l’euro et de l’élection des eurodéputés au suffrage universel direct.

Or, comme en écho, la situation de l’Union européenne est aujourd’hui très préoccupante, puisque, outre la crise sanitaire et la question migratoire, il y a le Brexit.

En ce domaine, en lieu et place d’une construction, nous découvrons une destruction ; l’échéance du 2 janvier prochain est imminente, et il n’y a toujours pas d’accord en vue. Passée cette date, c’est l’inconnu pour des milliers de travailleurs et d’entrepreneurs, c’est une inquiétude sourde, que l’élue de la côte d’Opale que je suis ressent singulièrement.

La pêche française sera irrémédiablement touchée par un no deal. Sans règle sur les zones de pêche et sur les quotas, le pêcheur sera, dans vingt-quatre jours, tel un agriculteur auquel on aurait retiré ses terres. Monsieur le Premier ministre, les pêcheurs de Boulogne vous l’ont dit, ils vont tout perdre, mais, alors, ils n’auront plus rien à perdre.

Demain et vendredi prochain se tient le Conseil européen. La pêche devait être intégrée au paquet global des négociations et, en la séparant du reste, on fait le jeu des Britanniques.

Dans ces conditions, la France est-elle toujours disposée à mettre son veto sur l’ensemble des accords si les décisions régissant la pêche ne sont pas satisfaisantes ? Où en est-on, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de la mer.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Catherine Fournier, je tiens tout d’abord à m’associer à l’hommage que vous avez rendu au Président Valéry Giscard d’Estaing, qui fut effectivement un grand homme de l’Europe moderne.

De cette Europe nous parlons justement aujourd’hui, avec le Brexit. Les négociations se trouvent dans la dernière ligne droite ; nous en vivons les dernières heures, puisque le Conseil européen se réunit demain et que, dès ce soir, la présidente de la Commission européenne et le Premier ministre Boris Johnson s’entretiendront sur ce sujet.

La pêche est en effet l’un des éléments de blocage de ces discussions – il y en a trois –, mais je veux vous rassurer à cet égard, comme Clément Beaune et moi le faisons régulièrement avec les pêcheurs, tant sur les quais que lors de nos réunions avec le Comité national et les comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins : les pêcheurs ne seront pas les oubliés ni les sacrifiés de cet accord. Non, il n’y aura pas d’accord global si nous ne validons pas un accord spécifique sur la pêche.

Nous avons des lignes rouges et nous les maintenons. Les discussions menées par Michel Barnier au cours des dernières heures étaient intenses, vous le savez, et elles tenaient compte des lignes rouges que nous, les huit pays européens concernés par cet accord de pêche, avions rappelées. Jusqu’au dernier moment, nous ne lâcherons rien et nous saurons dire non s’il le faut.

Cela dit, madame la sénatrice, la question à se poser, chez vous, dans les Hauts-de-France, comme ailleurs, est celle de l’accompagnement des pêcheurs, car c’est essentiel. En effet, au 1er janvier prochain, les choses ne seront plus comme au 31 décembre.

Oui, dans cette négociation, nous aurons sans doute perdu un peu, notamment par rapport à nos quotas. Néanmoins, nous sommes encore en négociation et nous tenons ferme sur nos positions, comme pour les accès. (M. Jérôme Bascher sexclame.)

Il est important que nous puissions le dire et que nous soyons transparents et francs avec les pêcheurs. Nous présenterons, dans les jours qui viennent, le plan d’accompagnement souhaité par le Premier ministre, mais nous attendons bien évidemment le résultat définitif de la négociation pour le faire.

Tous les ministres concernés se préparent,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. … puisqu’il s’agit de questions interministérielles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

moyens mis en œuvre pour la prévention de la covid-19

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Jérémy Bacchi. Ma question s’adressait initialement au ministre des solidarités et de la santé, mais, comme depuis huit semaines, celui-ci brille une nouvelle fois par son absence au sein de notre hémicycle. (Mme Cécile Cukierman applaudit. – Marques dassentiment sur les travées du groupe Les Républicains.) Je le regrette.

La question qui est sur toutes les lèvres du pays, depuis quelques jours, est de savoir si la France pourra sortir, le 15 décembre prochain, du second confinement. Vous le savez, le Gouvernement avait fixé comme objectif le seuil de 5 000 nouvelles contaminations par jour. Or nous avons plutôt atteint un plancher de 10 000 nouveaux cas par jour…

Nous devons donc mener une véritable stratégie de dépistage, permettant non seulement d’isoler les personnes testées, mais surtout de donner les moyens aux brigades sanitaires d’accompagner ces personnes quand elles sont isolées socialement ; mettre en place un dépistage massif sans accompagnement revient à donner un coup d’épée dans l’eau.

Par ailleurs, comment assurer la protection de la population lorsque bon nombre d’entreprises ne jouent pas le jeu du respect de l’isolement ?

Cette semaine encore, j’ai été contacté par des salariés du département dont je suis élu, qui étaient cas contacts et qui avaient développé des symptômes de la covid-19, mais qui avaient été contraints par leur employeur de se rendre sur leur lieu de travail, dans l’attente des résultats du test PCR. C’est irresponsable !

Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d’État : quels moyens allez-vous mettre en œuvre, dans le cadre de la campagne de vaccination, en matière de prévention ? Allez-vous prévoir des moyens pour accompagner les cas contacts isolés qui subissent la pression des entreprises pour reprendre le travail ou pour rester à leur poste ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Où est M. Véran ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jérémy Bacchi, tous, ici et au-delà de cette enceinte – vous, nous et l’ensemble de nos concitoyens –, nous souhaitons nous projeter vers l’avenir.

C’est vrai, l’année 2020 sera faite, jusqu’au bout, d’incertitudes, de difficultés et même d’angoisses pour certains de nos compatriotes.

Le Gouvernement ne s’est jamais laissé aller au fatalisme ; au contraire, depuis le premier jour, nous travaillons à prendre les mesures les plus adaptées à une situation qui est – nous avons appris à l’accepter – changeante et qui évolue de jour en jour. Nous connaissons évidemment de mieux en mieux ce virus ; même si des points d’ombre demeurent, la recherche nous éclaire, et les vaccins sont là.

Toutefois, pour envisager la suite, il nous faut nous adapter, au plus près, à l’état de nos connaissances. Aussi, que cette question soit l’occasion de faire un point sur l’état de la situation.

Chaque jour, plus de 10 000 nouvelles personnes sont déclarées positives, vous l’avez souligné, contre 5 000 par semaine au cœur de l’été. Cette course s’infléchit, grâce à la mobilisation collective des Français ; c’est bien la responsabilité individuelle de chacun qui permet d’alléger la pression pesant sur notre personnel de santé ; il faut le relever et s’en féliciter.

Néanmoins, nous restons pleinement vigilants, car, si l’évolution récente est positive, nous sommes loin, vous avez raison, de la cible de 5 000 cas par jour qui a été présentée par le Président de la République et qui est fondée sur un large consensus scientifique. L’atteinte de ce seuil permettrait en effet d’envisager un avenir plus serein et une réouverture plus large.

Or la tendance la plus récente est celle du ralentissement de la baisse du nombre de nouveaux cas quotidiens ; ce n’est pas une bonne nouvelle. Nous suivons cela de très près et nous adoptons, en conséquence, les mesures qui s’imposent. Le Premier ministre aura donc l’occasion, demain, en fonction des dernières évolutions constatées et des ultimes arbitrages, de formuler de nouvelles mesures.

Nous le savons d’ores et déjà, ce virus va continuer à circuler activement au cours des prochaines semaines et des prochains mois, durant cette période froide, pendant laquelle nous passons davantage de temps à l’intérieur.

Mme Éliane Assassi. Vous n’avez pas répondu à la question sur les entreprises !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi, pour la réplique.

M. Jérémy Bacchi. Je regrette l’absence de réponse à la question posée.

Nous jugerons le Gouvernement sur ses actes, mais, après avoir raté la campagne des masques et celle des dépistages, vous ne devez pas manquer celle de la vaccination. Le confinement ne doit pas être une épée de Damoclès placée au-dessus de la tête des Français pendant toute l’année 2021 !

Oui, il faut informer, mais il faut aussi contrôler les entreprises sur le respect des protocoles sanitaires et il faut supprimer les jours de carence, qui constituent un frein à la prévention pour les salariés du privé.

À l’heure où de nombreux Français montrent une défiance à l’égard des vaccins, nous devons sortir de l’emprise du lobby pharmaceutique, en créant un pôle public du médicament. Tel est d’ailleurs le sens de la proposition de notre groupe, que le Sénat doit examiner dans une petite heure. Nous espérons que cette proposition recevra un large soutien. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

création d’un million d’emplois pour les jeunes

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Alain Richard. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Notre économie subit un choc majeur ; nos entreprises et nos services publics se mobilisent et innovent pour y résister et pour remonter la pente, et le plan de relance a commencé à se déployer.

Dès le début de ce déploiement, le Gouvernement a mis en place un ensemble de dispositifs visant à faire face à l’un des principaux défis : l’accès des jeunes à l’emploi. En effet – c’est une richesse du pays –, nous avons une génération de presque 800 000 jeunes qui arrive, pour la première fois, sur le marché du travail cette année.

Bien entendu, tout le monde est mobilisé. Je salue en particulier la force de travail et l’engagement des agents de Pôle emploi, ainsi que du personnel des missions locales et des collectivités locales impliquées dans ces efforts.

Madame la ministre, j’aimerais que vous nous fassiez un point d’étape sur la réponse du terrain aux différents dispositifs que vous avez lancés pour réussir l’accès au marché du travail de ces jeunes, notamment issus des milieux les plus défavorisés ou ayant une formation incomplète.

Par ailleurs, avez-vous d’autres impulsions à donner pour que ce dispositif atteigne son objectif, à savoir l’accès des jeunes à l’emploi ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de lemploi et de linsertion. Je vous remercie, monsieur le sénateur Alain Richard, de me donner l’occasion de rappeler l’engagement, dès l’été dernier, du Gouvernement en faveur de l’emploi des jeunes, dans la crise sanitaire, économique et sociale que nous affrontons.

Nous mobilisons en effet plus de 6,7 milliards d’euros supplémentaires pour apporter une solution à chaque jeune, quelle que soit sa situation.

Un peu plus de quatre mois après le lancement de ce plan, les premiers résultats sont là : près de 1 million de jeunes ont été embauchés en contrats à durée déterminée de plus de trois mois ou en contrats à durée indéterminée. Les entreprises sont au rendez-vous – plus de 170 000 aides à l’embauche ont été accordées –, et la qualité des embauches est également à la hauteur des attentes, puisque 70 % de celles-ci sont en CDI.

L’apprentissage poursuit également la montée en puissance amorcée depuis le début du quinquennat : nous comptons déjà plus de 420 000 apprentis pour la rentrée de 2020, pulvérisant, si j’ose dire, le record de 2019.

Pour apporter une solution à chaque jeune, nous avons également ouvert 300 000 parcours ou contrats d’insertion supplémentaires ; le 26 novembre dernier, le Premier ministre et moi-même avons encore renforcé le plan Jeunes, afin d’apporter à chaque jeune la possibilité d’un soutien financier, dès lors qu’il s’engage dans un parcours de formation ou dans la recherche d’un emploi.

Toute démarche vers l’emploi ou vers la formation mérite des ressources et, si nécessaire, un soutien financier. Le groupe RDPI a, du reste, déposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021.

Pour conclure, j’invite la Haute Assemblée à s’emparer de la plateforme « 1jeune1solution.gouv.fr », qui s’adresse aux jeunes et aux entreprises et qui vise à faciliter l’orientation, l’entrée en formation, l’emploi et les embauches. Plus de 400 000 jeunes s’y sont déjà connectés, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, pouvoir compter sur votre mobilisation dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

décret du 2 décembre 2020 relatif à la collecte de données personnelles liées à la sécurité intérieure

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dagbert, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Michel Dagbert. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Avant tout, je souhaite exprimer notre émotion et adresser nos pensées aux victimes de l’écrasement d’un hélicoptère, hier soir, ainsi qu’à leurs proches.

Monsieur le ministre, je pose cette question au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, car elle ne pourrait pas émaner de la majorité de la Haute Assemblée. En effet, en 2008, le projet du fichier de police Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale, ou Edvige, avait essuyé le feu des critiques, dès l’annonce de sa création. Il avait dû être retiré par le Gouvernement, en raison des fortes mobilisations citoyennes qu’il avait suscitées.

Douze ans après, sous couvert de lutte contre le terrorisme, vous prenez, monsieur le ministre, trois décrets relatifs au fichage qui feront courir les mêmes risques et susciteront les mêmes inquiétudes. Ces décrets augmentent la possibilité de collecte d’informations de trois fichiers qui sont à la disposition des services de renseignement ; ils ne sont pas sans conséquence pour nos libertés fondamentales.

En raison, d’une part, du périmètre très large de recueil des données, alors que la surveillance liée aux activités terroristes dispose déjà d’autres fichiers, et, d’autre part, de l’extension du fichage aux personnes morales et aux groupements au-delà des seules personnes physiques, tous les acteurs du monde économique, associatif et syndical peuvent désormais relever de ces décrets.

La longue liste des données qui pourront être collectées – elle va du parcours professionnel aux habitudes de vie, en passant par les déplacements, les pratiques sportives et la santé psychiatrique – témoigne de cette intrusion dans la vie privée. Pis encore, passer du relevé des activités politiques, religieuses ou philosophiques à la mention des opinions est très représentatif de l’atteinte portée aux droits et libertés.

Monsieur le ministre, la protection des Français, à laquelle nous sommes tous attachés, ne peut pas se faire au détriment des libertés publiques. Allez-vous donc suivre les avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et du Défenseur des droits ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Éliane Assassi et M. Loïc Hervé applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Je vous remercie, monsieur le sénateur, des mots que vous avez eus en introduction ; nous sommes tous très touchés par l’écrasement de cet hélicoptère. Le Président de la République et le Premier ministre se sont exprimés à ce sujet ; je me rends, demain, en Savoie, pour rencontrer des CRS.

Je veux également avoir une pensée pour le policier de Seine-et-Marne qui a trouvé la mort, hier, en faisant son travail ; une voiture ne s’est pas arrêtée, alors qu’il procédait à un contrôle routier.

Monsieur le sénateur, le sujet que vous soulevez au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain mérite, bien évidemment, des explications du Gouvernement sur les décrets qu’il a pris, pour trois raisons.

Vous avez eu raison de le souligner, il s’agit de trois décrets différents : un décret relatif aux enquêtes administratives de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police de Paris et deux décrets relatifs au renseignement territorial de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Trois raisons nous poussent à proposer de nouveaux décrets.

La première, c’est qu’il se trouve que le Parlement a adopté une disposition, qui s’appelle le règlement général sur la protection des données, le RGPD, et que, depuis 2018, il a également changé un certain nombre de dispositions, notamment en remplaçant les termes « activités politiques » par les mots « opinions politiques » ; monsieur le sénateur, je n’étais pas membre de votre assemblée.

Deuxième raison, la CNIL elle-même a mené des contrôles, qui ont révélé qu’un certain nombre des dispositions décrétales d’origine était, pour le moins, sujet à caution ; elle a donc demandé au Gouvernement de retravailler sa copie.

La troisième réside évidemment dans l’évolution de la menace, qui exige de modifier ces décrets. Ainsi, tant les auditions que j’ai pu faire devant la délégation parlementaire au renseignement que les échanges que nous avons menés sur ces différents textes justifient cette réécriture.

Chaque fois, ces décrets sont pris après avis de la CNIL et sont validés par le Conseil d’État, qui a toujours approuvé nos projets.

Prenons seulement l’exemple de la mention des « opinions », pour ne pas prolonger nos débats. On passe du suivi de l’activité à celui de l’opinion. Monsieur le sénateur, il s’agit simplement du texte proposé par le Parlement dans le cadre du RGPD. Néanmoins, il s’agit toujours de collecter les opinions des personnes extrémistes qui vont commettre des attentats,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Gérald Darmanin, ministre. … et en aucun cas de renouer avec d’anciennes pratiques que notre pays a pu connaître.

laïcité

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le Premier ministre, mesdames messieurs les ministres, mes chers collègues, « Liberté, Égalité, Fraternité, Laïcité », telle devrait être la devise de la France. C’est le sens de la proposition de loi constitutionnelle que je viens de déposer, en ce jour anniversaire de la loi de 1905, inspirée par mes illustres prédécesseurs radicaux, ceux-là mêmes qui sont aux fondements de notre République.

Aujourd’hui, le principe de laïcité se trouve ébranlé par certaines dérives religieuses, mais aussi sectaires et communautaristes. Il était donc temps que soit présenté, ce matin, en conseil des ministres, le projet de loi confortant le respect des principes de la République, afin de nous attaquer aux symboles et d’étayer les murs porteurs que sont nos services publics, nos associations, l’éducation, le sport et la sécurité ; aucun sujet ne doit être tabou.

Au rang des avancées, notons le renforcement des contrôles à destination des associations cultuelles masquées en associations culturelles, l’encadrement des fonds provenant de l’étranger, l’effectivité de la neutralité des services publics et la tutelle du milieu sportif ; il était temps, monsieur le Premier ministre, de sortir du déni.

En revanche, nous ne serons pas d’accord, vous et moi, sur l’interdiction de l’école à domicile. Si je partage votre objectif d’empêcher certaines dérives, cela passe, à mon sens, par une adaptation des moyens : une commission d’entrée a priori et un renforcement du contrôle à domicile, qui ne doit pas incomber aux élus locaux. Le contrôle oui, l’interdiction non ! C’est un contournement d’obstacle qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Si je salue la reprise, dans votre projet de loi, de quelques prescriptions de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, que j’ai présidée, oserez-vous aller plus loin dans l’écoute du Sénat ? Tiendrez-vous compte des doutes du Conseil d’État ?

La laïcité est la liberté de croire ou de ne pas croire, sans contrainte sociale ni étatique. C’est une spécificité française qui fait de nous un modèle dans le monde depuis cent quinze ans. Comment comptez-vous la préserver et l’affirmer dans ce nouveau siècle ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice, nous nous regardions, Jean-Michel Blanquer et moi, parce que cette question aurait tout aussi bien pu s’adresser à lui qu’à moi. Je salue d’ailleurs le travail de M. le ministre de l’éducation nationale pour la présentation du projet de loi, que j’ai partagée avec lui, ainsi qu’avec Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté et avec M. le garde des sceaux.

Est-ce que le Sénat lui apportera sa marque de façon essentielle ?

M. Gérard Larcher. Oui, comme toujours ! (Marques dapprobation sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Gérald Darmanin, ministre. En effet, comme toujours, monsieur le sénateur Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Mais je n’ai rien dit ! (Sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Comme vous avez beaucoup péché, on a tendance à penser que c’est toujours vous qui intervenez… (Nouveaux sourires.) Vous serez donc très à l’écoute, monsieur Karoutchi.

Je l’ai dit au président Larcher, que j’ai vu à plusieurs reprises – je reste d’ailleurs à sa disposition, ainsi qu’à celle du président de la commission des lois –, et à l’ensemble des groupes politiques, que j’ai déjà réunis sous l’autorité de M. le Premier ministre pour trouver, autant que possible, un consensus républicain sur ce texte, ce projet de loi est fait, comme le disait Aristide Briand à la tribune de la Chambre des députés, à la fois pour pacifier les esprits et pour rendre de la force à la République.

Oui, ce texte de loi, présenté ce matin en conseil des ministres, répond aux très nombreux défis qui prennent place dans le champ républicain.

Dans le champ associatif, il n’y aura plus de subventions pour les subversions.

Dans le champ de l’action publique, la neutralité devra être respectée pour les agents travaillant dans les missions et dans les délégations de service public.

M. Gérald Darmanin, ministre. Dans les associations cultuelles, il n’y aura plus de place pour les personnes ayant pu être condamnées pour terrorisme ou apologie du terrorisme.

Nous apportons, ainsi, des arguments pour dissoudre ces associations séparatistes ; de ce point de vue, le Gouvernement, conseil des ministres après conseil des ministres, fait ce que bien des gouvernements n’avaient pas osé faire, par lâcheté ou par compromission.

Madame la sénatrice, comme je suis le ministre qui portera ce texte de loi, j’espère de tout cœur que nous aurons la possibilité de travailler de concert, avec cette grande chambre républicaine qu’est le Sénat, pour trouver une voie pour la République. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

politique du gouvernement en matière d’énergie et de climat

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

M. Jacques Fernique. Il y a exactement cinq ans, les accords de Paris redonnaient l’espoir d’une planète habitable. Demain, le Conseil européen va rehausser notre objectif climat.

Toutefois, un objectif climat, c’est bien, mais des actes qui suivent et qui soient à la hauteur, c’est encore mieux. À ce stade de l’urgence, des petits pas sont des reculs, comme l’a dit Nicolas Hulot. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) Force est de constater que nous n’avançons pas dans cette trajectoire.

La Convention citoyenne pour le climat devait être le moyen de débloquer cette inertie. Pourtant, cette démarche, qui devrait nous rassembler, paraît compromise.

Le ton du Président de la République rappelle la manière par laquelle l’un de ses prédécesseurs avait sifflé la fin du Grenelle. Après les « Amish », voici les « activistes », et le rapport de la Convention ne serait qu’un « truc », qui n’est « ni la Bible ni le Coran ». Le nucléaire, avec ses EPR, qui avait été maintenu hors du champ de la Convention, serait maintenant la principale solution. Faut-il comprendre que « le climat, ça commence à bien faire » ?

Les coups de com’ des engagements d’hier et les coups de gueule d’aujourd’hui sont autant de temps perdu que notre climat ne rattrapera pas. La future loi climat sera tardive ; son application sera reportée au prochain quinquennat. Encore faut-il qu’elle soit à la hauteur !

Voici ma question : au moment où nous allons, avec l’Union européenne, prendre l’engagement de réduire, non plus de 40 %, mais d’au moins 55 % nos émissions de gaz à effet de serre, comment comptez-vous traduire cela concrètement dans cette loi, alors que les orientations présentées esquivent les propositions les plus fortes ?

Y aura-t-il des arbitrages ambitieux sur la rénovation thermique, l’interdiction, à terme, des véhicules les plus émetteurs, des moyens massifs pour le transfert ferroviaire,… (Marques dimpatience croissantes sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jacques Fernique. … la régulation de la publicité, une redevance sur les engrais azotés, une vraie écoconditionnalité des soutiens publics ?

Mme la présidente. Il faut vraiment conclure !

M. Jacques Fernique. Ce projet de loi fera-t-il l’impasse sur les propositions fortes de la Convention ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fernique, vous aurez remarqué que, depuis le début du quinquennat, nous travaillons, de concert avec le Parlement, les citoyens et les sphères économiques et financières, à renforcer cette ambition écologique.

La France s’est engagée, notamment au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, dans une transition énergétique reposant à la fois sur la sobriété et l’efficacité énergétiques et sur la diversification des sources de production et d’approvisionnement, avec le développement des énergies renouvelables.

Au travers de la PPE, la France s’inscrit dans une trajectoire. Nous avions besoin de ces repères et de ces objectifs pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Aujourd’hui, toutes les filières énergétiques disposent de cette trajectoire, avec un mix énergétique qui a été revu.

Pour réussir dans cette ambition, nous déployons des moyens d’une ampleur inédite, je crois que vous en conviendrez. Le plan de relance consacre 30 milliards d’euros à cette nécessaire et impérative transition. Cette somme constituera également un levier pour des investissements privés : par exemple, le 1,2 milliard d’euros qui est consacré à la décarbonation de l’industrie pourra être triplé par les investissements privés.

En ce qui concerne l’hydrogène, 7 milliards d’euros financeront de nouveaux investissements dans cette technologie d’avenir.

En outre, nous avons souhaité agir au plus près du quotidien des Français : le bonus écologique est passé de 1 300 demandes par semaine, avant le plan de relance, à 2 600 demandes aujourd’hui.

Sur les trois derniers trimestres, la part des ventes de véhicules électriques a triplé ; le nombre de demandes de MaPrimeRénov’ est passé de 10 000 dossiers par mois à 30 000 en octobre dernier.

Notre ambition en matière de climat sera renforcée au travers de propositions de la Convention citoyenne qui seront soumises au Parlement, et l’arbitrage, mesdames, messieurs les parlementaires, vous appartiendra. Ce sera la traduction de cette innovation démocratique.

Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Je vous enjoins de suivre ces travaux. Ces petits pas comptent autant qu’une vision d’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

mesures sanitaires dans les trains et investissements sur la ligne paris-orléans-limoges-toulouse

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Daniel Chasseing. Ma question s’adresse à M. le ministre des transports. Je voudrais attirer son attention sur le sujet majeur du désenclavement de nos territoires par les liaisons ferroviaires.

En effet, nous constatons une réduction excessive du nombre de trains conduisant, dans ce contexte de crise sanitaire, à des situations incompatibles avec le respect de la distanciation sociale.

De nombreux trains sont bondés. Quelles mesures le Gouvernement propose-t-il pour veiller à ce que les trains ne deviennent pas de nouveaux clusters ? Qu’en sera-t-il lors du déconfinement ?

Par ailleurs, permettez-moi de vous interroger de nouveau sur la modernisation de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, ou ligne POLT, reliant Paris à Toulouse via Limoges et Brive, classée comme « axe stratégique » par le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, le COI, établi sous la direction de Philippe Duron. Cette ligne dessert douze départements directement et trente indirectement, mais les sous-investissements ont conduit à un fort allongement des temps de parcours.

Nous saluons l’annonce, par l’État, d’une mobilisation de 1,6 milliard d’euros pour la régénération de la ligne et de 400 millions d’euros pour le renouvellement du matériel Intercités sur l’ensemble des lignes.

De plus, 380 millions d’euros étaient prévus, dans le plan de relance, pour une diminution de trente minutes du temps de trajet de la ligne POLT. Monsieur le ministre, maintenez-vous tous ces financements ?

Par ailleurs, les dysfonctionnements qui caractérisent le quotidien de nombreuses lignes Intercités, dont le POLT et ses 3,5 millions d’usagers, vont-ils enfin diminuer ?

Enfin, le Gouvernement va-t-il demander à la SNCF de surseoir à la suppression de l’établissement infrastructure et circulation, l’EIC, et de ses 30 emplois installés à Limoges, qui intervient sur toute la ligne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez dit, ces lignes ferroviaires sont essentielles, car elles assurent le maillage clé de la connexion de nos territoires, tout en étant au service des déplacements quotidiens des Français.

Dès le début de cette crise sanitaire, nous y avons accordé une importance toute particulière, pour les raisons que vous venez d’évoquer. (Murmures sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Ces règles sanitaires se traduisent, dans les transports, par un protocole drastique : port du masque obligatoire, désinfection et nettoyage renforcé des rames, algorithmes permettant un espacement maximal des passagers dans les trains à réservation, formation et protection des équipes.

Cela dit, les études ont montré que seulement 1 % des clusters concernaient les transports. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

M. Fabien Gay. Il faut arrêter l’hypocrisie !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Comme vous le souligniez, des points d’affluence sont notés sur certains trajets. Une attention particulière a été demandée à la SNCF à ce sujet.

L’offre actuelle de TGV est réduite à hauteur de 30 %, du fait des restrictions de déplacement ; le taux de fréquentation des transports ferroviaires s’élève, quant à lui, à 10 %. Il reviendra à la normale en fin d’année.

En ce qui concerne la ligne POLT, l’évolution du réseau et sa régénération, nous avons, à la suite des travaux du COI et du rapport Duron, prévu une régénération de cette ligne, pour près de 3 milliards d’euros par an.

M. Pascal Savoldelli. Rien sur la loi « 3D » ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous y apportons une attention spécifique, à trois points de vue : le renouvellement du matériel roulant – l’État est au rendez-vous sur cette ligne, en finançant 100 % de l’opération, les nouvelles rames étant prévues pour 2023 –, la régénération et la modernisation.

Cette régénération est prévue sur dix ans et a déjà commencé. Une enveloppe de 1,6 milliard d’euros est prévue, financée à 100 % par SNCF Réseau. Un équilibre a été trouvé pour que ces travaux soient réalisés en même temps que la circulation commerciale.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Quant à l’établissement infrastructure et circulation, sur lequel vous êtes vigilant, il ne s’agit, pour l’instant, que d’une rumeur.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour la réplique.

M. Daniel Chasseing. Je souhaite que les citoyens des lignes Intercités entrent, eux aussi, dans le XXIe siècle, par le désenclavement et par la possibilité de téléphoner et de communiquer.

Par ailleurs, je n’ai pas eu de réponse sur la suppression de l’établissement infrastructure et circulation à Limoges. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Si !

stratégie vaccinale

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Bonne. Ma question s’adresse, ou plutôt s’adressait, à M. le ministre des solidarités et de la santé. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

À ce propos, il faudrait nous dire, monsieur le Premier ministre, si cette absence répétée est due seulement à une simple bouderie ou, plutôt, à un mépris difficilement acceptable des parlementaires de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Je m’interroge sur la stratégie de vaccination contre la covid-19. Quelle est celle qui est envisagée par le Gouvernement ? Faire de la stratégie, c’est anticiper. Or, sur la question de l’organisation de ces campagnes de vaccination, je crains que nous ne soyons pas vraiment au point.

Alors que nos voisins du Royaume-Uni et d’Allemagne sont bien plus avancés que nous ne le sommes – le Royaume-Uni a déjà commencé à vacciner depuis hier et l’Allemagne a déjà mis en place une logistique forte –, qu’en est-il chez nous ?

Où en est-on dans l’approvisionnement et les achats de vaccins, et de quel vaccin s’agit-il ? Qu’est-il prévu pour le conditionnement et la conservation des doses, sachant qu’elles doivent être conservées à des températures très basses ?

Comment seront-elles acheminées vers les centres de vaccination et où les Français pourront-ils se faire vacciner ?

Quel sera le rôle des médecins généralistes ? Sont-ils simplement avertis de l’implication qui sera la leur dans le dispositif de vaccination ? Les médecins coordonnateurs ne pourraient-ils pas remplir ce rôle dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad ?

Il me semble que, sur ces questions, l’impréparation est grande. Monsieur le ministre, nous souhaitons avoir des précisions sur ces différents points. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, le ministre des solidarités et de la santé n’est point de caractère boudeur…

Mme Hélène Conway-Mouret. Il est simplement timide ! (Sourires.)

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … et il a le plus grand respect pour la Haute Assemblée.

M. François Bonhomme. C’est manifeste !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. J’ai l’honneur de le représenter et je m’évertue à le faire au mieux. C’est, d’ailleurs, toujours un plaisir d’être avec vous, que ce soit pour les questions au Gouvernement ou lors des débats sur des projets de loi.

Monsieur le sénateur, le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, ont eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises sur ce point. Je veux vous assurer que cette campagne vaccinale se prépare, et dans de bonnes conditions.

Vous avez soulevé un certain nombre de points importants et légitimes pour les Français. Permettez-moi de rappeler, à ce titre, que 61 % d’entre eux ont annoncé, dans un récent sondage, n’avoir pas forcément l’intention de se faire vacciner… Il est donc nécessaire d’évoquer ces questions en toute transparence, pédagogie et clarté, et je vous remercie de le faire aujourd’hui.

Les vaccins des groupes Moderna et Pfizer devraient être les premiers à obtenir une autorisation européenne. Il ne nous fallait pas l’attendre pour avancer. La Haute Autorité de santé a, ainsi, donné un avis précis sur la stratégie vaccinale, qui définit notamment les publics prioritaires ; vous en avez certainement pris connaissance.

La stratégie du Gouvernement est donc menée dans la plus grande transparence. La nomination de l’infectiologue Alain Fischer comme expert référent sur cette stratégie s’inscrit dans cette démarche de transparence.

Des questions complémentaires ont, en outre, été transmises à la Haute Autorité de santé, s’agissant, notamment, de l’impact de la sérologie sur la balance entre le bénéfice et les risques individuels de la vaccination. À ce stade, le statut sérologique est neutre sur la priorisation retenue par la Haute Autorité de santé.

Pour ce qui concerne l’acte vaccinal, celui-ci sera, en tout état de cause, réalisé après consultation médicale. Pour la phase 1, un médecin sera présent pour la vaccination, soit pour la réaliser, soit pour la superviser. Il est possible que la question de l’élargissement à d’autres professionnels de santé, par la suite, puisse se poser. Elle nécessitera d’être instruite et devra donc également être tranchée sur le fondement de la concertation et de l’avis de la Haute Autorité de santé.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Enfin, d’un point de vue très pratique, le Gouvernement s’assure, dans les moindres détails, du circuit logistique qui devra permettre la bonne vaccination, au bon moment.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.

M. Bernard Bonne. Bien que ces réponses ne nous rassurent pas complètement, je tenais, monsieur le secrétaire d’État, à vous remercier personnellement de votre présence régulière dans cet hémicycle et devant nos commissions, et surtout du respect que vous avez de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadège Havet applaudit également.)

edf et projet hercule

Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Sebastien Pla. Monsieur le Premier ministre, depuis quelques semaines, la presse, toujours mieux informée que le Parlement, alerte sur les risques que fait peser le projet Hercule sur le service public de l’électricité et sur l’indépendance énergétique du pays.

Malgré les interpellations de nos collègues députés, hier, les réponses de Mme Abba ne nous ont guère éclairés. Pourtant, les inquiétudes sont nombreuses, de la part tant des salariés d’EDF, qui craignent de perdre leur statut, que des usagers, du fait du risque d’inflation sur les prix, et des élus locaux.

Il est temps d’apporter des réponses à la représentation nationale, que vous ne pouvez ignorer plus longtemps. Nous ne pouvons pas accepter que l’Élysée brade des biens stratégiques dans le dos de la France, pour satisfaire la doctrine libérale de Bruxelles.

Il est temps de mettre un terme au démantèlement méthodique de ce fleuron de l’énergie, symbole de la réussite à la française.

Il est temps d’arrêter ce processus de libéralisation. Hercule vise clairement le démembrement d’EDF en trois entités. Qu’elles soient « bleue », « verte », « azur » ou autre, les couleurs signent la désintégration totale d’EDF, dans le but inavoué de nationaliser les pertes – c’est-à-dire le nucléaire – et de privatiser les profits autour des énergies renouvelables, les ENR, et de la distribution opérée par Enedis.

Il est temps de mettre un frein à la privatisation des barrages en pleine phase de transition énergétique. La France sera le seul pays européen à affaiblir un secteur aussi vital et rentable… À qui profite le crime ? Cela vous concerne d’ailleurs dans les Pyrénées-Orientales, monsieur le Premier ministre.

Il est temps de prendre la mesure de l’urgence climatique. Avec la COP21 et l’accord de Paris, la France a pris des engagements. Aussi, pourquoi risquer de fragiliser ce grand service public qui devrait être l’acteur majeur de cette transition ?

Monsieur le Premier ministre, c’est vous que nous voulons entendre, car c’est un sujet de souveraineté nationale.

Quel est, précisément, l’état d’avancement des négociations avec la Commission européenne sur ce sujet ? Au travers de quel véhicule législatif comptez-vous faire adopter ce projet de réorganisation ? Enfin, comment répondez-vous au désarroi des salariés ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Pla, nous avons entendu, ces derniers jours, les nombreuses inquiétudes et interrogations des parlementaires à propos de ce projet Hercule et des échanges avec la Commission européenne sur la régulation du nucléaire existant et de l’hydroélectricité.

Je souhaite rappeler, dans cet hémicycle, que le souhait du Gouvernement n’est évidemment pas de déstabiliser ce fleuron industriel français qu’est EDF. Cette dernière nous permet de produire une électricité qui est, aujourd’hui, l’une des plus décarbonées d’Europe – elle le sera entièrement d’ici à 2050 – et de préserver notre indépendance, ainsi que notre souveraineté énergétique.

L’objectif de nos échanges avec la Commission européenne est de permettre à EDF de continuer à être l’un des principaux moteurs de la transition. Néanmoins, nous devons nous assurer que le groupe dispose d’un cadre de régulation adapté…

M. Pierre Laurent. Adapté à quoi ?

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. … et de capacités d’investissement accrues, pour participer pleinement à la transition.

Nous devons permettre à EDF de dégager ces ressources nécessaires pour les investissements massifs qui s’annoncent et dans lesquels s’engagent, sans nous attendre, ses concurrents européens.

Vous le savez, nous sommes actuellement en négociation avec la Commission européenne sur la régulation du nucléaire et de l’hydroélectricité. Nous voulons conserver un groupe intégré permettant à l’entreprise de disposer de toutes ses capacités d’investissement, tout en préservant ses emplois et ses savoir-faire.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous devons assurer le financement, dans la durée, du parc nucléaire existant, en cohérence avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous devons également protéger durablement les consommateurs de hausses de prix liées au marché de l’électricité.

Enfin, nous échangeons avec la Commission européenne pour trouver une issue au contentieux sur l’hydroélectricité. Nous devrons évidemment, dans les mois et années qui viennent, poursuivre une réflexion pour mener ces échanges avec détermination, avec l’ambition de défendre, au mieux, les intérêts de la France.

M. Fabien Gay. Ce n’est pas le point de vue de Bruxelles !

Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla, pour la réplique.

M. Sebastien Pla. Vous répondez toujours à côté ! Je constate que, une fois de plus, vous confisquez le débat.

Mes chers collègues, combien de temps encore allons-nous accepter que ce gouvernement vende en toute opacité les bijoux de famille ? Non à la privatisation d’EDF ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe GEST.)

politique du gouvernement en matière de sécurité

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Leroy, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Leroy. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Face à la délinquance qui explose, au communautarisme qui gangrène les territoires de la République,…

M. Henri Leroy. … aux terroristes qui, au nom d’une idéologie fasciste, assassinent des innocents, face aux Black Blocs qui pillent, cassent et sèment la terreur à chaque manifestation, nous étions très nombreux, parlementaires, maires, policiers et gendarmes, à attendre la publication du Livre blanc de la sécurité intérieure.

C’est fait. Il va servir à la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la Loppsi 3, et, certainement, au Beauvau de la sécurité annoncé hier par le Président de la République, que le Sénat demandait depuis la remise au Gouvernement du rapport sur l’état des forces de sécurité intérieure en juin 2018.

Comme ce livre blanc l’affirme si justement, les maires sont des acteurs centraux de la sécurité communale. Leur responsabilité ne cesse de croître. Ils sont chargés de la politique de prévention auprès de tous leurs administrés. Avec leur police municipale, ils constituent un véritable réseau d’informateurs des forces de sécurité.

Vous le savez parfaitement, monsieur le Premier ministre, le redéploiement de la gendarmerie et de la police dans les communes est une question nationale de toute première importance.

Ce livre précise, sommairement, les critères de redéploiement territorial, notamment en se fondant sur le nombre d’habitants. Ces critères sont flous et à aucun moment, j’y insiste, il n’est question du premier élu connecté au terrain.

À peine publiée, votre proposition de redéploiement intrigue autant les forces de sécurité que les élus locaux.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner les vrais critères de ce futur redéploiement entre les deux principales forces de sécurité, auquel vous ne pouvez manquer d’associer les maires intuitu personae ?

Par ailleurs, que comptez-vous concrètement mettre en place pour arrêter les Black Blocs dans leur fureur dévastatrice ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur. Monsieur le sénateur, votre intervention comporte plusieurs questions, auxquelles j’essaierai de répondre le plus clairement possible.

La publication du Livre blanc est, effectivement, un travail très important effectué par de nombreux spécialistes de la sécurité et pour lequel les élus locaux ont été consultés en premier lieu. Toutefois, ce Livre blanc n’est qu’un document de travail.

Oui, il sera à la base de la discussion qui doit nous amener à une grande loi de sécurité intérieure. Je la préparerai et il appartiendra sans doute au prochain gouvernement de la défendre ou, selon ce que décidera le peuple lors des élections de 2022, de le corriger et de l’amender.

Évidemment, cette année 2021 constituera un moment de réflexion sur les grands enjeux de la sécurité que sont le renseignement, le cyber et la façon dont la délinquance se développe dans les territoires, en se transformant depuis un certain nombre d’années.

Il est évident, monsieur le sénateur, que ce n’est pas une commission, aussi intéressante soit-elle, qui va définir des critères permettant de savoir où iront les gendarmes et la police. C’est en parfaite osmose avec les élus de tous les territoires de la République que nous travaillerons, tout au long de l’année 2021, à la façon de bien placer les forces de sécurité.

Nous devrons, sans doute, mettre en place un certain nombre de projets originaux et d’expérimentations : il y aura un peu des deux. Dans le Livre blanc est ainsi posée la question de l’arme qui doit être utilisée selon le type de délinquance. Ce travail doit, en tout cas, être effectué en parfaite collaboration avec les élus, dont, vous le savez, je fais partie.

Vous soulevez également la question des Black Blocs, ces individus violents, voyous et casseurs. Nous devons casser la dynamique de la peur qui s’empare des centres-villes et, singulièrement, de l’agglomération parisienne.

À la demande du Premier ministre, et après m’en être entretenu avec lui, j’ai donné instruction, aujourd’hui, aux préfets de la République de savoir exactement qui sont ces personnes, dont le profil est extrêmement différent de ceux que nous connaissions jusqu’à présent.

Je réfléchis également, de concert avec le garde des sceaux, aux moyens d’empêcher, par la justice, au travers d’interdictions de paraître ou de se rendre dans certains lieux, leur arrivée dans les manifestations, qui devraient toutes être pacifiques. (M. François Patriat applaudit.)

coordination des politiques européennes en direction des stations de ski

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Mes chers collègues, la montagne est en deuil depuis hier soir : j’ai une pensée pour les victimes de l’accident d’hélicoptère qui a eu lieu en Savoie.

Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État aux affaires européennes. Dans notre inconscient collectif, la montagne et l’hiver riment avec de bons moments passés en famille – c’est d’autant plus vrai à l’occasion des fêtes de Noël –, mais, dans la réalité, il faut bien avoir conscience que les massifs de montagnes sont également un secteur économique en tant que tel. Ils sont, en outre, un secteur atypique, puisque le chiffre d’affaires de l’année se fait sur quelques mois, dont 20 % à Noël.

L’annonce brutale de la fermeture des remontées mécaniques et l’absence de date de réouverture laissent tous les acteurs dans l’inquiétude. Nous sentons vraiment la colère monter.

On nous a expliqué la nécessité d’une coordination européenne. L’Autriche, la Suisse avec laquelle nous avons des domaines skiables communs, et peut-être d’autres pays laisseront leurs infrastructures ouvertes aux vacanciers, tout comme ils ouvriront leurs restaurants. Monsieur le Premier ministre, ce sera le cas, dès demain, à Genève.

On nous a, par ailleurs, rebattu les oreilles sur la nécessité de la différenciation. Nous avons compris : la tour Eiffel rouvrira dans une semaine, quand l’intégralité des remontées mécaniques du pays restera fermée pour une durée indéterminée. En matière de différenciation, on peut vraiment mieux faire et ce n’est pas à celle-ci à laquelle nous pensions !

Monsieur le secrétaire d’État, quelle coordination européenne souhaitez-vous poursuivre désormais ? Quelle vraie différenciation locale pouvez-vous proposer aux acteurs de la montagne ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je veux tout d’abord m’associer à l’hommage que vous rendez aux victimes de cet accident d’hélicoptère.

En ce qui concerne les mesures relatives à la montagne, si le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, doit prendre ces mesures de restriction, ce n’est évidemment pas de gaîté de cœur.

Ce n’est pas non plus, comme on l’entend parfois, parce que les activités de plein air seraient les plus dangereuses, mais parce que nous savons qu’il y a aussi des lieux de rassemblement, qui peuvent être dangereux alors que l’épidémie n’est pas totalement maîtrisée. Nous devons être d’une vigilance particulière.

J’aurai l’occasion de revenir sur les mesures d’accompagnement et de soutien à l’activité touristique, mais je veux dire que, si nous rouvrions trop tôt, nous prendrions non seulement un risque sanitaire, mais également un risque économique pour les acteurs concernés.

En effet, si l’épidémie continuait à se développer de manière générale et que nous devions refermer des activités, c’est le haut de la saison, notamment le mois de février, qui serait remis en cause.

En ce qui concerne la coordination européenne que vous évoquez, je veux signaler que nous l’avons engagée, ce qui est inédit, car jamais nous n’avions eu affaire à une telle situation. L’Europe n’ayant pas de compétence en la matière, nous l’avons donc construite, sous l’autorité du Président la République et du Premier ministre.

Je veux être précis sur ce point : grâce à l’initiative que nous avons prise pour éviter une forme de concurrence excessive ou déloyale et un risque sanitaire de réimportation du virus, l’Italie, l’Allemagne – notamment la Bavière – et, plus loin de nous, la Bulgarie et la Slovénie ont annoncé la fermeture de leurs stations pour la période des fêtes. Andorre a également changé de décision, à la suite de cet effort de coordination.

Je tiens à préciser que, en ce qui concerne l’Autriche, tout sera fermé : les hôtels, les bars et les restaurants. En outre, une quarantaine sera imposée. Il n’y aura, donc, de fait, pas de concurrence touristique.

En ce qui concerne la Catalogne, la plus proche de nos frontières des trois communautés espagnoles qui disposent de stations de ski, nous avons fait en sorte qu’il y ait une interdiction pour les non-résidents de ces régions d’accéder aux stations de ski. Les autorités espagnoles, catalanes en particulier, mettront en place des contrôles.

Nous ferons des contrôles pour la Suisse, dernier pays qui se trouve encore dans cette situation, si nous n’arrivons pas à mettre en place une coordination diplomatique dans les prochains jours.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il s’agit de décisions cantonales en Suisse. Nous poursuivons nos efforts et nous accompagnerons les professionnels. (M. André Gattolin applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Pour ce qui concerne la Suisse, il faudra nous expliquer sur quel fondement juridique, européen ou français, pourront être effectués les contrôles à la frontière, à l’aller ou au retour des vacances…

Dans notre pays, les bars, les discothèques et les restaurants sont fermés. Ce n’est pas sur un tire-fesses ou sur un télésiège que l’on attrape la covid ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Le Premier ministre l’a rappelé : les stations de ski sont ouvertes ! Les protocoles ont été préparés : il faut donner de l’espoir à cette profession et à la montagne. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

ouverture des stations de ski

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sylviane Noël. Monsieur le Premier ministre, quinze jours après les annonces décriées du Président de la République, le monde de la montagne reste encore dans l’incompréhension face aux remontées mécaniques fermées, alors que la tour Eiffel ou le téléphérique de la Bastille, à Grenoble, rouvriront prochainement leurs portes. De qui se moque-t-on ?

Le décret paru ce week-end permettant l’accès aux remontées mécaniques à certains usagers, tels que les licenciés d’une association de la fédération française de ski, a suscité beaucoup d’interrogations : comment mettre en œuvre concrètement une mesure si discriminatoire, qui créera une grande frustration pour les vacanciers privés de ski, pendant qu’ils verront les membres des clubs locaux s’entraîner ?

Au-delà, on peut douter de la viabilité financière d’une telle opération, lorsque l’on sait que le coût du fonctionnement journalier d’une station peut frôler les 45 000 euros. À quinze jours des vacances de Noël, nous avons besoin de retrouver de la confiance et de la visibilité, à trois points de vue.

Nous avons besoin, tout d’abord, d’une visibilité temporelle : les remontées mécaniques demeurent le seul secteur qui ne bénéficie d’aucune perspective quant à la date de réouverture. Quels sont les critères et les seuils qui détermineront cette date ?

Nous avons besoin, ensuite, d’une visibilité organisationnelle. Vous enjoignez aux maires de sécuriser leur domaine skiable pour permettre la pratique d’autres activités.

Or de grandes incertitudes demeurent sur les activités en question, notamment celle des jardins d’enfants situés en front de neige. Il est indispensable de délimiter la responsabilité des maires et de permettre un maximum d’activités dans les meilleures conditions de sécurité possible.

Nous avons besoin, enfin, d’une visibilité financière. Là encore, de grandes incertitudes pèsent sur les modalités de compensation des pertes d’activité saisonnière pour des entités qui réalisent leur chiffre d’affaires annuel sur quatre mois seulement.

Monsieur le Premier ministre, la saison d’hiver est très courte. Pour bon nombre de stations qui fermeront leurs portes dès le mois de mars, le temps presse. Donnez-nous des réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice Sylviane Noël, pour rebondir sur votre question, qui s’inscrit dans le prolongement de la précédente, je veux dire que nous avons bien conscience que les activités dangereuses ne sont pas directement des activités de plein air, mais des rassemblements qui, de fait, peuvent avoir lieu chez les particuliers.

M. Loïc Hervé. Ils auront lieu tout de même !

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. Le travail de coordination européenne nous a enseigné que c’est en Autriche que se sont créés des clusters l’an dernier. C’est donc un sujet sensible.

Sur l’accompagnement, nous avons bien conscience de la difficulté qui est créée. D’ailleurs, le Premier ministre recevra de nouveau, le 11 décembre prochain, l’ensemble des acteurs de la filière et de la profession, pour évaluer un certain nombre de mesures.

Je puis d’ores et déjà vous dire que des mesures d’accompagnement particulières renforcées sont prévues, avec un dispositif de soutien ad hoc.

Je pense tout d’abord à un dispositif de compensation des charges fixes pour les remontées mécaniques. Cette compensation sera particulièrement importante : elle ira au-delà du fonds de solidarité.

Nous sommes également ouverts à examiner l’extension du fonds de solidarité, au-delà des fameuses listes S1 et S1 bis, à des zones territoriales entières, pour couvrir l’ensemble de l’activité commerciale, y compris les agences de location saisonnière, auxquelles l’accès au fonds pourrait être pleinement ouvert.

Un fonds de garantie des pertes fiscales des collectivités concernées est également à l’étude. Comme l’a annoncé la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, les saisonniers qui ont d’ores et déjà été recrutés pour la saison d’hiver seront éligibles au dispositif d’activité partielle sans reste à charge.

L’État sera au rendez-vous. La réunion du 11 décembre prochain permettra d’examiner d’autres mesures de soutien. D’autres activités seront ouvertes, puisque, comme vous l’avez souligné, il n’y a pas que le ski alpin qui est concerné. Vous le savez, les jardins d’enfants feront aussi l’objet de mesures d’ouverture.

Je le dis, l’objectif est de parvenir à une ouverture progressive, pour que nous n’ayons pas à décider ensuite de fermetures. Si nous rouvrions trop tôt, c’est aussi la santé économique des stations que nous mettrions en danger !

Par ailleurs, Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Michel Blanquer et Sarah El Haïry travaillent pour favoriser la reprise des classes de neige à partir du mois de février prochain, qui est le principal mois de l’activité touristique et économique.

Enfin, le Gouvernement lancera, avec Atout France, sous la responsabilité de mon collègue Jean-Baptiste Lemoyne,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat. … une campagne de communication et de promotion pour l’hiver.

politique sociale du gouvernement et mesures d’accompagnement face à la crise

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe SER. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, des travailleurs pauvres, des retraités, des étudiants sans petit boulot viennent allonger désespérément les files d’attente devant les associations d’aide alimentaire, complètement débordées. La crise sociale est là, partout, sous nos yeux.

Nous attendions beaucoup du projet de loi de finances, mais le Gouvernement a obstinément choisi de poursuivre sa politique budgétaire et économique.

Vous préférez préserver les intérêts des plus fortunés et des grandes entreprises. Vous refusez de faire contribuer fiscalement les plus aisés, dont l’épargne s’est pourtant considérablement accrue. Vous restez sourds et n’acceptez rien – désespérément rien. Vous refusez d’améliorer la prise en charge du chômage partiel comme d’augmenter le SMIC.

Prenez-vous la mesure des choses ? Vous privez les Français non seulement de liberté, mais également de fraternité. Même au sortir de la guerre, le Conseil national de la Résistance avait compris qu’il fallait de grandes réformes sociales.

Quand allez-vous comprendre qu’il faut une vraie politique sociale, autre que ces mesures d’urgence décidées au coup par coup et insuffisantes ?

Quand allez-vous vous inspirer des départements, qui veulent mettre en place un revenu minimum de base ?

Quand allez-vous étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, vous avez raison : la crise de la covid-19 a déclaré la guerre aux classes populaires, qui sont plus exposées à la maladie, mais aussi à la récession, donc au chômage.

Nous avons un devoir de solidarité à l’égard de nos concitoyens. Cependant, le Gouvernement en a ressenti l’urgence non pas depuis cette crise sanitaire, mais dès 2017, sur les questions à la fois d’accès à la santé, d’accès à l’emploi et de solidarité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, un certain nombre d’entre vous nous reprochent de ne pas avoir augmenté les minima sociaux.

Permettez-moi de vous rappeler que, dès 2017, nous avons augmenté un certain nombre d’allocations en faveur des plus fragiles. Je pense à l’allocation aux adultes handicapés, à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, à la revalorisation de la prime d’activité, dont vous avez dû lire, dans le dernier rapport de l’Insee, qu’elle avait permis de diminuer le taux de pauvreté dans notre pays.

Je vous rappelle aussi que la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté consacre 8,5 milliards d’euros en faveur des personnes les plus précaires dans notre pays.

Nous assurons aussi l’accès à la santé pour tous, sans barrière financière : dès le 1er janvier 2021, sera effectif le dispositif « 100 % santé », avec un remboursement des frais d’optique, dentaires et auditifs. Le Ségur de la santé consacre 100 millions d’euros chaque année à la lutte contre les inégalités en santé, qui est une autre forme d’inégalité puissante dans notre pays.

Nous avons instauré la prise en charge à 100 % de tous les frais de santé liés à la covid-19, à laquelle, je le répète, les populations les plus précaires sont le plus exposées.

Enfin, nous protégeons les plus fragiles. Ainsi, nous avons reconduit, pendant la crise, l’ensemble des droits aux minima sociaux et nous avons mobilisé, au total, 3,5 milliards d’euros pour les aides directes, qui ont bénéficié à près de 8 millions de nos concitoyens.

Nous avons dégagé des dizaines de millions d’euros pour assurer la mise à l’abri, l’accès à l’alimentation et la mise à disposition de masques. Je me permets, à cet égard, de saluer le travail réalisé par les associations en ce sens.

Enfin, vous le savez, nous mobilisons 6,7 milliards d’euros pour le plan « 1 jeune, 1 solution ». (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse et de votre attention.

Néanmoins, je persiste à penser que cette crise aurait pu être l’occasion pour vous d’opérer un changement complet de logiciel, de mettre en place une véritable politique de l’emploi et de traiter véritablement la question sociale. Vous en avez décidé autrement.

Décidément, votre gouvernement reste celui des élites ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

procédure judiciaire liée à l’attentat de nice

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Stéphane Le Rudulier. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Voilà une semaine, deux individus placés en détention provisoire pour leur participation présumée à l’attentat de Nice de 2016 ont, contre toute attente, été libérés pour vice de procédure, en l’absence d’une nouvelle ordonnance de maintien en détention provisoire.

Surpris par cette décision, l’un d’entre eux aurait même demandé que sa détention puisse être prolongée d’une nuit supplémentaire, afin de préparer sa sortie… (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme. Comme à l’hôtel !

M. Stéphane Le Rudulier. Fort heureusement, ces deux Albanais, parce qu’ils étaient en situation irrégulière, ont été interpellés les jours suivants par nos services de police et assignés à résidence.

Cette séquence surréaliste n’est malheureusement pas un fait isolé, et les autres cas ne sont pas circonscrits aux affaires de terrorisme. En 2019, a été libéré un homme suspecté de crimes contre l’humanité. La même année, a été libéré un jeune homme accusé d’avoir porté des coups mortels à sa mère. Plus récemment, a été libéré, à Marseille, un membre présumé du narcobanditisme.

Toutes ces remises en liberté contraintes sont liées à de malencontreuses erreurs de procédure.

Dans une démocratie comme la nôtre, la justice est indépendante, ce qui confère aux magistrats de nombreux pouvoirs. Le corollaire indispensable est qu’ils doivent avoir un régime de responsabilité renforcée. C’est la seule réponse à la défiance dont souffre aujourd’hui la magistrature, discréditée par ces négligences, certes minoritaires, mais insuffisamment sanctionnées.

Ma question est la suivante : quelles dispositions le garde des sceaux compte-t-il prendre pour faire cesser ces errements administratifs, qui ont conduit à la libération de deux individus soupçonnés de complicité dans l’attentat de Nice de 2016 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur Le Rudulier, à titre liminaire, je tiens à vous adresser les vœux sincères et chaleureux du Gouvernement, puisque, en ce 9 décembre, nous célébrons non seulement l’anniversaire de la loi de 1905, mais aussi le vôtre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Le sujet que vous abordez est grave. Je tiens à excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui, retenu à l’Assemblée nationale, m’a demandé de vous répondre.

Vous avez évoqué le grave dysfonctionnement qui a été mis au jour. Celui-ci a conduit à la libération de deux personnes suspectées d’être en lien avec l’attentat terroriste. J’ai évidemment, en cet instant, une pensée pour les victimes, pour leurs proches et pour tous les Niçois, qui ont été endeuillés une nouvelle fois cette année.

Premièrement, je veux vous annoncer que le garde des sceaux a immédiatement diligenté une enquête auprès de l’inspection générale de la justice pour faire toute la lumière sur cette affaire. Je vous le dis de manière extrêmement claire : s’il est établi que des fautes ont été commises, nous tirerons évidemment toutes les conséquences de chacune d’entre elles. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jérôme Bascher. Il faut des sanctions !

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. C’est ce que je voulais dire, monsieur le sénateur !

Deuxièmement, le garde des sceaux a demandé que cette enquête permette également de faire des propositions pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise pas. Il est très important que nous puissions répondre aux difficultés administratives qui peuvent exister et que vous avez évoquées.

Troisièmement, nous avons engagé une augmentation budgétaire majeure, historique, pour notre justice. Le « corollaire » de cette hausse, pour reprendre le terme que vous avez utilisé, sera évidemment une plus grande efficacité du système judicaire, de telle manière que cette situation ne puisse se reproduire.

Enfin, comme vous l’avez rappelé, immédiatement après ce dysfonctionnement, les deux personnes concernées ont été placées sous la surveillance du ministère de l’intérieur, en lien avec le ministère de la justice. Elles sont aujourd’hui assignées à domicile et sous contrôle judiciaire.

Mme Dominique Estrosi Sassone. Vous ne nous rassurez pas !

situation en nouvelle-calédonie

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le ministre des outre-mer, mes chers collègues, je relaie la question de mon collègue et ami Gérard Poadja.

« J’ai mal à mon pays », indique l’intéressé, depuis qu’est évoquée la reprise de l’usine du Sud, qui enflamme la Nouvelle-Calédonie.

C’est la première fois depuis trente ans que les Calédoniens s’affrontent de manière aussi violente sur le terrain, avec des barrages sur lesquels certains participants sont armés.

Hier, à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a indiqué qu’il poursuivrait « inlassablement le dialogue […] jusqu’à parvenir, avec l’ensemble des acteurs, à une solution négociée. »

Monsieur le ministre, les consensus ont été la règle dans le secteur du nickel ces trente dernières années : en 1988, lors des accords de Matignon, permettant aux Kanaks d’accéder à l’économie du nickel ; en 1998, avec l’accord de Nouméa, en décidant de la construction de l’usine du Nord et en organisant l’entrée des intérêts calédoniens au capital de la société Le Nickel et d’Eramet ; enfin, en 2008, lorsque l’usine du Sud a été acceptée par les populations locales.

Notre histoire nous a appris que le consensus ne se décrète pas : il se construit. Dès lors, limiter l’espace du dialogue à la seule offre soutenue par l’État, ce n’est pas construire un consensus.

Le risque est de répéter les événements des années 1980. Le risque est également la fermeture pure et simple de l’usine du Sud, qui mènerait au chômage près de 3 000 familles. Enfin, le risque est la rupture du dialogue politique entre indépendantistes et non-indépendantistes avant un troisième référendum, avec des conséquences difficiles à prévoir sur la paix civile.

Ma question est simple, monsieur le ministre : face à ces risques majeurs, le Gouvernement est-il prêt à ouvrir le champ du dialogue au-delà de l’offre actuelle, afin de construire un projet consensuel de reprise de l’usine du Sud ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Gérard Larcher applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur Jean-François Longeot, bien évidemment, le Gouvernement est prêt à ce dialogue depuis de nombreuses années.

Je veux évidemment commencer par condamner les violences. Je tiens à saluer le courage des forces de l’ordre – policiers, gendarmes, gendarmes mobiles… –, qui, depuis maintenant plusieurs jours, interviennent dans des conditions particulièrement difficiles, mais aussi l’autorité judiciaire, qui a commencé à apporter un certain nombre de réponses ces dernières heures.

Il convient de ne pas rendre la violence banale ou inéluctable. Sur ce dossier, certains commentateurs ont parfois trop tendance à la banaliser, comme si, en Nouvelle-Calédonie, la violence était un principe. Si les événements douloureux que nous avons connus dans les années 1980 sont évidemment marqués à jamais dans nos esprits, la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou l’est tout autant. Le dialogue est l’affaire de chacun. C’est un dialogue à trois, dans lequel nous devons tous avancer.

Permettez-moi de rendre compte au Sénat des discussions nocturnes que j’ai pu avoir avec les différents protagonistes de ce dossier, notamment sur la reprise de l’usine dite « du Sud », l’usine Vale.

Vous le savez, les gouvernements successifs ont soutenu massivement le nickel de manière globale en Nouvelle-Calédonie, et singulièrement l’usine du Sud.

Pour nous, la sauvegarde des 3 000 emplois n’est pas négociable. Je le dis, parce que ce point n’est pas consensuel. Dans la discussion, certains aujourd’hui voudraient mettre l’usine sous cocon. C’est 3 000 familles qui perdraient leur emploi ! Aucune raison politique ne le justifie. Je ne vois pas comment le dialogue et le calme pourraient revenir si 3 000 familles calédoniennes perdent leur emploi !

Nous devons continuer à travailler. En réalité, il n’y a plus qu’une seule offre sur la table. Nous devons continuer à la documenter. Des accords sont en cours entre les différents protagonistes privés, mais se pose également la question de l’actionnariat calédonien, qui mérite elle aussi d’être abordée dans le cadre de cette discussion politique.

Il est impossible de répondre à la question de la Nouvelle-Calédonie en deux minutes. Je me tiens donc à la disposition de votre assemblée, monsieur le président du Sénat, pour approfondir les différents points qui l’intéressent sur ce dossier si difficile, mais si important pour la République. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. Gérard Larcher. Très bien !

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement, qui seront aussi les dernières de l’année 2020, auront lieu le mercredi 16 décembre, à quinze heures.

Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

4

 
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
Discussion générale (suite)

Création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux

Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, la discussion de la proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux, présentée par Mmes Laurence Cohen, Cathy Apourceau-Poly et Michelle Gréaume et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 677 [2019-2020], résultats des travaux de la commission n° 173, rapport n° 172).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la proposition de loi.

Mme Cathy Apourceau-Poly, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en juin dernier, en visite dans l’usine de vaccins de Sanofi à Marcy-L’Étoile, le Président de la République a fait de la souveraineté sanitaire de la France une priorité. Il a ainsi débloqué 200 millions d’euros d’argent public pour « financer des infrastructures de production comme de recherche et de développement ».

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre Jean Castex déclarait : « Nous avons atteint un niveau de dépendance qui n’est pas raisonnable, qui n’est pas acceptable » en biens et ressources stratégiques.

Or ces financements se font sans condition de contrôle citoyen sur les coûts de production de recherche et de développement.

Pis, ces entreprises versent des milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires tout en menaçant de licencier en France et en Europe. En pleine pandémie et crise économique et sociale, il est indécent que certains en profitent pour faire des profits sur la santé et la vie de millions de personnes.

Nous avons besoin de développer des capacités publiques de production et de distribution des traitements et des vaccins à l’échelle française et européenne pour que notre santé ne dépende pas des choix financiers de quelques grandes entreprises.

C’est le sens de notre proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits de santé, fruit de longues réflexions, de fructueux échanges et de multiples rencontres.

En effet, dès 2006 et le scandale sanitaire du médicament Vioxx de la firme Merck, le président François Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen avaient proposé la création d’un pôle public du médicament, afin de « poser les bases d’une nouvelle règle du jeu plus respectueuse des objectifs de santé publique et d’assurer un rééquilibrage entre les différents acteurs du médicament : les agences, l’État, les citoyens, les médecins et l’industrie pharmaceutique ».

Depuis lors, la proposition a été mise en discussion avec les acteurs syndicaux, les associations, les professionnels de santé et les salariés de l’industrie pharmaceutique.

Alors que 2 400 ruptures de médicaments ont été constatées en 2020, l’arrivée de la pandémie de la covid-19 a accéléré la démonstration de l’urgence à extraire les médicaments de la loi du marché, pour répondre aux exigences de santé publique. En d’autres termes, de plus en plus de personnes sont convaincues de la nécessité de placer la santé au-dessus des intérêts financiers.

Ce fut le sens de ma question d’actualité du 1er avril dernier au ministre de la santé, face au manque de médicaments, de respirateurs et de masques et à la nécessité de mettre en place un pôle public du médicament fondé sur la réquisition des grands groupes pharmaceutiques.

Quelques semaines plus tôt, le ministre de la santé, Olivier Véran, avait répondu à ma collègue Laurence Cohen : « Nous ne pouvons pas rester totalement dépendants en matière d’accès aux médicaments : nous avons besoin d’autonomie, a minima européenne ».

Si même le Gouvernement envisage de le faire, c’est que l’arrivée de la pandémie, en février-mars 2020, les ruptures de stock de masques médicaux de protection, de respirateurs, de médicaments anticancéreux et, plus récemment, de vaccins contre la grippe ont donné du grain à moudre à notre proposition de loi.

L’exigence d’une reprise en main, par l’État, de la production et de la distribution de médicaments a été peu à peu reprise par des acteurs de tous bords, du monde politique comme associatif. Ainsi, le rapport sénatorial de 2018 de nos collègues Daudigny et Decool a repris l’idée d’une production publique de certains médicaments essentiels.

En juillet 2020, c’est la députée Dubost qui a proposé la création d’un établissement pharmaceutique capable de produire des médicaments au niveau européen.

En ce qui concerne le secteur associatif, des acteurs aussi divers que l’UFC-Que choisir, France Asso Santé, le Conseil consultatif national d’éthique, la Ligue contre le cancer ou l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament sont favorables à la création d’un pôle public de production et de distribution des médicaments considérés comme essentiels.

C’est la démonstration que, face aux pénuries persistantes et à l’actualité sanitaire, le rétablissement de souveraineté de la France s’est imposé comme la solution pour un nombre toujours plus important de personnes. Notre souveraineté sanitaire et notre souveraineté industrielle seront remises en question tant que nous ne serons pas en capacité de produire nous-mêmes des produits aussi essentiels.

La France paye les choix politiques de désindustrialisation et les délocalisations de la production des entreprises de médicaments en Asie du Sud-Est : voilà seulement vingt ans, quelque 80 % des principes actifs étaient produits en France ; ils ne sont plus que 20 % aujourd’hui, le reste étant produit hors de l’Union européenne.

Nous avons les potentiels pour relancer le mécanisme de réindustrialisation d’une filière française des médicaments essentiels. Il manque une volonté politique et des outils de pilotage publics.

La crise sanitaire a mis en évidence la dépendance de la France à une production largement réalisée à l’étranger. Et lorsque le Gouvernement évoque le rapatriement sur notre territoire de la production de médicaments, il ne l’envisage que pour le paracétamol, alors que les besoins sont beaucoup plus importants.

De la même manière, Sanofi envisage de rapatrier en Europe une partie de la fabrication des principes actifs. Toutefois, nous savons que son objectif est non pas de revenir en France, mais d’implanter ses usines en Europe de l’Est, où le coût de la main-d’œuvre est beaucoup moins élevé que chez nous.

Notre proposition de loi pose en creux la question de l’Europe libérale, qui monte les peuples les uns contre les autres, au détriment d’une Europe solidaire, qui nous protège, comme en témoigne l’initiative citoyenne européenne lancée par des dizaines d’organisations politiques, associatives et syndicales à travers toute l’Europe, en faveur d’un accès équitable aux futurs vaccins et traitements qui a commencé le 1er décembre dernier, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida.

Je pense également à la question de la filière française du sang et des médicaments dérivés du plasma dont l’activité est menacée. La construction de la nouvelle usine, située près d’Arras, censée augmenter les capacités de production de médicaments dérivés du plasma devrait relever du périmètre du pôle public du médicament.

Les conséquences de la pandémie de covid-19 ont démontré l’urgence de sortir les médicaments et les vaccins du secteur marchand. C’est le sens de notre proposition de loi portant création d’un pôle public de production et de distribution des médicaments et des produits de santé, appuyé par un observatoire citoyen, afin de garantir la transparence des médicaments, et financé par la hausse de la fiscalité des assurances.

Ce texte va dans le sens du progrès. Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Cohen, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte soumis à notre examen part d’un constat que je pense unanimement partagé dans cet hémicycle : les choix qui structurent aujourd’hui notre politique du médicament ont fini par nous exposer à un phénomène que nous ne découvrons pas, mais que la crise a puissamment révélé, à savoir les pénuries.

Les riches auditions que j’ai menées ont été suivies par de nombreuses collègues de tous les groupes au sein de notre commission des affaires sociales, dont je rappelle au Gouvernement l’implication pionnière en matière de lutte contre les tensions d’approvisionnement.

Malgré l’absence d’adoption d’un texte de commission, un consensus s’est fait, non seulement sur le diagnostic, mais aussi sur le remède : là où les acteurs privés échouent à convenablement fournir un bien, que l’on peut indiscutablement qualifier de bien public lorsqu’il s’agit d’un médicament essentiel ou d’un vaccin contre une pandémie mondiale, la puissance publique se doit de prendre son relais.

On ne manquera pas de m’opposer que des leviers spécifiques ont déjà été aménagés par le législateur, mais leurs insuffisances ne résistent pas longtemps à l’examen.

Je pense tout d’abord aux mesures de stockage votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, lesquelles prévoient que tout exploitant de médicament doit constituer un stock de sécurité ne pouvant être inférieur à quatre mois de couverture des besoins du marché national.

Or cette jauge de quatre mois, dont le Parlement estimait qu’elle définissait moins un plafond qu’un objectif à atteindre, est ramenée par le Gouvernement à seulement deux mois pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, les MITM, cédant ainsi aux pressions des industriels qui craignent une explosion de leurs coûts.

Surtout, quel effet peut-on réellement attendre de cette mesure lorsque l’on sait, par avance, que son application ne fera l’objet d’aucune forme de contrôle ?

En 2020, année dont nous conviendrons unanimement qu’elle connut d’importantes pénuries de médicaments, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, n’a pris qu’une seule sanction financière pour rupture de stock, d’un montant non communiqué, mais dont nous savons qu’il est inférieur à 1 million d’euros.

Une autre mesure, emblématique, est celle que le Parlement a votée lors de l’examen du projet de loi instituant l’état d’urgence sanitaire et accordant au Premier ministre le pouvoir de recourir à des réquisitions, ainsi qu’à des limitations de la liberté d’entreprendre, pour tout bien ou service indispensable à la sortie de crise sanitaire et dont l’approvisionnement serait temporairement menacé.

Alors que les besoins en curare et autres spécialités de réanimation ont frôlé, au cours de la crise, des niveaux jamais atteints, le Gouvernement a préféré s’approvisionner directement auprès des producteurs, payant le prix fort d’un médicament en tension, plutôt que de recourir au cadre légal qu’il s’était lui-même donné à cet effet.

Ces demi-mesures ne suffiront pas à endiguer un phénomène de pénuries qui ne montre aucun signe de fléchissement : l’ANSM devrait recenser en 2020 près de 3 200 signalements de ruptures et tensions d’approvisionnement – un record absolu !

L’obsession de la rentabilité déséquilibre durablement les capacités d’approvisionnement de notre pays en médicaments essentiels, avec des conséquences désastreuses pour les patients. En effet, les médicaments régulièrement exposés à des difficultés d’approvisionnement sont en grande partie des médicaments anciens, peu chers, qui intéressent peu les Big Pharma, et qui sont pourtant indispensables dans la prise en charge des patients.

Cette situation perturbe l’exercice des professionnels de santé, qui se trouvent contraints de prendre des décisions susceptibles de causer des pertes de chances pour le patient, notamment la substitution par une autre spécialité, qui parfois n’est pas équivalente et dont l’efficacité et les effets secondaires pour le patient sont mal connus, la réduction de la posologie administrée ou encore une administration différée du traitement.

Face à cette situation délétère, porteuse de dangers, dont la crise sanitaire nous a pleinement fait prendre la mesure, la proposition formulée par mon groupe d’un pôle public du médicament s’inscrit dans la continuité d’exemples étrangers qui ont, chaque fois qu’un tel modèle a pu être déployé, prouvé leur succès.

Je pense notamment à la fondation Oswaldo-Cruz de Rio de Janeiro, que j’ai eu l’honneur de visiter en tant présidente du groupe d’amitié France-Brésil, qui produit, sur demande du ministère fédéral de la santé ou des entités mettant en œuvre divers programmes sanitaires publics prioritaires, des médicaments essentiels, afin de couvrir les besoins du « système unique de santé » brésilien.

Retrouvons notre souveraineté, conquérons la maîtrise publique de la production et de la diffusion du médicament. Sans cette maîtrise, nous nous retrouvons avec des groupes pharmaceutiques tels que Sanofi, qui cesse sa recherche et développement sur des thématiques essentielles et qui ferme des sites de production – douze en dix ans, et 5 000 emplois directs supprimés en France. Je viens d’être alertée de l’annonce du directeur général, hier, qui prévoit 400 suppressions d’emplois l’année prochaine. C’est scandaleux !

Contrairement à certains doutes dont ont pu faire part mes collègues de la commission, le pôle public que nous appelons de nos vœux n’entend pas faire table rase des circuits et des filières d’approvisionnement existants. Il s’agit simplement d’instituer un nouvel acteur, dont les préoccupations seraient exclusivement tournées vers la santé des patients et dont la mission, limitée à l’approvisionnement et à la distribution des médicaments essentiels en tension, serait complémentaire de celle des industriels.

Les auditions que j’ai menées ont confirmé le caractère réalisable d’un tel projet : si nous établissons en amont la liste des produits essentiels dont nous anticipons les tensions d’approvisionnement et si nous nous appuyons sur un réseau étendu d’acteurs publics et privés, rien ne s’oppose à ce que l’objectif d’un acteur public du médicament, réactif et centré sur des missions, puisse voir le jour.

Je reconnais sans difficulté que le texte soumis par mon groupe à votre vote, bien qu’il soit le fruit d’une réflexion aboutie, entraînerait quelques difficultés d’application, notamment en termes de concurrence de compétences entre le pôle public du médicament que nous créons et les agences sanitaires existantes.

Toutefois, si nous partageons l’intention profonde qui anime ce texte, monsieur le secrétaire d’État, il me semble que ces difficultés pourront être facilement levées par la navette parlementaire.

Outre la création du pôle public du médicament, la proposition de loi vise un objectif plus large, celui de lutter contre la défiance croissante de nos concitoyennes et concitoyens à l’égard des produits innovants, notamment des vaccins.

Je vois à cette défiance trois causes, qui se nourrissent d’une opacité persistante et entretenue autour des grandes étapes de la vie du produit médical innovant, en amont et en aval de sa commercialisation : tout d’abord, les financements qui accompagnent la recherche et la participation de l’effort public ; ensuite, la négociation du prix, dont le niveau peut parfois atteindre des chiffres indécents, qui limitent son accès précoce ; enfin, les démarches de pharmacovigilance et de matériovigilance, qui accompagnent la commercialisation.

Il est incontestable que règne sur la recherche fondamentale une opacité entretenue par le « secret des affaires ». En son nom, nous sommes aujourd’hui dans l’incapacité de chiffrer avec précision non seulement les dépenses consenties par l’État au titre du crédit impôt recherche, le CIR, en soutien aux entreprises privées, mais aussi le prix de cession payé par ces dernières, lorsqu’elles acquièrent un brevet d’invention, largement financé par des organismes publics de recherche.

L’article 38 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, que nous avons adopté, constitue un pas en avant, mais qui est encore insuffisant.

En ce qui concerne le prix du médicament ou du produit innovant, il n’est plus admissible que la détresse et l’urgence qu’entraînent certaines maladies rares confèrent aux grands laboratoires le pouvoir léonin d’imposer leur prix, à charge pour les régimes sociaux de s’y conformer.

Certains d’entre vous ont peut-être en mémoire l’exemple malheureux du Zolgensma, ce médicament de thérapie génique destiné à soigner une maladie dégénérative très rare frappant les nouveau-nés, pour lequel le laboratoire Novartis demandait à l’assurance maladie une indemnité de 2 millions d’euros par unité !

Face à des industriels pharmaceutiques de grande taille, dont les marchés dépassent très largement le territoire national, et privés de connaissance sur les coûts réels de production des médicaments innovants, nous nous retrouvons contraints, pour fournir ces précieux produits à nos concitoyennes et concitoyens, de signer le chèque.

Ainsi, il paraît aussi souhaitable que réalisable que la fixation du prix du médicament innovant intègre, aux côtés du critère principal de l’amélioration du service médical rendu, d’autres critères permettant d’objectiver sa valeur économique réelle et de permettre que son coût pour les finances publiques soit rationalisé et mieux accepté.

Enfin, les grands scandales sanitaires de notre époque, dont celui du Mediator demeure le plus probant exemple, nous imposent de renforcer la vigilance portée aux produits innovants qui ont fait l’objet d’une commercialisation. Encore inaboutie, bien qu’elle soit en progrès pour les médicaments, cette vigilance continue de présenter d’alarmantes lacunes pour les dispositifs médicaux, relayées par le rapport récent de nos collègues députés Julien Borowczyk et Pierre Dharréville.

À cet égard, l’article 4 de ce texte propose la mise en place d’un observatoire citoyen des vigilances, placé auprès de l’ANSM, mais totalement indépendant, chargé de vérifier la transparence des signalements d’événements indésirables.

Mes chers collègues, n’attendons pas simplement qu’un nouveau scandale et de nouvelles victimes nous ouvrent brutalement les yeux sur des défaillances d’un système dans lequel nos concitoyennes et concitoyens, atteints de pathologies, placent légitimement leur confiance. Dotons-nous, dès aujourd’hui, des instances nécessaires à déclencher les alertes pour renforcer notre démocratie sanitaire.

Des fissures, voire des fractures, marquent chaque jour un peu plus notre modèle social. Nous portons ici la voix des oubliés, des vulnérables, de toutes les personnes blessées par une mondialisation sauvage et une course au profit qui n’épargnent plus le seul bien dont nous pensions nous enorgueillir de ne pas l’avoir mis à vendre : la santé. Le texte qui vous est aujourd’hui présenté est important, mes chers collègues. Il est un premier jalon.

Dans l’esprit républicain que commande l’urgence des problèmes, nous vous invitons à débattre de cette proposition de loi et à l’enrichir, même si – je me dois de le rappeler en ma qualité de rapporteure –, à mon plus grand regret, la commission ne l’a pas adoptée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet que nous allons aborder cette après-midi prend un sens tout particulier dans la période que nous connaissons, où il n’a jamais été autant question de l’accès aux médicaments.

La crise du covid-19 a révélé, ou plus exactement confirmé, les fragilités et les difficultés de la chaîne d’approvisionnement. Je dis bien « confirmé », parce que cela fait plusieurs années, malheureusement, que nos concitoyens et les professionnels de santé qui les soignent sont confrontés à des ruptures de médicaments.

Les chiffres sont là : les signalements de ruptures de stocks et de tensions d’approvisionnement ont été multipliés par vingt entre 2008 et 2018, quelque 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont fabriqués hors de l’Union européenne, principalement en Chine et en Inde, et 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union sont en provenance de pays tiers.

Ces chiffres, dont vous avez rappelé quelques-uns, madame la sénatrice, ne sont pas une fatalité, bien au contraire. Ils doivent constituer un levier pour avancer vers une plus grande autonomie stratégique au niveau européen. Comme le Président de la République l’a appelé de ses vœux, le 16 juin dernier, lors de son discours sur la souveraineté industrielle, et comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, nous devons faire de la France une nation de production.

La relocalisation de la production pharmaceutique au sein de l’Union européenne et l’innovation dans ce domaine, conformément aux objectifs du Green Deal, sont la condition et la garantie d’une autonomie stratégique européenne.

Avant la crise du covid, le Gouvernement avait déjà engagé cette réflexion, en publiant, le 8 juillet 2019, la feuille de route intitulée Pour mieux prévenir, gérer et informer les patients et les professionnels de santé, construite autour de vingt-huit actions regroupées en quatre axes, dont le renforcement de la coopération européenne.

Nous poursuivrons donc, dans les prochains mois, les actions entreprises, en soutenant notamment la mise en place de la stratégie pharmaceutique pour l’Europe, présentée le 26 novembre dernier, par la commissaire européenne à la santé Stella Kyriakides.

Cette stratégie devrait permettre à l’Union européenne de tendre vers davantage de souveraineté sanitaire et d’investir avec pertinence dans la recherche. Dans ce cadre, il est notamment prévu de créer une nouvelle instance pharmaceutique, l’Autorité européenne d’intervention en cas d’urgence sanitaire, pour faire face aux attentes médicales et urgences pharmaceutiques.

Il est également prévu de renforcer la présence de l’Union européenne à l’échelon mondial, en mettant en place des règles égales pour tous les acteurs du secteur et à toutes les étapes du médicament – de la recherche à l’autorisation, de la consommation à la fin de vie de ces produits.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes convaincus qu’une partie de la réponse de demain est européenne. Mais, sans attendre, ce sont bien des mesures nationales que nous avons prises pour soutenir la diversification de la chaîne d’approvisionnement et augmenter la capacité de production en France.

Dans ce contexte, nous avons adapté notre action avec le plan de relance, pour accélérer ces transitions et pour construire, dès aujourd’hui, notre souveraineté sanitaire et industrielle.

Nous mobilisons au total 100 milliards d’euros, dont près de 35 milliards d’euros pour l’industrie. Le volet industriel de ce plan repose sur quatre piliers : améliorer notre compétitivité pour localiser davantage d’activités en France ; faire de la transition écologique un avantage comparatif ; moderniser notre appareil de production ; innover pour nous positionner sur des marchés d’avenir.

Le secteur de l’industrie médicale va bien évidemment bénéficier du plan de relance : 6 milliards d’euros seront investis dans les infrastructures médicales et plus de 20 milliards d’euros dans la recherche et dans l’innovation.

En parallèle de ces actions en faveur de la réindustrialisation, nous nous sommes également dotés, sur le plan national, de mesures réglementaires pour résoudre le problème de la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement. Il s’agit d’actions que vous connaissez pour les avoir examinées lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

Je pense notamment à la création d’une obligation pour l’industrie pharmaceutique de constituer des stocks de médicaments destinés au marché national. Le projet de décret pris en application de la loi de financement de la sécurité sociale votée en 2019 a été transmis au Conseil d’État et se trouve en cours de notification à la Commission européenne.

Enfin, les sanctions financières ont également été renforcées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, ce qui permet à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de disposer de nouveaux motifs de sanctions financières en cas de non-respect des obligations incombant aux entreprises.

J’en viens, madame la rapporteure, à vos propositions en faveur d’un programme public de production de médicaments et de la création d’un « pôle public du médicament ».

Nous partageons certains de vos constats ; pas tous, vous vous en douterez. Nous partageons même l’idée selon laquelle la question d’un programme public de production pourrait faire sens. Nous avions d’ailleurs inscrit, dès 2019, au travers de l’action n° 20 de la feuille de route ministérielle que j’évoquais à l’instant, la nécessité d’expertiser la mise en place d’une solution publique pour organiser des approvisionnements en cas de pénurie.

Toutefois, les propositions que vous formulez ne nous semblent pas prendre en considération toutes les dimensions du problème.

Tout d’abord, plusieurs acteurs publics, dont Santé publique France, disposent déjà de prérogatives concernant l’importation, l’acquisition groupée ou la distribution de produits de santé, ce qui s’est traduit très concrètement dans le cadre de la prise en charge des patients covid-19, notamment lors de la régulation nationale pour deux hypnotiques et trois curares.

Ensuite, nous sommes convaincus que la diversité des acteurs, publics et privés, français et étrangers, est nécessaire pour assurer l’approvisionnement des populations en produits de santé, pour maintenir un haut niveau de qualité des produits et pour favoriser le développement de l’innovation.

C’est là où la création d’un programme public isolé du reste du paysage industriel atteindrait certaines limites opérationnelles. Quels seraient les médicaments concernés ? Pour quel marché ? Selon quel modèle économique ?

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, et faire écho avec le début de mon propos, fonctionner selon une approche franco-française n’aurait pas vraiment de sens, et surtout ne permettrait pas de mettre en place un outil productif viable, seul à même de garantir la sécurité des patients dans le long terme.

C’est bien au niveau européen que la réflexion doit être menée sur l’opportunité de créer un ou plusieurs établissements d’intérêt public à but non lucratif, dont l’une des missions serait particulièrement adaptée à la production de médicaments matures, essentiels et indispensables pour certaines prises en charge.

Permettez-moi, madame la rapporteure, d’avoir inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, afin de nous permettre de parler, ensemble, de la question du médicament.

La crise du covid a provoqué un déclic, et il n’est plus aujourd’hui avant-gardiste de parler de résilience industrielle européenne.

La France et ses industries doivent être les fers de lance de cette souveraineté, et nous devons porter des projets communs au plan européen. En effet, face à certains marchés dynamiques et historiques, nous ne ferons le poids que si nous construisons un écosystème industriel européen concret. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Mme Véronique Guillotin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est des sujets sur lesquels nous sommes amenés à nous exprimer régulièrement et qui font l’objet d’un constat unanime dans les travées de notre hémicycle. Les pénuries de médicaments et de vaccins en font partie, et nous ne désespérons pas de voir émerger à court terme des solutions concrètes, susceptibles de mettre fin à la situation dramatique que nous connaissons.

Cette situation, c’est une tension qui ne fait que croître de manière exponentielle depuis quelques années. Ce sont 404 médicaments signalés en rupture ou en risque de rupture en 2013, puis 1 500 en 2019 et déjà 2 400 pour 2020, soit six fois plus qu’en 2013.

Ces chiffres, nous ne cessons de les répéter, comme nous le rappelle le rapport de nos collègues Daudigny et Decool, dont les trente propositions ont conduit à la rédaction d’une proposition de loi que nous sommes nombreux à avoir cosignée.

C’est une autre proposition de loi que nous examinons aujourd’hui : si le constat est identique, la vision concernant les solutions à apporter diffère.

Sur le constat, je le disais, nous sommes d’accord, le sujet est grave. Nous remercions le groupe CRCE de le remettre sur la table et de nous donner une nouvelle occasion d’en débattre.

Les tensions d’approvisionnement sur les médicaments entraînent en effet des pertes de chances importantes pour les patients, sans compter le temps que doivent désormais y consacrer les professionnels de santé. On parle de 16 équivalents temps plein rien que pour l’AP-HP.

Ces tensions concernent en grande partie des produits matures et peu coûteux, mais aussi des médicaments anticancéreux, antibiotiques et antiparkinsoniens, essentiels pour les patients. Il est inutile de rappeler les conséquences la pénurie en anesthésiants au début de l’épidémie de covid, ni celle du vaccin contre la grippe cet automne.

Les industriels proposent jusqu’ici des solutions qui ne sont pas satisfaisantes et sont incapables de répondre aux fluctuations, même attendues, de la demande.

Or il s’agit pour notre pays d’une question de souveraineté dans un domaine stratégique, je dirais même vital.

Nous dépendons depuis trop longtemps des fabricants étrangers, notamment asiatiques. Je me contenterai de citer l’Inde et la Chine. L’inaction passée nous a conduits à la situation actuelle, qui a fortement affaibli, au début de la crise sanitaire, notre système de santé. Et elle continuera de l’affaiblir si nous n’y remédions pas.

On ne peut pas dire que rien n’a été fait dans le domaine. Des actions ont été entreprises depuis 2016 par les gouvernements successifs : mesures de prévention et de gestion des ruptures de stock dans la loi de 2016, possibilité pour les pharmaciens de remplacer un médicament en rupture par un autre depuis 2019, plan de gestion pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et, bien sûr, la feuille de route 2019-2022 pour lutter contre les pénuries, dont les effets tardent à se faire sentir et dont nous attendons l’évaluation annuelle, telle qu’elle est inscrite à l’action n° 28.

En juin dernier, face à l’aggravation de la situation, le Gouvernement a présenté un plan d’action pour agir sur la relocalisation de sites de production de produits de santé, car c’est bien de cela qu’il s’agit dans la proposition de loi que nous examinons. C’est dans ce sens qu’il faut aller, mais dans le cadre d’une réflexion plus globale et d’une action coordonnée.

En effet, les tensions d’approvisionnement ont des origines multifactorielles, tout au long de la chaîne de production et de distribution, et ne sauraient être résolues par une solution unique.

La proposition de loi prévoit cinq actions, dont certaines suscitent de notre part certaines réserves. Si nous sommes tout à fait favorables au renforcement de la transparence, de la démocratie sanitaire et de l’éthique en la matière, nous sommes plus mesurés sur la création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux, financé par une hausse de la taxe sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques.

Nous doutons tout d’abord que cette hausse de taxe suffise à elle seule à financer une telle mesure. Nous craignons ensuite qu’elle ne vienne accentuer les délocalisations, en poussant les entreprises à fuir davantage notre pays. C’est un modèle de nationalisation que, à titre personnel, je ne partage pas.

Surtout, ce qui manque à cette proposition de loi, c’est la dimension européenne, qui est intrinsèquement liée à la question des pénuries de médicaments et de vaccins. Nous ne pouvons agir seuls sur ce sujet.

Le Gouvernement a pleinement identifié ce point, en travaillant à une coordination européenne pour renforcer notre autonomie stratégique en matière de santé et mieux faire face aux crises sanitaires. La commande groupée de vaccins contre la covid est une première étape indispensable, avant, je l’espère, la construction d’une véritable Europe de la santé, que nous appelons de nos vœux.

Toutefois, il aura fallu une crise sans précédent et plus de 50 000 morts en France pour faire bouger les lignes. Nous attendons une accélération de la dynamique enclenchée, car les tensions sont grandissantes et les attentes sont légitimes. La demande de résultats est pressante ; la situation ne peut plus perdurer.

S’agissant de la proposition de loi, si, sur le fond, notre groupe en partage l’analyse, nous doutons davantage de la faisabilité et de l’efficacité de la solution proposée.

Pour ma part, avec quelques collègues, je voterai contre ce texte. Toutefois, la majorité du RDSE s’abstiendra, afin de soutenir le nécessaire appel à agir dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub.

Mme Nadia Sollogoub. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « tant qu’on a essayé de combattre la peste avec des mots latins, elle a tranquillement dévoré l’humanité » a écrit Barjavel. Nous sommes d’accord, face à la maladie, nul besoin de longs discours. Il faut des substances actives thérapeutiques. Dans un contexte de pandémie mondiale, ce constat prend une résonnance particulière.

Or, précisément, pour le patient en puissance qu’est chacun de nous, accéder à un traitement ne va plus de soi. Le risque est grand, parce que les médicaments sont des produits « ultra-essentiels », parfois vitaux, et parce que la nature a horreur du vide, de voir s’organiser des marchés parallèles plaçant les acheteurs dans une situation de vulnérabilité particulièrement préjudiciable.

Pour pallier ces difficultés, notre collègue Laurence Cohen et son groupe nous proposent aujourd’hui la création d’un « pôle public du médicament et des produits médicaux ».

De juillet à septembre 2018, nous avons participé, sous la présidence d’Yves Daudigny, à la mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins.

En 2019, Mme la ministre Agnès Buzyn rédigeait une feuille de route 2019-2022. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous faire connaître le niveau d’avancement des 28 actions programmées ?

Même si le contexte est exacerbé, le problème n’est pas nouveau. Les tensions d’approvisionnement se confirment, hélas, depuis quelques années, et les effets de ces pénuries sont de plus en plus pénalisants pour les patients. En fait, c’est toute la circulation mondiale des produits de santé qui est en cause, et la France en fait les frais.

Le non-accès du patient à un médicament ou sa non-délivrance par le pharmacien est une situation insupportable et inacceptable, tant pour le malade que pour le professionnel de santé. Ces situations, au-delà même du risque de perte de chance, sont anxiogènes et chronophages, dans un pays où, par ailleurs, l’on manque de temps médical. Une telle situation justifie l’intérêt de vos travaux.

Vous proposez à l’article 1er de créer un « programme public de production et de distribution des médicaments essentiels concernés par des arrêts de commercialisation ou des tensions d’approvisionnement ».

Il est important de le préciser, une « rupture d’approvisionnement de médicaments » est une situation précise, définie par les termes du décret du 28 septembre 2012, qui est caractérisée lorsqu’« une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur est dans l’incapacité de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures ».

Cette rupture d’approvisionnement peut être imputable, notamment, à une rupture de stock ou à une rupture dans la chaîne de distribution. Il est important d’avoir des définitions homogènes.

Nous touchons du doigt la complexité d’une chaîne qui agrège plusieurs acteurs, chacun des maillons se trouvant dépendant du maillon antérieur et chaque liaison constituant un potentiel point de rupture.

Une première difficulté réside dans l’absence de visibilité sur la durée du manque. En effet, au-delà de 72 heures, on peut se trouver dans un délai de réapprovisionnement de quelques jours, quelques semaines ou plusieurs mois, et la stratégie de rechange à mettre en place dépend directement de cette indispensable visibilité.

J’écarte le sujet des « microruptures » de moins de 72 heures, qui échappent aux comptages, mais polluent la vie des malades et soignants.

J’ai bien noté, aux articles 2 et 4, votre souhait de travailler à apporter plus de transparence.

Actuellement, les outils d’information sont améliorables. Il est d’ailleurs prévu dans la feuille de route 2019-2022 d’élargir la plateforme DP-Ruptures à toute la chaîne de distribution, incluant grossistes, répartiteurs et dépositaires, dans le cadre d’un outil partagé de signalement.

Le sujet est d’autant plus complexe que les causes de rupture d’approvisionnement sont nombreuses et multifactorielles.

Les difficultés sont d’abord liées à la production : capacité de production insuffisante, retard de production, incapacité de production par manque de matières premières, responsable de 17 % des ruptures, usine détruite, défaut de qualité des produits, responsable de 13 % des défaillances de production, mondialisation de la fabrication et de la demande. Ainsi, une seule usine peut fabriquer un produit pour l’ensemble des pays.

Ces ruptures peuvent également résulter d’une augmentation subite des ventes, à la suite de recommandations d’utilisation par un pays ou du report d’un médicament sur un autre. Sont également en cause la libre circulation des biens et la distribution vers des pays où les prix sont plus avantageux.

Je n’oublie pas non plus les évolutions du marché du médicament, avec l’éclatement des différentes étapes de fabrication pour optimiser les coûts – je pense aux lignes de production programmées par périodes –, la recherche d’une rentabilité à court terme, qui a notamment conduit à travailler à flux tendus, sans stocks et, enfin, le développement des marchés émergents.

En France, en cas de rupture d’approvisionnement anticipée ou constatée, qui fait quoi ?

La loi du 29 décembre 2011, relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, a renforcé les obligations pesant sur tous les acteurs de la chaîne du médicament.

L’industriel exploitant doit en particulier déclarer à l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les ruptures de stock et mettre en œuvre les solutions alternatives appropriées. Le grossiste répartiteur doit respecter ses obligations de service public sur son territoire. Le pharmacien d’officine ou hospitalier déclare la situation à I’ANSM et cherche des solutions de substitution en lien avec le médecin.

Le « nœud » du problème, c’est qu’une substance de guérison soit un produit commercial et que le soin soit indissociablement soumis aux contraintes de la loi du marché. Vous proposez de sortir les médicaments du marché, au moins partiellement. Est-ce possible ? Est-ce la solution ?

En relisant nos débats et les auditions de 2018, avant même la crise sanitaire, vous en faites d’ailleurs état vous-même, vous aviez déjà, chère collègue, l’idée d’un laboratoire public du médicament.

Voici la réponse que vous avait adressée l’une des sous-directrices de la direction générale de l’offre de soins : « L’intérêt de l’État est plutôt de renforcer son rôle de régulateur et de coordonnateur entre autorités compétentes que de développer un rôle d’industriel où il pourrait se retrouver en difficulté au sein d’un marché très concurrentiel. »

Vous avez mené un travail de fond considérable, mais je ne partage pas vos conclusions. En effet, un pôle public de production et de distribution de médicaments pourrait-il régler le problème de l’accès aux matières premières ?

Si ce pôle concentre son activité sur la production de médicaments devenus non rentables, alors l’État supportera la charge financière d’une production à perte. Y a-t-il un chiffrage à cet égard ? Quelles solutions envisager pour les problèmes de logistique et de stockage, car la fragilité n’est pas concentrée au niveau de la production ?

Enfin, l’article 5, qui vise à taxer l’industrie pharmaceutique, semble plutôt dissuasif et contraire à une dynamique de relocalisation.

Si l’intention de ce texte est louable, et si nous partageons l’objectif d’accès au médicament en tout temps, en tout lieu et pour tous, il ne nous semble pas être de nature à permettre d’éviter réellement les pénuries de médicaments.

Face à des difficultés qui deviennent structurelles, peut-être faudrait-il plutôt envisager une réforme de la politique des prix du médicament, qui sont devenus, au fil des PLFSS successifs, une variable d’ajustement, entraînant une fragmentation des processus industriels et des risques de rupture.

Il convient également de rendre financièrement possible l’accès aux médicaments « innovants », car il y a, là aussi, de nombreuses « pertes de chances » thérapeutiques.

Ne serait-il pas pertinent de travailler à la constitution de stocks suffisants pour répondre aux besoins des usagers, tout en veillant à ne pas engager une tendance mondiale au stockage, ce qui « assècherait » la ressource et constituerait un facteur de pénurie ? Pourquoi ne pas renforcer dans la loi et dans les faits les sanctions envers les laboratoires négligents dans l’approvisionnement du marché français ? Pourquoi ne pas travailler à des appels d’offres par segments spécialisés, avec plusieurs attributaires ?

La réflexion doit se poursuivre. Parallèlement, il est prudent d’attendre, afin d’évaluer les effets de la feuille de route 2019-2022 en cours et de mesurer l’impact des « plans de gestion des pénuries » engagés par la loi de modernisation de notre système de santé de 2016.

Pour ces raisons, le groupe Union Centriste votera contre ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie de la covid-19, qui a endeuillé notre pays, l’Europe et le monde, a fait ressurgir dans le débat public les difficultés et les faiblesses de la France et de toute l’Europe dans le secteur du médicament. C’est l’échec des stratégies de rationalisation qui sont choisies par les grands laboratoires pharmaceutiques et acceptées et subies par notre système de santé.

Plusieurs d’entre vous l’ont dit, cette situation n’est pas nouvelle, et je tiens à remercier Laurence Cohen et l’ensemble du groupe CRCE d’avoir, par cette proposition de loi, permis de revenir, dans cette assemblée, sur cette question majeure.

Nous partageons les constats dressés par Laurence Cohen dans sa proposition de loi, notamment la nécessité d’une solution publique de production.

Aujourd’hui, près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers, et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union, contre 20 % seulement voilà trente ans. Les politiques ultralibérales et la course aux dividendes démontrent une fois encore leurs effets néfastes.

Cette délocalisation croissante est l’une des causes des pénuries de médicaments à intérêt thérapeutique majeur en France.

Encore marginal avant les années 2010, avec seulement 44 ruptures de stock en 2008, le nombre de pénuries de médicaments ne cesse de croître depuis le début de la décennie. En 2019, on en recensait 1 200, et l’ANSM envisage leur doublement en 2020. Ainsi, 2 400 médicaments devraient être touchés.

Le débat parlementaire dans le cadre de l’examen du PLFSS 2021 a d’ailleurs été largement marqué par la question des pénuries de médicaments.

Notre groupe avait pris toute sa part, avec des propositions fortes, telles que l’obligation d’un stock de sécurité de quatre mois, pour les médicaments à intérêt thérapeutique majeur. Bien qu’il ait été adopté par le Sénat, l’amendement en question a été supprimé par la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Autre constat partagé, le défaut de transparence dans le domaine du médicament. La crise du coronavirus a mis en lumière le rôle majeur joué depuis toujours par la puissance publique dans le financement de la recherche et développement dans le domaine de la santé.

Or les sommes investies par l’État ne sont jamais rendues publiques et ne sont pas prises en compte dans la négociation des prix des produits de santé avec les entreprises pharmaceutiques.

Nous ne pouvons que le constater, les pouvoirs publics règlent deux fois l’addition. Dans un premier temps, l’État finance les investissements de recherche et développement non seulement dans le public, mais aussi dans le privé, au travers notamment du crédit d’impôt recherche. Dans un second temps, l’assurance maladie supporte, sur le long terme, le coût de l’innovation, du fait des mécanismes de fixation des prix.

Le Comité économique des produits de santé, le CEPS, n’ayant pas connaissance des investissements publics ayant participé au développement d’un médicament, la question de la transparence se pose. Les négociations, vous le savez, sont secrètes.

Face à ces situations, force est de constater que les gouvernements n’ont fait que de la gestion de crise. Or c’est toute une politique en matière de souveraineté et de sécurité dans le domaine de la santé qui est à revoir.

Le manque de démocratie sanitaire et de transparence dans les prises de décisions politiques sanitaires est aussi à regretter et à condamner. La crise du covid-19 en est d’ailleurs un parfait exemple.

Ni les citoyens, ni les élus locaux, ni même les associations d’usagers du système de santé n’ont été pleinement associés à la gestion de la crise. Il convient donc, dès à présent, de renforcer notre démocratie sanitaire, notamment au moment où nous allons entrer dans une campagne de vaccination contre la covid-19.

Dans cette philosophie, nous soutenons la nécessité de renforcer l’implication citoyenne dans la surveillance des médicaments et des dispositifs médicaux après leur commercialisation par la création d’un observatoire citoyen. Nous défendrons un amendement sur ce point.

L’industrie pharmaceutique étant constituée essentiellement de laboratoires multinationaux, les Big Pharma, la France ne peut agir seule. Une coordination avec les États européens est indispensable. L’Union européenne est d’ailleurs en train de renforcer sa politique de la santé et du médicament.

Pour la première fois, l’Europe, qui ne dispose que d’une compétence d’appui centrée sur la coordination des actions des États membres, a été en mesure de passer des « commandes groupées » de futurs vaccins en cours d’expérimentation, pour ses pays membres.

Par ailleurs, dans le cadre d’une plus grande implication de l’échelon européen dans la stratégie de santé pour faire face à la crise sanitaire, le 11 novembre dernier, la Commission européenne a prévu d’accroître le rôle du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et de l’Agence européenne des médicaments. Elle envisage de la doter d’effectifs et de moyens supplémentaires, afin qu’elle puisse davantage surveiller les stocks de matériel médical et de médicaments et prévenir des risques de pénurie.

Une consultation publique pour élaborer une stratégie pharmaceutique visant à sortir de la dépendance aux matières premières doit également être lancée.

Enfin, la Commission européenne envisage la création d’une nouvelle autorité en 2023 pour une meilleure coordination face aux menaces sanitaires transfrontalières.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat partage l’ensemble des constats dressés par Laurence Cohen dans sa proposition de loi.

Nous pensons, nous aussi, qu’une reprise en main de la politique du médicament et de la santé par les pouvoirs publics est indispensable. La France doit retrouver sa souveraineté en matière de santé et faire passer les intérêts de ses concitoyens avant les intérêts particuliers des grands laboratoires pharmaceutiques.

Cela peut-il passer par la création d’un pôle public du médicament ? L’idée est intéressante. Toutefois, il semble que nous ayons avant tout besoin de simplifier un système déjà complexe et opaque, plutôt que de créer une nouvelle structure administrative.

Par ailleurs, la France dispose de moyens déjà existants pour produire les médicaments sujets aux défauts d’approvisionnement.

L’Agence générale des équipements et produits de santé, l’Ageps, et la pharmacie centrale des armées, deux laboratoires publics, sont susceptibles de pouvoir produire des médicaments. Ainsi, en 2009, lors de la crise de la grippe HIN1, la pharmacie centrale des armées avait produit 77 millions de comprimés de Tamiflu.

Le dispositif de la licence d’office existe également, au cas où l’intérêt de la santé publique serait menacé par un approvisionnement insuffisant de spécialités pharmaceutiques. Il permet de contraindre le titulaire du brevet d’un médicament à autoriser l’exploitation de son brevet par des tiers et de manière non exclusive.

Néanmoins, peut-être la volonté politique fait-elle défaut pour activer ces leviers. Leur exploitation est aujourd’hui insuffisante et mal adaptée aux enjeux. Il nous semble qu’une meilleure coordination avec les organismes existants permettrait de répondre plus efficacement et nationalement aux besoins de médicaments de nos concitoyens en période de crise et de pénurie.

Dans la continuité des travaux menés ces dernières années par notre assemblée – je pense notamment au rapport de MM. Decool et Daudigny de 2018 –, notre groupe a la volonté de repenser la globalité de la politique du médicament en France, de sa production à sa distribution. Pour ce faire, nous devrons construire un travail commun avec nos parlementaires européens.

En effet, la relocalisation de la production ne pourra s’envisager qu’à l’échelle européenne. Lors de son audition, les représentants du LEEM, Les Entreprises du médicament, ont confirmé que les industriels avaient évalué entre 15 % et 20 % le surcoût lié à une éventuelle relocalisation. Celle-ci leur paraît envisageable, moyennant bien sûr des contreparties fiscales.

Il y va non seulement de la réindustrialisation de notre pays, source d’emplois et de richesses pour nos territoires, mais aussi, et surtout, de notre souveraineté et de notre indépendance. Ce qui paraissait utopique et inimaginable il y a peu de temps paraît aujourd’hui réalisable.

Je sais que nous partageons tous cette même ambition, mes chers collègues. Il convient donc d’agir tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le temps des tempêtes est toujours propice à la mise en lumière des carences, des faiblesses et des errements collectivement commis. La pandémie du coronavirus n’a pas échappé à ce phénomène et a révélé les errements du monde qui s’est construit sous nos yeux un peu coupables depuis plusieurs décennies.

Qui aurait pensé que nous manquerions de médicaments aussi basiques et nécessaires que le paracétamol ? Pénuries, absence de coordinations entre chaînes de productions et de distributions, asphyxie des services de santé : la liste est longue, et nous la connaissons tous.

Toutefois, il faut toujours une prise de conscience douloureuse pour se pencher sur certains enjeux jusque-là sous-estimés. L’indisponibilité des médicaments et des vaccins est aujourd’hui chronique. Elle concerne l’ensemble de ces produits.

Durant ces années de mondialisation incontrôlée, nous avons progressivement perdu notre souveraineté sanitaire, au profit de puissances étrangères non européennes. Les chaînes de production s’en sont retrouvées éclatées à l’autre bout du monde, alors que, dans le même temps, la forte hausse de la demande mondiale suscitait des concurrences délétères dans l’approvisionnement en médicaments.

La reconquête industrielle et sanitaire doit être un tournant : elle doit en effet nous conduire à changer le paradigme qui nous a menés dans l’impasse.

Comment accepter sans rien dire, au sortir de la crise de la covid, les déclarations de Paul Hudson, qui déclarait que Sanofi servirait « en premier » les États-Unis s’il trouvait un vaccin ? Doit-on considérer les produits de santé indéfiniment soumis à la loi du marché mondialisé ?

Il nous faut donc impérativement enclencher tous les leviers, qu’ils soient Français ou européens. Il convient en effet, premièrement, de relocaliser l’industrie pharmaceutique, deuxièmement, d’engager une démarche de clarté dans la gestion des stocks et des commercialisations par les groupes pharmaceutiques, et, troisièmement, de planifier et d’organiser, dans l’esprit interventionniste d’un État stratège, les politiques publiques de production, tarification et distribution de certains médicaments, en temps de crise comme en période plus calme.

Madame la rapporteure, votre proposition de loi a le mérite, je l’ai dit, de poser le grave problème de la souveraineté sanitaire. Elle mérite, j’en suis intimement convaincue, que nous en débattions et échangions en révisant certains logiciels et paradigmes idéologiques qui ont fait mal, ces dernières années, à la fois à notre système de santé et à notre tissu industriel.

Pour faire face à cette pénurie, vous proposez la création d’un pôle public du médicament.

Nous pensons que, depuis huit ans, les choix budgétaires des gouvernements visant à baisser le prix du médicament pour équilibrer les budgets n’incitent pas les industriels à investir sur le territoire national. Les différences de prix pèsent également sur les stratégies d’allocation des stocks par les laboratoires.

S’agissant de la création d’un pôle public du médicament, qui fait l’objet de l’article 2 de votre proposition de loi, l’idée peut être séduisante. Encore faudrait-il concevoir une structure opérationnelle, sur les plans tant de son financement que de son organisation.

En outre, je tiens à le rappeler, nous disposons déjà d’un arsenal législatif. Je pense à l’article 48 de la LFSS pour 2020, qui prévoit plusieurs mesures destinées à mieux prévenir et gérer les ruptures de stock de médicaments essentiels. Sans doute, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous préciser l’état de la mise en application de ce texte ?

L’État stratège, c’est aussi un État qui crée une véritable stratégie industrielle nationale et européenne, pour engendrer les conditions d’une production pharmaceutique de proximité. Nous pourrions envisager un panel d’incitations, en contrepartie d’engagements prévus dans un accord-cadre liant les industriels et l’État.

Le pôle public du médicament dont vous proposez la création pourrait alors se concentrer sur la production et la distribution de médicaments « de niche », régulièrement exposés à des tensions d’approvisionnement. C’est là que la pharmacie centrale des armées et l’Agence générale des équipements et produits de santé pourraient intervenir.

En revanche, en ce qui concerne la réquisition des laboratoires pharmaceutiques en temps de crise, il paraît selon nous difficile de rendre l’entreprise responsable d’une problématique qu’elle ne maîtrise pas complètement, à savoir le cycle production-commercialisation.

Madame la rapporteure, mes chers collègues, la pandémie a mis à mal certains clichés : depuis la crise, les termes de « souveraineté » et d’« indépendance » ne sont plus des gros mots, même dans les chapelles du nouveau monde – c’est peu dire !

La souveraineté, c’est notre capacité à déployer plusieurs solutions face à un problème multifactoriel. Il ne suffit pas, en effet, de décréter l’autonomie pour qu’elle se réalise. C’est en cela, madame la rapporteure, que je juge votre texte bien intentionné, mais non abouti. Nous ne pouvons le suivre.

Avant de vouloir densifier le système actuel en le dotant d’une institution supplémentaire, ne devrait-on pas apprendre de l’échec ayant marqué la gestion de la crise sanitaire ?

Il me semble qu’une telle mesure suppose un certain nombre de prérequis : tout d’abord, que le pôle public que vous appelez de vos vœux soit de taille suffisante et capable d’aller se fournir en principes actifs sur la place internationale ; ensuite, que l’État ait la capacité de monter une usine, compte tenu du coût – plusieurs centaines de millions d’euros – et des délais inhérents à un tel projet.

Un pôle public pourrait-il, par ailleurs, produire à des coûts compétitifs ? Serait-il capable de produire des médicaments matures, voire génériques, pour un coût inférieur, sachant que les prix de tels médicaments sont déjà très bas ?

Si, en effet, la logique d’un tel projet est de mieux alimenter le marché français, nous devons avant tout nous poser la question de l’efficacité de la mesure.

Mes chers collègues, cette proposition de loi a le mérite de poser, une nouvelle fois, la question de notre souveraineté sanitaire.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. Si cette question est essentielle, la réponse apportée ici demeure, en l’état, insatisfaisante. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Éric Gold applaudit également.)

M. Jean-Pierre Decool. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je lisais récemment, dans le journal Le Monde, un article concernant un campus de 45 hectares situé en Inde, pas très loin de Bombay, et abritant 5 200 salariés.

Le bâtiment ne paie pas de mine, mais un vaccin anti-covid y est fabriqué à raison de plus de 60 millions de doses par mois ! Il abrite le plus grand producteur au monde de vaccins : le Serum Institute of India.

Ces 60 millions de doses devraient permettre, selon les protocoles sélectionnés, de vacciner entre 25 et 32 millions de personnes. Le produit fabriqué est le vaccin mis au point par l’université d’Oxford et le laboratoire AstraZeneca. Ces flacons, qui a priori ne nous sont pas destinés, sont stockés en attendant toutes les autorisations sanitaires.

Je n’entrerai pas dans la polémique sur la course de vitesse engagée par les laboratoires, mais cet exemple illustre parfaitement le décrochage de l’industrie pharmaceutique française et européenne.

Les unités de fabrication de médicaments et de vaccins sont désormais quasiment le monopole de l’Asie. Nos sites se sont exilés. Selon l’Agence européenne du médicament, « près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers, et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union. ».

En 1970, quelque 420 entreprises de l’industrie du médicament existaient en France. En 2017, la France ne disposait plus que de 138 sites de production de médicaments et de 92 sites de production de principes actifs… L’Inde et la Chine possèdent chacune plusieurs milliers de tels sites – mes chiffres sont ceux du Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques !

La France, mais aussi l’Europe, a donc insensiblement, et pour des raisons variées – je ne néglige bien entendu pas la rentabilité –, exporté, transféré nos unités et nos savoir-faire en Asie, au détriment de notre autonomie.

Plus grave, nous sommes en train de perdre notre « indépendance sanitaire » ; peut-être l’avons-nous même déjà perdue.

Indépendance ? Selon l’article 5 de notre Constitution, le plus gaullien de ce texte fondateur, « Le Président de la République […] est le garant de l’indépendance nationale ». Il est temps pour nous, aujourd’hui, de prendre conscience que l’indépendance sanitaire est un élément essentiel de notre indépendance nationale, tout comme l’est l’indépendance énergétique.

Cette remise en cause liée à la crise du covid-19 révèle le caractère gravissime de la situation. C’est pourquoi il est légitime de se pencher sur nos activités nationales en la matière et de recenser les outils dont nous disposons déjà ; c’est nécessaire si nous voulons trouver des solutions rapides, lesquelles passeront très certainement par l’Europe.

Beaucoup ignorent que l’armée française joue, depuis la Révolution, un rôle en ce domaine, via la pharmacie centrale des armées. Cet établissement pharmaceutique, titulaire et exploitant d’une autorisation de mise sur le marché et reconnu comme fabricant, a su préserver sa souveraineté en matière de production.

Si d’aucuns peuvent penser qu’il n’entre pas dans les compétences des personnels militaires de fabriquer des vaccins, il reste que la pharmacie centrale des armées pourrait répondre à des besoins urgents de santé publique si le cadre réglementaire était assoupli.

Tout cela, nous l’avons découvert, bien sûr, à la suite de plusieurs semaines d’auditions menées par la mission d’information sur les pénuries de médicaments et de vaccins dont j’ai été l’instigateur et que j’ai eu l’honneur de conduire, en tant que rapporteur, aux côtés d’Yves Daudigny, président. C’était au cours du second semestre 2018, voilà plus de deux ans !

Parmi les propositions les plus audacieuses que nous avions formulées figurait l’instauration d’un « programme public de production et distribution de quelques médicaments essentiels concernés par des arrêts de commercialisation, ou de médicaments régulièrement exposés à des tensions d’approvisionnement », qui serait confié à la pharmacie centrale des armées et à l’Agence générale des équipements et produits de santé, qu’il importe de conserver.

Or l’article 1er de votre proposition de loi, chers collègues du groupe communiste, reprend, au mot près, une partie de cette proposition : il s’agit de la proposition n° 8 ! Je me réjouis de cette communion d’esprit…

Néanmoins, comment expliquer, alors, que votre groupe ait été, parmi les groupes politiques du Sénat, le seul à refuser de voter ce rapport validé par toutes les autres formations de notre assemblée ? (Mmes Catherine Fournier, Jocelyne Guidez et Nadia Sollogoub applaudissent. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Vous le comprendrez, j’en ai été surpris, mais finalement pas étonné ! Et je présume que, quant à vous, vous ne serez ni étonnés ni surpris si j’ajoute que je ne partage pas votre ardent désir de nationaliser, comme au bon vieux temps, la production française de médicaments.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. La bataille politique, c’est intéressant. La caricature, ça l’est moins !

M. Jean-Pierre Decool. Pour ma part, je suis plutôt soucieux de renforcer les outils publics tels qu’ils existent déjà. Je voterai donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Cela marchait mieux avant ! Il y a quelques années, les ruptures concernaient 400 références. Aujourd’hui, c’est 3 200 !

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que la crise sanitaire se poursuit, que nous sommes encore dans le temps de l’action et que le rapport de la commission d’enquête sur la gestion de la crise sanitaire sera présenté demain, des premiers enseignements doivent dès à présent être tirés.

Résonnent encore, en effet, la détresse du monde médical et la mise en danger de tous les professionnels qui ont dû poursuivre leurs activités à l’acmé de la pandémie, malgré l’impuissance du Gouvernement à les protéger.

En effet – il faut encore et toujours y revenir, pour en analyser les causes –, ce sont des millions de masques, dont les FFP2, qui ont manqué durant des semaines, parce que les pouvoirs publics n’ont pas assuré le renouvellement des stocks stratégiques dont ils sont les garants et se sont montrés incapables tant d’équiper les personnels travaillant en première ligne que de se procurer des masques en urgence sans dépendre des aléas et des prix du marché mondialisé.

En Auvergne-Rhône-Alpes, les médicaments et les équipements de protection individuels ont longtemps manqué. Pendant les premiers mois, l’union régionale des pharmaciens a dû, par des moyens de fortune, dépanner les pharmacies en gel hydroalcoolique dans plusieurs des départements de la région, les services déconcentrés de l’État n’ayant pas de solutions ; et c’est une association qui a assuré les livraisons.

Nombre de déprogrammations d’opérations ont eu pour cause non seulement la pénurie des soignants, mais aussi celle des médicaments, notamment ceux qui sont utilisés en réanimation, les conséquences d’une telle pénurie étant encore à venir et restant à évaluer.

Le système de santé français se révèle donc vulnérable aussi aux ruptures d’approvisionnement en médicaments et dispositifs médicaux essentiels.

Ce constat ne date d’ailleurs pas de la crise du covid-19, puisque le Sénat et de très nombreux organismes alertent depuis des années sur ces ruptures d’approvisionnement.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, estime que, en 2020, près de 3 200 médicaments essentiels auront été en rupture, contre 404 en 2013.

Des médicaments pour traiter le cancer, la maladie de Parkinson ou, dernièrement, la grippe saisonnière viennent à manquer… Près d’un Français sur quatre a souffert d’une rupture d’approvisionnement.

Selon la Ligue contre le cancer, 74 % des professionnels de santé ont déclaré avoir déjà été confrontés à des pénuries de médicaments ; ils sont 45 % à estimer que cette situation a dégradé la survie à cinq ans des patients concernés par cette interruption du traitement, d’où s’ensuivait une perte de chances manifeste.

Dès lors, la création d’un pôle public du médicament, outil régulateur, contribuerait au recouvrement par la France de sa souveraineté sanitaire, permettant à sa population d’être protégée en temps de crise, mais aussi, hors crise, d’être soignée sans rupture.

Ce projet s’inscrit dans les recommandations du Parlement européen en faveur de la mise en place d’établissements pharmaceutiques à but non lucratif, capables de produire des médicaments stratégiques pour les soins de santé ; ses auteurs se sont emparés du sujet sans attendre que l’Union européenne se saisisse de cette recommandation.

De tels établissements existent au Brésil, en Inde, en Suisse,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Aux États-Unis !

Mme Raymonde Poncet Monge. … mais aussi aux États-Unis, pays qui ne peut être soupçonné de refuser ou de trop contraindre les lois dites « du marché » !

Il est tout simplement admis par ces pays qu’il faut pouvoir produire les médicaments et dispositifs médicaux nécessaires à la santé de leur population, s’approvisionner et les stocker de manière autonome, et cela via la puissance publique qui reste le garant de cette autonomie, car la seule logique du marché ne peut y pourvoir.

Nous pourrions améliorer encore la démocratie sanitaire, comme nous y encouragent les associations d’usagers du système de santé, qui demandent à être partie prenante des instances traitant du prix des médicaments et des dispositifs médicaux.

Quoi qu’il en soit, entendons bien l’urgence sanitaire et les mesures qu’elle exige : la crise climatique va amplifier les crises sanitaires. Au-delà des risques pointés par les auteurs du texte, j’en appelle à notre sens collectif des responsabilités ; autrement dit, j’en appelle à – enfin ! – anticiper.

En effet, si la crise du covid-19 découle indirectement de l’effondrement de la biodiversité et de la destruction des espaces naturels, d’autres facteurs, comme la fonte du permafrost ou les pesticides, portent en eux autant d’autres risques de maladies et de pandémies à venir. Nous devons répondre à ces enjeux par des mesures pertinentes.

Dans ce contexte, la création d’un pôle public du médicament représente une première réponse, à l’échelle nationale, comme outil de régulation devant permettre d’assurer de nouveau la continuité des approvisionnements, en complément de la relocalisation des productions qui, seule, ne suffira pas.

C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, oui, la pénurie de médicaments est une réalité !

Une enquête BVA réalisée pour France Assos Santé a montré que près d’un Français sur quatre s’était déjà vu refuser la délivrance d’un traitement pour cause de pénurie ; quatre, c’est aussi le chiffre par lequel a été multiplié le nombre annuel de signalements de tensions et de ruptures d’approvisionnement de médicaments enregistrés par l’ANSM au cours des six dernières années.

Nous nous devons de remercier les professionnels de santé, prescripteurs et pharmaciens, en ville comme en établissements de santé, qui ont toujours su trouver des solutions permettant aux patients de poursuivre leur traitement.

Oui, la crise sanitaire a accentué les tensions d’approvisionnement sur certains médicaments indispensables ! Je pense aux curares et aux hypnotiques, dont la consommation a augmenté de 2 000 % en l’espace de quinze jours, en pleine pandémie, au printemps. La distorsion entre l’offre et la demande, sans cesse croissante au niveau mondial, affecte l’ensemble de la chaîne du médicament.

Mercredi dernier, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de ma collègue Laurence Cohen sur la proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.

Consciente des enjeux soulevés par le texte, mais prudente quant aux voies à privilégier pour en traiter, la commission n’a pas adopté ce texte. Aussi en discuterons-nous aujourd’hui dans sa rédaction initiale, composée de trois chapitres.

Le premier chapitre, de l’article 1er à l’article 3, crée un service public du médicament et des dispositifs médicaux.

Le second chapitre crée un observatoire citoyen des dispositifs médicaux, afin de garantir la transparence des données issues de la surveillance des incidents pouvant survenir lors de l’utilisation d’un dispositif médical.

Le troisième et dernier chapitre porte la taxe assise sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques de 0,17 % à 1 %, afin de mettre ces dernières à contribution pour financer ce pôle public du médicament et des dispositifs médicaux.

Mes chers collègues, plusieurs dispositifs juridiques ont été élaborés pour encadrer et renforcer l’approvisionnement en médicaments. Ainsi, en 2012, puis en 2016, de nouvelles obligations incombant respectivement aux acteurs du circuit de distribution et à ceux du circuit de fabrication ont été instaurées. Force est de constater que cet arsenal juridique renforcé n’a pas permis de pallier totalement les ruptures de stock de médicaments.

Aussi, en juillet 2019, Agnès Buzyn, alors ministre de la santé, avait-elle présenté une feuille de route pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France, dont les dispositifs sont en cours de mise en œuvre.

Cette feuille de route s’articulait autour de quatre axes : promouvoir la transparence et la qualité de l’information, afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs ; lutter contre les pénuries de médicaments par de nouvelles actions de prévention et de gestion sur l’ensemble du circuit du médicament ; renforcer la coordination nationale et la coopération européenne ; mettre en place une nouvelle gouvernance par le biais d’un comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments en France.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a donné une traduction législative à certains de ces engagements.

L’article 48 de ce texte crée ainsi obligation pour les industriels de constituer jusqu’à quatre mois de stocks pour tous les médicaments. Ces stocks doivent être situés sur le territoire européen et, en cas de rupture, les entreprises sont dans l’obligation d’importer à leur charge des solutions de rechange thérapeutiques pour l’ensemble des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Des sanctions financières seront appliquées si les entreprises ne constituent pas un stock de sécurité et n’informent pas l’ANSM lorsque surviennent des situations de rupture ou de risque de rupture.

En outre, lors du comité stratégique de filière des industries et technologies de santé, en juin 2020, la remise du rapport Biot a été l’occasion de présenter trois axes pour une relocalisation des industries de santé : premièrement, renforcer les capacités nationales de recherche de solutions thérapeutiques ; deuxièmement, augmenter les capacités de production françaises et sécuriser l’accès aux produits de santé ; troisièmement, construire la résilience aux crises sanitaires à l’échelle européenne.

Dans son volet compétitivité, le plan de relance répond déjà en partie à ces défis. Il prévoit des mesures de réindustrialisation susceptibles de favoriser directement ou indirectement la relocalisation d’activités.

Sur mon territoire, à Limay, l’entreprise française Seqens, leader mondial dans le secteur de la synthèse pharmaceutique chimique, a d’ores et déjà pu bénéficier du soutien de l’État pour investir et innover sur ses sites en France et minimiser les risques de rupture sur une partie de la chaîne logistique, s’agissant, en l’espèce, de principes actifs qui entrent dans la fabrication des médicaments destinés à la prise en charge des patients atteints de la covid-19 ou encore d’intermédiaires de synthèse et de principes actifs clés de douze médicaments dont l’approvisionnement a connu de fortes tensions durant la crise sanitaire.

Vous le voyez : ici encore, le Gouvernement est à pied d’œuvre dans nos territoires.

Les pénuries de médicaments nécessitent une attention particulière des pouvoirs publics, et les mesures déjà prises sont, de ce point de vue, intéressantes ; la mise en place d’un comité de pilotage interministériel et la création d’une base de données européenne unique permettront notamment de mieux connaître, au niveau européen, les dispositifs médicaux mis sur le marché.

À l’inverse, augmenter la fiscalité sur les entreprises pharmaceutiques au-delà de la hausse inscrite dans le PLFSS irait à l’encontre des besoins de relocalisation de ces industries et nuirait à notre compétitivité fiscale.

Quant aux mesures de gouvernance visant à créer un pôle public du médicament, elles ne semblent pas adéquates, car elles risquent d’entrer en redondance avec des institutions déjà existantes comme l’ANSM et l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues – vous l’aurez compris –, notre groupe votera contre cette proposition de loi.

M. Fabien Gay. Vous nous surprenez ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jérémy Bacchi.

M. Jérémy Bacchi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est aujourd’hui au quatrième rang européen en matière de production pharmaceutique, alors qu’elle occupait la première place jusqu’en 2008.

Il reste encore une soixantaine d’usines de principes actifs dans l’Hexagone, dont une sur mon territoire, à Septèmes-les-Vallons, l’entreprise SPI Pharma, qui emploie près de soixante-dix salariés.

La question posée par notre proposition de loi est celle de l’accès aux médicaments.

Aujourd’hui, les marchés financiers et les industriels pharmaceutiques décident des coûts des médicaments, donc de l’accès des populations aux traitements.

Heureusement, notre pays s’est doté, en 1945, de la sécurité sociale, qui permet la prise en charge des médicaments pour les malades. Mais que se passe-t-il lorsque, comme au mois d’avril, la production des principes actifs des médicaments est interrompue ? Ni l’État ni la sécurité sociale n’ont les moyens d’agir et de produire les principes actifs à la place des laboratoires.

Cette perte de maîtrise publique a tourné au casse-tête pour les patientes et les patients atteints de maladies chroniques, qui se rendent à la pharmacie la boule au ventre face aux risques de pénurie de médicaments et de rupture de soins.

L’entreprise Sanofi bénéficie d’aides publiques de l’État à hauteur de 150 millions d’euros par an ; elle continue pourtant de licencier – 3 000 postes de chercheurs en moins en dix ans – et verse la moitié de ses bénéfices aux actionnaires.

Oui, nous pensons que les intérêts privés sont contradictoires avec les intérêts de toutes et de tous, et qu’un pôle public de recherche et de production pharmaceutique est indispensable dans notre pays.

La mainmise des laboratoires et les scandales sanitaires du Mediator et de la Dépakine ont entraîné une suspicion, parmi nos concitoyens, concernant la fiabilité des médicaments et des vaccins. La recherche effrénée des profits au détriment de la détection des effets secondaires a entamé la confiance dans les vaccins, pourtant indispensables pour se protéger, notamment, de la covid-19.

Afin d’apporter en ce domaine des garanties de transparence et de démocratie permettant un retour à la confiance, nous proposons de rétablir à la fois un contrôle public et, via un observatoire citoyen, un contrôle indépendant.

Il n’y a là aucune utopie, dès lors que l’on y met de la bonne volonté et des moyens financiers. Il existe déjà, en effet, des institutions telles que la pharmacie centrale des armées et la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris.

Ces deux structures publiques sont capables de produire les médicaments indispensables pour les malades hospitalisés. Il faut utiliser ces structures et les renforcer plutôt que de les affaiblir.

Je pense notamment à l’hôpital Sainte-Marguerite, sur mon territoire, à Marseille, où je me suis rendu voilà quelques semaines. La direction a décidé d’y fermer la pharmacie, après avoir fermé, déjà, les urgences et le service de réanimation.

La concurrence effrénée entre les cliniques privées et l’hôpital public dont on réduit chaque année les moyens a fait fuir bon nombre de personnels hospitaliers. Certains services, comme en psychiatrie, se retrouvent ainsi parfois sans médecin.

Derrière de telles décisions, il y a le démantèlement de l’hôpital public, qui dispose encore en bien des endroits, pourtant, de capacités de pharmacie lui permettant de fabriquer ses propres médicaments.

On voit bien l’intérêt pour les industriels du médicament de la disparition de ces pharmacies publiques : elle leur permettrait d’imposer leurs tarifs aux établissements de santé.

La crise sanitaire de la covid-19 a mis en lumière la situation de l’hôpital public et les conditions de travail de ses personnels. Nos concitoyennes et concitoyens sont attachés à leurs hôpitaux et savent combien il est important de faire du médicament un bien commun.

Ces trente dernières années ont vu l’émergence de grands progrès thérapeutiques dans la prise en charge d’un certain nombre de maladies graves. Je pense par exemple, dans le domaine des cancers, aux approches réellement innovantes, thérapies ciblées ou immunothérapies, qui ont révolutionné le pronostic de certaines affections.

Ces progrès de la science et de la médecine se sont malheureusement accompagnés d’une explosion du coût de certains de ces médicaments. Il n’est désormais pas rare, pour certaines maladies, de voir des médicaments à plus de 80 000 euros par an, ce qui pose la question clé de la justification de tels niveaux de prix.

Selon l’industrie du médicament, ces prix ne sont que le reflet des importants investissements réalisés en matière de recherche et développement.

Cependant, à étudier la répartition du chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutiques, on constate qu’il est à 15 % seulement consacré effectivement à la recherche et développement, quand 30 % du total, soit le double, sont dévolus au marketing.

La solution que nous proposons consiste à sortir les médicaments du marché par une réponse publique, démocratique et solidaire. Pour y parvenir, nous proposons de financer le pôle public ainsi créé par l’augmentation de la contribution des industries pharmaceutiques de 0,17 % à 1 %.

Quand, en dix ans, le laboratoire Pfizer a réalisé 377 milliards d’euros de profits, une taxe de 1 % ne semble pas si excessive, d’autant que cette participation des industriels privés est un juste retour eu égard aux bénéfices réalisés avec l’argent public investi au titre du crédit d’impôt recherche.

Pour toutes ces raisons, nous appelons l’ensemble des groupes parlementaires à voter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.

Tout d’abord, je partage pleinement les propos de ma collègue Christine Bonfanti-Dossat, les questions qu’elle soulève comme ses conclusions.

La question des ruptures de stock de médicaments est un problème récurrent depuis de trop nombreuses années ; elle touche de plus en plus de spécialités pharmaceutiques et suscite à la fois l’agacement des professionnels de santé et l’incompréhension des patients, surtout ceux à qui sont prescrits des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur.

Le Sénat, dans le cadre de sa mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins créée sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Decool, et dont Mme la rapporteure était l’une des vice-présidentes, a déjà eu l’occasion, en la matière, de faire des propositions – cela a été rappelé. Un rapport sur les pénuries de médicaments essentiels demandé par le Premier ministre à l’ancien président de l’École polytechnique, Jacques Biot, a bien été rendu public le 18 juin dernier, mais je ne suis pas sûre que ce document puisse sonner comme un appel décisif à lutter contre lesdites pénuries !

Les causes de ces pénuries sont diverses : problèmes d’approvisionnement – une grande partie des principes actifs sont produits à l’étranger, principalement en Asie –, demande plus importante à l’échelle mondiale, problèmes sur la chaîne de fabrication, quotas imposés aux industriels, arrêt de la fabrication de médicaments matures.

Il serait présomptueux de prétendre y remédier en totalité à l’échelle de notre pays. L’idée selon laquelle il serait primordial de relocaliser la production de médicaments en France et en Europe revient fréquemment et, me semble-t-il, est partagée sur l’ensemble de nos travées.

Le Sénat avait voté en ce sens, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, un amendement visant à prendre en compte le lieu de fabrication du médicament dans le processus de fixation de son prix, et, ainsi, à favoriser les entreprises dont les usines seraient situées dans l’Union européenne, en Suisse ou au Royaume-Uni.

Malheureusement, malgré la mobilisation des sénateurs et en dépit du bon sens attaché à cette mesure, l’exécutif et la majorité présidentielle n’ont pas jugé opportun de la maintenir dans le texte ; nous ne pouvons que le regretter.

Toutefois, malgré l’enthousiasme que provoque l’idée de relocaliser une partie de la production en France, n’oublions pas qu’une telle relocalisation nécessitera des investissements importants, donc du temps, et exigera que la population accepte de voir s’installer sur son territoire une industrie chimique, avec son cortège de risques.

Pour ces raisons, je pense qu’il serait préférable, dans un premier temps, d’optimiser la capacité de production des sites existants, la production des principes actifs, maillons essentiels de la chaîne du médicament, apparaissant bien sûr prioritaire pour retrouver une indépendance sanitaire.

Je formulerai une remarque sur l’article 2, qui porte création d’un pôle public du médicament : ce pôle se voit confier, outre une mission de production, une mission de distribution sur le territoire national.

Cette mission de distribution est, à ce jour, parfaitement assurée par les entreprises de la répartition pharmaceutique ; le maillage territorial tissé par les répartiteurs pharmaceutiques et l’obligation de service public qui leur incombe prouvent chaque jour leur efficacité et leur capacité à s’adapter aux nouveaux enjeux en matière de distribution.

Leur rôle important dans la distribution de masques de l’État au début de la pandémie de covid-19 en est un exemple récent ! Ils ont parfaitement assuré cette mission.

L’État a indéniablement un rôle à jouer dans la lutte contre la pénurie de médicaments. Depuis trente-cinq ans, tous les gouvernements réduisent les crédits alloués au médicament sous la forme de mesures d’économies figurant dans le PLFSS. Le médicament a été, avec l’hôpital, l’une des deux variables d’ajustement des PLFSS successifs, alors qu’il ne pèse que 16,5 % du budget de la sécurité sociale.

En écartant de l’analyse le budget 2021, qui est complètement atypique, on note que le médicament contribuait, jusqu’à l’année dernière, à 50 % des économies réalisées au titre de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie.

Ainsi, depuis plus de dix ans, l’assurance maladie a mis en place des quotas. Ces quotas concernaient 400 références voilà dix ans, contre 720 références aujourd’hui ; le risque de rupture augmente donc mécaniquement.

Autre exemple du rôle de l’État, monsieur le secrétaire d’État : le cas particulier du vaccin contre la grippe. Depuis le mois de juin dernier, nous savions, vous saviez, que nous manquerions de 2 millions de doses. Preuve en est que le Gouvernement a, ces dernières semaines, acheté 2,4 millions de doses de vaccin contre la grippe.

Pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas joué son rôle en anticipant cette pénurie ? Comment allez-vous vous impliquer pour que la campagne 2021-2022 se passe mieux ? Quel message allez-vous faire passer aux industriels dès ce mois de décembre, ou au plus tard au début de janvier, pour qu’on ne revive pas la même situation l’an prochain ?

Des personnes âgées de plus de 65 ans ne sont toujours pas vaccinées à cette date ; plus jamais ça, monsieur le secrétaire d’État ! Néanmoins, sauf à ce qu’il possède un savoir-faire en matière de vaccins, un pôle public du médicament ne saurait être la bonne réponse.

Un programme public pour des médicaments qui sont en arrêt de commercialisation paraît facile à envisager. En revanche, comment aborder la question pour les médicaments qui sont en rupture d’approvisionnement ?

Comment anticiper ces ruptures ? Certes, les laboratoires ont l’obligation légale de déclarer les risques de rupture, mais comment un pôle public du médicament pourrait-il avoir la réactivité suffisante pour corriger ces risques ? Comment prendrait-il concrètement la main ? Réduirait-on le champ d’action de ce pôle public à des médicaments « matures » ?

Je m’interroge par ailleurs sur l’appréciation du coût d’un tel pôle public du médicament. La taxe que vous proposez, mes chers collègues, suffira-t-elle à en assurer le financement ?

L’examen de cette proposition de loi ne se réduit pas à un affrontement entre deux visions antagonistes de la politique du médicament : l’une du tout-État et de la planification vertueuse contre l’autre du tout libéral, qui laisserait un boulevard aux laboratoires et à leurs intérêts de court terme.

À titre personnel, je considère que l’équilibre se situe à la frontière entre ces deux sphères. La concurrence est vertueuse dans le sens où elle est source d’innovation et de progrès continu. Toutefois, l’État a effectivement un rôle de régulateur à jouer, en particulier sur un sujet qui concerne la santé de nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, l’examen de cette proposition de loi permet d’engager un débat fondamental sur la question de l’indépendance sanitaire de notre pays et j’en remercie ses auteurs. Néanmoins, les solutions proposées, bien qu’elles soient intéressantes d’un point de vue théorique, souffriraient de lacunes si elles devaient être concrètement mises en œuvre.

Enfin, même si des travaux doivent avoir lieu entre le ministère et l’Ordre national des pharmaciens pour améliorer le système d’information via le DP-Ruptures, les tensions en matière d’approvisionnement restent un fléau et un véritable sujet de préoccupation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Mme Guillotin m’a interrogé sur la feuille de route ministérielle pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France. À ce propos, qu’il me soit permis de présenter mes excuses à Jean-Pierre Decool, car j’ai effectivement omis dans mon discours liminaire de préciser que cette feuille de route était inspirée – je n’irai pas jusqu’à parler, comme lui, de communauté d’esprit – du rapport Daudigny-Decool, que je mentionne donc ici.

Je précise à l’intention de Mme Guillotin qu’une évaluation sera présentée au premier trimestre de l’année 2021.

Mme Nadia Sollogoub souhaite que le Gouvernement précise où en est la mise en œuvre des vingt-huit actions de cette feuille de route. À ce stade, et en attendant l’évaluation qui sera présentée au prochain trimestre, je puis d’ores et déjà lui annoncer que nous avons bien avancé dans la mise en œuvre d’une grande partie des mesures qui y sont prévues, tant en matière d’information, notamment la généralisation du DP-Ruptures, qu’en matière de renforcement des sanctions en cas de non-respect des obligations.

Sachez aussi, madame la sénatrice, que des actions sont conduites à l’échelon européen. Je pense, notamment, à l’accélération, dans le contexte du covid, de la passation de marchés conjoints. Enfin, un bilan complet sera réalisé, je le répète, au premier semestre de l’année 2021.

Mme Poumirol a évoqué la question de la transparence. Un amendement sur les contributions publiques à la recherche sur les médicaments a été adopté dans le cadre du PLFSS pour 2021, dont vous avez débattu et que vous avez voté. C’est une première avancée. Nous serons attentifs aux effets de cette mesure.

Mme Bonfanti-Dossat m’a interpellé sur l’accord-cadre entre Les Entreprises du médicament, ou LEEM, et le Comité économique des produits de santé. Les négociations sur cet accord, qui sont en phase finale, devraient aboutir d’ici à la fin du mois de décembre 2020. Mme Bonfanti-Dossat m’a également interrogé sur l’article 48 du PLFSS pour 2020. Je l’ai évoqué dans ma déclaration liminaire, le décret y afférent a été adressé au Conseil d’État. Nous attendons donc son avis.

Monsieur Bacchi, une taxation risquerait de décourager la relocalisation en France. (Marques dironie sur les travées du groupe CRCE.) Or la relocalisation est l’objectif que nous visons tous, me semble-t-il…

Enfin, Mme Imbert a évoqué la question de la grippe. Je ne partage pas totalement son analyse sur la campagne vaccinale. J’estime pour ma part que le bilan est plutôt positif, un plus grand nombre de personnes ayant été vaccinées cette année que l’année dernière, notamment dans la tranche d’âge des 65 ans et plus. Il y a eu un véritable engouement pour la vaccination, ce qui est plutôt une bonne chose compte tenu des difficultés que nous rencontrons et de l’appréciation que portent les Français sur le vaccin contre la covid-19.

L’ensemble des doses commandées par les officines, c’est-à-dire 12 millions, ont été écoulées en deux mois, contre quatre mois l’année dernière. Nous avons complété nos commandes, vous le savez, avec l’achat de 2,45 millions de doses, soit une hausse de 30 %. Elles sont diffusées dans les Ehpad et les hôpitaux depuis la mi-novembre ; 2 millions de doses sont arrivées dans les officines cette semaine. Le bilan en termes de santé publique est globalement positif, notamment grâce à la mobilisation des pharmaciens, que je salue, mais également des grossistes.

Concernant la prochaine campagne vaccinale contre la grippe, il faudra évidemment veiller à rapprocher les commandes officinales de la population cible. C’est le message que nous passons dès à présent aux industriels en vue de la campagne de l’année prochaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. Je remercie M. le secrétaire d’État et mes collègues de leurs interventions.

Je souhaite préciser quelques éléments avant l’examen des articles. Il me semble important de prêter attention aux mots figurant dans cette proposition de loi. Le pôle public du médicament dont nous proposons la création n’aurait absolument pas pour objectif de produire et de distribuer tous les médicaments.

Nous sommes d’accord sur l’ensemble des travées de cette assemblée pour reconnaître que des choses ne vont pas ; le Gouvernement l’admet également. Il serait aberrant d’ailleurs de ne pas le reconnaître, car nous en faisons tous l’expérience au quotidien !

Certes, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures, que j’ai évoquées dans mon propos liminaire, mais elles ne vont pas suffisamment loin et elles ne fonctionnent pas.

Monsieur le secrétaire d’État, certains médicaments sont en rupture de stock, leur production étant volontairement arrêtée, car ils ne sont pas suffisamment rentables. À titre d’exemple, Sanofi, qui figure parmi les plus grands laboratoires européens et mondiaux – j’en parle sans cesse, car j’habite à Gentilly, où il occupe une place importante –, a décidé d’arrêter la commercialisation d’Immucyst, un vaccin BCG utilisé comme antinéoplasique, privant ainsi de nombreux patients d’un traitement qui leur aurait permis d’éviter une ablation de la vessie. Quels outils avons-nous pour contraindre ce laboratoire à reprendre la commercialisation de cette spécialité ? Aucun !

Un pôle public du médicament et des produits médicaux serait un outil parmi d’autres. Certes, ce n’est pas la solution miracle, mais, grâce à lui, nous disposerions au moins d’un outil. Donnons-nous les moyens de retrouver une souveraineté et une maîtrise que nous avons perdues. On peut se gargariser de toutes les formules que l’on veut, le fait est que la France n’a pas de maîtrise publique dans le domaine du médicament. Il importe donc que nous réfléchissions ensemble à des solutions.

Mme Sollogoub se demande si la création d’un tel pôle ne coûtera pas trop cher à l’État. Sa question est légitime : oui, elle aura un coût.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la rapporteure. Vous aurez l’occasion d’intervenir plus longuement lors de l’examen des articles.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. L’article 5 répond à la question du financement. Par ailleurs, l’État pourra refuser d’accorder le crédit d’impôt recherche aux laboratoires qui n’auront pas joué le jeu. Ce sera autant de gagné !

En tout état de cause, je persiste à attirer votre attention sur l’importance des mots et sur leur sens. Il est essentiel que nous puissions disposer d’un outil public, mais j’y reviendrai lors de l’examen des articles, madame la présidente.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux

Chapitre Ier

METTRE EN PLACE UN SERVICE PUBLIC DU MÉDICAMENT ET DES DISPOSITIFS MÉDICAUX

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
Article 2

Article 1er

Après l’article L. 5121-33 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5121-33-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-33-1. – Un programme public de production et de distribution des médicaments essentiels concernés par des arrêts de commercialisation ou des tensions d’approvisionnement est élaboré chaque année sous la responsabilité du ministre chargé de la santé. Sur la base d’une stratégie annuelle élaborée de manière concertée, ce programme prévoit un plan d’actions pour garantir la fabrication et l’approvisionnement sur le territoire national de médicaments essentiels concernés par un arrêt de commercialisation ou pour lesquels une rupture ou un risque de rupture de stock est mis en évidence ou a été déclaré à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« La mise en œuvre de ce programme public fait l’objet d’un suivi annuel et d’une évaluation pluriannuelle, dont les résultats sont rendus publics. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Chers collègues, cela fait des années qu’on discute de la pénurie de médicaments, des années que certains d’entre nous plaident pour la constitution d’un pôle public, mais on nous oppose toujours les mêmes arguments, alors que la situation continue de se dégrader !

Certains de nos collègues, ceux du groupe Les Républicains ou les plus libéraux de cette assemblée, font quasiment un blocage idéologique : selon eux, l’intervention publique n’est jamais positive, car elle perturbe un marché que l’on pourrait globalement mieux réguler. Or les Français n’arrivent plus à comprendre ces discours sur l’État stratège alors qu’ils constatent tous les jours un peu plus l’impuissance collective !

J’ai passé le précédent quinquennat à expliquer qu’il ne fallait pas accepter la délocalisation d’un nombre significatif d’entreprises du médicament. Quand j’ai parlé de prises de participation publiques au capital de certaines entreprises ou quand j’ai demandé que l’on conditionne les aides, en particulier le CIR, au maintien des sites – notamment de recherche – en France, c’est tout juste si je n’ai pas été traitée de bolchevique ! Résultat, le bilan est très négatif.

Mme Buzyn nous a ensuite expliqué en 2019, après deux ans de questions écrites et orales, qu’elle allait mettre en place des « dispositifs », « mieux coordonnés ». Eh bien, c’est encore la pagaille générale, faute d’une armature publique de base – ce qui n’est pas la même chose qu’un monopole public d’intervention – de nature à coordonner, à réguler et à rendre transparents les prix. Il importe en effet de déterminer dans quel secteur il est possible d’augmenter les prix et dans quel autre c’est totalement illégitime. Nous devons mettre en place les outils permettant la fabrication sur le territoire national d’un certain nombre de médicaments indispensables.

Ma collègue écologiste a eu raison de le rappeler, la situation n’est pas la même partout dans le monde. J’ai déjà eu l’occasion de citer l’exemple des États-Unis, où sont créés avec les hôpitaux, souvent à l’échelle d’un État, parfois entre plusieurs États, des établissements publics chargés de produire les médicaments indispensables tombés dans le domaine public.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. J’insiste à mon tour : cette proposition de loi n’est pas un texte opportun lié à la crise de la covid-19. Cela fait très longtemps que nous y travaillons avec les acteurs et les professionnels du monde du médicament. C’est donc une proposition que nous avons mûrement réfléchie. Notre réflexion remonte même à plusieurs décennies. J’ai ainsi le souvenir des grandes batailles politiques et syndicales menées lors de la fermeture du site de Sanofi à Romainville, dans mon département. Cette question n’est donc pas nouvelle pour nous !

Outre les points qui ont déjà été évoqués par plusieurs de mes collègues, notamment par Laurence Cohen et par Cathy Apourceau-Poly, se posent la question de la souveraineté de notre pays en matière de production de médicaments et celle du nécessaire renforcement de la coopération internationale en matière de médicaments.

La crise de la covid-19 a entraîné une forme de repli nationaliste à l’échelon européen et une concurrence exacerbée entre les États, notamment pour accéder aux doses de vaccin. Ce phénomène a été dénoncé, y compris par l’Organisation mondiale de la santé.

Mais la crise sanitaire a également été l’occasion de nouer des liens de coopération. Je pense, par exemple, à l’accueil de patients français par les hôpitaux allemands, mais aussi à l’envoi de médecins cubains en Italie.

Le Président de la République a indiqué lors du dernier sommet du G20 que le vaccin contre la covid-19 devait être considéré comme un « bien public mondial » et être vendu à prix coûtant. Bien évidemment, nous partageons cette position, d’autant que la pandémie a tué des millions de personnes dans le monde. Il faut donc une solidarité internationale afin de s’assurer que les pays les plus riches ne seront pas les seuls à bénéficier du vaccin.

Nous regrettons le décalage total entre les appels des pays européens à faire du vaccin un bien public mondial et le refus du G20 de partager les droits de propriété intellectuelle.

Notre proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux s’inscrit dans une dynamique de coopération internationale et de développement des capacités de production de médicaments à l’échelon européen.

La crise de la covid illustre l’échec des politiques sanitaires mises en œuvre indépendamment des autres États européens. Il faut effectivement agir à l’échelon national et européen. C’est cette complémentarité que nous défendons aujourd’hui au travers de l’article 1er.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. L’article 1er prévoit la création d’un programme public de production et de distribution des médicaments.

Je veux rassurer mon collègue Jean-Pierre Decool et lui apporter les précisions qu’il demande. Comme il le sait, j’ai également été membre de la mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins qu’il a évoquée. En toute humilité, je peux même affirmer que j’ai contribué à faire progresser l’idée d’un pôle public dans l’esprit d’un certain nombre de mes collègues. Comme je l’ai dit en son temps à Marisol Touraine, avant d’en arriver à la création d’un tel pôle, il faudrait d’abord s’appuyer sur l’Agence générale des équipements et produits de santé, l’Ageps, et sur la pharmacie centrale des armées. J’ai été ravie de parvenir à convaincre la mission du bien-fondé de ce pôle. Un tel résultat n’est pas fréquent, mes chers collègues, quand on est dans l’opposition !

Pourquoi alors le groupe CRCE auquel j’appartiens n’a-t-il finalement pas voté le rapport ? Tout simplement parce que malgré cette très bonne proposition, et d’autres, on y faisait beaucoup de cadeaux aux grands groupes pharmaceutiques sans prévoir de sanctions en cas de non-respect des règles. Ce pseudo-équilibre ne nous convenait pas.

C’est pourquoi nous proposons de nouveau aujourd’hui la création d’un programme public de production et de distribution des médicaments, tout en prévoyant de taxer les laboratoires – c’est l’objet de l’article 5 – afin qu’ils participent à l’effort commun en matière de médicaments.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l’adoption 27
Contre 240

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 1er
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Article 3

Article 2

Au début du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique, il est ajouté un titre préliminaire ainsi rédigé :

« TITRE PRÉLIMINAIRE

« PÔLE PUBLIC DU MÉDICAMENT ET DES DISPOSITIFS MÉDICAUX

« Art. L. 5110-1. – I. – À compter du 1er janvier 2022, il est institué un établissement public de l’État dénommé “Pôle public du médicament et des dispositifs médicaux” contribuant à la mise en œuvre d’une politique publique du médicament et des dispositifs médicaux au service des besoins en santé de la population. Cet établissement est placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé et concourt à la politique de santé publique. Cet établissement coordonne les établissements de l’État qui agissent dans le périmètre de ses missions et prérogatives.

« Le Pôle public du médicament et des dispositifs médicaux a pour missions :

« 1° De contribuer à la recherche médicale et pharmaceutique au service des patients et des établissements de santé ;

« 2° D’évaluer les bénéfices et les risques liés à l’utilisation des produits à finalité sanitaire destinés à l’être humain ;

« 3° D’assurer une information publique transparente sur les médicaments, les dispositifs médicaux et leurs effets ;

« 4° D’assurer la continuité de la production de médicaments essentiels pour lesquels il existe des tensions d’approvisionnement ;

« 5° Le cas échéant, d’approvisionner, de stocker et de distribuer des médicaments sur le territoire national.

« II. – Les ressources du Pôle public du médicament et des dispositifs médicaux sont constituées de concours financiers de l’État et de la Sécurité sociale.

« III. – Le Pôle public du médicament et de dispositifs médicaux est administré par un conseil d’administration et dirigé par un directeur général.

« Le conseil d’administration comprend, outre son président, vingt membres répartis en cinq collèges :

« 1° Un collège des partenaires sociaux ;

« 2° Un collège des professionnels de santé ;

« 3° Un collège des usagers ;

« 4° Un collège des représentants de l’Assurance maladie ;

« 5° Un collège des élus.

« Le conseil d’administration dénommé “Conseil national du médicament et des produits médicaux” délibère sur les orientations stratégiques pluriannuelles, le bilan d’activité annuel, le programme d’investissement, le budget et les comptes, les subventions éventuellement attribuées par le Pôle public, l’acceptation et le refus de dons et legs.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de l’administration et de la direction de l’établissement public. Ce décret détermine également les compétences et la composition du conseil d’administration. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, l’autre tentation est de croire que, pour produire des médicaments, redonner de la force à notre industrie et à notre recherche, il faut agir à l’échelon européen.

Évidemment, ce serait mieux, mais si l’on attend qu’une décision soit prise à l’échelle européenne, les délocalisations risquent de se poursuivre. J’en veux pour preuve un certain nombre de flux intraeuropéens. Des entreprises françaises ayant bénéficié du crédit d’impôt recherche, payé par le contribuable français, n’hésitent pas en effet, quelques années après avoir perçu cette aide, à délocaliser leurs laboratoires à Francfort. Vive l’Europe !

On a financé sans condition et au nom de l’Europe ces entreprises. Comment nous réjouir de voir partir de Chilly-Mazarin, de Gentilly ou d’ailleurs des postes de chercheurs, qui quittent la France ?

Certes, la perspective européenne est importante. Comme l’a souligné ma collègue Éliane Assassi, un pôle public du médicament et des produits médicaux doit s’inscrire dans un cadre international afin de faire émerger une nouvelle conception de la régulation des biens communs que constituent un certain nombre de médicaments, mais cela ne doit pas être le prétexte d’une fuite en avant.

On nous cite l’exemple de l’Allemagne, qui aurait accueilli des malades en provenance d’autres pays. C’est très bien, j’en remercie d’ailleurs nos amis allemands, mais la solidarité européenne dépend aussi de la pression dans chacun des pays.

Dois-je vous rappeler que, en dépit de ses odes permanentes au libre-échange, l’Allemagne, quand elle a su que l’Italie était en manque de respirateurs, a fermé ses frontières pour empêcher l’exportation de ces matériels ? Elle produisait des respirateurs, mais elle a préféré les garder pour elle, au cas où, plutôt que d’en livrer aux Italiens !

Les solidarités sont globales, elles sont mieux acquises quand tous les pays sont équilibrés, quand chacun a ses forces et ses faiblesses. Elles sont en revanche loin d’être assurées lorsque l’on est hyperdépendant de décisions abstraites, qui ne règlent souvent pas les problèmes des pays les plus fragiles, voire des pays intermédiaires comme la France.

Un pôle public serait un interlocuteur susceptible de permettre à l’Europe d’évoluer dans ses pratiques. Cette idée n’est pas nouvelle. Lors de l’épidémie d’Ebola, une directive européenne prévoyait déjà l’achat groupé de vaccins. Ce dispositif n’a jamais été utilisé. Il aura fallu attendre la catastrophe de la covid ! Combien de temps la prise de conscience solidaire durera-t-elle ?

J’ai la certitude que si la France disposait d’outils efficaces lui permettant de peser dans le rapport de force européen, on avancerait mieux en Europe !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 267
Pour l’adoption 27
Contre 240

Le Sénat n’a pas adopté.

Article 2
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Article 4

Article 3

À la première phrase du 7° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, après le mot : « services », sont insérés les mots : « et entreprises privées ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 3.

(Larticle 3 nest pas adopté.)

Chapitre II

CONTRÔLER LES PRIX DES MÉDICAMENTS

Article 3
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Article 5 (début)

Article 4

Le titre II du livre III de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Observatoire citoyen des dispositifs médicaux

« Art. L. 5325-1. – Il est institué au sein de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits médicaux, un observatoire citoyen des dispositifs médicaux. Cet observatoire a pour mission de garantir la transparence des données issues de la matériovigilance définie au chapitre II du titre Ier du présent livre.

« Il est composé de personnalités extérieures à l’agence, désignées dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. Ces personnalités exercent leurs fonctions au sein de l’observatoire à titre gratuit. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l’article.

Mme Michelle Meunier. Les modalités actuelles de gouvernance du système de santé et la gestion de la pandémie ont mis en évidence une tendance qui s’est largement confirmée ces derniers mois. Le renoncement aux soins, mais aussi les errements de communication sur la recherche et la stratégie médicamenteuse pour enrayer cette épidémie en sont les stigmates. Cette tendance, c’est le recul de la place accordée aux usagers de santé et à leurs représentants.

L’article 4 de cette proposition de loi prévoit la création d’un observatoire citoyen au sein de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le rôle de cette nouvelle entité serait de garantir une meilleure transparence des données issues de la surveillance des incidents pouvant survenir lors de l’utilisation d’un dispositif médical, par exemple.

Cet observatoire citoyen appelle, par son intitulé, à accorder enfin à l’usager la place qui lui est due, car nous le savons tous : l’opacité fait naître la défiance. À l’approche de la prochaine campagne vaccinale, les questions, les doutes et les inquiétudes sont nombreux. Nous avons donc intérêt à associer les personnes au cœur du dispositif. Les associations et les représentants d’usagers y sont prêts.

Si un enseignement doit être tiré de cette crise sanitaire, c’est bien qu’il est nécessaire de réinstaurer au sein du système de santé et des entités qui le composent plus de démocratie sanitaire. Cet observatoire nous permettrait de faire un pas dans cette direction. La création d’une telle instance est selon nous une nécessité pour des raisons d’éthique et de transparence, sur un sujet aussi sensible que la santé, laquelle est un bien commun.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si nous souhaitons une gestion publique, ce n’est pas pour confier le pouvoir à la technocratie de la haute administration, dont on a pu mesurer qu’elle n’était pas, pour une large part, très efficace, faute d’être contrôlée et réorganisée. Elle n’a pas semblé non plus très sensible aux attentes de nos concitoyens.

Cet observatoire serait un outil majeur, en complément d’un pôle public. J’attire l’attention de nos collègues qui souhaitent que les usagers soient mieux associés aux mesures de santé sur le fait que ces derniers ont aussi envie que leurs avis connaissent des débouchés concrets !

Il existe selon moi un lien assez étroit entre le fait de se doter d’un observatoire citoyen, qui est indispensable, et d’instaurer un pôle public, pour agir. Si l’on se contente de constater que ça ne va pas, que c’est trop cher, que l’on se soucie seulement du marché et pas assez de l’intérêt général, sans créer un outil pour tenter de régler les problèmes ainsi mis à nu et peser sur les événements, on risque de décevoir en termes de démocratie sanitaire !

Dans cette proposition de loi, l’ensemble des éléments se tiennent.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par Mme Poumirol, M. Jomier, Mme Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mmes Jasmin, Le Houerou, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 2 est présenté par Mme Cohen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 3

Après le mot :

citoyen

insérer les mots :

des médicaments, des vaccins et

II. – Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

citoyen

insérer les mots :

des médicaments, des vaccins et

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour présenter l’amendement n° 1.

Mme Émilienne Poumirol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage totalement l’objectif de renforcement de la démocratie sanitaire via la création d’un observatoire citoyen des dispositifs médicaux visé au travers de l’article 4.

Cet amendement tend à élargir le champ des missions de cet observatoire citoyen des dispositifs médicaux afin d’y inclure également les médicaments et les vaccins.

La question de la transparence des prix du médicament a donné lieu à de multiples discussions, de même que celle de la sécurité des vaccins et de la confiance en la vaccination. Il nous paraît donc nécessaire de créer un observatoire citoyen pour satisfaire cette exigence de rééquilibrage dans l’accès à l’information des pouvoirs publics et du grand public concernant le marché des médicaments, des vaccins et des dispositifs médicaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 2.

Mme Laurence Cohen. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec cette proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.

Lors des débats en commission des affaires sociales et ici même, nous avons toujours plaidé pour que ce pôle s’occupe à la fois des médicaments, des vaccins et des dispositifs médicaux.

Si nous souhaitons créer un observatoire, c’est pour permettre l’émergence d’une démocratie sanitaire beaucoup plus robuste, décisionnelle, et non pas seulement consultative.

Tel est l’objet de cet amendement que j’ai déposé avec mon groupe, car il n’a, hélas ! pas obtenu le soutien de la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Cohen, rapporteure. La commission a rejeté ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Les principes de transparence et de participation des citoyens au processus décisionnel de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, que vous souhaitez promouvoir au travers de ces deux amendements, sont fondamentaux. Ils le sont à ce point qu’ils sont d’ores et déjà mis en place ou en voie de l’être dans le cadre de la politique d’ouverture de l’ANSM.

Plusieurs éléments concourent ainsi, ou concourront bientôt, à cette transparence que, comme nous, vous appelez de vos vœux : d’une part, le rapport d’activité de l’ANSM, qui comporte chaque année une synthèse des données de vigilance et les faits marquants de l’année ; d’autre part, dans le cadre de la politique d’ouverture et dopen data, la mise en ligne sur le site internet de l’Agence des données agrégées et anonymisées de matériovigilance, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les données de pharmacovigilance.

En outre, il convient de rappeler que, depuis le mois de juillet 2019, dans l’ensemble des instances d’expertise scientifique de l’Agence siègent des représentants des patients et des représentants d’usagers du système de santé. C’est en particulier le cas dans le comité scientifique permanent « matériovigilance et réactovigilance », qui comprend quatre membres des associations de patients, deux titulaires et deux suppléants.

De plus en plus, l’ANSM procède à des consultations et à des auditions publiques des parties prenantes, lesquelles font l’objet d’une diffusion en direct sur internet, de même que les ordres du jour et les comptes rendus de ces séances.

Il ne nous semble donc pas nécessaire de créer par voie législative une instance supplémentaire, en plus de toutes les structures qui existent déjà et de toutes les procédures que je viens de rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs, pas plus pour les dispositifs médicaux que pour les médicaments.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

M. Olivier Henno. Nous ne voterons pas ces amendements.

Je tiens en cet instant à exprimer une conviction qui fait un peu écho aux propos de Mme Lienemann. Ma conviction, notre conviction, c’est que tous ces organismes participent à une forme de confusion. Or la démocratie exige de la lisibilité. Il s’agit donc non pas de multiplier ces organismes, mais de les animer et de les faire vivre.

De ce point de vue, il me semble que notre pays souffre de suradministration et de sous-politisation. Un article récent a décrit avec justesse cette réalité. La multiplication de ces organismes y contribue, plus encore quand le champ est étendu et complexe pour les citoyens.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. Pour siéger au conseil d’administration de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, je peux témoigner que cette agence joue un rôle extrêmement important. Au fil du temps, elle s’est d’ailleurs vue confier des missions de plus en plus variées et nombreuses, avec des moyens de plus en plus restreints, du fait de la suppression d’un certain nombre d’équivalents temps plein (ETP). À partir du moment où l’on étend ses missions, il faudrait aussi penser à lui octroyer des moyens.

Sa mission n’est pas d’être un observatoire citoyen. Elle n’est pas composée de personnalités extérieures, chargées d’assurer la transparence. Là encore, si tout allait bien, si tout était prévu, nous n’aurions pas connu les scandales du type du Mediator ou autre ! (Mme Cathy Apourceau-Poly acquiesce.)

Ce pays souffre d’un problème de transparence dans la chaîne des médicaments : de leur composition à leur fabrication, jusqu’à leur prix. Partant de ce constat, il faut réfléchir différemment. C’est bien pour cela que cet observatoire est important.

Pour préparer cette proposition de loi, nous avons organisé des auditions. Le texte a également fait l’objet de discussions et de confrontations. Reste qu’un certain nombre de personnalités auditionnées sont favorables à un tel observatoire. Je pense notamment à l’Observatoire de la transparence des médicaments et des dispositifs médicaux, qui a accompli un travail colossal sur la question de la transparence. Or je suis étonnée, car cette réflexion n’est pas prise en compte aujourd’hui et, monsieur le secrétaire d’État, malgré les informations que vous nous avez communiquées, cela ne va pas.

Je trouve toujours formidable qu’après avoir dressé un bilan plus que contrasté, pour ne pas dire plutôt négatif, on nous dise : « Ne vous inquiétez pas, bonnes gens. Dormez tranquille. Tout est sous contrôle. »

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Je m’adresse à mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain : j’ai observé votre vote sur les articles précédents et je devine assez bien le sort qui sera réservé à ce texte.

Quand on dépose un amendement identique à celui des auteurs d’une proposition de loi, on le retire au profit du leur : c’est une question de correction et de respect du travail accompli, surtout quand on a voté contre les articles précédents. (Marques de surprise sur les travées du groupe SER. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Chacun prend ses responsabilités : c’est une invitation à jouer collectif plutôt qu’à mettre l’accent sur les différences.

Mme la présidente. Madame Poumirol, l’amendement n° 1 est-il maintenu ?

Mme Émilienne Poumirol. Oui, je le maintiens, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 2.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

(Larticle 4 nest pas adopté.)

Chapitre III

MISE À CONTRIBUTION DES INDUSTRIELS PHARMACEUTIQUES

Article 4
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Article 5 (fin)

Article 5

À la fin du V de l’article L. 245-6 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 0,17 % » est remplacé par le pourcentage : « 1 % ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Contre cet article, on nous oppose comme argument que financer un pôle public du médicament et des produits médicaux par une contribution sur le chiffre d’affaires des grandes entreprises poserait à ces dernières un énorme problème et qu’elles délocaliseraient.

Je ne lancerai pas un débat sur ce sujet, mais quand on discute avec un certain nombre d’acteurs du médicament, on comprend que les choix de localisation sont liés à d’autres critères que le coût, qu’il s’agisse des taxes ou du coût du travail.

Mes chers collègues, selon Le Revenu, l’une des deux seules grandes entreprises françaises à offrir des dividendes particulièrement attractifs cette année, c’est Sanofi. Déjà l’an dernier, l’augmentation a été de plus de 7 % et c’est ainsi de façon régulière.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Sans tomber dans le travers qui consisterait à soutenir qu’il n’y a pas de profits nécessaires, face à un tel décalage entre les profits réalisés et l’état global de l’économie réelle et des autres pans de l’économie, on peut considérer que réguler l’économie passe aussi par le prélèvement de richesses indûment distribuées, au moment où d’autres connaissent d’énormes difficultés, notamment nos PME.

Par ailleurs, Sanofi a aussi des sous-traitants qu’elle ne traite pas bien.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Or une partie des difficultés tient aussi à la manière dont ces grandes entreprises traitent leurs sous-traitants. L’observation du prix du médicament doit aussi mettre en évidence cette réalité.

Quand on réfléchit globalement à un redéploiement de la production de médicaments en France, lequel entraînerait une augmentation des prix de certains médicaments, une ponction sur les entreprises du médicament ne paraît pas être une mauvaise idée. Pour ma part, je préfère des médicaments un tout petit peu plus coûteux fabriqués en France plutôt que des médicaments moins chers produits en dehors de l’Hexagone, qui plus est avec un taux de retour pour mauvaise qualité particulièrement élevé s’agissant des génériques.

Je ne pense pas que le mode de financement du pôle public du médicament et des produits médicaux que nous proposons soit une faiblesse pour notre industrie. Au contraire, il permet de penser une planification souple, à la française, en nous en donnant les moyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, sur l’article.

M. Pierre Laurent. Je prends la parole à cet instant du débat, car le vote sur l’article 5 est sans doute le dernier que nous aurons sur ce texte.

Une nouvelle fois, nous sommes en train de gâcher une occasion de prendre une décision essentielle ! Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que nous serons obligés de revenir sur la question que nous posons aujourd’hui avec ce texte.

Que se passe-t-il dans le cas du vaccin contre la covid ? Pour sécuriser l’accès à ce vaccin et faire en sorte qu’il soit accessible à tous et gratuit, tous les gouvernements européens ont immédiatement mis des fonds publics : 1,5 milliard de doses ont ainsi été achetées. En outre, Clément Beaune l’a confirmé mardi matin, l’essentiel des vaccins sera produit en Europe.

En d’autres termes, nous faisons avec ce vaccin exactement le contraire de ce qui se serait passé si l’on avait laissé faire les marchés et les groupes pharmaceutiques ! Pourquoi ? Parce que la pandémie nous oblige à sécuriser l’accès au vaccin : c’est une urgence à laquelle aucun gouvernement ne peut se soustraire.

Si l’on ne crée pas le pôle public du médicament et des produits médicaux, une fois la pandémie passée, on recommencera de zéro !

M. Pierre Laurent. Nous serons confrontés au même problème avec un autre médicament. Nous le sommes déjà !

Aujourd’hui, la majorité ne veut pas voter ce texte, mais la pandémie et la manière dont nous traitons la question du vaccin démontrent qu’il faut changer de logique et ne plus laisser la main aux groupes industriels actuels.

Souvenons-nous de la déclaration du directeur France de Sanofi, ce cri du cœur du monde financier : il a crûment avoué que le vaccin serait d’abord pour ceux qui paient.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Oui, c’est ce qu’il a dit !

M. Pierre Laurent. La voilà la logique de ces groupes ! Cette déclaration a été faite par le directeur de Sanofi, un groupe prétendument français ! Tout le monde a été obligé de le recadrer.

Deux solutions s’offrent à nous : soit on laisse ces groupes continuer à faire la loi, soit on fait autrement, si ce n’est avec la proposition de loi que nous vous soumettons, en tout cas avec la logique qui l’anime. On ne le fera pas aujourd’hui, mais il faudra le faire, demain, après-demain ou plus tard, sinon nous nous préparons des catastrophes sanitaires sur l’autel des rendements des groupes pharmaceutiques. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Je ne comprends pas non plus que l’on ne puisse pas aujourd’hui voter tous ensemble dans cette enceinte en faveur de la création de ce pôle public du médicament et des produits médicaux, ce pôle étant, je le rappelle, demandé et soutenu par quarante organisations.

Mes collègues ont parlé de Sanofi. Pour ma part, je vous parlerai d’une firme américaine, Gilead Sciences, qui marche dans les pas de Sanofi. Je rappelle que ce grand groupe vend aujourd’hui un traitement 28 700 euros, alors qu’il est produit pour seulement quelques centaines d’euros. Il s’agit bien évidemment du Sovaldi, prescrit contre l’hépatite C.

Dans cet hémicycle, on n’arrête pas de dire qu’il ne faut pas gâcher l’argent public ; ce fut le cas lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Pourtant, en payant à Gilead France ce traitement 28 700 euros, alors que sa production coûte quelques centaines d’euros, l’État français gâche l’argent public !

Avec un pôle public du médicament et des produits médicaux, nous pourrions avoir une véritable transparence sur les prix et nous pourrions intervenir pour empêcher de tels scandales, parce que c’est un véritable hold-up sur l’État français qu’opère ce groupe !

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, sur l’article.

Mme Émilienne Poumirol. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne partage pas la position de la majorité sénatoriale, qui a rejeté en bloc l’ensemble des articles de cette proposition de loi.

Pourtant, nos interventions l’ont montré : nous faisons tous le même constat sur la pénurie de médicaments, cela fait consensus ici. D’ailleurs, notre assemblée est engagée sur ce sujet depuis plusieurs années.

Il y avait matière à enrichir cette proposition de loi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons déposé l’amendement n° 1 – il ne s’agissait pas de nous opposer au groupe CRCE. Je regrette que nous ayons manqué l’occasion d’améliorer ce texte.

La question de l’accès aux médicaments demeurera en 2021, comme celle de l’accès aux vaccins. Pour notre part, nous estimons nécessaire la création d’une solution publique de production pour les médicaments en tension.

Reste que nous n’étions pas véritablement convaincus par la création d’un établissement public supplémentaire, tel qu’il a été prévu à l’article 1er. Oui à un pôle public du médicament et des produits médicaux, mais non à un étage administratif supplémentaire, alors que nous faisons déjà face à un millefeuille, à un système complexe, composé de multiples structures de santé, avec une gestion hypercentralisée, et malheureusement sourd aux alertes du terrain.

Pour nous, un pôle public du médicament et des produits médicaux n’a pas exactement la même signification que pour nos camarades du groupe CRCE. Nous estimons que nous pouvons d’ores et déjà, si nous en avons la volonté politique, démultiplier nos capacités de production et d’approvisionnement pour les médicaments qui nous manquent.

Cela a été évoqué, l’essentiel, c’est plus la volonté politique de mettre en place des sanctions effectives, dans la mesure où celles-ci ne sont pas appliquées aujourd’hui, que l’organisation d’un système administratif encore plus complexe.

L’État pourrait par exemple conventionner des chaînes de production et de fabrication spécifiques pour certains médicaments en tension, avec des laboratoires français, puisqu’il existe encore des sites de production en France. On pourrait également s’appuyer davantage sur l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et sur la pharmacie centrale des armées ; elle a déjà prouvé son efficacité lors de l’épidémie de 2009, je l’ai souligné tout à l’heure.

Enfin, comme je l’ai également évoqué, je pense qu’il manquait une volonté européenne dans ce texte. C’est pour cela que nous nous sommes abstenus sur l’ensemble des articles, sauf sur l’article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

M. Bernard Jomier. Je rebondis sur les propos que vient de tenir Émilienne Poumirol : sur le principe, nous sommes favorables à un pôle public du médicament et des produits médicaux.

Pour autant, nous sommes ici non pas pour faire des déclarations ou pour publier des tribunes, mais pour écrire la loi, ce qui suppose d’entrer dans le dur et de définir des dispositifs précis. Or, sur un certain nombre de points, ce qui nous est proposé ne nous ne nous paraît pas opérant. Pour que cela le devienne, mes chers collègues, il faut accepter que ce texte soit amendé. À cet égard, je dois dire que je n’avais jamais entendu à l’égard d’un parlementaire des propos tels que ceux qui ont été tenus tout à l’heure.

M. Pascal Savoldelli. C’est le même amendement, mot pour mot !

M. Bernard Jomier. Et alors ?

Nous avions déposé trois amendements, mais la volonté de ne pas travailler sur les amendements a empêché d’améliorer le texte.

Il est une question qui nous paraît très importante et sur laquelle nous avons souhaité avancer, c’est celle de la démocratie sanitaire, ce qui me permet de répondre à Olivier Henno.

Tout le monde s’accorde à dire que l’épidémie de covid a montré que, en la matière, l’attitude du Gouvernement a été pour le moins dilettante. (Marques dapprobation sur les travées du groupe SER.) Or, et c’est une question d’organisation, il faut que des dispositifs existent. Il n’est qu’à voir la crise du covid : la Conférence nationale de santé n’a jamais été sollicitée. C’est pourtant bien parce qu’elle existe que nous pouvons interpeller le Gouvernement et lui demander pourquoi cette instance de démocratie sanitaire n’a jamais été consultée.

Ce qui existe à l’ANSM sur le médicament et sur la transparence du médicament n’est pas une instance de démocratie sanitaire. Absolument pas ! En ce sens, la proposition de loi de nos collègues du groupe CRCE nous paraît tout à fait intéressante. D’ailleurs, parce qu’ils sont nombreux à faire ce constat, les membres de la majorité sénatoriale auraient aussi pu travailler ce texte, afin qu’on l’améliore. Son adoption aurait constitué un petit progrès en termes de démocratie sanitaire sur la question du médicament.

C’est pour cela que nous avons soutenu cette disposition et que nous regrettons que le Sénat ne fasse pas ce petit pas en avant sur cette question.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.

M. René-Paul Savary. Je remercie Laurence Cohen d’avoir mis sur le tapis cette affaire importante, qui ressurgit régulièrement.

Monsieur le secrétaire d’État, il nous faut mieux définir la stratégie publique du médicament et peut-être changer un peu les pratiques.

Si nous comprenons les difficultés évoquées, nous ne sommes pas pour autant favorables, vous l’avez compris, à la création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux. Nous lui préférons une stratégie publique du médicament, laquelle impliquerait de modifier deux pratiques.

En premier lieu, le PLFSS prévoit plus de 30 milliards d’euros pour les médicaments. Or, on le voit bien, chaque année, cette ligne prend un coup : à force de vouloir rogner sur les médicaments et de développer des génériques – on a tous contribué à ce mouvement –, on a asséché de façon continue des laboratoires, qui ne peuvent plus aujourd’hui poursuivre leur développement en France et qui délocalisent.

Si l’on y réfléchit bien, nous avons provoqué durant de nombreuses années la situation que nous constatons aujourd’hui, au point de faire face aujourd’hui à des pénuries. Il faudrait donc d’abord discuter avec les laboratoires, faire en sorte que les engagements, quand ils sont pris, soient tenus – on sait bien que certains ne l’ont pas été –, et peut-être ne pas laisser autant les mains libres au Comité économique des produits de santé, le CEPS.

M. René-Paul Savary. Il faut être plus attentif à ces négociations. Nous avons déjà formulé des propositions. Nous avons notamment demandé qu’une réflexion soit menée dans le cadre européen plus que dans le cadre strictement national.

En second lieu, l’innovation est importante, on l’a tous dit.

M. Pierre Laurent. Il faut voter le texte !

M. René-Paul Savary. On connaît l’exemple de Sovaldi. L’innovation part : on ne sait pas retenir les biotechs, parce que l’on ne sait pas mettre les fonds propres suffisants pour qu’elles restent dans notre pays. Elles vont donc ailleurs et on achète ensuite très cher des médicaments qui, pour certains, ont été conçus en France.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut essayer de mettre un terme à cette situation, dont on voit bien les conséquences.

En conclusion, nous ne voterons pas ce texte. Nous continuerons à formuler des propositions, car ces pénuries de médicaments sont aujourd’hui inexplicables pour nos concitoyens. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, sur l’article.

Mme Michelle Gréaume. La pénurie de médicaments constitue un problème majeur en matière de santé publique, qui ne cessera de s’amplifier si rien n’est fait. Les ruptures ou pénuries recensées sont passées de 44 en 2008 à plus de 1 200 en 2019, soit 30 fois plus en dix ans.

Aucune classe thérapeutique n’est réellement épargnée. Les pénuries et ruptures touchent des catégories variées de médicaments et de produits de santé : des antibiotiques aux traitements utilisés contre le VIH, les cancers, les vaccins ou encore les médicaments utilisés dans les protocoles de fin de vie. Les médicaments et produits de santé sont soumis aux logiques de l’offre et de la demande et des profits. Les industriels peuvent donc négliger des marchés qui ne leur semblent pas rentables, même lorsqu’il s’agit de molécules indispensables.

De plus, pour réduire les coûts de main-d’œuvre, les groupes ont délocalisé leur production. Nous dépendons désormais à 80 % de la Chine et de l’Inde.

Par ailleurs, le Gouvernement a de son côté refusé de réquisitionner les sites de production récemment fermés, qui disposaient pourtant de toutes les infrastructures pour produire ces médicaments, comme le site de Sanofi à Romainville et celui de Famar à Lyon.

Ce pôle public du médicament et des produits médicaux est, selon moi, une solution pour sauvegarder notre santé publique.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. Nous en arrivons à la conclusion de ce débat, ce qui signifie que cette proposition de loi n’a pas pu aboutir. Je le regrette. Au moins avons-nous provoqué une discussion et c’est à mon sens important.

Je regrette fortement la timidité de mes collègues, qui n’essaient pas d’adopter cet outil public, qui confondent les missions du public avec celles du privé. Le public ne cherche ni la rentabilité ni le profit : il sert l’intérêt commun.

Dans l’exposé des motifs de notre proposition de loi, nous l’avons bien dit, et je le redis encore une fois pour que ce soit bien clair dans vos esprits, mes chers collègues, et pour que vous votiez en toute connaissance de cause : il ne s’agit pas de remplacer ce qui fonctionne.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. Certains dispositifs, qui sont d’initiative privée, fonctionnent. Le pôle public du médicament et des produits médicaux n’a pas vocation à tout capter. Vous vous faites du projet que nous défendons une image éloignée de ce qu’il est.

Cette proposition de loi était extrêmement équilibrée. L’article 1er consacrait le programme public de production et de diffusion des médicaments. L’article 2 prévoyait le pilotage du pôle public du médicament et des dispositifs médicaux par un conseil national du médicament et des produits médicaux. L’article 3 organisait les modalités de réquisition – cela en a fait sursauter quelques-uns, mes chers collègues, mais cela existe déjà dans la loi, cela fait partie des prérogatives du Premier ministre. L’article 4 créait un observatoire citoyen des dispositifs médicaux élargi pour permettre la démocratie sanitaire. L’article 5 portait à 1 % le taux de la contribution des industriels pharmaceutiques. Rassurez-vous, cela n’aurait pas mis les grands labos à nu. Un tel taux aurait permis un apport de 262 millions d’euros pour le fonctionnement du pôle public du médicament et des produits médicaux.

Nous sommes soutenus par UFC-Que choisir, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, la Ligue contre le cancer, France Assos Santé, mais aussi la CGT à Sanofi. J’espère que nous nous reverrons très bientôt, et non dans dix ans, pour voter ensemble la création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux.

Enfin, je m’inscris totalement en faux contre l’idée selon laquelle nous n’aurions pas voulu que cette proposition de loi soit amendée. Nous voulions au contraire qu’elle puisse l’être par toutes les sensibilités politiques. Ce refus ne vient pas du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 5 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les cinq articles qui la composent auraient été rejetés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.

Je mets aux voix l’article 5.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 279
Pour l’adoption 27
Contre 252

Le Sénat n’a pas adopté.

Les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je félicite nos collègues du groupe CRCE de leur constance dans leurs convictions. Certes, elle n’a pas eu d’effet, mais nous devons le souligner. (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre présence constante pour remplacer le ministre Olivier Véran, dont nous regrettons une fois de plus l’absence.

M. Fabien Gay. Il va venir un jour ?

M. Pierre Laurent. Il n’est pas malade au moins ?

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Il existait autrefois une émission qui s’appelait Perdu de vue. On pourrait la relancer pour retrouver le ministre au Sénat ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Article 5 (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux
 

5

 
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, concernant l'aménagement numérique des territoires
Discussion générale (suite)

Aménagement numérique des territoires

Rejet d’une proposition de résolution

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, concernant l'aménagement numérique des territoires
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, l’examen de la proposition de résolution concernant l’aménagement numérique des territoires présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mme Éliane Assassi, M. Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 685 [2019-2020]).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de résolution.

Mme Marie-Claude Varaillas, auteure de la proposition de résolution. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous abordons un thème cher au sénat, celui de l’aménagement numérique du territoire. Il faut reconnaître qu’il s’agit d’une question essentielle pour nos concitoyens, comme l’a démontré avec acuité la crise de la covid-19. Cette crise a révélé de nouvelles fractures au sein de notre société : aux fractures sociales entre les premiers de cordée et les premiers de corvée se sont ajoutées des fractures territoriales et numériques dans l’accès aux services publics.

Ainsi, la question de l’accès à une connexion internet de qualité comme au réseau téléphonique mobile a été cruciale pour nombre de nos concitoyens dans leur rapport au monde durant le confinement. Grâce à une bonne connectivité, certains ont pu profiter de leurs proches, mais également poursuivre leur travail à distance, suivre des cours, des formations, accéder aux collections des musées, à la culture en ligne et aux divertissements, ou encore régler des problèmes administratifs, inscrire leurs enfants aux activités, payer la cantine, faire leurs courses livrables à domicile… Bref, ils ont pu continuer de vivre dans les conditions permises par l’État d’urgence sanitaire. Pour d’autres, l’isolement physique a été conjugué à un isolement numérique, une telle situation étant insupportable moralement, mais également particulièrement handicapante.

De ce constat, nous tirons une leçon. Les réseaux de télécommunications sont à l’image des réseaux de communications au XIXe siècle : un levier puissant d’aménagement du territoire et de désenclavement, un outil d’intégration au monde. Pour cette raison, notre groupe demande depuis de nombreuses années l’intégration du très haut débit, soit un débit supérieur à 30 mégabits par seconde, au service universel des communications électroniques, afin d’en garantir réellement l’accès pour tous.

Faute d’une telle spécification, corollaire d’un nouveau droit au numérique qui reste à conquérir, la place laissée à l’initiative privée a été prépondérante. L’urgence à l’époque a été de démanteler le monopole d’alors, celui de France Télécom, devenu Orange, pour permettre, au nom des directives européennes et de la concurrence, à d’autres opérateurs de s’installer. Une telle situation devait être favorable aux usagers, devenus des clients. Or que constate-t-on ?

Ce changement de paradigme et la succession des différents plans n’ont pas permis d’avancer vers une couverture intégrale des territoires, et trop de nos concitoyens restent toujours sur le bord des routes numériques. Alors que le plan France Très haut débit, adopté le 28 février 2013 par le Gouvernement, a fixé l’objectif d’une couverture intégrale du territoire en très haut débit d’abord en 2022, puis en 2025, nous en sommes malheureusement encore loin. Avec ce plan, 80 % de la population devrait être directement reliée à la fibre optique. Ce plan très haut débit prévoit de mobiliser les acteurs privés et publics, pour un investissement total évalué à 20 milliards d’euros.

Pour ce faire, le territoire est coupé en deux. Sur le territoire le plus dense, représentant 57 % de la population, les opérateurs s’engagent à déployer des réseaux de fibre privés mutualisés de très haut débit dans le cadre de conventions signées avec l’État et les collectivités concernées. Le déploiement des réseaux privés nécessite un investissement des opérateurs de 6 milliards à 7 milliards d’euros.

Pour le reste du territoire, qui représente 43 % de la population, mais 90 % du territoire, autant dire l’essentiel de notre pays, les collectivités territoriales créent des réseaux publics, les réseaux d’initiative publique (RIP). Ceux-ci sont aujourd’hui frappés d’une faiblesse qui tient à la difficulté, une fois même le réseau créé, de trouver des opérateurs pour s’y inscrire. Ainsi, dans les RIP, seuls 26 % des prises installées bénéficient de l’offre de plus d’un opérateur.

Par ce découpage, le plan entérine et poursuit un schéma bien connu, dans lequel on privatise les profits et socialise les pertes. Là où la rentabilité est assurée, les opérateurs interviennent et, là où ce n’est pas le cas, la puissance publique se substitue avec, je le souligne, de fortes limites, puisque les collectivités comme l’État interviennent dans un contexte d’assèchement global des ressources.

Dans les zones intermédiaires, pas tout à fait denses, mais suffisamment pour se passer de l’initiative publique, on a recours aux appels à manifestation d’intérêt, laissant encore le secteur privé répondre à des questions relevant de l’intérêt général.

Le déploiement de réseaux publics par les collectivités territoriales représente un investissement de 13 milliards à 14 milliards d’euros. Les recettes d’exploitation et le cofinancement des opérateurs privés doivent financer la moitié de cet investissement, limitant le besoin de subventions publiques à 6,5 milliards d’euros. Sur cette somme, le plan France Très haut débit prévoit un double soutien financier pour les projets des collectivités ; d’une part, une subvention de l’État de 3,3 milliards d’euros et, d’autre part, l’accès à des prêts à des taux préférentiels.

En décembre 2017, le Gouvernement a pourtant stoppé les subventions et fermé le guichet chargé de distribuer ces aides aux collectivités. À la suite d’une forte mobilisation des territoires, le guichet a rouvert en décembre 2019, avec un financement limité à 140 millions d’euros. Dans la loi de finances pour 2020, ces sommes sont même passées à 440 millions d’euros.

Le Sénat a obtenu, dans la troisième loi de finances rectificative, une rallonge de 30 millions d’euros. Le plan de relance, dans le cadre de la loi de finances pour 2021, prévoit, lui, de nouvelles autorisations d’engagement, à hauteur de 240 millions d’euros. Autrement dit, en cumulé, en ajoutant ces autorisations d’engagement supplémentaires aux crédits dégagés sur les RIP antérieurs, les crédits du plan France Très haut débit s’élèvent aujourd’hui à 550 millions d’euros.

Certes, ces crédits sont en hausse, mais ils demeurent en deçà des besoins puisque, selon l’Observatoire du très haut débit, il faudrait environ 800 millions d’euros pour atteindre nos objectifs.

Par ailleurs, dans un rapport du 31 janvier 2017, la Cour des comptes a estimé que le projet devrait dépasser la durée et le budget initiaux, pour passer de 20 milliards à 35 milliards d’euros et s’étaler jusqu’en 2030, ce qui soulève de nouvelles questions de financement.

Ces chiffres étant très décevants – aujourd’hui seuls un peu plus de 50 % des locaux disposent d’une couverture en très haut débit –, nous considérons qu’il convient de changer de modèle. L’effort public doit être réévalué de manière globale, afin de redonner un cadre à l’investissement et à l’action publique en faveur de l’aménagement numérique des territoires. L’intervention publique de l’État ne peut se limiter à une politique de guichet ou à des appels à manifestation d’intérêt, encore moins à des enchères publiques, comme avec la 5G, qui pose pourtant tant de problèmes éthiques et politiques, comme l’a souligné la Convention citoyenne sur le climat.

L’intervention privée doit donc être mieux encadrée. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ÉLAN, a en ce sens marqué des avancées. Une clause « fibre » a ainsi été insérée permettant à l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), après une mise en demeure sur le respect d’obligations de déploiement résultant d’engagements pris, de sanctionner l’opérateur à hauteur de 1 500 euros par local non raccordable pour un réseau filaire ou de 3 % du chiffre d’affaires.

Pour autant, force est de reconnaître que ces dispositions n’ont fait l’objet d’aucune mise en œuvre, alors même que, à la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR n’avaient rendu raccordables respectivement que 67 % et 75 % des sites des zones AMII (Appel à manifestation d’intention d’investissement). Je crains donc que ces mesures ne soient assez peu dissuasives.

La question des modalités de construction et de gestion des infrastructures numériques reste entière. Elle est prioritaire. Pourquoi permettre aux opérateurs privés d’être propriétaires des infrastructures dans les zones denses et rentables et les exonérer de cette obligation dans les zones non rentables ? Pourquoi ne pas avoir soit séparé partout les infrastructures et les activités d’opérateurs, à l’image par exemple du rail, soit conservé un modèle unifié qui aurait permis de basculer, grâce à la rente du cuivre, au fibrage de l’ensemble des territoires ? Nous sommes aujourd’hui dans un modèle hybride, inopérant pour remplir ses missions d’intérêt général.

Nous considérons ainsi qu’il est nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux, et dont le financement serait assuré à la fois par les opérateurs et par l’État. Il s’agit de doter cet opérateur de ressources mutualisées, pourquoi pas au travers d’un fonds dédié, alimenté par les entreprises sur leurs bénéfices, souvent considérables et si souvent décriés comme le résultat d’ententes. Les actions de SFR, Bouygues et Orange se portent toutes très bien, leurs résultats étant positifs, même avec la crise !

Dans le modèle que nous vous proposons, toutes les recettes de l’opérateur de réseau seraient obligatoirement réinvesties dans le développement et l’entretien du réseau existant. Il s’agirait ainsi de permettre la mutualisation des recettes des zones denses pour couvrir les besoins des zones moins denses, ce qui serait une avancée considérable.

Rappelons pour finir que la Commission européenne a fixé pour 2025 l’objectif d’une couverture totale des locaux à 100 mégabits par seconde, soit la mise en place de la fibre jusqu’à l’ensemble des abonnés. La France se doit donc de créer les moyens d’atteindre ces objectifs afin d’éviter d’aggraver des fractures territoriales en créant de nouveaux déserts numériques, alors même que le droit au très haut débit doit être garanti pour l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe CRCE a fait le choix de débattre ici de l’aménagement numérique des territoires. Nous voulons montrer, à travers cet exemple, combien des territoires entiers de notre pays ont été oubliés du fait d’un désengagement de l’État, et ce depuis plusieurs années.

Encore très récemment, la mise aux enchères des fréquences de la 5G a été une belle illustration de ce laisser-faire coupable. L’attribution de ces fréquences, qui s’est faite au plus offrant et a rapporté 2,7 milliards d’euros, n’avait pour seul but que de faire entrer de l’argent frais dans les caisses de l’État. Avouez, mes chers collègues, que c’est curieux en termes de politique publique, d’autant que les opérateurs eux-mêmes avaient alerté le Gouvernement sur le caractère non urgent de ces enchères au regard des retards existants concernant la 4G. Cette démarche est d’autant plus curieuse que le passage à la 5G devrait également priver d’accès près de 4 000 foyers dans quarante départements particulièrement enclavés.

Ce nouvel épisode confirme ainsi les schémas existants d’intervention publique et privée structurés autour d’une socialisation des pertes et d’une privatisation des profits. Au-delà du modèle économique, ces éléments nous interrogent également en matière de stratégie industrielle nationale et de démocratie.

Je prendrai encore une fois l’exemple de la 5G. Cette technologie, par ses performances en termes de connectivité, est une innovation d’importance. Concrètement, elle pourrait constituer une solution de remplacement sérieuse à la fibre optique dans les territoires très enclavés. Toutefois, les questions qui se posent aujourd’hui concernant son développement ne relèvent pas de ces enjeux industriels ou d’aménagement ; le seul prisme est celui de la rentabilité. Nous allons donc continuer de multiplier les infrastructures et les pylônes en zone dense pour attirer les consommateurs et favoriser la compétitivité.

Nous le voyons bien, le problème, au fond, ce n’est pas cette technologie innovante, mais ce que l’on en fait et à qui elle est destinée. Si l’objectif est de permettre aux banques et autres assureurs de spéculer plus vite en gagnant quelques secondes de réactivité, quel est l’intérêt pour nos concitoyens ?

Surtout, qui en décide ? Car, mes chers collègues, c’est aussi une question démocratique ! Il apparaît nécessaire que le Parlement se dote enfin réellement d’un plan stratégique de développement numérique adossé à la création d’un véritable service public permettant de garantir le droit au très haut débit pour tous. Ce plan doit être présenté et voté au Parlement. Il devrait fixer des objectifs non seulement de connectivité et de couverture du territoire, mais également industriels, liés au développement de ces technologies, adossés à des outils publics et à des études fiables, ce qui manque aujourd’hui et nourrit toutes les défiances.

Il nous faut reconstruire un pôle public des télécommunications responsable de ce service public. La privatisation de France Télécom a été une folie économique et sociale. Alors que la rente du cuivre aurait permis de financer la fibre sur tout le territoire, l’État a préféré brader ce fleuron industriel. Or nous avons besoin d’une stratégie industrielle nationale dans le secteur du numérique, c’est une évidence.

Les enjeux sociaux sont aussi importants et rendent nécessaire un renforcement de la prise en charge de l’accès des plus fragiles, car il s’agit bien d’un service essentiel, nous l’avons vu durant le confinement.

Enfin, un tel plan doit fixer des objectifs environnementaux de sobriété. Cette exigence, qui s’exprime de plus en plus fortement, doit être prise en compte.

Pourtant, aujourd’hui, le développement numérique reste un angle mort démocratique, le Parlement étant simplement appelé à constater ou non le respect par les opérateurs privés de leurs engagements peu contraignants dans le cadre du plan France Très haut débit et du contrôle de l’Arcep. De même, alors que les membres de la Convention citoyenne pour le climat ont exigé un moratoire sur le développement de ces technologies, l’exécutif leur a répondu par le dédain en les qualifiant d’« amish », traduisant un mépris tout jupitérien.

Nous pensons que l’utilité publique de ces usages justifie des débats avec la Convention citoyenne, mais aussi avec les associations, les élus et le Parlement.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais vous soumettre, en complément de la présentation de notre proposition de résolution par Marie-Claude Varaillas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la démarche engagée dans cette proposition de résolution, car j’en partage le constat, à savoir celui d’une fracture numérique persistante au sein de notre société. La crise sanitaire a mis en lumière le caractère essentiel des réseaux numériques pour la continuité des activités de la Nation, qu’il s’agisse de continuer à apprendre, à travailler, à se soigner via la téléconsultation, ou simplement de garder un contact avec nos proches.

Relever ce défi nous permettra collectivement de désenclaver nos territoires et de les rendre plus attractifs pour les entreprises et nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, je partage le constat de nos collègues du groupe CRCE. Toutefois, nous ne pouvons souscrire aux solutions proposées.

Il est tout d’abord proposé d’intégrer au service universel des télécommunications l’accès au très haut débit garanti à tous. Force est de rappeler que le service universel découlant de la directive européenne portant création du code européen des communications électroniques intègre l’accès au haut débit et non au très haut débit. Il est vrai qu’un doute existe sur la possibilité d’atteindre en 2020 l’objectif d’un « bon » haut débit pour tous. Notre collègue Jean-Michel Houllegatte a soulevé cette préoccupation dans son rapport pour avis sur les crédits relatifs à l’aménagement numérique du territoire, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Ce doute, mes chers collègues, semble bel et bien confirmé sachant que le guichet Cohésion numérique des territoires, qui permet, dans l’attente de l’arrivée de la fibre, de financer des équipements pour une connexion non filaire, est trop peu utilisé. Seuls 600 000 euros ont été décaissés au 30 juin dernier. Nous sommes donc très loin des 100 millions d’euros budgétés. Toutefois, et j’y reviendrai, les financements sont maintenant sur la table et les rythmes de déploiement sont globalement satisfaisants en matière de très haut débit.

Ensuite, les auteurs de la proposition de résolution considèrent qu’il convient de s’interroger sur l’opportunité de créer un véritable pôle public des télécommunications afin de garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques.

Permettez-moi de rappeler que la planification et l’initiative publique valent déjà dans les zones rurales et peu denses, où a été reconnue, au début des années 2010, la carence de l’initiative privée. Ainsi, dans ces territoires, le déploiement s’opère sous l’autorité des collectivités territoriales, avec un soutien financier de l’État, via des réseaux d’initiative publique.

Ailleurs, en revanche, la logique de planification n’a pas été retenue, car il a été jugé préférable de s’appuyer sur une logique concurrentielle, considérant que le marché pouvait aboutir à un déploiement dynamique. Cela n’empêche pas, dans cette zone d’initiative privée, la souscription d’engagements contraignants, afin de s’assurer de l’atteinte des objectifs par les acteurs privés : c’est la logique des fameuses zones AMII.

Dès lors, la logique de planification de la présente proposition de résolution n’est ni celle du plan France Très haut débit ni celle du Sénat, et je considère qu’il convient de laisser fonctionner la logique concurrentielle, qui aboutit à des rythmes de déploiement satisfaisants, voire inédits, avec par exemple l’installation de près de 5 millions de prises en 2019 pour la fibre optique jusqu’au domicile. Dès lors, la logique hybride actuelle semble pertinente, à condition que le régulateur puisse sanctionner la non-atteinte des objectifs, j’y reviendrai également.

Les auteurs de la proposition de résolution estiment par ailleurs nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique, afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires. Il est vrai que, en 2019, vingt-cinq départements n’avaient pas encore finalisé leur plan de financement pour la généralisation de la fibre optique, illustration de crédits insuffisamment déployés par l’État dans ces territoires. Le Sénat, ainsi que la commission que je préside, avait régulièrement alerté le Gouvernement sur ce sujet.

Après une première rallonge de 30 millions d’euros, sur l’initiative du Sénat, dans la troisième loi de finances rectificative, le plan de relance nous apporte enfin satisfaction. Celui-ci prévoit en effet de nouvelles autorisations d’engagement à hauteur de 240 millions d’euros, offrant de la visibilité pour la généralisation de la fibre d’ici à 2025.

Il s’agit d’une victoire politique majeure pour notre assemblée et notre commission, engagées dans ce combat pour assurer la couverture numérique des territoires. À cet égard, je tiens à saluer nos collègues Hervé Maurey et Patrick Chaize, qui se sont particulièrement investis sur ce sujet.

Enfin, les auteurs de ce texte souhaitent des mesures plus contraignantes afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont contractées. La couverture intégrale des zones AMII accuse en effet un certain retard pour lequel la crise sanitaire ne constitue pas une explication suffisante. À la fin du premier trimestre 2020, Orange et SFR avaient rendu respectivement 67 % et 75 % des sites en zones AMII raccordables, ce qui est assez loin de l’objectif souscrit auprès de l’Arcep. Dès lors, les éventuels retards devront bien entendu être justifiés par les opérateurs. Dans le cas contraire, le cadre juridique existant déjà, il faudra que l’Arcep ait la volonté d’user de son pouvoir de sanction.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de résolution.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.

M. Jean-Michel Houllegatte. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « Un État moderne est un État qui sait donner des impulsions sans se substituer aux acteurs de la société - citoyens, associations, entreprises, collectivités territoriales : l’État épaule leurs efforts, en leur donnant les moyens d’agir par eux-mêmes. » Ces paroles, prononcées le 26 août 1999 par Lionel Jospin, alors Premier ministre, lors de l’Université d’été de la communication à Hourtin, définissaient à l’époque la stratégie du Gouvernement pour la société de l’information.

Il était temps d’agir, car si la France avait réussi son plan téléphone en 1970, ouvrant dix ans plus tard la voie au célèbre et populaire Minitel, elle avait raté le plan câble les années suivantes et commençait à accumuler du retard dans ce que l’on appelait à l’époque les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Mais il faudra tout de même attendre février 2013 pour que les fondamentaux de cette stratégie soient posés, sous l’impulsion de François Hollande, avec le plan France Très haut débit.

Celui-ci reposait sur un constat simple : la couverture intégrale et rapide du territoire représente des investissements tels qu’ils nécessitent bel et bien un partage des rôles entre initiative publique et privée. Dans les zones très denses, soit 57 % de la population, l’initiative privée doit se mobiliser et, dans les zones moins denses, après appel à manifestation d’intention d’investissement, là où il y a donc une carence constatée du privé, c’est à la puissance publique d’agir par le biais des collectivités, et c’est à l’État de les accompagner, à l’aide d’un guichet de financement doté initialement de 3,3 milliards d’euros. Il est à noter que les collectivités ont la possibilité de se refinancer en percevant des redevances d’utilisation.

La question que nous devons nous poser est de savoir si ce modèle est efficient. Ce que l’on peut dire, c’est qu’il va permettre d’atteindre les objectifs de la couverture intégrale, soit plus de 40 millions de logements et de locaux à raccorder d’ici à 2025. Nous pouvons constater que le rythme des déploiements est soutenu, de l’ordre de 4,8 millions de prises en 2019 ; quasiment le même nombre est attendu en 2020, malgré la crise sanitaire. Les acteurs privés du secteur investissent de l’ordre de 10 milliards d’euros par an, soit plus de 50 milliards d’euros depuis six ans.

Concernant les zones moins denses, nous partageons l’idée que l’État doit, plus que jamais, continuer d’apporter son soutien financier aux réseaux d’initiative publique portés par les collectivités, afin de sécuriser le déploiement de la fibre dans les territoires isolés ou encore mal desservis.

Comme l’a souligné Jean-François Longeot, notre assemblée a pesé de tout son poids et les crédits complémentaires disponibles s’élèveront à 550 millions d’euros, dont 240 millions issus du plan de relance, ce qui offre enfin une visibilité aux vingt et un départements n’ayant pas complété à ce jour leur plan de financement. Certes, quelques incertitudes demeurent sur le futur cahier des charges, sur les raccordements complexes, mais l’horizon semble dégagé.

Une des particularités du plan de 2013 est d’avoir renforcé l’action du régulateur. Le statut d’autorité indépendante de l’Arcep lui permettra d’exiger des opérateurs qu’ils respectent les engagements contraignants qu’ils ont pris et, le cas échéant, de prendre des sanctions.

À ce titre, le traitement des 43 retards au regard des 445 premiers sites du New Deal de la couverture ciblée sera un véritable test. L’Arcep a toujours su faire preuve de fermeté, si bien que les relations ont parfois été tendues avec les opérateurs. Citons, pour mémoire, la question prioritaire de constitutionnalité, qui démontre, à juste titre, qu’une réflexion sur un éventuel renforcement de ses pouvoirs peut être engagée, notamment sur les impacts environnementaux des réseaux, tout en veillant bien évidemment à l’équilibre des relations entre les acteurs.

De même, l’Arcep devra s’approprier de nouveaux sujets. Ainsi, dans les zones très denses où les déploiements sont sous la totale responsabilité de l’initiative privée, on constate des retards : c’est notamment le cas à Bobigny, à Lille et à Clermont-Ferrand. Ces retards sont-ils fortuits ou dus aux stratégies commerciales de certains opérateurs, qui ne veulent pas se départir d’abonnements souscrits en ADSL ? L’Autorité devra y répondre.

Enfin, la qualité des raccordements finaux et les malfaçons dues à une cascade de sous-traitants conduisent parfois à ce que l’Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel) appelle des « paquets de nouilles » et constituent un sujet de préoccupation qui risque de dégrader la performance de connexion.

Nous remercions donc le groupe CRCE de nous permettre de débattre de ce sujet, mais considérant qu’une partie des réponses aux questionnements posés par cette proposition de résolution est déjà apportée, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’abstiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au risque de troubler mes collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, je vais être assez bienveillant avec les dispositions de cette proposition de résolution. D’abord, je souscris aux considérants : comment pourrait-il en être autrement ? Surtout, je peux faire mien le raisonnement qui les a conduits à formuler chacune de leurs quatre propositions.

Cependant, pour ne pas ébranler davantage les auteurs de la présente proposition de résolution, je préfère immédiatement les prévenir que je voterai contre ce texte. (Sourires.)

Je reviens un instant sur ces propositions. Concernant l’intégration de l’accès au très haut débit pour tous dans le service universel des télécommunications, je m’interroge sur le caractère superfétatoire de la mesure puisque le principe a été acté dans la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dite loi Ddadue. Certes, la loi mentionne un accès adéquat à l’internet haut débit, mais c’est une avancée notable puisque rien n’était prévu auparavant. Il faudra voir ce que recouvre ce caractère « adéquat ».

Surtout, je profiterai de l’occasion pour rappeler que le Sénat s’était mobilisé pour compléter l’article L. 35-1 du code des postes et communications électroniques ; nous souhaitions notamment préciser dans le texte que le raccordement devait s’effectuer en recourant à la meilleure technologie localement disponible. Malheureusement, notre proposition n’a pas été retenue, et c’est regrettable : sans la mention explicite selon laquelle le service universel se base sur le très haut débit, l’opérateur serait dans l’obligation de raccorder le bénéficiaire en fibre optique.

L’idée de créer un véritable pôle public des télécommunications pour garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques, notamment la fibre optique, appelle deux remarques.

D’une part, il existe déjà une autorité, qui fait très bien son travail, pour garantir le service universel. Nous la connaissons tous : c’est l’Arcep. Je salue d’ailleurs son président, dont le mandat s’achève dans quelques jours, ainsi que ses collaborateurs.

D’autre part, la mission Loutrel doit rendre ses conclusions prochainement sur la maîtrise publique des infrastructures numériques. À titre personnel, je pense que ce rôle devrait incomber au service placé sous l’autorité du directeur général délégué numérique de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Sur le principe, je ne puis qu’acquiescer à ce qui figure au onzième alinéa de la proposition de résolution : « Estime nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires […] ». Néanmoins, je formulerai deux observations.

Premièrement, sur la construction, le compte y est presque. Selon nos estimations, il faut 630 millions d’euros pour rendre raccordables 100 % des foyers. Or l’État propose 550 millions d’euros et pourrait facilement mobiliser 50 millions d’euros de plus sur la base d’un programme, aujourd’hui immobilisé, réservé aux opérateurs privés. Le reste pourra être abondé dans un futur PLF. En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, vous savez que vous pourrez compter sur moi.

Deuxièmement, il faudra mobiliser plusieurs dizaines de millions d’euros supplémentaires pour les raccordements longs, qui demeurent la véritable problématique. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes engagé à conduire une expérimentation dès 2021. Il conviendra ensuite de voir comment généraliser et, surtout, comment financer le dispositif.

Le dernier alinéa de la proposition est ainsi rédigé : « Souhaite que des mesures plus contraignantes soient mises en œuvre afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont actuellement contractées ». C’est une demande légitime, mais l’Arcep étant une autorité indépendante, nul ne saurait lui imposer de prendre des sanctions plus ou moins contraignantes à l’égard des opérateurs privés.

Je ne voterai pas la présente proposition de résolution, tout simplement parce que je trouve les solutions envisagées – vous me pardonnerez le qualificatif – anachroniques.

Chers collègues, lorsque vous considérez « nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux et dont le financement serait assuré à la fois par les opérateurs, mais également par l’État », vous voulez rejouer le match !

Je n’ai pas d’a priori idéologique sur la propriété publique des réseaux de télécommunications : les réseaux d’initiative publique (RIP) en sont une forme décentralisée. Et c’est précisément pour réaffirmer mon soutien au travail effectué depuis la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, et donc aux RIP, que je me vois contraint de me désolidariser de la démarche de nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’État ne sait plus aménager le territoire ; l’exemple de la fibre optique en est une illustration flagrante.

Voilà dix ans, l’État, grand aménageur du territoire, avait promis d’amener la fibre optique à tous les Français, entamant même des discussions pour cela avec les grands opérateurs. Le résultat, ce sont les fameuses zones AMII. Il est vrai que le déploiement de la fibre optique n’offre pas la même rentabilité partout : avec quarante mètres de fibre, on raccorde deux immeubles dans un milieu hyperurbain, contre seulement deux maisons chez moi, à Crécy-sur-Serre… Dès lors, les grands opérateurs s’occupent des zones urbaines et ne font rien pour la ruralité !

Ce sont donc des élus locaux, généralement des conseils départementaux ou des syndicats mixtes dotés de cette compétence, qui ont organisé le raccordement à la fibre optique dans leur territoire. Il faut reconnaître que cela a plutôt bien marché. Les structures départementales ont monté des dossiers et supervisé l’organisation technique, puis l’État a fini par donner de l’argent, beaucoup d’argent, même s’il en faudrait certainement encore plus.

Regardons la réalité en face. Y a-t-il une fracture numérique ? Oui ! La ruralité a-t-elle payé son déploiement quand les zones urbaines ne payaient pas le leur ? Oui ! Les grands opérateurs ont-ils des retards sur leurs engagements ? Oui !

Pour autant, le fait est que les choses ont plutôt bien avancé. D’ailleurs, en matière de décentralisation, plutôt que de se faire des nœuds au cerveau en parlant de « 3D », de « 4D », voire de « 5D », il vaudrait mieux s’inspirer de ce qui s’est passé pour la fibre : les élus locaux ont identifié les priorités, puis sollicité l’accompagnement financier de l’État. Et cela a plutôt bien fonctionné.

Sur la téléphonie mobile, après plusieurs années de cheminement cahin-caha, force est de reconnaître que le New Deal va plutôt dans le bon sens. Les opérateurs sont juridiquement responsables et financièrement sanctionnables. Dans les territoires, cela avance plutôt bien. Nous parlions de décentralisation : permettre au département de cibler, en lien avec la préfecture les zones prioritaires, c’est, là encore, faire confiance au terrain.

Les débats sur la 5G sont, certes, passionnants, bien que l’essentiel à mes yeux soit le matériel et la gestion des données de demain. Mais, dans les territoires, nombre de nos concitoyens n’ont même pas le Edge ! La priorité dans les années à venir doit être de leur permettre d’y avoir accès.

Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent une autorité de régulation ? Elle existe déjà, c’est l’Arcep. Comme je l’indiquais précédemment, le système dans lequel ce sont les collectivités qui ciblent les priorités et l’État qui finance fonctionne plutôt bien. N’y touchons donc pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, hasard du calendrier, hier, Paul-Henry Martin, habitant Pierre-Châtel dans le sud de l’Isère, m’interpellait pour me signaler les difficultés que rencontre sa commune pour être raccordée à la fibre optique.

La semaine dernière, un maire de ma région, le Trièves, m’indiquait qu’un jeune couple avait renoncé à s’installer dans sa commune, faute de liaisons internet et mobile.

Voilà quelque temps, un artisan me racontait qu’il était obligé de prendre sa voiture pour télécharger un dossier d’appel d’offres depuis un village mieux desservi.

Je pourrais vous donner bien d’autres exemples, monsieur le secrétaire d’État. C’est – hélas ! – le quotidien de nombreux habitants en zones rurales, et plus encore en montagne.

Selon les données de l’Arcep du mois de juillet 2020, près d’un tiers des foyers français n’ont toujours pas accès à la fibre. Son déploiement est devenu un enjeu de politique locale ; la réalisation est assurée en grande partie par les départements. Or, force est de le constater, malgré les millions d’euros de fonds publics européens, régionaux, intercommunaux et même communaux engagés, les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Les problèmes sont parfois techniques, parfois financiers, mais ils signent surtout l’échec d’un modèle privé qui ignore la cohérence, l’équité territoriale et la mission de service public, un modèle basé sur la rentabilité et la concurrence au détriment du service rendu aux habitants.

Corriger ce modèle défaillant, c’est tout l’objet de la présente proposition de résolution, que j’ai l’honneur d’avoir cosignée avec la présidente Éliane Assassi. Je remercie d’ailleurs vivement nos collègues du groupe CRCE d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de nos travaux.

L’État doit redevenir moteur en matière d’aménagement du territoire. Comme d’habitude, les opérateurs privés s’intéressent seulement aux zones denses qui leur assurent un retour sur investissement. On ne peut nullement compter sur eux pour équiper les 43 % d’habitants des zones peu denses et non conditionnées.

Comme pour le rail, on aurait pu imaginer, même si ce n’est pas la panacée, un modèle où l’État déploie les réseaux, en détient la propriété et les loue aux opérateurs privés. Sans cohérence et sans faire d’économie, on a laissé les opérateurs déployer les réseaux, souvent sans concertation et sans assurer la couverture totale du territoire.

Pis, pour le déploiement de l’internet mobile, on a laissé les trois grands opérateurs installer chacun leurs propres antennes relais, sans incitation à la mutualisation, multipliant ainsi inutilement les infrastructures. Quelle aberration écologique ! Quel gâchis économique ! Et je ne parle même pas du déni démocratique puisque les habitants ne sont même plus informés en amont de l’installation de ces antennes…

Afin de stabiliser ce système hybride et bancal, l’État et les collectivités doivent investir des milliards d’euros pour se substituer aux opérateurs privés et compléter la couverture du pays. C’est l’objet du plan France Très haut débit, lancé en 2013. On mesure vingt ans plus tard toute la vision politique des gouvernements qui ont privatisé France Télécom ! Faute d’opérateur national, d’une stratégie nationale cohérente et d’une expertise publique suffisante, voilà la France incapable de fibrer correctement son petit territoire en moins d’une décennie.

Monsieur le secrétaire d’État, la promesse présidentielle de parvenir à la fin de l’année 2020 au 100 % de haut et très haut débit n’a pas connu plus de succès que celle de sortir du glyphosate à la même échéance. (M. Daniel Salmon applaudit.)

Les objectifs du plan France Très haut débit ont déjà été repoussés à 2025. Pour tenir cet horizon lointain, que nous impose d’ailleurs la Commission européenne, l’État doit accompagner les collectivités locales. Il est nécessaire, comme le proposent les auteurs de la résolution, de revoir l’architecture de financement des réseaux d’initiative publique et d’accorder un soutien exceptionnel aux collectivités les plus en retard.

Faute de soutien financier de l’État, de sanction effective et de mesures plus contraignantes à destination des opérateurs, nombre de nos concitoyens continueront à vivre des années durant en zone blanche.

Monsieur le secrétaire d’État, pour le seul intérêt de quelques entreprises, le gouvernement auquel vous appartenez ne pense qu’à déployer en urgence la 5G dans les grandes villes, sans débat démocratique et sans attendre le résultat des études sanitaires. Vous invoquez les besoins de téléconsultations de médecine en zone rurale dans des endroits où l’on ne peut parfois même pas envoyer un mail ou passer un coup de téléphone. Loin de résorber la fracture numérique et la fracture territoriale, votre politique l’aggrave. Vous pourriez a minima conditionner le déploiement de la 5G à la complétude préalable du réseau fibre ou 3G. Nous ne ferons pas nôtre cette proposition, mais voilà une idée pour vous permettre de tenir vos promesses aux Français et aux opérateurs.

Pour vous inviter à agir sans tarder, nous voterons tout naturellement en faveur de cette proposition de résolution. Nous ne comprenons pas que le vote du Sénat ne soit pas unanime. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et CRCE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand.

M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le numérique est plus que jamais essentiel dans nos vies, aussi bien pour apprendre, pour travailler, pour avoir accès à ses droits, pour se divertir que pour consommer. Le confinement et les contraintes sanitaires ne font qu’accentuer ce constat.

Le numérique n’est pas un luxe. C’est un droit essentiel au fonctionnement de notre pays. En effet, il faut garantir à chaque citoyen, en ville comme à la campagne, en métropole comme outre-mer, un accès à internet performant avec la construction ou le déploiement d’équipements de qualité.

En France, le déploiement du numérique et du mobile est bien en cours et s’accélère.

L’infrastructure numérique est un bien de première nécessité. C’est pourquoi le Gouvernement en a fait un marqueur de son action. C’est également un élément clé de la cohésion des territoires, d’inclusion des citoyens et de compétitivité de notre économie.

Soyons clairs et disons-le sans ambages : l’État agit en la matière avec détermination et a pris les mesures nécessaires pour obliger les opérateurs de téléphonie à accompagner les collectivités dans la couverture du territoire.

En effet, au mois de janvier 2018, le Gouvernement a conclu un accord historique avec les quatre opérateurs de téléphonie mobile pour généraliser la 4G en France. Pour ces opérateurs, cela représente cinq engagements forts et contraignants : convertir les pylônes 2G et 3G existants en pylônes 4G ; assurer la couverture mobile dans des zones stratégiques non ou mal couvertes ; généraliser la 4G dans les transports, dont 55 000 kilomètres d’axes routiers et 23 000 kilomètres de voies ferrées ; optimiser le passage de la 4G à l’intérieur des bâtiments ; proposer une offre de 4G fixe là où le débit n’est pas suffisant.

Par ailleurs, l’Arcep contrôle de manière indépendante le respect de chacune des obligations par les opérateurs. Ce contrôle est totalement transparent puisque les indicateurs de suivi de mise en œuvre des engagements sont accessibles sur le site internet de l’Autorité.

De plus, dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, le Gouvernement a donné des moyens complémentaires pour atteindre ces objectifs ambitieux de couverture de l’ensemble du territoire en très haut débit. Il est d’ailleurs à noter que le Sénat a fortement contribué à enrichir le texte lors de son examen.

Il faut aussi mettre l’accent sur l’évolution déterminante que constituent pour la ruralité la couverture en très haut débit et la résorption des zones blanches de téléphonie mobile. En effet, quand le très haut débit et la téléphonie mobile 4G, puis la 5G innerveront le monde rural, un obstacle majeur à l’installation d’entreprises et à l’arrivée de travailleurs qualifiés indépendants sera levé, répondant ainsi aux préoccupations de M. Gontard. C’est tout à fait essentiel, structurant. Cela induit une nouvelle forme d’aménagement du territoire et de nouveaux modes de vie pour les Français.

L’État a engagé un plan France Très haut débit. En 2022, 100 % des Français seront éligibles au très haut débit, dont 80 % grâce à la fibre optique. Le Gouvernement veut aller plus loin et se fixe un objectif ambitieux : la généralisation de la fibre optique jusqu’à l’abonné sur l’ensemble du territoire à l’horizon 2025. Dans le cadre du plan France Très haut débit, 75 % des départements ont déjà prévu la généralisation de la fibre optique sur leur territoire d’ici à 2025.

Si les départements sont généralement les maîtres d’ouvrage, l’État est le principal financeur, avec un apport historique de 3,3 milliards d’euros sous ce quinquennat, abondé par des crédits européens.

Le plan de relance permet d’ajouter 240 millions d’euros au bénéfice de cette priorité politique pour en accélérer encore la mise en œuvre. Un investissement de cette ampleur est inédit et permet d’accélérer la couverture numérique du territoire.

D’ici à la fin de l’année, quasiment tous les Français auront un accès à internet haut débit. Le très haut débit, lui, sera accessible d’ici à 2022. L’accès à internet par la fibre optique sera généralisé à l’horizon 2025.

Ces trajectoires et les moyens dévolus pour les atteindre font de ce quinquennat le plus volontariste pour renforcer la couverture du territoire depuis des décennies. En zone d’initiative publique – cela concerne en premier lieu les territoires ruraux –, au deuxième trimestre de 2020, ce sont 4,3 millions de locaux qui ont été raccordés au réseau fibre à l’abonné, contre 2,5 millions à la fin du deuxième trimestre de 2019, soit une hausse de 72 % en un an.

Le Gouvernement a ensuite pour objectif la généralisation de la 4G sur l’ensemble du territoire national. À ce jour, 76 % du territoire est couvert par tous les opérateurs, contre 45 % seulement au 1er janvier 2018. Un effort important a également été fourni pour améliorer la couverture mobile dans les zones blanches ou mal couvertes. Alors qu’au cours des quinze dernières années, seulement 600 nouveaux pylônes avaient été inaugurés, ce sont plus de 2 000 nouveaux pylônes qui vont être déployés en deux ans. Parmi ceux-ci, 462 ont déjà été mis en service, et le rythme des inaugurations est soutenu.

Le très haut débit devrait également nous permettre d’avancer sur un sujet stratégique pour la population française, particulièrement en zone rurale : la prise en charge sanitaire de la population, avec la télémédecine, qui continue de se développer puisque nous sommes passés de 50 000 consultations l’année dernière à un million au cours du premier confinement.

Avec la loi ÉLAN et le plan France Très haut débit, l’État a octroyé des moyens sans précédent pour la couverture numérique de notre pays. Ces efforts inédits doivent se poursuivre jusqu’en 2025, la représentation nationale devant avoir la possibilité d’en contrôler et d’en évaluer à chaque pas les avancées.

Ce sont autant de raisons qui poussent le groupe RDPI à voter contre la présente proposition de résolution, tout en remerciant le groupe CRCE de l’avoir inscrite à l’ordre du jour de nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’examen de la proposition de loi portant création d’un pôle public du médicament et des produits médicaux, nous débattons à présent de cette proposition de résolution concernant la création d’un pôle public des télécommunications.

Dans les deux cas, la crise que nous vivons depuis plusieurs mois a fait émerger de manière encore plus prégnante le besoin de réformes et d’accélération de celles qui sont déjà engagées.

Sur le constat, nous ne pouvons qu’adhérer à cette proposition de résolution. Le numérique renforce l’accès de nos concitoyens aux services, à plus forte raison en période de confinement, de distanciation physique et de gestes barrières : démarches administratives, télémédecine, accès à l’information, aux savoirs et à la culture, ouverture sur le monde et, bien sûr, télétravail, dont la montée en puissance au printemps a été brutale, nous invitant à accélérer le déploiement du très haut débit.

Le numérique est également un outil de désenclavement et d’attractivité des territoires, en particulier en zone rurale, où l’accès aux services est plus difficile. La polarisation de notre modèle d’aménagement du territoire autour des métropoles a entraîné pour de nombreuses régions une perte de population avec, en corollaire, une inquiétante diminution de l’accès aux services essentiels. Or, si l’on veut désengorger les métropoles et relancer la dynamique des zones rurales et périurbaines, il faut nécessairement un accès internet de qualité partout et pour tous.

On ne peut nier le besoin exprimé depuis le début de la crise sanitaire par de nombreux Français, qui aspirent à une vie hors des centres-villes. À nous de leur proposer des solutions pour qu’ils réalisent leur rêve et celui de tous les élus des territoires que nous représentons.

Le plan France Très haut débit prévoit une couverture intégrale du territoire en 2025. Ainsi, 20 milliards d’euros ont été mis sur la table, en l’occurrence 14 milliards d’euros par les opérateurs privés et 6 milliards d’euros par les pouvoirs publics.

Après des investissements jugés insuffisants, l’État a inscrit dans le projet de loi de finances rectificative et dans le plan de relance des crédits supplémentaires, le total s’élevant à 550 millions d’euros.

Selon l’Arcep, plus 10 millions de locaux seront abonnés à la fibre à la fin de l’année, soit 50 % de plus qu’en 2019. À ce rythme, l’ensemble des 41 millions de locaux français pourraient être fibrés d’ici à quatre ans. L’Arcep indique que 96 % du territoire est couvert par la 4G par au moins un opérateur.

Les chiffres sont donc encourageants. À cet égard, nous devons saluer le formidable travail des RIP, qui pallient effectivement l’absence des opérateurs privés, plus attirés par les zones denses et rentables que par les zones blanches que nous connaissons tous. Chez moi, la régie Auvergne Numérique permettra bientôt à 91 % des locaux auvergnats d’être couverts par la fibre, grâce aux 300 millions d’euros investis par la région, les quatre départements, l’État et l’Europe.

Nous pensons qu’il faut accompagner les initiatives déjà engagées plutôt que de renverser cet équilibre fragile. Les budgets alloués par l’État et l’aide que l’ANCT apporte aux collectivités devraient permettre d’accélérer le déploiement du très haut débit dans les zones qui en sont encore exclues. Car tel est le sujet qui nous préoccupe : seul un quart des Français sont raccordables à la fibre en zone rurale, contre 80 % dans les grandes villes.

Pour cela, cette proposition de résolution appelle à la création d’un nouveau droit, sous la forme d’un service universel. C’est ce que prévoit déjà le plan France Très haut débit à l’horizon 2025… Cet horizon peut, en effet, paraître bien lointain pour ceux dont la connexion défaillante renforce les fractures territoriales que nous ne parvenons déjà pas à résorber.

Nous sommes toutefois convaincus qu’une nouvelle réforme n’est pas la bienvenue en la matière. C’est pourquoi notre groupe s’abstiendra sur ce texte. Il faut avant tout sécuriser les investissements publics et privés, sanctionner les opérateurs lorsqu’ils ne respectent pas leurs engagements, renforcer l’ingénierie des collectivités et accroître la transparence et la concertation lorsque des oppositions locales se manifestent.

Avant de conclure, j’évoquerai un autre aspect du numérique qui mérite, lui aussi, des investissements à la hauteur : l’illectronisme.

En 2020, en France, une personne sur deux n’est pas à l’aise avec le numérique et 13 millions d’entre nous en demeurent éloignés. Si ces inégalités se sont accrues depuis le début de la crise sanitaire, avec le recours parfois indispensable au télétravail, la dématérialisation généralisée des services publics laisse depuis des années sur le bord de la route trois Français sur cinq, incapables de réaliser des démarches administratives en ligne. C’est notamment le cas des personnes en situation de handicap, pour qui 13 % seulement des démarches sont réellement accessibles.

L’État a récemment débloqué 250 millions d’euros, en particulier pour le recrutement et la formation de 4 000 conseillers numériques. Dans son rapport, la mission d’information du groupe du RDSE évalue à un milliard d’euros la somme à mobiliser d’ici à 2022 pour financer l’inclusion numérique.

Loin de nos débats sur le déploiement du très haut débit, ceux qui sont exclus de cette société hyperconnectée ont le sentiment d’être des citoyens de seconde zone. Je vous invite à ne pas les oublier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.

Mme Viviane Artigalas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui est très louable : améliorer l’aménagement numérique de nos territoires.

Quatre demandes sont formulées : l’intégration du très haut débit dans le service universel des télécommunications, la création d’un pôle public des télécommunications, le soutien de l’État dans le financement des réseaux d’initiative publique et le renforcement de mesures plus contraignantes pour les opérateurs privés.

Nous sommes néanmoins partagés sur les propositions énumérées dans ce texte, même si l’intention est bonne. Nous souscrivons à l’idée que les réseaux constituent un bien commun, répondant non seulement à des exigences d’universalité, mais aussi de maîtrise de leurs conséquences environnementales. Pour autant, nous nous trouvons actuellement dans une situation de relatif équilibre. Nous pouvons légitimement espérer qu’avec le plan de relance, l’État va accélérer le déploiement de la fibre et veiller à résorber la fracture numérique que connaissent trop de territoires.

Cependant, nous sommes sur une corde raide, marchant pour l’heure entre emballement et retard par rapport à l’innovation. Je soulèverai donc plusieurs points cruciaux qui me semblent appeler notre vigilance.

La couverture en fibre du territoire national doit indéniablement être totale. Pour autant, possibilité doit être laissée à chacun de choisir son niveau de débit. Je pose la question : tous nos concitoyens ont-ils besoin du très haut débit ?

Certes, les périodes de confinement ont pu montrer qu’au sein d’un même foyer, la résilience du réseau pouvait être éprouvée lorsque plusieurs personnes sont connectées en même temps. Néanmoins, à l’heure où la sobriété doit être recherchée, y compris dans le numérique, la mise en place d’un « bon » haut débit peut parfois suffire. Ce serait déjà un véritable saut dans le monde moderne que d’avoir une couverture équilibrée et stable n’excluant plus personne.

J’en viens à la question des usages et de l’inclusion numérique, qui me paraît particulièrement importante pour soutenir l’accès de nos concitoyens et de nos entreprises aux outils en ligne.

La crise a montré à quel point le développement des usages du numérique était nécessaire, que ce soit pour le télétravail, pour le suivi des cours, mais aussi pour les artisans, pour déposer une demande d’aide auprès de l’État, ou, pour nos concitoyens, pour accéder aux services publics dématérialisés.

La mission d’information que nous avons menée au Sénat a cependant montré que près de trois Français sur cinq étaient exclus des usages numériques. Elle préconise entre autres d’évaluer plus finement l’exclusion numérique, de mieux cartographier les zones d’exclusion numérique, de passer d’une logique « 100 % dématérialisation » à une logique « 100 % accessible » pour les sites publics en ligne, d’octroyer un crédit d’impôt pour la formation au numérique aux entreprises et en particulier aux PME-TPE, aux commerçants et aux artisans, ou encore de combattre plus efficacement l’exclusion par le coût, avec la création d’un chèque-équipement destiné à la location ou à l’achat d’un équipement de préférence reconditionné, ce qui permet d’ailleurs de servir les objectifs de sobriété numérique en luttant contre l’obsolescence programmée des ordinateurs et des logiciels.

Ces propositions nous semblent à même de favoriser la réussite de la stratégie nationale pour un numérique inclusif, que le Gouvernement a dotée de 250 millions d’euros dans le cadre du plan de relance. À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, je réitère ma question concernant la pérennité de ces financements au-delà des deux ans du plan.

En conclusion, le numérique ne saurait se réduire à la seule question de l’aménagement du territoire. Il représente tout un écosystème qui doit contribuer à forger une société plus égalitaire, sobre et durable. Mais pour atteindre cet objectif, il nous faut rester vigilants sur la stratégie, comme sur le type de réseaux que nous souhaitons déployer. Il faut multiplier les études d’impact, afin de bien mesurer les conséquences de nos choix, avant de les mettre en œuvre. C’est le rôle du politique d’anticiper, d’évaluer les risques et les avantages. Aujourd’hui, aucun domaine n’est cloisonné ; tout est interdépendant. À nous de prendre en compte les multiples dimensions du problème. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Boyer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Marc Boyer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui d’un sujet ô combien fondamental pour les territoires : l’aménagement numérique. Comme l’ont déjà mis en exergue mes collègues à cette tribune, c’est de fracture numérique que nous parlons aujourd’hui, une fracture qui persiste et qui fait mal !

Au-delà de l’aménagement, il nous faut désormais un plan qui déménage ! Déjà, au mois de mars 2018, j’avais interpellé le Gouvernement sur l’accès et la qualité des réseaux internet, de téléphonie fixe, de téléphonie mobile, dont l’état était plus qu’inadmissible dans les territoires, à l’exemple de mon département, le Puy-de-Dôme.

La réponse avait été la mise en valeur de la signature d’un accord au mois de janvier 2018, afin d’accélérer la couverture numérique des territoires, qualifiée de plan ambitieux d’inclusion numérique. À cela s’ajoutait l’un des projets pionniers du plan France Très haut débit, avec le déploiement d’un réseau d’initiative publique à l’échelle de l’Auvergne, comme d’autres régions.

Malgré quelques améliorations, la situation est loin d’être satisfaisante. La fracture numérique est malheureusement toujours présente ! L’accès au numérique doit rester une priorité partout sur le territoire de la République. La crise sanitaire va bousculer notre mode de vie en matière de mobilité, de lieu de travail et donc d’utilisation du numérique. Comme nous le rappellent les auteurs de cette proposition de résolution, le développement numérique est fondamental pour nos populations rurales qui, comme l’ensemble de la société, vivent une numérisation croissante de leur quotidien, de leur sécurité, de l’accompagnement de leurs aînés et de leur travail.

Le développement numérique doit aussi accompagner le retour à la campagne, entamé avec la crise sanitaire de la covid et l’extension du télétravail ; sinon, la fracture numérique va encore s’accroître. Le télétravail doit être une occasion supplémentaire de soutenir le développement du numérique et non une nouvelle source de rupture entre les territoires.

Dans le contexte de la covid, le Gouvernement met en place un plan de numérisation des TPE, dont 30 % seulement disposent d’un site internet, avec une stratégie nationale visant à soutenir la numérisation des petites entreprises. L’objectif est fortement louable : permettre à tous les commerçants, artisans, professionnels de l’hôtellerie et de la restauration de développer une activité en ligne, et ainsi de maintenir leur activité alors qu’ils sont obligés de rester fermés. L’urgence d’accélérer l’accès au très haut débit est donc encore plus forte aujourd’hui. Dans les territoires, une partie des TPE n’ont pas accès aux réseaux leur permettant d’exercer une activité en ligne efficiente.

Le développement du numérique doit aussi accompagner le déploiement de la 5G. En effet, nous pouvons craindre, dans les zones rurales, dans des petites villes ou dans certains quartiers mal desservis, que la 5G n’accroisse encore la fracture numérique entre les territoires, si nous ne faisons pas le choix de l’installer sur tout le territoire, ce que je soutiens assurément. Toutefois, aujourd’hui, cela ne semble pas être la solution envisagée : les investissements, sur les cinq prochaines années, sont fléchés vers les métropoles, les zones périurbaines et les réseaux autoroutiers.

Si je partage l’objectif de cette proposition de résolution, je ne suis pas d’accord s’agissant des moyens de l’atteindre.

En effet, les auteurs de cette proposition de résolution souhaitent que le service universel des télécommunications intègre l’accès au très haut débit et soit garanti pour tous. Ils s’interrogent sur l’opportunité de créer un pôle public des télécommunications afin de garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques, notamment de la fibre optique. Ils estiment nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires, au regard de l’importance d’une bonne connectivité pour nos concitoyens. Enfin, ils souhaitent que des mesures plus contraignantes soient mises en œuvre afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont actuellement contractées.

En conclusion, pour atteindre son objectif, ce texte étatise fortement le développement numérique et remet en cause l’architecture actuelle. Il ne semble pas nécessaire d’aller si loin. Le tout-État n’a pas fait ses preuves, et, surtout, l’État n’en a pas les moyens – n’en a plus les moyens ! Les réalisations telles que les réseaux d’initiative publique mises en place par les collectivités locales font leurs preuves. Il faudrait les renforcer. Le temps n’est plus à la recentralisation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Demas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Patricia Demas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’interviens à la tribune pour la première fois, sur un sujet qui me touche particulièrement, car je suis d’abord une élue de la ruralité.

Dans mon village de Gilette, dans les Alpes-Maritimes, comme dans tant d’autres, l’aménagement numérique est une belle promesse à portée de main pour notre avenir. Néanmoins, comme les auteurs de la présente proposition de résolution le rappellent, l’accès au numérique peut également engendrer de nouvelles fractures territoriales.

Les considérants me semblent donc relever du bon sens. Cependant, pour être tout à fait honnête, je vous avoue que je m’interroge sur les propositions qui nous sont faites. Par exemple, il est écrit qu’il faut « revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique afin que l’État accorde un soutien exceptionnel » ; il semble effectivement difficile de s’opposer à ce vœu pieux.

Il est aussi proposé de prendre « des mesures plus contraignantes […] afin que les opérateurs privés respectent [leurs] obligations ». Je vous rappellerai simplement que le Sénat a été en pointe dans ce domaine et a renforcé les pouvoirs de l’Arcep afin qu’elle puisse davantage mettre la pression sur les opérateurs. À cet égard, je salue le rôle moteur et la pugnacité de notre collègue Patrick Chaize.

Vous l’aurez compris, je suis dubitative. Quant à l’exposé des motifs, il me trouble davantage. Quand je lis : « Nous considérons ainsi qu’il est nécessaire de créer un opérateur national, propriétaire des réseaux », franchement, je m’inquiète.

Mme Patricia Demas. Depuis la loi de 2004, nous travaillons pour la confiance dans l’économie numérique, selon un modèle, certes, imparfait. Cela justifie-t-il, pour autant, de remettre en cause tout le travail réalisé par les collectivités territoriales, avec leurs réseaux d’initiative publique ? (Mme Éliane Assassi sexclame.) Franchement, je ne le crois pas.

Cet excès de centralisme me semble arriver au mauvais moment, alors même que l’essentiel de la couverture des zones peu denses semble pratiquement acquis.

Monsieur le secrétaire d’État, en revanche, et de façon complémentaire, je m’autorise à revenir sur la place laissée aux collectivités locales de petite taille ou rurales dans le dispositif intéressant leur nécessaire mise à niveau numérique.

L’enveloppe de 88 millions d’euros fléchée pour financer la transformation numérique des collectivités locales, sur les 500 millions d’euros prévus pour la transformation numérique du secteur public dans son ensemble, devrait me rassurer. Pourtant, il n’en est rien et je suis préoccupée pour ces collectivités dans le besoin.

La mise en œuvre opérationnelle de votre feuille de route est complexe, plus particulièrement pour ces petites collectivités. Les délais sont impossibles à tenir pour elles. Votre calendrier prévoit en effet une remontée trop rapide des besoins numériques, à une période où ces instances n’en seront qu’à la phase de diagnostic, ainsi qu’un déploiement trop précipité des solutions.

En l’état, les collectivités les moins avancées ne pourront pas opérer leur transformation numérique et seront, à leur tour, frappées d’illectronisme, comme le relève plus globalement un récent rapport du Sénat. Les sillons à géométrie déjà variable du service public s’en trouveront malheureusement plus profonds, selon les territoires.

L’État devrait donc leur consacrer plus de temps, plus de moyens pour servir, in fine, tous les territoires et les citoyens qui y vivent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai bref et je vous livrerai ma conclusion dès mon propos introductif. À l’instar du sénateur Chaize, je pense que je n’ébranlerai pas les membres du groupe CRCE en leur disant immédiatement que je ne suis pas totalement en accord avec leur proposition de résolution.

Nous pouvons cependant être d’accord sur certains points,…

Mme Éliane Assassi. Tiens donc !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. … tout d’abord sur le caractère essentiel, pour ne pas dire absolument vital, de la couverture numérique du territoire et de la réduction de la fracture numérique, lesquelles passent par le déploiement des infrastructures, comme la fibre, et des réseaux mobiles, ou, comme l’a évoqué Viviane Artigalas, par le développement des usages.

Si nous voulons nous attaquer à la fracture numérique, il est indispensable de développer les infrastructures, mais aussi de former les Français au numérique. Je rappelle qu’un Français sur six n’utilise jamais d’ordinateur et qu’un Français sur trois manque de compétences de base en numérique. Pendant trop longtemps, nous avons considéré que la réduction de la fracture numérique dépendait quasi uniquement des infrastructures, alors même que la question de l’illectronisme et des usages est au cœur du problème qui touche nos concitoyens.

Le budget alloué à la lutte contre l’illectronisme est passé en trois ans de 350 000 euros à 250 millions d’euros. J’ai annoncé, il y a trois semaines, le déploiement, partout sur le territoire, de 4 000 conseillers numériques, entièrement financés par l’État, ce qui représente un doublement de la médiation numérique sur le territoire français. En lien avec les collectivités territoriales et les associations, ces mesures ont vocation à accompagner les Français dans leurs usages du numérique. Lundi, je serai dans l’Allier pour signer une première convention avec un département sur ce sujet.

Le numérique était essentiel ; il l’est devenu encore plus lors du confinement, constituant une sorte de ligne de vie pour les Français, qui ne pouvaient plus se déplacer. Nous avons à cet égard des obligations.

Le sénateur Chaize, président de l’Avicca, a évoqué un certain nombre de points techniques. Je me concentrerai pour ma part sur des aspects plus politiques.

Compte tenu de l’urgence qu’il y a à réduire la fracture numérique, le Gouvernement et le Président de la République ont pris des engagements, qui seront tenus.

Selon les auteurs de la proposition de résolution, nous aurions repoussé de 2022 à 2025 l’échéance à laquelle tout Français aura accès au très bon débit. Ce n’est pas le cas.

Trois objectifs ont été fixés. Ils seront atteints.

Premièrement, 100 % des Français auront accès d’ici à la fin 2020 au bon débit, soit 8 mégabits par seconde. C’est déjà le cas.

Deuxièmement, 100 % des Français auront accès d’ici à la fin 2022 au très bon débit, soit 30 mégabits par seconde, dont 80 % par la fibre. Le Président de la République en avait pris l’engagement, il sera tenu. Les 20 % restants bénéficieront soit d’une montée en débit, soit du recours à un satellite. Ce dernier a déjà été lancé et entrera en service en 2022.

Je rappelle que l’État accompagne financièrement les Français qui sont les plus enclavés ou pour qui le fibrage est le plus compliqué, afin qu’ils puissent acquérir une antenne et s’abonner au très bon débit par satellite.

Troisièmement, nous avons ajouté un objectif supplémentaire dans le cadre du plan de relance, en concertation avec l’ensemble des associations de collectivités territoriales : la France sera fibrée à 100 % en 2025. Un tel objectif est unique en Europe.

Pour cela, nous avons rouvert les guichets, cela a été dit : aux 310 millions d’euros initialement prévus depuis le début de l’année sont venus s’ajouter 240 millions d’euros dans le cadre du plan de relance, soit un total de 550 millions d’euros pour couvrir l’ensemble du territoire français. Avec les collectivités territoriales et les industriels du secteur, nous considérons qu’un tel budget – c’est le bon ordre de grandeur – permettra de fibrer 100 % du territoire d’ici à 2025.

Aujourd’hui, 21 départements n’ont pas d’objectif de couverture à 100 % par la fibre d’ici à 2025. L’ambition du Gouvernement est donc de signer des conventions avec ces départements, au plus tard au début de l’année prochaine. J’en signerai au cours des prochains jours avec certains d’entre eux, comme je l’ai fait avec les Pyrénées-Orientales il y a quelques jours. Ainsi, l’ensemble des départements – la région est parfois maître d’ouvrage – auront un objectif de couverture à 100 % par la fibre d’ici à 2025.

Dans les autres départements, qui se sont déjà fixé cet objectif, subsistent des difficultés pour les raccordements longs ou complexes. Nous travaillons avec l’Arcep afin de mettre en œuvre un dispositif de subventionnement, lequel sera présenté au cours du premier semestre 2021.

Ainsi, nous atteindrons notre objectif de 100 % de couverture du territoire en fibre à l’horizon 2025. Cet objectif, je le répète, est unique en Europe. Pas un seul pays européen ne s’est engagé sur un tel taux de couverture.

Notre ambition, que rend crédible l’adoption de la loi Ddadue, est d’intégrer la fibre au service universel à l’horizon 2025, quand ce sera possible. Nous pourrions nous payer de mots et dire que cette intégration est nécessaire dès aujourd’hui, mais c’est impossible, en raison de limites physiques. Néanmoins, notre ambition est de faire de la fibre, à l’horizon 2025, un bien essentiel, au même titre que l’eau, l’électricité ou le téléphone.

Si vous me le permettez, je ferai maintenant un commentaire politique : il me semble que le déploiement de la fibre et la lutte contre la fracture numérique sont des sujets sur lesquels les résultats du Gouvernement ne font pas débat. Aujourd’hui, il n’y a pas un pays en Europe qui déploie la fibre plus rapidement que la France. La moitié de la fibre déployée en Europe l’est en France. C’est une victoire du Gouvernement, mais aussi des collectivités territoriales. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRCE.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Je m’en félicite !

Par ailleurs, pour évoquer un sujet qui ne relève que du Gouvernement – le New Deal dont a parlé le sénateur Verzelen –, je rappelle que, entre 2003 et 2018, le plan de couverture des zones blanches des précédents gouvernements a permis l’installation de 600 pylônes, quand l’accord signé entre le Gouvernement, les opérateurs et l’Arcep a permis celle de 462 pylônes depuis juillet 2018. D’ici à la fin 2022, ce sont 2 500 pylônes qui auront été installés dans les zones blanches, contre 600 en quinze ans !

M. Hervé Gillé. Vraiment ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Et ce uniquement dans les zones blanches, monsieur le sénateur. Je ne nie pas qu’il puisse y avoir quelques difficultés par endroits, néanmoins l’effort réalisé dans les zones blanches est spectaculaire.

Il existe assez peu de domaines dans lesquels les résultats sont aussi bons que dans celui de la réduction de la fracture numérique, en partie grâce à un travail réalisé avec les collectivités territoriales.

Je rappelle que nous déployons chaque année 5 millions de prises, que 5 millions de locaux sont ainsi rendus raccordables. Ce fut le cas en 2019 et, en 2020, malgré le confinement et les interruptions de service – ce dernier a pu reprendre grâce à l’action des collectivités territoriales, des salariés et des industriels –, nous déploierons probablement encore plus de prises ! Chaque jour, en France, 19 000 locaux sont rendus raccordables à la fibre.

Nous connaissions un léger retard en matière de commercialisation : nous déployions l’infrastructure, mais le taux de commercialisation avait tendance à reculer. Les chiffres fournis par les industriels du secteur en Europe il y a trois jours confirment que nous sommes devenus les champions d’Europe de la commercialisation. Les Espagnols, qui étaient devant nous, ont commercialisé un million de prises en moins.

L’objectif du Gouvernement est bien évidemment aussi de déployer les technologies d’avenir et la 5G. Toutefois, le premier objectif est la réduction de la fracture territoriale. Ce n’est pas la 5G ou la 4G, la 5G ou la fibre, il faut évidemment les deux. La 5G est d’ailleurs aujourd’hui déployée sur des infrastructures 4G. Nous devons nous en féliciter collectivement.

Madame Assassi, permettez-moi de revenir sur un élément incorrect de votre intervention. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Vous avez évoqué un déséquilibre territorial concernant la 5G. (Protestations sur les mêmes travées.) Entrons dans le détail du sujet ! Je rappelle que la France est le seul pays en Europe à avoir fait figurer parmi les critères d’attribution des fréquences 5G une obligation d’équilibre du territoire. Ainsi, à l’horizon 2024, un quart des pylônes 5G devront être déployés en zone rurale. Il n’existe pas un pays en Europe…

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. … qui ait obligé ses opérateurs à déployer les pylônes 5G de façon équilibrée sur son territoire.

Madame Assassi, je note votre soutien à la technologie 5G elle-même, un tel soutien étant suffisamment rare de ce côté de l’hémicycle pour être souligné. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE.)

Mme Cathy Apourceau-Poly. Vous nous prenez pour des demeurés ?

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Il ne faut pas s’y tromper : ceux qui brûlent les antennes 5G sont les mêmes que ceux qui brûlent les antennes 4G ou détruisent des points de mutualisation de la fibre. Ne cédons pas à la démagogie sur la question de la 5G, et soyons logiques !

Mme Cathy Apourceau-Poly. Des ringards et des demeurés !

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Il n’y a pas de raison d’être pour la fibre et contre la 5G. La gabegie environnementale est la même, pour reprendre l’argumentation de certains. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRCE.) Ceux qui s’opposent à la 5G s’opposeront mécaniquement à la 4G et à la fibre. Il n’y a pas de logique à être pour l’un et contre l’autre.

Je reviendrai maintenant sur l’intervention de M. Gontard, que je n’ai pas totalement comprise. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)

Vous avez commencé par citer la liste des villages qui sont mal desservis. Or, dans l’Isère, monsieur Gontard, le réseau est un réseau d’initiative publique. S’il y a un problème de délai ou de granularité du déploiement, tournez-vous vers le responsable !

Vous ne pouvez pas dire que vous êtes pour la nationalisation et pour que la puissance publique reprenne la main, et citer comme exemple de problème de déploiement – je ne me prononcerai pas sur ce point, les choses prendront probablement du temps – non pas une zone AMII ou une zone très dense, mais une zone couverte par un réseau d’initiative publique. Voilà qui est contradictoire ! Nous devons examiner les faits de manière objective, et les chiffres, en la matière, sont assez parlants.

Madame Demas, ma collègue Amélie de Montchalin et moi avons réuni les associations de collectivités territoriales la semaine dernière afin d’évoquer dans le détail les 88 millions d’euros de soutien à la transition numérique des collectivités, notamment des plus petites d’entre elles.

Je vous assure qu’il n’y a pas, contrairement à ce qu’ont craint une partie des associations de collectivités, d’obligation de candidater d’ici à la fin de l’année ou d’ici à début janvier pour l’ensemble de l’enveloppe. Des collectivités seront prêtes et pourront candidater dès le début de l’année prochaine, mais d’autres échéances seront bien évidemment prévues pour que les collectivités moins prêtes – ce sont celles que nous souhaitons aider – puissent le faire dans la durée.

Lors de nos échanges avec les collectivités, nous leur avons bien expliqué la philosophie de notre soutien à la transition numérique. Je crois pouvoir vous dire – je laisserai Amélie de Montchalin entrer plus dans le détail – que nous les avons rassurées à cet égard, notamment sur le caractère simple et opérationnel de l’enveloppe prévue pour les collectivités territoriales.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai conscience que le déploiement des infrastructures et la réduction de la fracture numérique sont toujours trop lents et trop longs pour nos concitoyens. Peu importe les chiffres, ce qu’il faut, c’est leur fournir le plus vite possible une connexion pour leur vie quotidienne.

Le Gouvernement, vous l’aurez compris, ne soutient pas cette proposition de résolution, car, pour reprendre les mots du sénateur Verzelen, nous avons un dispositif qui fonctionne, ou qui est en tout cas le meilleur d’Europe.

M. Fabien Gay. Du monde ! (Rires sur les travées du groupe CRCE.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Voire du monde, en effet, mis à part peut-être celui de la Corée du Sud, pays que je connais bien. (Sourires.)

Ce dispositif est un succès à la fois de l’État et des collectivités territoriales. Certes, nous devons maintenir la pression sur les opérateurs et régler un certain nombre de problèmes, notamment dans le déploiement, comme le mode de stockage évoqué par l’un des orateurs. Dans cette attente, ne cassons surtout pas ce qui fonctionne.

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution concernant l’aménagement numérique des territoires

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu la Communication COM (2016) 587 final du 14 septembre 2016 de la Commission européenne sur la « Connectivité pour un marché unique numérique compétitif – Vers une société européenne du gigabit »,

Vu la Convention du 29 décembre 2015 entre l’État et la Caisse des dépôts et consignations relative à la gestion des fonds du programme d’investissements d’avenir (action « Développement de l’économie numérique ») et du plan « France très haut débit » et son avenant du 28 décembre 2016,

Considérant l’accès au numérique comme une condition essentielle et déterminante pour l’accès à d’autres droits ;

Considérant les nouvelles fractures territoriales apparues lors de la pandémie liée au COVID 19 concernant l’accès au numérique ;

Considérant l’impératif de lutte contre les inégalités sociales, économiques et territoriales ;

Considérant les objectifs d’aménagement harmonieux des territoires et d’attractivité du territoire et notamment des zones enclavées ;

Souhaite que le service universel des télécommunications intègre l’accès au très haut débit et soit garanti pour tous ;

Considère qu’il convient de s’interroger sur l’opportunité de créer un véritable pôle public des télécommunications afin de garantir le service universel et la maîtrise publique des infrastructures numériques, notamment la fibre optique ;

Estime nécessaire de revoir les architectures de financement des réseaux d’initiative publique afin que l’État accorde un soutien exceptionnel aux collectivités volontaires au regard de l’importance d’une bonne connectivité pour nos concitoyens ;

Souhaite que des mesures plus contraignantes soient mises en œuvre afin que les opérateurs privés respectent les obligations qu’ils ont actuellement contractées.

Vote sur l’ensemble

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, concernant l'aménagement numérique des territoires
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution nest pas adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, concernant l'aménagement numérique des territoires
 

6

Modification de l’ordre du jour

Mme la présidente. Mes chers collègues, l’ordre du jour du jeudi 17 décembre au matin a été modifié hier pour inscrire la déclaration du Gouvernement, en application de l’article 50-1 de la Constitution, sur la place de la stratégie vaccinale dans le dispositif de lutte contre l’épidémie de covid-19.

Pour l’organisation du débat qui suivra cette déclaration, un temps de parole de quatorze minutes est prévu pour le groupe Les Républicains, de douze minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de dix minutes pour le groupe Union Centriste, de huit minutes pour les autres groupes et de trois minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, ainsi qu’un temps de parole de cinq minutes attribué respectivement à la commission des affaires sociales et à l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Il n’y a pas d’observation ? …

Il en est ainsi décidé.

7

Ordre du jour

Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 10 décembre 2020 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe GEST)

Proposition de loi visant à supprimer la possibilité ouverte au dirigeant d’une entreprise de déposer une offre de rachat de l’entreprise après avoir organisé son dépôt de bilan, présentée par Mme Sophie Taillé-Polian (texte n° 714, 2019-2020) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion (texte de la commission n° 177, 2020-2021).

De seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

Proposition de loi constitutionnelle visant, face à la crise actuelle à construire le monde d’après fondé sur la préservation des biens communs, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (texte n° 419 rectifié, 2019-2020) ;

Proposition de loi visant à instaurer une contribution exceptionnelle sur les assurances pour concourir à la solidarité nationale face aux conséquences économiques et sociales d’une crise sanitaire majeure, présentée par MM. Olivier Jacquin, Claude Raynal, Mme Sophie Taillé-Polian, MM. Thierry Carcenac et Rémi Féraud (texte n° 477, 2019-2020).

À l’issue de l’espace réservé au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain :

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique relatif aux délais d’organisation des élections législatives et sénatoriales partielles et sur le projet de loi relatif aux délais d’organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée a été publiée conformément à larticle 8 quater du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 quater du règlement, cette liste est ratifiée. Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. François-Noël Buffet, Philippe Bonnecarrère, Christophe-André Frassa, Mme Catherine Di Folco, MM. Jérôme Durain, Jean-Pierre Sueur et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : Mme Jacky Deromedi, M. Stéphane Le Rudulier, Mmes Catherine Belrhiti, Dominique Vérien, M. Jean-Yves Leconte, Mmes Maryse Carrère et Éliane Assassi.

 

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER