compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Françoise Férat,

Mme Martine Filleul.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Vœux du président du Sénat

M. le président. Monsieur le Premier ministre, au nom du Sénat, je tiens à vous adresser mes vœux, à vous-même et à tous les membres du Gouvernement.

Je veux également adresser mes vœux personnels à tous mes collègues sénatrices et sénateurs, ainsi qu’à l’ensemble des collaborateurs qui font la vie quotidienne du Sénat.

Je formule des vœux pour notre pays et pour tous nos compatriotes, notamment pour que nous puissions, ensemble, traverser et surmonter la crise sanitaire, qui impose souffrances, sacrifices et nécessaire discipline à nos concitoyens.

Notre vocation est de contribuer collectivement à surmonter cette crise, tout en préservant les exigences de la démocratie parlementaire, que nous incarnons avec nos collègues de l’Assemblée nationale.

Je vous souhaite la meilleure année qui soit, dans ces circonstances difficiles.

3

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Enfin, vous n’oublierez pas les réflexes de protection sanitaire : les entrées et sorties de la salle des séances devront s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle, à l’exception de celles des membres du Gouvernement, lesquels entreront et sortiront par le devant, en étant attentifs aux gestes barrières.

politique vaccinale du gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, après le fiasco des masques et des tests, les Françaises et les Français sont inquiets et doutent de la capacité de l’État à mettre en œuvre une stratégie vaccinale à la hauteur des défis, compte tenu des retards pris.

Pourtant, la mise sur le marché de plusieurs vaccins pour combattre les formes les plus graves de la covid-19 est une excellente nouvelle et ranime l’espoir, tout comme le traitement annoncé par l’Institut Pasteur de Lille, qui pourrait être prêt en février prochain.

La formidable performance des chercheuses et chercheurs aux quatre coins de la planète pour contrer ce coronavirus s’est malheureusement accompagnée d’une course effrénée des grands laboratoires pour obtenir le jackpot au lieu de jouer la coopération.

Agnès Pannier-Runacher a annoncé, et il était temps, la mise à contribution de trois sites en France pour concourir à l’effort de production de vaccins.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, quand allez-vous contraindre le laboratoire Sanofi à participer à cet effort collectif en mettant ses chaînes de production à disposition et à arrêter sa politique de suppression d’emplois, notamment dans les domaines de la recherche et du développement ?

Quand allez-vous recourir à la licence d’office pour produire des vaccins à prix coûtant et lever les brevets pour mettre les vaccins dans le domaine public ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Madame la sénatrice Cohen, vous mettez en exergue le fol espoir qu’ouvrent l’arrivée et la mise sur le marché d’un certain nombre de vaccins, lesquels ont de surcroît le mérite d’être particulièrement efficaces, avec des taux de protection annoncés dépassant les 90 %, ce qui relève – je parle sous le contrôle d’Olivier Véran, qui est ministre de la santé et médecin – du plus haut niveau que puisse atteindre un vaccin.

Des doses de vaccins sont préréservées depuis sept mois, puisque nous avons commencé à travailler sur le sujet dès le mois d’avril dernier. Avec la Commission européenne, avec l’appui des grands pays de l’Union européenne, nous avons négocié six contrats, avec des réservations qui permettront l’accès à ces vaccins dès leur mise sur le marché.

Nous avons également, dès le mois de juin dernier, avec le lancement d’un appel à projets Capacity Building, fait en sorte de produire sur le territoire français et en Europe. C’était l’un des éléments essentiels de la négociation avec les laboratoires pharmaceutiques : s’assurer que, en mettant nos forces en commun, nous pouvions produire en Europe.

Nous sélectionnons, avec les laboratoires, les sites les plus productifs, les plus capacitaires. Il ne s’agit pas de faire du transfert technologique sur une dizaine de petits sites, ce qui consommerait beaucoup de forces scientifiques et industrielles. Aujourd’hui, c’est l’efficacité et le fait de produire pour les Européens qui nous conduisent.

C’est ce que nous sommes parvenus à faire, puisque 600 millions de doses préréservées chez Pfizer seront livrées cette année pour l’ensemble de l’Union européenne, ce qui signifie que nous avons l’appui industriel correspondant. Vous avez d’ailleurs cité la mise à contribution de trois sites.

S’agissant de Sanofi, le laboratoire travaille bien entendu sur le sujet, mais l’industrialisation d’un vaccin ne se fait pas en un claquement de doigts : cela dépend des sites et des technologies, et c’est sur ce travail qu’il s’est lancé.

Je rappelle également qu’il investit 600 millions d’euros dans une usine de vaccins, à l’horizon de deux ans. Nous anticipons, et je veux saluer ce travail de Sanofi pour accompagner la montée en puissance de la vaccination. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.

Mme Laurence Cohen. À ma connaissance, Sanofi n’est pas un petit laboratoire ! Il est implanté sur le territoire du Val-de-Marne, et je puis vous assurer qu’il a des sites de production, le savoir-faire, les salariés et les chercheurs nécessaires. Il faut que Sanofi contribue effectivement et arrête de licencier !

Par ailleurs, vous avez refusé notre proposition de loi d’un pôle public du médicament et de la recherche. Madame la ministre chargée de l’industrie, monsieur le ministre de la santé, il n’est pas trop tard : vous pouvez vous ressaisir ! (Sourires.) Il faut écouter la voix de celles et ceux qui se retrouvent, à nos côtés, dans la campagne européenne de pétition « Pas de profit sur la pandémie ».

Nous appelons à la reconquête de la maîtrise publique de la production et de la diffusion des médicaments et des vaccins. Nous demandons la levée du secret des affaires pour une totale transparence des contrats signés avec Big Pharma. Nous exigeons que les vaccins et les traitements contre la pandémie soient un bien public mondial, librement accessible à toutes et à tous ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

baromètre de l’action publique

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la crise sanitaire frappe notre pays, la situation de chaque commune, de chaque département et de chaque région demeure unique.

Cette pluralité de situations ne se cantonne pas au cas des pandémies. Nous le savons tous ici, une même mesure prise à l’échelle nationale n’obtient pas les mêmes résultats sur tout le territoire, même s’il est difficile de le prouver et de le quantifier.

Ce manque de visibilité ne permet pas de répondre efficacement au besoin de transparence des citoyens. Restaurer la confiance dans l’État et les politiques publiques qu’il mène est essentiel. Celles-ci nécessitent un pilotage efficace et une grande transparence.

Cette évaluation se doit d’être transparente, clé de voute d’une démocratie qui fonctionne. Apporter les informations aux citoyens de manière objective et compréhensible est crucial. Ils nous le demandent, et nous le leur devons.

Monsieur le ministre, dans le prolongement de la promesse du Président de la République d’inscrire son action et, avec elle, l’action de l’État sous le signe de la transparence, vous avez présenté aujourd’hui en conseil des ministres un nouvel outil : le baromètre de l’action publique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Sido. On est sauvés !

Mme Patricia Schillinger. Pourriez-vous nous indiquer comment cet outil répond à l’exigence d’efficacité et d’efficience des politiques publiques ? Et comment contribue-t-il à la promesse de transparence portée par le chef de l’État ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Marc Fesneau, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Patricia Schillinger, je vous prie tout d’abord d’excuser Amélie de Montchalin, qui n’a pas encore pu nous rejoindre.

Depuis plus de trois ans, dans cet hémicycle, vous avez beaucoup débattu et adopté de nombreuses lois. C’est l’enjeu de la mission confiée par le Président de la République, sous l’autorité du Premier ministre, à Amélie de Montchalin : faire en sorte que nos réformes prioritaires trouvent une traduction concrète dans le quotidien des Français.

M. Jean-François Husson. Jusque-là, on en est loin !

M. Marc Fesneau, ministre délégué. Cette transformation de l’action publique que nous menons depuis 2017 est plus que jamais une priorité, et la crise sanitaire que nous traversons depuis maintenant presque une année ne la remet pas en cause, bien au contraire. Le baromètre des résultats de l’action publique, présenté ce matin par la ministre lors du séminaire gouvernemental, et désormais accessible à tous sur le site du Gouvernement, en témoigne de manière tangible, indicateurs à l’appui.

Cet outil donnera à voir aux Français les résultats concrets de vingt-cinq réformes prioritaires menées par le Gouvernement, sur la base d’indicateurs chiffrés dans huit domaines essentiels du quotidien, tels que la transition écologique, le travail, le développement de l’apprentissage ou encore la santé, pour ne citer que ces exemples.

Les résultats précis qui y figurent seront accessibles département par département, et toutes les données seront disponibles en open data et actualisées tous les trimestres, afin que l’on puisse en mesurer l’évolution.

Ce baromètre permettra à tous les acteurs, et en premier lieu à vous, parlementaires, de savoir concrètement ce qui avance chez vous, mais aussi ce qui, parfois, avance moins vite, donc ce sur quoi nous devons accélérer ou évoluer.

Cet outil contribuera à renforcer la confiance de nos concitoyens envers nos pouvoirs publics ; il permettra aussi d’accélérer la transformation concrète de l’action publique, au service des territoires et des citoyens. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour la réplique.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse. J’espère que les territoires se saisiront de cet outil. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SER.) Nous aurons ainsi la possibilité de mesurer les conséquences de ces actions.

stratégie vaccinale (i)

M. le président. En saluant nos collègues nombreux dans les tribunes du public et dans la tribune d’honneur, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, l’épidémie qui nous frappe si durement depuis presque un an aujourd’hui nous impose humilité et responsabilité : humilité devant un virus évolutif, qui nous oblige à nous adapter en permanence ; responsabilité pour soutenir les politiques sanitaires, tant qu’elles nous sont présentées sur la base d’informations objectives, même quand elles sont dures pour nos concitoyens.

C’est donc en responsabilité que nous devons envisager la campagne vaccinale, qui est notre principal espoir pour maîtriser cette épidémie. Dès le mois de novembre, ici même, nous appelions le Gouvernement à mettre en place rapidement un plan clair, net et précis de vaccination. Ce n’était pas de la polémique, mais un appel à la prise en compte par l’exécutif d’une urgence absolue, dans l’esprit des conclusions du conseil scientifique rendu le 9 juillet 2020.

Vous étiez rassurant, nous affirmant que vous étiez dans l’action, alors que, quelques semaines plus tard, vous n’avez été que dans la réaction.

C’est le dos au mur que vous avez réagi, après que la polémique a justement été déclenchée par le Président de la République lui-même. Ce retard a un coût économique, social et humain considérable. Ce manque d’anticipation, associé à une stratégie assumée de la lenteur, à laquelle vous avez heureusement renoncé, doit s’effacer au profit d’une mobilisation générale qui tarde à venir.

Il faut associer plus étroitement les élus locaux et faire confiance à l’intelligence des territoires, plutôt qu’à des cabinets de consultants privés. Les centres de vaccination devraient être en place ; ils sont encore en déploiement. Le calendrier vaccinal devrait être arrêté ; il comporte encore des incohérences. Une campagne de communication devrait être lancée ; elle n’est pas à l’état de projet.

Je ne mets pas en doute votre bonne volonté, monsieur le Premier ministre, mais je m’inquiète de l’efficacité de vos choix.

Monsieur le Premier ministre, comment allez-vous rattraper votre manque d’anticipation pour gagner la course contre la montre qui s’est engagée face aux différentes mutations du virus ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président, je répondrai tout d’abord bien volontiers aux vœux de bonne et heureuse année que vous avez bien voulu présenter au Gouvernement de la République dans cette année si importante et si particulière.

Je voudrais à mon tour vous adresser, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en mon nom personnel et au nom du Gouvernement, tous nos vœux pour la Haute Assemblée et pour la France, dans une période qui est effectivement, et depuis plusieurs mois, extrêmement complexe.

Monsieur le président Kanner, je vous remercie de votre question qui porte sur la stratégie vaccinale et, plus généralement, comme la question de Mme la sénatrice Cohen, sur la stratégie que nous employons depuis plusieurs mois pour faire face à cette pandémie.

Je voudrais tout d’abord élargir mon propos, en me reportant à la question précédemment posée sur ce sujet. Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, et il faut s’en réjouir, n’a pas à rougir de sa stratégie globale de lutte contre cette pandémie. (Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Après l’échec de la stratégie de tests, répète Mme Cohen – c’est une sorte de disque –, voici venu l’échec de la stratégie de vaccination.

Mme Sabine Van Heghe. Et vous oubliez les masques !

M. Jean Castex, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, où en est la stratégie de tests ? Faites une enquête comparative avec tous les autres États européens, nous y sommes prêts ! (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Non qu’il n’y ait pas eu de difficultés, comme il y en a eu partout. Mais la vérité, c’est que, aujourd’hui, la France est parmi les pays d’Europe qui testent le plus et le mieux.

M. Olivier Paccaud. Bref, nous sommes toujours les meilleurs !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pas moins de 84 % des résultats des tests sont obtenus en moins de 24 heures. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Quant aux résultats de notre politique, contre laquelle le Sénat avait voté lorsque je l’avais sollicité pour le deuxième confinement, avec beaucoup d’humilité, cher président Kanner, mais avec assurance, dois-je vous rappeler que nous avons aujourd’hui le taux d’incidence parmi les plus bas d’Europe et le taux de positivité des tests – c’est sans doute un meilleur indicateur –, parmi les moins élevés d’Europe ? Ce sont des faits !

Nous avons confiné, certes sans l’accord du Sénat, avant les autres, et nous en avons tiré bénéfice, tout en préservant Noël et l’activité au mois de décembre ; vous le verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, quand les chiffres de l’activité économique du dernier trimestre seront connus.

Je ne vous demande pas de cesser de critiquer et de contrôler le Gouvernement – c’est votre rôle –, mais ne nous autoflagellons pas !

M. Olivier Paccaud. L’autosatisfaction, cela suffit !

M. Jean Castex, Premier ministre. Non, monsieur le sénateur, ce n’est pas de l’autosatisfaction : ce sont des faits !

Ce n’est pas moi, ce sont les Françaises et les Français qui ont fait les efforts nécessaires, comme nous l’avions demandé, entre Noël et jour de l’an, qui en sont largement responsables.

M. Olivier Paccaud. Bref, tout va bien !

M. Jean Castex, Premier ministre. Non, tout ne va pas bien, mais dans quels pays est-ce le cas ? Vous voudrez bien nous les indiquer, et nous nous y rendrons.

M. Jean-François Husson. En Israël, on vaccine bien plus vite !

M. Laurent Duplomb. Expliquez cela aux restaurateurs !

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous menons une action déterminée contre cette crise sanitaire. Il est vrai que les drames sont considérables, les dégâts tout autant, mais, à un moment donné, calmons le jeu ! Je rappelle que je suis ici dans la Chambre de la sérénité… (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme Laurence Rossignol. Répondez à M. Kanner !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je ferai la même réponse, monsieur le président Kanner, s’agissant de la vaccination. La stratégie vaccinale vous a été présentée dans cet hémicycle. Étant cas contact, je n’ai pu venir moi-même, mais j’étais avantageusement représenté par le ministre de la santé.

Cette stratégie vaccinale n’a pas changé, vous la connaissez parfaitement et vous l’approuvez. Elle consiste, suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé, comme dans la plupart des pays, à rendre prioritaires les personnes les plus vulnérables au virus qui, si elles le contractent, sont susceptibles de développer les formes les plus graves, d’être hospitalisées ou admises dans les services de réanimation.

Vous savez combien ceux-ci ont joué un rôle majeur dans la lutte contre cette pandémie, avec tous les professionnels qui les composent et qui, depuis le mois de mars dernier, sont toujours présents. Là aussi, en termes comparatifs, soyons fiers de nos établissements de soins, soyons fiers de tous les personnels, quels qu’ils soient !

Nous avons commencé par le plus difficile, à savoir les résidents des Ehpad, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, et des USLD, les unités de soins de longue durée.

M. Laurent Duplomb. Avec un document de 45 pages !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je connais votre expérience locale, mesdames, messieurs les sénateurs, et vous savez très bien qu’il faut prendre des précautions pour recueillir leur consentement.

Ne cherchez pas à juger immédiatement une stratégie vaccinale qui va prendre plusieurs mois. Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, en France comme ailleurs, il est impossible de juger un match de 90 minutes à la deuxième seconde. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Notre stratégie vaccinale va se déployer ; elle monte en charge. Oui, monsieur le président Kanner, elle fait appel aux territoires. Simplement, vous en connaissez les contraintes. Nous avons des délais de livraison, correspondant aux commandes, et des vaccins qui ne peuvent pas, comme nous le souhaiterions, être déployés dans les pharmacies par tous les professionnels de santé, compte tenu notamment de leurs conditions de conservation. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-François Husson. Et comment fait l’Allemagne ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Les choses se font dans l’ordre, sur tous les territoires, en impliquant les acteurs locaux.

L’enjeu, et vous le savez, parce que c’est une spécificité de la France, est de susciter l’adhésion d’un maximum de nos concitoyens, qui n’est pas acquise. Je constate d’ailleurs, semaine après semaine, que cette adhésion s’accroît, et c’est tant mieux.

Nous allons, conformément à notre calendrier, que nous avons effectivement accéléré à la demande du Président de la République, ouvrir cette vaccination à partir de lundi prochain aux personnes âgées de plus de 75 ans.

M. Jean-François Husson. C’est ce que nous vous demandions de faire depuis le début !

M. Jean Castex, Premier ministre. L’honnêteté commande de vous dire que cette vaccination de 5 millions de personnes prendra plusieurs semaines. Il est donc inutile de nous interpeller dès la première semaine. (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

J’ai toujours dit la vérité, y compris quand il s’agissait de prendre des mesures difficiles, que vous n’avez pas approuvées. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Pierre Louault applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de l’anticipation : des vaccins stockés et non injectés, c’est du reconfinement assuré, avec ses dramatiques problèmes sociaux et économiques.

M. Patrick Kanner. Le 9 janvier dernier, à Tarbes, vous disiez, et vous aviez raison, qu’une politique sanitaire est une politique d’État.

Monsieur le Premier ministre, votre responsabilité est immense devant les Français. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

fracture territoriale et espérance de vie

M. le président. La parole est à M. André Guiol, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

M. André Guiol. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé, pour calmer le jeu. (Sourires.)

Monsieur le ministre, une série d’études diligentée par l’Association des maires ruraux de France à partir de données publiques dont certaines émanent de votre ministère affirme que l’espérance de vie des habitants en milieu rural serait de deux ans inférieure à celle d’un citadin.

Parallèlement, on constate que la probabilité d’accéder aux soins hospitaliers est en moyenne de 20 % inférieure pour les habitants de nos campagnes que pour les habitants des villes, faute de diagnostics précoces, dus probablement au manque de médecins généralistes.

Si nous connaissons les différences de traitement entre ces deux types d’habitats, nous y sommes encore plus sensibles lorsqu’il s’agit de la santé de nos concitoyens. Aussi, nous vous invitons, monsieur le ministre, à mieux intégrer les associations d’élus dans les différentes instances de santé, car nous connaissons les difficultés du moment et les dispositions prises par le Gouvernement dans ce domaine.

Je pense notamment à la réponse concrète, bien que partielle, qui vise à augmenter le numerus clausus des médecins, dont on ne mesurera les effets que dans dix ans.

Intervient également dans ces difficultés la nouvelle organisation de travail dans laquelle souhaitent légitimement exercer les jeunes médecins, mais qui affecte leur disponibilité.

Je pense enfin à la création des maisons de santé pluridisciplinaires, dont le développement est plombé, si j’ose dire, par l’obligation de disposer de deux médecins pour envisager leur ouverture.

Ma question, monsieur le ministre, est donc la suivante : en attendant que le système pallie cette carence de couverture médicale constatée, pourquoi ne pas suspendre un temps, avec le concours des infirmières et des infirmiers, cette obligation des deux médecins ?

Cette mesure provisoire, globalement peu onéreuse, apporterait une réponse concrète et rapide à nos difficultés, dans un secteur des plus sensibles. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé. (Ah ! sur les travées des groupes SER et CRCE.)

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur André Guiol, je vous remercie de votre question.

Vous avez raison de souligner que, parmi les facteurs pouvant expliquer que l’espérance de vie en bonne santé dans les territoires ruraux est plus faible que dans les grandes villes, il y a sans doute le problème de l’accès aux soignants et aux médecins.

Le problème est ancien : il y a toujours eu des divergences de répartition sur le territoire, comme en témoignent les cartographies françaises depuis le XIXe siècle. Mais, aujourd’hui plus qu’hier, cette situation est inacceptable.

Vous avez dit, monsieur le sénateur, que le numerus clausus avait été augmenté, mais que cela prendrait dix ans pour former plus de médecins. En réalité, nous l’avons supprimé, mais vous avez raison de souligner que cette mesure prendra du temps pour être effective.

Pendant des décennies, nous avons empêché les jeunes d’apprendre la médecine en France. C’était une aberration, mais, rassurez-vous, l’augmentation avait déjà commencé avant la suppression du numerus clausus : nous étions 3 500 dans ma promotion de deuxième année de médecine en 1998 ; il y a cette année 10 000 jeunes médecins en formation, donc cela viendra, mais il faut tenir.

Des solutions existent, comme la télémédecine. Depuis le début de la crise sanitaire, nous réalisons un million de téléconsultations par semaine, contre 10 000 auparavant. Je pense aussi aux organisations collectives. Je crois beaucoup aux communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS – les élus que je rencontre me disent qu’ils en sont satisfaits –, mais également à l’exercice regroupé dans ce que l’on appelle les maisons de santé pluridisciplinaires.

Monsieur le sénateur, la règle veut, il est vrai, qu’il y ait au moins deux médecins dans une maison de santé pluridisciplinaire, afin de la stabiliser dans la durée. En effet, si l’unique médecin s’en va, les autres soignants se retrouvent sur la touche.

Toutefois, la maison de santé peut être créée, même avec un seul médecin. C’est le financement de la création du poste d’assistant médical accompagnant les soignants dans leurs tâches administratives qui est corrélé à la présence de deux médecins.

Cependant, je fais mien votre point de vue, monsieur le sénateur, et je publierai prochainement une ordonnance offrant un délai, dans les maisons de santé comprenant un médecin et des soignants paramédicaux, permettant de recruter un nouveau médecin et de s’engager dans la voie de l’exercice collectif. Je pense que c’est déjà une bonne façon de répondre au problème que vous soulevez.

Nous continuerons à développer toutes ces offres de soins regroupés dans les territoires ruraux, périruraux et urbains. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)