M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Guy Benarroche. Mes chers collègues, je vous sens très motivés par ce débat, et j’en suis heureux !

Nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer sur un sujet que l’actualité et les chaînes d’information télévisées ont récemment mis en avant avec la fameuse affaire dite « de Théoule » : les difficultés d’expulsion des squatteurs, qui sont réelles.

Les auteurs ainsi que le rapporteur du présent texte ont lié cette initiative parlementaire à ce fait divers. J’aurai l’occasion de revenir sur le fond de l’affaire comme sur cette précipitation, que nous connaissons bien, à proposer une loi par fait divers.

Cette proposition de loi repose sur une prémisse simple : le squat est la conséquence de la carence du droit actuel, insuffisant à dissuader les squatteurs et leurs « complices » et à garantir les droits des propriétaires. Il s’agirait en quelque sorte d’assurer un équilibre, aujourd’hui inexistant, entre le droit au logement et le droit à la propriété. Mais, en fait – je suis certain que vous le pensez tous –, ces deux droits n’ont pas à être mis en concurrence.

M. Jérôme Bascher. Il y en a un qui est constitutionnel, l’autre pas !

M. Guy Benarroche. Certes, il faut garantir un recours rapide à l’autorité publique pour expulser les occupants illégaux d’un domicile principal ou secondaire. Néanmoins – Mme la ministre l’a rappelé –, la loi ASAP, adoptée en octobre 2020, le permet déjà. Elle a même considérablement durci la répression à l’égard de ces squatteurs. Pourtant, les auteurs de cette proposition de loi proposent d’aller plus loin et, à notre avis, beaucoup trop loin.

Sans trop m’attarder sur le texte originel, que je trouvais caricatural, je me suis attaché à fonder ma réflexion sur les travaux très étayés du rapporteur. Bien plus modérés (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.),…

M. Jérôme Bascher. Le rapporteur est modéré, c’est bien connu ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guy Benarroche. … ils n’atteignent cependant pas, selon moi, un juste équilibre.

Chers collègues, je vous remercie de ces applaudissements.

M. le président. Je crains qu’ils ne soient liés à la modération de M. Leroy… (Sourires.)

M. Guy Benarroche. J’avais bien compris, monsieur le président. (Nouveaux sourires.)

Ce que crée le présent texte, c’est bien un délit d’occupation d’un bien immobilier, fondé non plus sur le domicile, mais sur le fait que ce bien serve de logement.

La notion de domicile et sa protection relèvent principalement du droit à la vie privée. Le texte à l’étude étendrait les sanctions actuelles et en infligerait de nouvelles à toutes les personnes qui se maintiennent dans un bien immobilier, quels que soient son usage et sa vacance.

Je salue de nouveau – je constate que ces éloges sont appréciés (Sourires.) – le travail de la commission pour apporter des précisions afin de ne pas englober les locataires défaillants et de ne pas les mettre en situation de subir la procédure d’expulsion dérogatoire DALO.

Dans l’affaire de Théoule-sur-Mer, le droit actuel est suffisant : seules la mauvaise connaissance et la mauvaise application de cette procédure dérogatoire par les services préfectoraux ont conduit à la situation regrettable que nous avons tous en tête et nourri le sentiment d’un État qui ne protège pas les propriétaires.

Nous le savons, nous le vivons dans toutes nos communes, la problématique du mal-logement est un sujet majeur – notre pays dénombre 3,9 millions de mal-logés et 300 000 SDF –, que beaucoup des derniers Présidents de la République ont annoncé vouloir résoudre.

Le droit au logement est reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle, mais les politiques du logement en France n’ont pas réussi à rendre ce principe effectif. Beaucoup d’associations de droit au logement se battent pour aider les personnes en difficulté. Aucune réquisition d’immeuble vide, privé ou public, n’a jamais été proposée, et nous attendons encore un grand plan d’accueil et d’aide au logement.

Dans ce contexte de progression du mal-logement, est-il réellement approprié de renforcer l’arsenal pénal en étendant en quelque sorte le champ des squatteurs et le périmètre des condamnés possibles ?

Votre proposition de loi ouvre trop de portes pour des sanctions liées, non pas à une situation de squat intolérable, mais à des occupations en lien avec, par exemple, des actions revendicatives (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

M. Guy Benarroche. … militantes, voire de réquisition légitime ou même d’information pouvant être assimilées par ce texte à des incitations au squat sur internet.

L’occupation illicite par des associations ou des collectifs de bureaux vides depuis des années pourra-t-elle être sanctionnée ? Oui !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Et alors ? Ils appartiennent à des propriétaires !

M. François Bonhomme. C’est le respect du droit de propriété !

M. Guy Benarroche. Qu’en sera-t-il des pénalités encourues pour l’occupation lobby d’une entreprise lors d’une action associative ou militante ?

M. François Bonhomme. Qu’est-ce que ça change ?

M. Guy Benarroche. La loi pourrait-elle s’appliquer à l’occupation d’un terrain sans destination ?

Reste une mesure encore plus problématique : l’interdiction de se prévaloir du droit au logement opposable pour les personnes condamnées pour l’occupation frauduleuse d’un bien. De quoi s’agit-il en fait ? De condamner des personnes privées de logement à ne pas pouvoir bénéficier du droit au logement.

Les propriétaires ne peuvent plus subir les défaillances de l’État, incapable parfois, alors qu’ils sont dans leur droit, de leur permettre de reprendre possession de leur logement.

M. le président. Il faut conclure !

M. Guy Benarroche. Je conclus, monsieur le président.

Les occupants illégaux,…

M. Guy Benarroche. … pour qui le squat est souvent un dernier recours, ne peuvent pas subir les conséquences d’une gestion discutable des services de l’État. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Voilà quelques éléments suffisamment préoccupants qui conduisent les élus du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires à voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, je remercie sincèrement Dominique Estrosi Sassone de soumettre cette proposition de loi à nos débats.

Sur ces travées, nous avons tous en tête de récentes affaires qui, connaissant un retentissement médiatique, ont choqué l’opinion publique et nous ont aussi, en tant que législateur, interpellés. Je pense à la situation de ce couple de retraités qui n’a pas pu entrer dans sa résidence secondaire de Théoule-sur-Mer, habitée par des squatteurs qui en avaient changé les serrures, ou à celle du Petit Cambodge, ce restaurant meurtri par les attentats de novembre 2015, dont le local était occupé par des militants anti-gentrification. Je pense encore à ces propriétaires de Saint-Honoré-les-Bains, d’Avignon ou du Mans. Fort heureusement, ces situations sont exceptionnelles, mais elles laissent à ceux qui les vivent un sentiment de grande injustice, lequel est tout à fait légitime.

Cette proposition de loi entend, par quatre articles, apporter une réponse aux propriétaires victimes de squat, qui se sentent trop souvent démunis dans la situation qu’ils rencontrent.

L’article 1er aggrave les peines encourues en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui. Le groupe RDPI soutient cette mesure, déjà adoptée lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Cette disposition, votée avec le soutien du Gouvernement, a néanmoins été censurée comme cavalier législatif le 3 décembre dernier par le Conseil constitutionnel. Son inscription dans le présent texte, dans la continuité de l’accord dont elle avait fait l’objet en commission mixte paritaire, nous paraît justifiée.

En revanche, malgré le travail du rapporteur pour garantir, dans le texte issu de l’examen en commission, une conciliation plus équilibrée entre le respect de la propriété immobilière et le droit au logement, nous ne sommes pas convaincus par le reste des solutions proposées. Je pense notamment au nouveau délit introduit par l’article 2, qui pourrait être assorti d’une peine complémentaire par laquelle l’auteur de l’infraction ne pourrait se prévaloir, pendant trois ans, du droit au logement opposable.

Le droit à un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle. De même, pour lutter efficacement contre le squat, il peut paraître assez paradoxal de ne pas essayer d’empêcher les conditions de nature à reproduire les faits pour lesquels les intéressés ont été condamnés.

Je pense également à la division par deux du délai dont le préfet dispose, dans la procédure administrative d’évacuation forcée, pour examiner les demandes de mise en demeure. La loi ASAP n’a été promulguée qu’en décembre dernier. J’y insiste : le délai de quarante-huit heures, introduit par ce texte, a fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire et nous semble de nature à garantir une bonne application de cette procédure dérogatoire par les préfectures.

Plus généralement, il est important de rappeler que le législateur, sensibilisé aux problèmes rencontrés par les propriétaires, a récemment adopté des garanties pour renforcer et accélérer la procédure administrative d’évacuation forcée ainsi que la procédure judiciaire d’expulsion, qui s’applique plus largement.

Il en est ainsi de la loi ÉLAN de 2018. Pour l’expulsion des squatteurs dans le cadre de la procédure judiciaire, ce texte a écarté le délai de deux mois pour libérer le lieu occupé, ainsi que la trêve hivernale.

Il y a également la loi ASAP du 7 décembre 2020, déjà citée. Non seulement elle a accru la célérité de la procédure administrative d’évacuation forcée, mais elle a étendu explicitement son application aux résidences secondaires et occasionnelles, ainsi qu’à toute personne dont le domicile est occupé et aux personnes agissant pour leur compte.

Les outils pour lutter contre le squat existent ; ils ont fait l’objet d’un travail conjoint du Sénat et de l’Assemblée nationale dans des rédactions de compromis adoptées en commission mixte paritaire. Toutefois – vous le reconnaissez vous-même dans votre rapport, monsieur le rapporteur –, ils sont méconnus et mal appliqués.

Au regard des difficultés rencontrées par ces propriétaires victimes, il est indispensable de préciser l’interprétation des textes et de mieux faire connaître la procédure administrative dérogatoire à ceux qui ont vocation à l’appliquer. Madame la ministre, vos services préparent une circulaire à cette fin : pourriez-vous nous éclairer sur son calendrier ?

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de formuler devant vous, et parce que nous pensons qu’une nouvelle modification de la loi, faisant évoluer les équilibres actuels, ne serait pas de nature à clarifier et à renforcer les dispositifs en vigueur pour lutter efficacement contre le squat, le groupe RDPI ne votera pas ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Hussein Bourgi et Jean-Pierre Sueur applaudissent également. – Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, derrière les procédures administratives et judiciaires se trouvent souvent des principes essentiels de notre société. Le philosophe John Locke, dont la pensée participa à la constitution de nos régimes démocratiques et libéraux, écrivait ainsi que, « la fin capitale et principale en vue de laquelle les hommes s’associent dans les républiques et se soumettent à des gouvernements, c’est la conservation de leur propriété ».

Il va de soi qu’une telle idée suggère quelques nuances et de nombreux commentaires. Elle n’en rappelle pas moins une dimension essentielle de notre pacte social : garantir la protection du droit de propriété à nos concitoyens. En effet, les patrimoines sont souvent le résultat du travail de chacun ; leur acquisition est souvent le fruit d’efforts, et nous ne saurions admettre qu’ils fassent l’objet d’une appropriation illégitime et illicite d’autres individus, à l’image des squatteurs, sujets de cette proposition de loi.

Certes, le squat résulte de causes complexes, parmi lesquelles la précarité et le mal-logement. C’est d’autant plus vrai actuellement, alors que nous traversons une crise inédite, qui perdure et participe à la paupérisation de notre société, et que nous sommes entrés depuis plusieurs semaines dans la période hivernale. Aussi, il est impératif d’apporter des solutions à ceux qui, dans la détresse, en viennent à occuper illégalement les immeubles. Seulement, les solutions auxquelles nous devons réfléchir ne sauraient se traduire par une forme de tolérance permissive pour le squat et les occupations frauduleuses.

Les modifications apportées au régime des procédures d’expulsion par les lois ÉLAN, puis ASAP ont permis d’offrir de premières réponses aux propriétaires lésés. Mais il est possible d’aller plus loin en affirmant encore davantage les droits des propriétaires démunis. Dans cette perspective, les dispositifs prévus par cette proposition de loi semblent opportuns.

À l’image de ce qui s’est passé à Théoule-sur-Mer l’été dernier, chacun d’entre nous trouvera dans son département des exemples de propriétaires qui ont dû faire face à des squatteurs indélogeables occupant leurs biens immobiliers. Une telle situation est intolérable ; elle résulte souvent de la nécessité de justifier de la qualité de domicile du bien pour bénéficier de procédures accélérées. Pourquoi devoir justifier de l’usage que l’on souhaite faire de ses propriétés pour pouvoir en jouir pleinement ?

Nous ne parlons pas ici de biens sciemment mis en rétention du marché pour spéculer ; mais, hors de ce cas, les propriétés doivent être protégées efficacement. En ce sens, la création d’une nouvelle infraction d’occupation illicite frauduleuse est satisfaisante, tout comme la révision des procédures d’expulsion normales ou simplifiées, qui s’adapteraient mieux à l’ensemble des propriétés.

Le texte permet tout de même une forme de compromis, qu’il convient de souligner, en réprimant davantage l’occupation frauduleuse lorsque celle-ci a lieu dans un domicile. Ainsi, les domiciles restent l’objet d’un dispositif renforcé, sans pour autant que les autres propriétés soient sous-protégées.

Toujours dans un esprit de compromis et de mesure, ce texte sanctionne les personnes qui feraient la promotion du squat en publiant ce qu’on peut qualifier de « mode d’emploi » pour les squatteurs. Pour autant, le dispositif finalement retenu ne devrait pas concerner les associations luttant contre le mal-logement : c’est une bonne chose.

Néanmoins, un aspect de cette proposition de loi pourrait poser une difficulté concrète ; il s’agit des sanctions infligées aux squatteurs. Certes, il faut renforcer l’efficacité des procédures d’expulsion, et il est légitime de vouloir sanctionner davantage les squatteurs ; mais il demeure que les individus sanctionnés sont souvent des personnes en marge, dont les ressources sont réduites, voire inexistantes.

La répression est évidemment nécessaire. Seulement, il ne faut pas qu’elle conduise à un cercle vicieux maintenant les squatteurs dans la précarité. Aussi, nous nous interrogeons sur la possibilité laissée au juge de décider que la personne condamnée pour occupation frauduleuse d’un immeuble ne pourra se prévaloir, pendant une durée maximale de trois ans, des dispositifs du droit au logement opposable.

La menace d’une telle sanction dissuaderait peut-être certains ; mais, en prononçant ces peines, on empêcherait aussi le condamné d’accéder au logement, au risque qu’il récidive en occupant à nouveau frauduleusement un immeuble.

Bien entendu, nous devons compter sur le discernement des juges ; mais si cette disposition était adoptée, il faudrait être vigilant quant à l’application et à l’efficacité d’un tel mécanisme. Il ne doit pas produire pas des effets contraires à ceux espérés.

Cette remarque étant faite, les élus du groupe du RDSE voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans surprise, les sénateurs et sénatrices communistes du groupe CRCE s’opposeront à cette proposition de loi (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Valérie Boyer. Quelle surprise !

M. Jérôme Bascher. C’est cohérent !

Mme Marie-Claude Varaillas. … tant dans son esprit que dans son contenu.

M. Loïc Hervé. La propriété, c’est le vol !

Mme Marie-Claude Varaillas. Chers collègues, merci de bien vouloir me laisser aller au bout de mon propos !

Soyons clairs : le droit de propriété doit être respecté. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il s’agit d’un principe constitutionnel. Nul ne peut s’installer chez autrui à l’encontre de sa volonté, et personne ici ne le conteste.

Seule la puissance publique, lorsque l’intérêt général l’exige, peut décider de faire primer d’autres droits constitutionnels, aux dépens du droit de propriété, en fixant les conditions de ces aménagements et la juste indemnité pour les propriétaires. C’est notamment le cas lors de la mise en œuvre de la trêve hivernale et du droit de réquisition.

En la matière, la réalité qui se dresse au-delà des questions juridiques, c’est celle du mal-logement dans notre pays. Il faut le savoir : en France, 902 000 personnes n’ont toujours pas de logement, 643 000 personnes sont hébergées, 91 000 vivent dans des abris de fortune, 25 000 dorment à l’hôtel et, depuis la crise sanitaire, 300 000 personnes sont à la rue – hommes, femmes et parfois enfants. Le Président Macron avait pourtant promis, en 2017, que cette situation cesserait.

Dans ces conditions, il nous semble urgent et prioritaire d’agir enfin en ce sens, faute de quoi le renforcement de l’arsenal répressif sera sans effet ou presque.

Comment opposer le droit à ceux dont les droits premiers sont bafoués, notamment le droit d’avoir un toit ? La nécessité est malheureusement plus forte que la loi, et ce que l’on qualifie de délit perdurera, non pas par vice, mais par nécessité vitale.

Nous devons nous interroger collectivement sur ce que cette situation exprime. Au-delà des cas individuels douloureux, il s’agit d’une réalité politique et sociale.

Pour cette raison, nous considérons que cette proposition de loi n’est pas opportune : elle ne traite que l’aspect répressif indépendamment du problème social, je dirai même éthique.

Ainsi, elle punit plus lourdement le squat du domicile, lequel est déjà pénalement sanctionné.

Par ailleurs, elle crée un nouveau délit autonome, élargi à l’occupation de tout immeuble. Cette disposition permet la constitution d’un nouveau délit légalisant des expulsions actuellement illégales et reconnues comme telles par la jurisprudence de la Cour de cassation.

Cette option avait été écartée de la loi ASAP à la suite d’une forte mobilisation des associations du mal-logement : elle fait son retour dans cette proposition de loi, avec un spectre très large, puisque tout immeuble est visé, donc les logements vacants ainsi que les bureaux vacants et les biens inhabitables, tels les garages.

Certes, la commission a réduit la voilure : si tous les immeubles sont touchés par la nouvelle infraction pénale, seuls les logements vacants seraient désormais inclus dans la procédure accélérée ; mais nous parlons quand même de 3 millions de logements.

Cette disposition nous semble inacceptable. Il convient au contraire de sanctionner la rétention de logement, qui, dans le cadre d’un marché ultratendu, fait le jeu de la spéculation.

Cette proposition de loi va plus loin. Elle permet d’attaquer des associations qui revendiquent l’occupation des immeubles vides comme la conséquence du non-respect du droit au logement. Il s’agit pourtant d’un acte politique et citoyen dénonçant le fait que l’État se dérobe à ses responsabilités.

M. François Bonhomme. Ça ne justifie pas tout !

Mme Marie-Claude Varaillas. Initialement, la proposition de loi allait jusqu’à fragiliser pénalement les personnes menacées d’expulsion par de nouvelles infractions pénales : un comble !

En outre, en excluant du bénéfice du DALO ces personnes durant trois années, le présent texte traduit une volonté ultrarépressive.

Ce choix semble totalement contre-productif, car parfois ces mêmes personnes ont engagé toutes les démarches en vue de leur relogement. L’État peut même avoir été condamné à les reloger au titre du DALO. C’est donc un contresens manifeste et une violation directe du droit au logement, pourtant constitutionnellement reconnu.

Enfin, comme le rappelaient les associations signataires de la tribune parue dans le journal Libération lors de l’examen du projet de loi ASAP, l’urgence sociale est bien de résoudre la crise du logement.

L’urgence est bien de construire des logements sociaux, a fortiori dans les communes qui ne respectent pas la loi SRU (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…

Mme Dominique Estrosi Sassone. Et allez, c’est reparti !

Mme Marie-Claude Varaillas. … de rétablir les APL – nous avons justement défendu une proposition de loi en ce sens –, de taxer les profits immobiliers, de financer la résorption des bidonvilles et le droit à la domiciliation.

Mes chers collègues,…

M. Jacques Grosperrin. C’est fini !

Mme Marie-Claude Varaillas. … traitons le problème au lieu de l’aggraver, en s’appuyant habilement sur l’émotion que suscitent des situations particulières pour détricoter toutes les protections collectives.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte, que nous considérons comme démagogique et populiste. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER. – M. Alain Richard applaudit également.)

M. François Bonhomme. Olé ! Quelle belle conclusion…

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ». Tels sont les mots qui consacrent le droit de propriété en France, à l’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faisant par ailleurs l’objet d’une protection constitutionnelle. Cette notion de propriété est l’objet même de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi, tendant à garantir le respect de la propriété immobilière contre le squat.

Cet article a d’autant plus d’écho à la suite des récentes affaires qui ont marqué l’intérêt de nos concitoyens : à Théoule-sur-Mer, un couple de retraités a eu la mauvaise surprise de voir sa résidence secondaire occupée par une famille avec deux enfants ; à Paris, un local du restaurant Le Petit Cambodge a été squatté par un collectif militant anti-gentrification.

Ces affaires révèlent que les dispositifs existants, notamment la procédure de l’article 38 de la loi DALO du 5 mai 2007, en matière de répression de faits de squats dans notre pays ne sont, faute d’instructions claires, ni suffisamment dissuasifs à l’égard des squatteurs ni suffisamment connus des préfectures et des forces de police ou de gendarmerie, voire des propriétaires eux-mêmes. Le résultat, nous le connaissons : c’est l’incompréhension et le désarroi de propriétaires privés de leur bien pendant des mois, qui ont l’impression que l’État respecte davantage les squatteurs que le droit de propriété…

Aussi, je tiens à saluer et à remercier de leur travail nos collègues Dominique Estrosi Sassone, auteur de cette proposition de loi, qui a souhaité « restaurer les droits des propriétaires », et Henri Leroy, rapporteur de la commission des lois. Il a su préserver l’équilibre nécessaire entre le droit de propriété, garanti par les articles II et XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et le droit au logement, reconnu comme objectif constitutionnel.

Le but est donc de renforcer la lutte contre le squat.

D’une part, cette proposition de loi aggrave la peine encourue en cas d’introduction ou de maintien dans le domicile d’autrui. Pour rappel, cette mesure a déjà été adoptée par le Parlement lors de l’examen du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel.

D’autre part, ce texte crée une infraction nouvelle d’occupation frauduleuse d’un immeuble renforçant la protection de tous les biens immobiliers et non du seul domicile.

Les modifications apportées par notre commission ont déjà été rappelées. Mais il me semble nécessaire de revenir sur les plus importantes, afin de bien comprendre l’ambition de cette proposition de loi : mieux protéger la propriété immobilière contre les squatteurs en visant l’ensemble des biens immobiliers.

Tout d’abord, sur la proposition de notre rapporteur, nous avons souhaité préciser que le délit d’occupation frauduleuse est constitué si et seulement si l’auteur des faits s’est introduit dans les lieux à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte. Sont donc visés spécifiquement les squatteurs et non les locataires qui rencontreraient des difficultés pour honorer leur loyer.

Ensuite, dans un souci de gradation des peines, et afin que ces dernières soient les plus dissuasives possible, nous avons souhaité punir plus sévèrement le squat d’un domicile que celui de locaux qui ne sont pas utilisés à des fins d’habitation. S’agissant de l’occupation frauduleuse d’un immeuble, la commission a considéré qu’une peine réduite à un an d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende serait plus appropriée.

Par ailleurs, à l’heure où de nouvelles formes d’incitation au squat se développent, la commission des lois a voulu sanctionner les personnes qui en proposent de véritables « modes d’emploi ». Il s’agit là de réprimer l’ensemble des méthodes qui incitent à la commission du délit d’occupation frauduleuse d’un immeuble ou, du moins, la facilitent.

Enfin, toujours pour concentrer les dispositions de cette proposition de loi sur les seuls squatteurs, notre commission a redéfini le champ d’application de l’article 3. Comme indiqué précédemment, ce sont les récentes affaires de Théoule-sur-Mer et du Petit Cambodge à Paris qui ont incité notre collègue auteur du texte à encadrer davantage les sanctions prévues contre les squatteurs.

Ainsi, la procédure de l’article 38 de la loi DALO n’est étendue qu’aux locaux à usage d’habitation, y compris ceux qui sont destinés à le devenir, et le délai accordé au préfet pour examiner la demande de mise en demeure est réduit à vingt-quatre heures. Pour rappel, lors de la discussion du projet de loi ÉLAN en 2018, le Sénat avait adopté un amendement en ce sens sur l’initiative de notre collègue Marc-Philippe Daubresse ; mais ces dispositions n’avaient pas été retenues en commission mixte paritaire.