compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Loïc Hervé,

Mme Corinne Imbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun aura à cœur de respecter les uns et les autres, ainsi que son temps de parole.

Par ailleurs, même si je sais que cette recommandation est devenue une sorte de réflexe, j’invite chacune et chacun à respecter les gestes barrières.

Je rappelle également que les sorties de la salle des séances devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, celles-ci se feront par le devant de l’hémicycle.

politique du gouvernement en matière d’écologie

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Angèle Préville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous savons tous que quelque chose ne va pas.

L’année 2020 a été l’une des plus chaudes jamais enregistrées. Le réchauffement climatique est plus rapide et plus intense que prévu : nous dansons littéralement sur un volcan. Nous assistons aussi au lent déclin de la biodiversité et sommes à l’aube d’une sixième extinction.

Par ailleurs, les polluants continuent à s’accumuler dans la nature, notamment le plastique, véritable bombe à retardement. Les microplastiques sont partout, envahissent l’air, l’eau, les sols, et même les tissus vivants.

Le drame est que nous sommes responsables de ce qui nous arrive. Nous nous dirigeons collectivement droit dans le mur. En effet, nous avons fait si peu, voire même tout le contraire de ce qu’il fallait. Nous en sommes toujours à une logique de « ma voiture est plus grosse que la tienne » ; la consommation de vêtements a bondi de 40 % en quinze ans à peine ; la production de plastiques est exponentielle.

Les citoyens informés sont aujourd’hui prêts à adhérer à des mesures courageuses, comme en témoignent les cent cinquante membres de la Convention citoyenne pour le climat. C’est d’ailleurs l’un des mérites de cette convention de montrer que les citoyens sont prêts à relever le défi climatique.

Le changement climatique est une urgence mondiale selon le sondage du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) paru aujourd’hui.

Alors, n’est-il pas temps d’adresser un discours de vérité aux Français ? N’est-il pas temps de commencer à réparer le monde ? N’est-il pas de votre devoir de dire qu’une ville comme Nantes risque d’être inondée dans les prochaines années, que Toulouse étouffera sous les quarante-cinq degrés à l’ombre l’été, et que nos petits-enfants souffriront d’infertilité si nous ne faisons rien ?

Il est urgent d’empêcher les catastrophes annoncées. Ceux qui subiront les grands dommages liés à notre inaction sont déjà nés. Nous leur devons de rebâtir un horizon commun de civilisation.

Notre politique est-elle à la hauteur pour relever l’un des défis majeurs du siècle ? La stratégie nationale bas-carbone est-elle la feuille de route de tous les ministres ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Préville, la feuille de route du Président de la République et du Gouvernement sur la transition écologique est très claire : nous visons des objectifs de sobriété, de souveraineté, de solidarité et de soutenabilité dans toutes les politiques que nous déployons.

Cette feuille de route doit faire de la France un pays résilient, neutre en carbone – vous l’avez dit – et respectueux de la biodiversité.

Vous avez travaillé sur la programmation pluriannuelle de l’énergie instituée par la loi relative à l’énergie et au climat. Celle-ci a pour ambition de nous faire atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, de nous faire réduire de 20 % la consommation finale d’énergie en 2030 par rapport à celle de 2012, de nous faire parvenir à l’objectif de 33 % d’énergies renouvelables en 2030 et, enfin, de nous permettre de ramener à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité.

Comme vous le savez, l’année 2021 sera également l’année de la biodiversité, avec l’organisation d’événements nationaux et internationaux. Nous récrirons ensemble la stratégie nationale pour la biodiversité pour les dix années à venir. Ce travail sera mené en partant des territoires et se fera réellement en lien avec les départements, les régions et les élus.

Nous avons un devoir de cohérence, qui implique que nous nous donnions les moyens de nos ambitions. Ces moyens sont très clairement réaffirmés dans le plan de relance, avec notamment un tiers des crédits dédiés à la transition écologique.

Nous exprimons également cette volonté au travers de notre politique de mobilité et de transports. Nous avons ainsi retranscrit ces objectifs dans la loi d’orientation des mobilités (LOM).

Cette politique s’incarne enfin dans le cadre de notre budget vert, qui est le premier au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

M. David Assouline. Blablabla !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Il s’agit donc d’une initiative exemplaire.

Nous défendons cette politique ambitieuse à Bruxelles, qu’il s’agisse de la finance verte, de la déforestation importée ou du plastique, enjeu que vous avez mentionné à juste titre.

M. David Assouline. Faites preuve d’un peu de sincérité !

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous garantirons et affirmerons cette cohérence entre nos ambitions et nos moyens lors de la COP15 Biodiversité et de la COP26 sur le climat.

La Convention citoyenne pour le climat, qui a étudié ces questions, et dont les travaux seront soumis à votre examen, en est la preuve : nous devons coconstruire ces politiques. Je vous remercie en tout cas de votre attention à ce sujet. (Protestations sur des travées du groupe SER.)

M. David Assouline. Tout ça pour ne rien dire !

versement des primes covid pour les aides à domicile et les aides-soignants

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

Mme Guylène Pantel. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, la santé, ce ne sont pas que les hôpitaux et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). C’est aussi tout un secteur médico-social qui intervient en amont et en aval des organes de santé plus traditionnels.

Ce sont des infirmières, des aides-soignantes, des aides à domicile ou encore des accompagnants éducatifs et sociaux qui s’estiment aujourd’hui déconsidérés car, si le Ségur de la santé a permis de nombreuses avancées, en consacrant notamment le principe du lieu de l’activité, il a aussi créé une profonde inégalité dans le monde de la santé et du social.

D’un côté, les personnels qui travaillent à l’hôpital ou dans les Ehpad ont droit à une prime. De l’autre, les soignants qui travaillent en maison d’accueil spécialisée ou en foyer d’accueil médicalisé et les aides à domicile n’ont droit à rien.

Chez moi, en Lozère, on en est arrivé à des situations ubuesques : ainsi, au sein d’une même association, certains salariés relevant du secteur sanitaire touchent la prime, tandis que ceux qui relèvent du médico-social ne la perçoivent pas : de quoi alimenter la colère de nombreux soignants !

S’agissant des aides à domicile, cette absence de reconnaissance est d’autant plus regrettable qu’un nombre considérable de nos aînés souhaitent être maintenus à domicile et que beaucoup ne peuvent pas assumer financièrement leur placement en maison de retraite. C’est d’autant plus insupportable qu’elles exercent souvent les mêmes missions que les personnels des Ehpad, mais avec moins de matériel spécialisé, et en consentant donc des efforts physiques plus importants.

Concernant les aides à domicile toujours, les organisations syndicales et les employeurs sont bien parvenus à un accord prévoyant une revalorisation de 15 % des salaires, mais la Commission nationale d’agrément et les services de l’État bloquent la mesure, de peur que les départements ne puissent en assumer le financement.

La conseillère départementale de la Lozère que je suis comprend la position des départements, car ceux-ci font face à une hausse de leurs dépenses sociales et ne pourront pas supporter cette charge. C’est pourquoi il revient à l’État d’apporter une solution en la matière. En effet, le risque à terme est une fuite du personnel en raison de trop bas salaires et de la fermeture de certains établissements, qui jouent pourtant un rôle majeur et évitent bien des hospitalisations.

J’ai pris l’exemple des soignants et des aides à domicile, mais c’est bien tout un pan du secteur médico-social, lequel a pourtant géré cette crise, qui se sent aujourd’hui déconsidéré.

M. le président. Votre question !

Mme Guylène Pantel. Monsieur le ministre, dans le cadre de la nouvelle classification établie par le Ségur de la santé, vous avez créé deux catégories de soignants. Que comptez-vous faire pour mettre fin à cette inégalité et permettre à l’ensemble du monde soignant de bénéficier de la prime annoncée ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Pantel, merci pour votre question qui me donne de nouveau l’occasion de saluer l’action déterminante de tous les acteurs du soin, du care, du « bien prendre en charge » en direction de nos concitoyens les plus fragiles, acteurs parmi lesquels il faut évidemment mentionner les salariés qui interviennent à domicile dans le cadre d’activités médico-sociales, mais également les aides à domicile.

Je vais essayer d’être le plus factuel possible. Votre question recouvre en réalité deux sous-questions.

La première porte sur ceux que l’on appelle les oubliés du Ségur de la santé, c’est-à-dire tous les salariés du soin du secteur médico-social.

Vous savez que nous avons demandé à Michel Laforcade de réaliser une mission visant à définir des pistes en vue d’une revalorisation des salaires. L’engagement du Gouvernement en la matière est clair depuis le début :…

M. Jean-François Husson. Très clair ! (Sourires.)

M. Olivier Véran, ministre. … nous garantirons une hausse des revenus à toute cette catégorie de personnes qui, de façon un peu aberrante effectivement, comme vous l’avez dit, n’ont pas bénéficié des revalorisations décidées dans le cadre du Ségur de la santé, mais qui travaillent aujourd’hui aux côtés de soignants qui en ont, eux, profité. Ce n’est qu’une question de temps, et ce temps sera très court, madame la sénatrice, je peux vous l’assurer.

La seconde question a trait aux aides à domicile. Comme vous le savez, il s’est passé beaucoup de choses en ce qui les concerne.

D’abord, et à la demande des élus de tous bords, l’État et les départements se sont entendus pour leur attribuer une prime covid si bien que, en pratique, ce sont plus de 1 000 euros qui ont été versés aux aides à domicile dans plus de cent départements. J’ai rencontré nombre de ces professionnelles durant la crise et pendant le premier confinement : croyez-moi, à leur égard, cette prime n’est pas du tout usurpée.

Ensuite, nous avons engagé un travail sur la revalorisation du point d’indice : les négociations sont rouvertes pour intégrer dans la future grille indiciaire de la branche de l’aide à domicile, en plus des efforts consentis par les départements, les 200 millions d’euros débloqués de façon pérenne par l’État pour alimenter la branche autonomie.

Notre engagement de revaloriser les salaires de 200 millions d’euros est absolument inédit. Cet effort est justifié, et je n’ai aucun doute, compte tenu de toute l’attention que portent l’ensemble des élus aux aides à domicile, que nous parviendrons à un consensus et à un accord le plus rapide possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

rapport annuel d’oxfam

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Jean-François Husson. Il n’est pas là !

Mme Sophie Taillé-Polian. Quand lancerez-vous enfin l’autre campagne de vaccination que les Français attendent et réclament, celle pour lutter contre le « virus des inégalités » que le rapport de l’ONG Oxfam a, une fois de plus, mis en lumière ?

On connaît très bien l’un des remèdes à ce mal mondial des inégalités, qui n’épargne pas la France. Il est simple : il se nomme « justice fiscale ». On l’obtient grâce à un impôt juste et proportionné, un impôt redistributif qui cible les plus riches et, en priorité, les ultrariches. Or la France, à cause de votre bilan, est très mal classée au regard de l’indicateur servant à mesurer la progressivité de l’impôt, puisqu’elle est quarante-septième !

En septembre dernier, on estimait à plus de 50 milliards d’euros l’épargne constituée par les Français pendant le confinement. Désormais, on l’évalue à plus de 100 milliards d’euros. Mais quand 10 % des Français les plus aisés mettaient de côté 25 milliards d’euros, les plus modestes s’endettaient et grossissaient les files d’attente de l’aide alimentaire.

Quand les quarante-trois milliardaires français voyaient progresser leur fortune de 175 milliards d’euros entre mars et décembre dernier, on constatait une hausse de 8,5 % du nombre de demandeurs du revenu de solidarité active (RSA) sur le territoire national – nous sommes nombreux ici à l’avoir observé.

La situation actuelle est certes le fruit de la pandémie, mais elle découle aussi de votre politique fiscale, jamais démentie depuis 2017.

Alors qu’attendez-vous, face à cette situation d’urgence, pour mettre en œuvre sans attendre les mesures propres à lutter contre les effets ravageurs des inégalités ? Il faut bien entendu augmenter l’aide aux plus démunis et les minimas sociaux, mais également revenir sur la taxation des ultrariches ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Madame la sénatrice Taillé-Polian, le rapport d’Oxfam souligne que la crise aggrave les inégalités, en montrant que les milliardaires ont retrouvé leur niveau de richesse d’avant-crise alors que, dans le même temps, la pauvreté risque de progresser avec la crise.

Comme le précise le rapport, l’une des raisons pour lesquelles le patrimoine des milliardaires s’accroît tient à la politique de rachat d’actifs de la Banque centrale européenne (BCE), qui a entraîné une hausse des cours boursiers.

Or c’est justement cette politique de rachat d’actifs qui a permis et permet encore aux États de s’endetter pour mettre en œuvre les mesures d’urgence, notamment celles de soutien au pouvoir d’achat des plus fragiles face à la crise.

Permettez-moi d’évoquer l’exemple des deux primes exceptionnelles créées à destination des plus pauvres en 2019. Je citerai aussi le plan Jeunes, les mesures de soutien budgétaire aux étudiants, le renforcement de l’aide alimentaire et de l’hébergement d’urgence.

Les aides monétaires ont permis de cibler en priorité les ménages les plus précaires au regard des niveaux de vie d’avant-crise, les deux tiers des ménages qui bénéficient de ces aides se situant parmi les 20 % des ménages les plus modestes.

Le premier outil pour lutter contre la pauvreté est le soutien à l’emploi : c’est ce que nous faisons avec le dispositif d’activité partielle, le fonds de solidarité qui permet à des centaines de milliers d’entreprises de se maintenir – je rappelle que près de 1,9 million d’entreprises ont bénéficié de ce fonds en 2020 – et, enfin, le plan « 1 jeune, 1 solution ».

Notre politique pour faire face à l’urgence produit des résultats. Ainsi, l’Insee prévoit une quasi-stabilité du revenu disponible brut moyen des ménages pour l’année 2020.

De façon plus structurelle, notre système fiscal et social est très redistributif. Selon le rapport de France Stratégie de décembre 2020, les inégalités de revenus sont plus faibles en France que dans la plupart des pays voisins ; elles le sont encore davantage après redistribution grâce aux prestations sociales et à notre système fiscal. Il serait en tout cas illusoire de penser qu’une augmentation de la fiscalité sur les ménages…

M. le président. Il faut conclure !

M. Alain Griset, ministre délégué. … serait utile à l’amélioration des comptes publics. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.

Mme Sophie Taillé-Polian. Quand je vous entends dire que la pauvreté « risque » de progresser, monsieur le ministre, je ne peux que constater le terrible fossé entre vos propos et la réalité sociale !

J’en suis vraiment désolée, monsieur Griset, mais la justice fiscale concerne aussi bien les PME que les ménages modestes : il est donc bien dommage que ce soit vous qui m’ayez répondu. D’ailleurs, vous le savez, pour plus de justice fiscale, il faudrait davantage aider les petites et moyennes entreprises et forcer les grandes entreprises à faire leur devoir : payer l’impôt ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

stratégie vaccinale

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Jean-Pierre Decool. S’agissant d’une crise à l’évolution imprévisible, je me garderai bien de donner des leçons, encore moins de jouer au procureur dans un pays où ils sont si nombreux… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Chaque jour, le Gouvernement nous abreuve de prévisions et de chiffres, tandis que les scientifiques et les autorités sanitaires alternent propos rassurants et déclarations alarmistes. Quant aux journalistes, ils rapportent, avec un recul de quelques minutes, l’ensemble de ces informations, amplifiant ainsi la cacophonie générale.

On ouvre puis on ferme des centres de vaccination, faute de doses. Lors de votre audition, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous avez annoncé que 15 millions de personnes seraient vaccinées avant l’été ; la semaine suivante, vous parliez de 70 millions de Français vaccinés d’ici à la fin août. Notre pays comptant à peine 67 millions d’habitants, 3 millions de Français se feraient donc vacciner deux fois. (M. le ministre rit.)

Récemment, les autorités envisageaient de repousser l’administration de la seconde injection de trois semaines. Cette hypothèse est désormais écartée. En vérité, davantage que le retard réel ou non de notre pays dans la mise en œuvre de la vaccination, c’est l’absence de clarté de votre communication qui déconcerte et navre nos concitoyens.

Ayant été rapporteur d’une mission sénatoriale sur la pénurie de médicaments et de vaccins fin 2018, je me sens moralement investi.

Monsieur le ministre, oui ou non, disposons-nous d’un stock suffisant de doses pour poursuivre, lentement mais résolument, la campagne de vaccination engagée mi-janvier ? S’agit-il d’une pénurie de nature à interrompre cette première vague de vaccination ? Si tel est le cas, dans quel délai prévoyez-vous une relance, pour la première injection comme pour la seconde ? Enfin, la livraison de vaccins serait bloquée à cause de problèmes logistiques : qu’en est-il réellement ?

Ces questions, expression d’une angoisse, sont légitimes. Un effort de transparence sur les difficultés que vous rencontrez permettrait, en toute humilité, d’apaiser ce climat anxiogène dont je me fais ici l’écho. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Decool, vous avez parfaitement raison (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) : dans notre pays, plus que jamais, nous avons besoin de sérénité, de précision et de transparence. Je vais vous donner quelques exemples.

Tout d’abord, j’ai livré au public la liste précise des arrivages de vaccins qui, mois après mois, seront administrés à un certain nombre de millions de Français, tout en précisant bien que ces chiffres correspondaient au volume des commandes passées par l’Union européenne, et donc par la France, mais qu’ils reflétaient aussi le nombre de vaccins que nous avons achetés, si bien qu’ils relevaient également des décisions préalables des autorités sanitaires.

J’ai donc effectivement expliqué que nous avions de quoi potentiellement vacciner jusqu’à 70 millions de personnes d’ici à la fin du mois d’août. Plus de 130 millions de doses seront en effet disponibles sur le territoire national à la fin du mois d’août si tous les vaccins sont homologués et si les laboratoires respectent leurs engagements.

Vous le voyez comme moi, et vous l’avez souligné vous-même, le problème n’est pas logistique. Nous sommes déjà exposés aux difficultés d’approvisionnement de certains laboratoires. Nous faisons tout pour que ceux-ci respectent leurs engagements, faute de quoi cela posera en effet problème.

Vous l’avez mentionné, j’ai été auditionné la semaine dernière par la commission des lois. On m’a interrogé sur la nécessité de prolonger l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin prochain. On m’a demandé si j’étais sûr que, d’ici à cette date, nous aurions vacciné tous les publics fragiles.

J’ai pris soin de répondre – vous pouvez regarder la vidéo – qu’entre 23 et 30 millions de Français pouvaient potentiellement être considérés comme public fragile et que, d’ici au début juin, je ne savais pas si nous aurions fini de vacciner toutes ces personnes, c’est-à-dire achevé de leur administrer les deux injections du vaccin, dont certaines sont distantes de plusieurs semaines.

Cette situation n’empêche pas du tout, par ailleurs, de compter sur des livraisons de vaccins nous permettant de vacciner toute la population d’ici à la fin du mois d’août.

Encore une fois, ces sujets sont complexes et font appel à de nombreux chiffres et données scientifiques. Je sais que vous le savez et que vous comprenez la nécessité s’imposant à nous parfois, au-delà de la transparence, d’expliquer les choses, ce qui prend un peu de temps. Je constate ainsi que les deux minutes de temps de parole qui me sont imparties sont déjà écoulées et que je n’aurai donc pas répondu à la totalité de votre question.

M. Roger Karoutchi. Mais si, mais si ! (Sourires.)

M. Olivier Véran, ministre. J’ajoute, monsieur le sénateur, que j’ai lu votre rapport sur la pénurie de médicaments : c’est un rapport de grande qualité sur lequel nous nous appuyons encore aujourd’hui pour prendre certaines décisions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

projet de loi 4d

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Exclamations et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, lors d’un récent déplacement dans la région Grand Est, vous avez déclaré devant les élus de la Collectivité européenne d’Alsace ne pas avoir été convaincu par les grandes régions. Vous avez ajouté que vous étiez prêt à revenir sur le transfert des compétences vers cette collectivité.

Ces propos, qui nous interpellent, traduisent-ils une volonté plus générale du Gouvernement de réexaminer le périmètre des grandes régions et, par là même, la ventilation des compétences entre les collectivités ?

Au-delà de ce sujet, monsieur le Premier ministre, nous voulons savoir où en est le Gouvernement de l’une des réflexions dont il avait fait une priorité, celle sur des sujets aussi importants que la décentralisation, la déconcentration et la différenciation territoriale.

Vous le comprenez, il s’agit de questions essentielles pour nous, ici au Sénat, qui devaient se traduire par un projet de loi, le fameux projet de loi 3D, devenu projet de loi 4D.

Or, aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, dans la mesure où nous observons que, peu à peu, ce texte disparaît des radars de nos travaux parlementaires, nous avons tout simplement peur que le quatrième « D » ne soit celui de la déprogrammation. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Mathieu Darnaud, j’ai déjà eu l’occasion hier, à l’Assemblée nationale, de répondre à la première partie de votre question : la Collectivité européenne d’Alsace a été créée dans un cadre précis, qui ne prévoit ni le démantèlement de la région Grand Est ni la création de collectivités à statut particulier.

Il est vrai que le Premier ministre a déclaré ce que vous venez de rappeler sur le découpage des grandes régions. Au fond, il a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas… (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Mais je tiens à préciser qu’il a également indiqué qu’il n’y aurait pas de big-bang territorial, ce que nous avons constamment répété depuis le début de cette législature.

Quant à la deuxième question que vous posez, celle relative au projet de loi 4D, je rappelle que vous avez déjà voté ici, en première lecture, le projet de loi organique relatif à l’expérimentation et, donc, à la différenciation territoriale. Il était tout à fait normal que le texte soit d’abord examiné par le Sénat, car la Constitution le prévoit. Je vous remercie d’ailleurs de la large majorité qui s’est dégagée à cette occasion.

Ce texte sera discuté début mars par l’Assemblée nationale. Comme vous le savez, le calendrier actuel n’est pas encore complètement arrêté. Ce qui est certain, c’est que nous inscrivons en priorité à l’ordre du jour des assemblées les textes concernant la santé et la lutte contre la covid-19. Il faudra de toute façon faire un choix, car le calendrier est extrêmement chargé.

En tout cas, je suis déjà très contente – et je vous en remercie – du soutien que vous apportez à la loi 4D. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)