Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je le redis – on ne le répète jamais assez –, la question de la pêche était centrale dans la négociation. Elle le reste dans la mise en œuvre de l’accord et dans la perspective de l’après-juin 2026.

Nous avons démontré collectivement – ce fut le travail de notre négociateur Michel Barnier, de l’État, du Président de la République lui-même, des élus et des fédérations professionnelles, avec lesquels nous avons étroitement travaillé – le degré de priorité que nous accordons à la préservation de la filière pêche. Je le dis sans excès de gravité : celle-ci aurait pu disparaître dans plusieurs régions si nous avions eu un no deal ou un mauvais accord. C’est avec le même degré d’engagement que nous préparerons l’échéance de l’après-juin 2026.

Avant cela, nous devons nous concentrer sur la mise en œuvre immédiate de l’accord, car nous avons encore près de six campagnes de pêche garanties. Les quotas vont certes baisser progressivement de 25 %, mais, pour les espèces qui intéressent le plus la France, la diminution sera légèrement inférieure. Quant aux licences, nous en avons déjà obtenu beaucoup, mais pas suffisamment. Nous nous battons pour en obtenir environ cinquante supplémentaires, qui sont absolument vitales pour nous.

Pour préparer l’après-juin 2026, j’insiste sur le fait que nous disposons dans l’accord de leviers pour discuter avec le Royaume-Uni. Si les Britanniques voulaient fermer l’accès à leurs eaux après l’été 2026, nous pourrions bien sûr imposer des droits de douane spécifiques sur l’ensemble des produits halieutiques, mais aussi, le cas échéant, toute une série de droits de douane sur des produits que nous choisirions, en fonction de l’impact économique, territorial et social constaté. Enfin, nous pourrons remettre en cause symétriquement un accord de coopération en matière énergétique, qui représente un enjeu économique essentiel pour le Royaume-Uni.

Nous mènerons ce combat, en le préparant de façon anticipée, sans attendre « l’effet de falaise » de l’été 2026.

Nous avons les moyens de défendre les intérêts de la pêche française, comme nous l’avons fait dans la négociation. Nous le ferons avec la même vigueur.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour la réplique.

M. Gilbert-Luc Devinaz. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

Simplement, si j’ose dire, ce qui pèche pour ce secteur et son développement, c’est quand même l’incertitude de son devenir dans moins de six ans…

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Ronan Le Gleut. Monsieur le secrétaire d’État, ma question est relative aux droits des citoyens figurant dans l’accord de retrait, qu’il s’agisse des citoyens de l’Union européenne établis au Royaume-Uni ou des Britanniques établis dans l’Union européenne.

Je pense en particulier aux Français qui vivent au Royaume-Uni. Selon le registre des Français établis hors de France, ils sont plus de 144 000. Toutefois, l’inscription au registre n’étant pas obligatoire, l’estimation réelle de la présence française au Royaume-Uni se situe plutôt entre 200 000 et 250 000 Français. Pour préserver leurs droits, il est nécessaire de faire une demande de statut de résident permanent – settled ou pre-settled status. C’est un système d’enregistrement obligatoire extrêmement important, qui, selon les termes de l’accord de retrait, garantit les droits au travail, au séjour et aux prestations sociales.

Or une date butoir a été fixée pour procéder à cette demande, le 30 juin 2021. La pandémie de covid-19 et la crise économique qui s’ensuit font parfois un peu oublier le Brexit. Quel sera le niveau d’indulgence du Home Office, le ministère de l’intérieur britannique, à l’égard des retardataires ? Quel sort leur sera réservé ?

Monsieur le secrétaire d’État, ne pourrions-nous pas envisager un protocole relatif aux demandes tardives, afin d’assurer une forme de flexibilité en cas de retard justifié par une raison valable ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur Le Gleut, votre question est très importante, car elle touche à la vie quotidienne de nos concitoyens à l’étranger. Vous l’avez dit, ils ne sont pas tous inscrits sur les registres consulaires. C’est vrai au Royaume-Uni comme ailleurs.

Un peu moins de 150 000 de nos compatriotes sont inscrits sur les listes consulaires, alors que nous estimons à 300 000 personnes environ la population française au Royaume-Uni. Nos autorités consulaires ont déjà recensé près de 200 000 demandes de settled ou de pre-settled status, signe que même des gens qui ne sont pas inscrits sur les listes ont connaissance de la démarche et l’ont engagée.

Nous ne ménagerons pas nos efforts, que nous avons déjà engagés au moyen d’une information la plus détaillée possible sur le site internet brexit.gouv.fr et par l’intermédiaire de notre consulat et de notre ambassade pour ceux qui n’ont pas forcément accès à internet. Nous avons aussi au Royaume-Uni des compatriotes en situation fragile, qui n’ont pas accès à toutes les informations. Nous menons toutes les actions possibles pour les trouver et leur signaler cette date limite.

Faut-il la repousser ? Honnêtement, je ne crois pas à ce stade, car ce serait prolonger l’incertitude. Nous avons encore quatre mois pour que chacun accomplisse cette démarche. Les chiffres sont d’ores et déjà importants. Nous pouvons, me semble-t-il, atteindre la quasi-intégralité, voire l’intégralité de l’accès au settled ou au pre-settled status pour nos compatriotes. Accordons-nous cette forme de pression du temps pour atteindre notre cible. Si nous constatations que des difficultés demeuraient, nous pourrions alors discuter d’une forme de flexibilité avec les autorités britanniques.

Concentrons-nous sur cet objectif qui, s’il est tenu, donnera le plus de sécurité possible à nos compatriotes après le 30 juin. Je rappelle que c’est aussi la date limite que nous imposons aux ressortissants britanniques présents sur le territoire européen, et donc en France. C’est aussi notre intérêt de stabiliser cette situation.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Le Gleut, pour la réplique.

M. Ronan Le Gleut. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Vos propos sont parfaitement exacts sur le rôle que jouent notre ambassade et nos consulats pour informer au mieux les Français au Royaume-Uni. Les remontées du terrain qui me parviennent sont excellentes, je peux en témoigner. Mais vous avez vous-même avancé l’estimation de 300 000 Français établis au Royaume-Uni. Or seuls 200 000 auraient engagé la démarche. Ce sont ainsi quelque 100 000 Français qui n’auraient plus que quatre mois pour faire cette demande absolument essentielle pour leur avenir. Permettez-moi d’insister sur le fait qu’il faudra être particulièrement vigilant et faire preuve d’indulgence pour les demandes tardives. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Claudine Lepage. Monsieur le secrétaire d’État, la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne a été un choc pour les ressortissants français et européens qui résident dans ce pays.

La stupeur des premiers mois a été suivie par d’interminables négociations. Elles ont abouti, fort heureusement, à un accord de commerce et de coopération qui nous réunit aujourd’hui.

Désormais, les ressortissants européens doivent faire face à cette nouvelle réalité et à ses nombreuses conséquences pour leur vie quotidienne.

Si un grand nombre de difficultés persistent, l’un des sujets majeurs, qui cristallise les tensions, a trait au nouveau statut d’immigration, dont la demande doit impérativement être formulée avant le 30 juin 2021, sous peine, pour les personnes concernées, de basculer dans l’illégalité.

La procédure d’enregistrement, entièrement dématérialisée, a été plébiscitée par de nombreux compatriotes. Une inquiétude persiste toutefois pour les personnes vulnérables, âgées ou isolées, qui ne maîtrisent pas forcément l’outil informatique. L’absence d’attestation confirmant ce nouveau statut est aussi une source d’inquiétude.

Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous apporter des éclaircissements – vous l’avez déjà fait en partie en répondant à notre collègue Le Gleut – sur les difficultés que peuvent rencontrer nos compatriotes et les ressortissants européens au Royaume-Uni ? Comment pouvons-nous les aider dans cette nouvelle problématique d’immigration ?

Ma deuxième question portait sur les étudiants, le Royaume-Uni ayant fait le choix regrettable de quitter le programme Erasmus. Vous avez toutefois déjà répondu à plusieurs de mes collègues sur ce sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, je ne reviendrai donc pas sur la situation des étudiants.

Pour compléter ma réponse à votre collègue Ronan Le Gleut, nos autorités consulaires font un travail très minutieux et très complet d’accompagnement pour que nos concitoyens les plus éloignés d’internet, en particulier les personnes âgées, que vous avez citées, puissent effectuer ces démarches dématérialisées. Je le redis, nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour renforcer cet accompagnement et aider les personnes les plus en difficulté.

Nous devons aussi traiter la situation spécifique d’un certain nombre de mineurs qui résident durablement au Royaume-Uni dans des familles d’accueil. Nous avons engagé des démarches ad hoc pour les repérer et les accompagner.

Nous traiterons tous ces cas individuels particuliers, parfois difficiles et, si nous devons demander des flexibilités ou renforcer nos moyens d’accompagnement, nous le ferons. Avec Jean-Baptiste Lemoyne, je fais régulièrement le point avec notre consulat à Londres et notre ambassadrice pour assurer cet accompagnement. Croyez bien que c’est notre priorité.

Bien entendu, si vous voulez signaler des démarches et des cas particuliers, nous tenterons de les prendre en compte au mieux et au plus vite.

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Monsieur le secrétaire d’État, l’accord commercial signé en décembre dernier est le plus ambitieux jamais conclu par l’Union européenne, puisqu’il ne prévoit ni tarifs ni quotas.

Cette liberté des échanges, conjuguée à la proximité géographique du Royaume-Uni, à la taille de son économie et à son imbrication dans les chaînes de valeur du marché unique, rend l’exigence d’une concurrence équitable plus fondamentale que jamais pour ne pas saper la compétitivité de nos entreprises.

Or la fiscalité, qui en est un levier fondamental, est largement absente des dispositions de l’accord, alors même que les autorités britanniques ont régulièrement affiché leur volonté de mener une stratégie fiscale agressive.

Certes, un chapitre vient encadrer l’octroi des aides d’État, mais les autres pans de la fiscalité, notamment l’imposition sur les sociétés, n’entrent pas dans le champ d’application des mécanismes de résolution des différends et des mesures de rééquilibrage. Ils ne sont pas non plus concernés par le principe de non-régression convenu pour certaines normes sociales ou environnementales.

Dans ces conditions, le spectre d’un dumping fiscal britannique semble désormais un danger bien réel.

Monsieur le secrétaire d’État, l’encadrement des aides d’État intégrera-t-il des éléments tels que l’établissement de ports francs, que le gouvernement britannique souhaite développer, ou l’octroi de rescrits fiscaux, qui sont parfois utilisés comme des aides d’État déguisées ?

La situation fiscale au Royaume-Uni sera-t-elle examinée au titre de la « liste noire des paradis fiscaux » de l’Union européenne ? Les dépendances de la Couronne – Jersey, Guernesey, île de Man – feront-elles l’objet d’une attention particulière ?

Surtout, l’Europe et ses États membres vous paraissent-ils suffisamment armés, dans le cadre de cet accord, pour protéger leurs entreprises et répondre efficacement à un éventuel dumping fiscal britannique, qui viendrait s’ajouter aux difficultés déjà rencontrées à l’intérieur même du marché unique dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler cet enjeu.

L’accord comporte un principe de non-régression, y compris en matière fiscale, et l’obligation de respecter les grandes conventions internationales en matière de fiscalité et de lutte contre le blanchiment et la corruption. Les normes de l’OCDE devront donc être impérativement respectées par le Royaume-Uni.

Mais soyons honnêtes, le corpus juridique de l’Union européenne en matière d’harmonisation fiscale est assez limité. Vous l’avez rappelé à la fin de votre intervention, l’enjeu, au sein même de l’Union, est d’aller vers davantage d’harmonisation. La compétition fiscale et sociale préexistait au Brexit, et l’harmonisation est particulièrement difficile en matière fiscale, car la règle de l’unanimité s’applique. Nous menons toutefois le combat, notamment en matière de taxation du numérique.

Le Royaume-Uni sera traité en fonction du respect d’un certain nombre de règles, comme tout pays tiers. L’Union européenne dispose désormais d’outils, en particulier les listes que vous avez citées. Si celles-ci devaient être complétées pour certains territoires liés au Royaume-Uni, nous le ferions. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, pour finir sur une note plus positive, le Royaume-Uni, sur les questions de taxation du numérique et de transparence fiscale, a toujours été proche de nos positions et actif à nos côtés dans les instances internationales, qu’il s’agisse du G20, du G7 ou de l’OCDE. Je n’ai pas de raisons de penser que ce ne sera plus le cas à l’avenir. Nous continuerons à travailler ensemble.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.

M. Cyril Pellevat. Monsieur le secrétaire d’État, nous débattons d’un accord qui ne peut être qualifié que d’historique, en raison de la rapidité avec laquelle il a été conclu, mais aussi du cadre dans lequel il a pris place, celui du départ d’un État membre de l’Union européenne.

Nous n’avions jamais été confrontés à ce cas de figure depuis la création des communautés européennes, il y a près de soixante-dix ans. Nous étions probablement nombreux à penser que jamais un État ne quitterait l’Union. Le Royaume-Uni nous a pourtant donné tort, et l’Union européenne a su s’adapter en conséquence.

Si nous devons nous réjouir d’être parvenus à trouver un terrain d’entente plutôt que d’avoir pris la voie d’un hard Brexit et des conséquences catastrophiques qui en auraient découlé, rappelons-nous toutefois que personne n’est gagnant avec cet accord. Il s’agissait simplement de recoller les pots cassés provoqués par la décision du Royaume-Uni. L’Union européenne a réussi à négocier un accord avec le moins possible de conséquences fâcheuses, mais il n’en reste pas moins que le départ du Royaume-Uni n’a que de mauvaises conséquences. Aucun bénéfice ne peut en être tiré par l’Union européenne comme par la France.

Je ne citerai pas un à un les impacts du Brexit sur notre pays ; ils l’ont déjà été à maintes reprises. Mais je souhaite insister sur la nécessité et l’obligation qu’a le Gouvernement d’en réduire au maximum les effets. Maintenant qu’un accord a été conclu, il convient d’accompagner les acteurs économiques français face aux conséquences de la sortie du Royaume-Uni du marché unique. Les entreprises françaises ont déjà été largement frappées par la crise sanitaire, nous ne pouvons pas les laisser subir également les effets du Brexit.

Ma question, monsieur le secrétaire d’État, porte donc sur la façon dont le Gouvernement entend accompagner les entreprises françaises pour qu’elles s’adaptent aux nouvelles implications de cet accord et qu’elles en souffrent le moins possible. Le Gouvernement compte-t-il aider les entreprises qui perdront des parts de marché au Royaume-Uni face aux pays tiers ? Soutiendra-t-il les pêcheurs qui devront reverser une part de leurs prises et qui subiront en conséquence une perte de chiffre d’affaires ? Facilitera-t-il la délivrance de titres de séjour pour les saisonniers britanniques qui viennent travailler dans nos stations de ski ? En résumé, le Gouvernement s’engage-t-il à limiter le plus possible les conséquences négatives de cet accord pour l’économie française ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, tout d’abord, l’existence même de l’accord limite l’impact économique négatif du Brexit. C’était l’un de ses objectifs, même si nous ne voulions pas d’un accord à tout prix. Nous devions préserver les intérêts de certains secteurs, en particulier la pêche, que j’ai mentionnée.

Sans accord, notre estimation macroéconomique, forcément approximative, était un impact de 0,1 point de PIB sur la croissance française au cours de l’année 2021. L’impact macroéconomique était donc limité, mais l’existence d’un accord rend cet impact encore plus faible.

Toutefois, quand on examine plus précisément la situation par région et par secteur – la macroéconomie n’existe que dans les discussions générales ! –, il en va différemment, bien évidemment. Même avec un accord qui préserve nos intérêts, des difficultés subsistent, en particulier dans le domaine de la pêche. Nous les avons évoquées, et c’est pourquoi nous avons prévu des aides directes immédiates dès 2021 pour ce secteur, et que nous nous battons pour que le fonds Brexit soit disponible le plus vite possible, avec un maximum de retours financiers pour la France, en particulier pour sa pêche.

Monsieur le sénateur, vous avez évoqué d’autres sujets très importants.

Tout d’abord, l’accompagnement à l’export. C’est une question de formalités, mais aussi, parfois, de soutien financier. Franck Riester et moi-même avons mobilisé Bpifrance et Business France sur ce dossier.

Sur le sujet très concret des visas de travail, je veux préciser le cadre existant : selon le droit commun, tout séjour de moins de quatre-vingt-dix jours d’un ressortissant du Royaume-Uni dans l’Union européenne est autorisé sans visa, les séjours d’une durée supérieure y étant soumis.

Par ailleurs, l’accord prévoit spécifiquement le maintien pour le Royaume-Uni du régime de détachement des travailleurs en vigueur dans l’Union européenne, y compris les nouvelles règles que nous avons défendues ces derniers mois – je pense notamment à l’encadrement de la durée du détachement. Ce régime apporte de la fluidité et peut être utile pour les emplois très qualifiés, ce qui facilitera, je l’espère, notre vie économique.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. Marc Laménie. Je voudrais tout d’abord remercier nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et ceux de la commission des affaires européennes d’avoir demandé l’organisation de ce débat. Je souhaite aussi souligner, comme plusieurs de mes collègues, la ténacité de Michel Barnier dans ces négociations.

Ma question concerne la participation de la France au budget de l’Union européenne. Selon la loi de finances pour 2021, la contribution totale de la France à ce budget atteint cette année un montant record : 28,5 milliards d’euros, dont 26,9 milliards en prélèvements sur recettes et 1,6 milliard en droits de douane nets versés par la France.

Cette année 2021 constitue une année charnière, puisqu’il s’agit du premier exercice budgétaire du nouveau cadre financier pluriannuel 2021-2027 qui découle de l’accord trouvé par le Conseil européen le 21 juillet 2020. La crise sanitaire a évidemment bousculé le cours des négociations entre les vingt-sept États membres.

Le plan de relance européen sera financé par des emprunts réalisés par la Commission européenne sur les marchés, dont le remboursement ne serait effectif qu’à compter de 2028.

Il existe beaucoup d’incertitudes sur les prévisions de recettes du budget de l’Union européenne en raison de perspectives économiques dégradées et de ressources – droits de douane, TVA – très sensibles à la conjoncture.

Dans ces conditions, quelles sont les perspectives d’évolution du montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, votre question va au-delà de celle relative au Brexit.

Vous le savez, la contribution française au budget de l’Union européenne va augmenter chaque année de 4 à 5 milliards d’euros en moyenne sur la période 2021-2027. Évidemment, les retours financiers augmenteront eux aussi.

Ce qu’on appelle notre contribution nette au budget européen est d’environ 9 milliards d’euros par an. Ce montant est important, mais il faut le rapprocher d’autres avantages que je ne développe pas ici : participation au marché unique – je rappelle que 55 % de nos exportations vont vers l’Union européenne –, activité des entreprises françaises dans des pays qui bénéficient des fonds structurels européens, etc.

Il faut aussi prendre en compte, naturellement, le plan de relance européen qui apportera à la France sur les trois prochaines années plus de 40 milliards d’euros, sans nécessité d’un remboursement immédiat – j’espère d’ailleurs que ce remboursement se fera par de futures ressources propres, c’est le combat que nous engageons et pour lequel il existe un accord politique. Le plan de relance est donc un apport significatif !

Enfin, dans la perspective des prochaines perspectives financières, nous menons un autre combat, celui de la fin des rabais.

Voilà quelques éléments, les plus complets possible, sur notre contribution budgétaire pour 2021 et les années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour la réplique.

M. Marc Laménie. Je vous remercie pour vos informations, monsieur le secrétaire d’État, elles nous rassurent un peu, mais je me permets d’insister sur toutes les incertitudes que j’ai mentionnées.

Nous évoquons souvent cette question en commission des finances, notamment dans le cadre de nos auditions. D’une part, le Royaume-Uni continue de contribuer au budget communautaire en 2021 à hauteur de 7 milliards d’euros, si ma mémoire est bonne, mais cette contribution déclinera dans les prochaines années. D’autre part, la participation des vingt-sept États membres résulte de calculs très techniques.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, en prévoyant une absence de droits de douane et de contingents tarifaires sur les marchandises, l’accord conclu avec Londres a permis d’éviter la perturbation massive et immédiate des flux commerciaux qu’aurait inévitablement engendrée un hard Brexit.

Le soulagement d’avoir évité le scénario du pire ne doit pas nous faire perdre de vue que le Brexit est avant tout, pour les autorités britanniques, le moyen de mettre en œuvre leur projet de Global Britain et de tourner leur regard vers d’autres régions du monde. Cette évolution aura des conséquences pour les producteurs du continent exportant outre-Manche.

Le secteur du sucre, qui vient de connaître une année 2020 catastrophique, est à ce titre particulièrement concerné, car les producteurs français de betterave exportent 10 % de leur sucre et 15 % de leur éthanol au Royaume-Uni. Or celui-ci a décidé d’augmenter considérablement ses importations de sucre brut depuis les zones de production les plus compétitives au monde afin de les raffiner sur le territoire britannique.

Le risque est donc grand de voir les parts de marché françaises s’y éroder avec le temps, mais aussi le sucre de betterave britannique, devenu excédentaire, se diriger à terme vers le marché européen.

Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous anticipé cette recomposition du commerce du sucre et prévu d’éventuelles mesures d’accompagnement ? L’accord de commerce et de coopération contient-il des clauses de sauvegarde, nous permettant de limiter les importations en cas de perturbation du marché intérieur ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Clément Beaune, secrétaire dÉtat auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, nous évoquions précédemment les cas où des divergences pourraient apparaître, si le Royaume-Uni choisissait de modifier sa réglementation dans certains domaines pour se créer un avantage compétitif.

Votre question est un peu différente : y aura-t-il recomposition des flux commerciaux, si le Royaume-Uni importe des produits dont les coûts sont inférieurs à ceux de l’Union européenne ?

Pour être très honnête, ce sujet nous préoccupe, mais il est très difficile d’anticiper aujourd’hui une telle situation. Le sucre fait partie des produits que nous avons identifiés à ce titre, parce que le Royaume-Uni pourrait procéder de cette manière, même si nous ne l’avons pas encore constaté.

Les protections mises en place contre les divergences réglementaires ne nous aideraient pas en l’espèce, mais il existe d’autres mécanismes, notamment des clauses de sauvegarde. Ainsi, l’accord économique et commercial conclu à la fin du mois de décembre inclut une clause de sauvegarde spécifique sur les produits agricoles ; nous pourrions l’activer, si un secteur était soumis à une forte pression économique supplémentaire.

Si une telle situation survenait, nous pourrions aussi activer des mesures européennes de marché ou de soutien financier à l’égard de nos producteurs, même s’il est parfois difficile de le faire, comme nous l’avons vu récemment dans le secteur viticole.

Vous le voyez, nous sommes vigilants sur ce sujet, même s’il n’existe pas, à ce stade, d’alerte concrète. Nous suivrons avec la Commission européenne le secteur du sucre, dont la recomposition doit être suivie de près.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.