Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire a été saisie de neuf articles, dont sept portent essentiellement sur la sécurité dans les transports.

Les auditions que j’ai menées ont fait ressortir quatre constats.

Premièrement, les priorités des usagers ont évolué. Pour des raisons de confidentialité, ces derniers ont longtemps été rétifs à l’utilisation des caméras et à l’exploitation des images, se montrant très sourcilleux sur les libertés individuelles. Désormais, comme nous l’ont confirmé les représentants de l’Association des usagers des transports, la sécurité prime : chacun souhaite que l’on installe davantage de caméras, que les échanges d’images soient plus fluides, que la police nationale et les services de la surveillance générale (SUGE) de la SNCF interviennent plus rapidement.

Cette évolution est d’autant plus frappante que l’insécurité dans les transports s’est développée de manière considérable à la faveur de la crise pandémique. Les chiffres sont éloquents : la fréquentation des transports publics a chuté de 30 % à 40 % en Île-de-France, alors que la délinquance, en hausse de 17 %, se traduit par des agressions directes et beaucoup plus violentes qu’auparavant.

Deuxièmement, il faut développer la coordination entre les différents services chargés de la sûreté dans les transports. À la Gare du Nord, exemple révélateur, neuf services différents interviennent dans ce domaine, dont : les douanes, la brigade des réseaux franciliens, la police aux frontières, le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) pour la RATP, la SUGE pour la SNCF, des entreprises privées, et parfois d’autres.

En 2016, la loi Savary avait ouvert la possibilité d’une coordination renforcée entre ces services. Cinq ans plus tard, Marseille est la seule ville à avoir mis en place un protocole de coordination.

C’est la raison pour laquelle la commission a proposé un amendement qui tend à rendre la coordination obligatoire dans les départements de plus d’un million d’habitants, par le biais d’un contrat passé entre les différents acteurs intervenant dans le domaine de la sécurité.

Troisièmement, il convient de clarifier le dispositif de surveillance des lieux où s’exercent les activités de transport. En effet, ni la SUGE ni le GPSR ne peuvent intervenir dans les commerces situés dans les gares, alors que les commerçants le souhaiteraient car ils constatent une migration de la délinquance des transports vers leurs magasins.

Une autre demande forte porte sur la nécessité de mieux coordonner le déclenchement des caméras-piétons mises à la disposition des agents chargés de la sécurité pour la SNCF et pour la RATP.

Quatrièmement, nous devons faire face à un problème lancinant, au sujet duquel vous avez exprimé des réserves, monsieur le ministre. Les agents peuvent constater des infractions commises par des personnes qui ne détiennent pas de titre de transport et qui donnent une fausse identité lors de leur interpellation. L’une d’elles n’a pas hésité à répondre : « Nom : Trump. Prénom : Donald. Lieu de résidence : White House » ! L’agent, un peu surpris, a déclenché le dispositif d’appel des services de police. Cependant, il faut attendre parfois trois quarts d’heure pour que ceux-ci arrivent.

Mme le président. Il faut conclure, monsieur le rapporteur pour avis.

M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis. Voilà pourquoi nous vous proposerons un amendement qui vise à mettre à la disposition des agents une plateforme intermédiaire donnant directement accès aux informations concernant l’identité des personnes interpellées, tout en garantissant la protection des droits individuels.

Mme le président. Il faut vraiment conclure.

M. Étienne Blanc, rapporteur pour avis. La loi de 2016 avait prévu un tel dispositif, mais il n’a jamais été mis en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés
Discussion générale (début)

Mme le président. Je suis saisie, par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 70.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, relative à la sécurité globale (n° 410, 2020-2021).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.

Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, rédigée conjointement avec le ministère de l’intérieur, cette proposition de loi du groupe La République En Marche à l’Assemblée nationale s’exonère donc d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, alors qu’elle porte un véritable projet de société libéral, également défendu par d’autres biais.

Son examen à l’Assemblée nationale est intervenu entre deux publications importantes du ministère de l’intérieur : d’une part, le Schéma national du maintien de l’ordre ; d’autre part, le Livre blanc de la sécurité intérieure, qui préfigure une troisième loi pour la programmation de la sécurité intérieure, après celles de 2002 et de 2009.

Pourtant, loin de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens en matière de sécurité, les politiques gouvernementales menées depuis 2002 en faveur du « tout-sécuritaire » se sont toutes révélées contre-productives.

Ce projet de société mûri depuis de nombreuses années arrive à un point de maturation important.

En effet, le projet de « sécurité globale » repose sur le renforcement du maillage constitué par des agents qui pourront exercer une surveillance sur tout le territoire.

Ainsi, pour combler le prétendu manque d’effectifs – il reste à démonter – dans la police nationale ou la gendarmerie, la majorité gouvernementale choisit d’augmenter le nombre des agents de police municipale et de sécurité privée, dans un but de « continuum de sécurité », jolie formule qui dissimule la marchandisation de la sécurité publique et la délégation des missions de services publics à des entreprises qui n’ont pour unique finalité que la recherche de la rente.

En parallèle, on se dote d’outils de surveillance massive, toujours plus prégnants sur notre territoire. Après les caméras individuelles « fixées » sur les agents de police et de gendarmerie, sur les agents municipaux, et désormais sur les agents de la RATP et de la SNCF, les caméras embarquées sur le matériel roulant se multiplient, venant s’ajouter à celles de vidéosurveillance fixes déjà largement implantées dans l’espace public.

Autre innovation importante, le texte prévoit un encadrement juridique de l’utilisation des caméras aéroportées sur des engins volants sans pilotes, les drones.

Ces propositions interviennent alors qu’aucun questionnement n’a été ouvert pour renforcer les moyens dont disposent les forces de l’ordre ou pour former les autres agents de sécurité. Rien non plus sur l’atteinte aux libertés publiques que peuvent constituer ces outils « orwelliens », pour lesquels le texte crée un cadre juridique. Telle est la philosophie de cette proposition de loi.

Tous les dispositifs qui y figurent ont en commun d’augmenter la surveillance et la répression dans l’espace public. Plusieurs libertés sont ainsi mises en péril, telles que celle d’aller et venir anonymement dans l’espace public, ou bien encore la liberté et le droit de manifester. La Défenseure des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ont pourtant établi que ces libertés étaient menacées par le développement des outils de surveillance de masse, tels que les drones, dans la mesure où ils favorisent un recours démultiplié à la captation d’images, qui conduira les populations à « s’autocensurer ».

En outre, cet usage disproportionné de nouvelles technologies porte atteinte au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles comme l’a, à plusieurs reprises, rappelé la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Par ailleurs, l’article 24, dans sa rédaction initiale, remettait en cause la liberté et le droit d’informer. Notre commission l’a réécrit, mais la rédaction reste si floue qu’elle laisse toujours une latitude importante pour réprimer tout comportement visant à dénoncer des actes commis par les forces de l’ordre et, donc, pour limiter ainsi la possibilité de contestation au profit d’un pouvoir de police fort et indiscutable.

Dans sa seconde partie, moins problématique, l’article ne fait que décliner et spécifier certaines dispositions de la loi Informatique et libertés, conformément au conseil formulé par la présidente de la CNIL.

Il n’en reste pas moins que nous demanderons la suppression pure et simple de cet article, qui reste un article « de la police, pour la police et par la police », du moins pour ce qui est des syndicats majoritaires.

Plutôt que de reconnaître l’existence d’un problème notable dans les pratiques policières, le texte prévoit un dispositif qui « invisibilise » toute dérive. Il ne s’agit en aucun cas de protéger les policiers, mais d’empêcher toute diffusion d’image compromettante.

Mes chers collègues, ce texte acte un changement de paradigme en matière de sécurité publique. L’espace public devient un espace de contrôle et de suspicion où chaque citoyen est considéré comme un suspect, voire un terroriste potentiel, en tout cas comme une menace.

Ainsi, un manifestant sera considéré, de haut rang, non plus comme un individu qui exprime son désaccord politique avec le Gouvernement, mais comme un ennemi. C’est du moins ce qui ressort des propos du préfet de police de Paris, M. Lallement, lorsque, s’adressant à une manifestante, il déclare : « Nous ne sommes pas dans le même camp. »

Chers collègues, de quel camp parle-t-il ? Nous sommes bien loin de la tradition française du maintien de l’ordre par la désescalade de la violence. On assiste au contraire à un déferlement de violence, ces dernières années, contre le mouvement social en particulier.

En défendant ce texte, le Gouvernement fait la démonstration de son incapacité à penser la police dans notre démocratie. Depuis des décennies, on met bout à bout « plusieurs polices » sans réévaluer le système dans son ensemble. La question des valeurs n’est pas considérée, ce qui explique que l’on en reste à des « mesurettes ».

Ce texte n’ouvre pas même un début de réflexion sur le contrôle de la police ni ne lance de débat.

En outre, ce gouvernement, comme les précédents, privilégie une vision policière de la cohésion sociale. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Comment ne pas rapprocher ce projet de l’hyperprésidentialisation et de la fuite en avant libérale, qui cassent les droits sociaux et bradent les services publics ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Julien Bargeton. Idéologie !

Mme Éliane Assassi. L’expression « sécurité globale » relève d’une terminologie américaine développée à partir de l’idée qu’aux États-Unis la police et l’armée font partie d’une même globalité.

Un vrai texte de sécurité globale ne devrait-il pas contenir des mesures sur le logement, l’éducation, l’alimentation, la santé ?

Le groupe CRCE veut défendre une politique progressiste de sécurité, dans laquelle les policiers refonderaient leur institution autour du respect des principes républicains, pour en faire une police proche des citoyens, au service de leurs attentes et de leurs besoins.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas du tout de ceux qui pensent que nous basculons tout à coup vers un régime autoritaire. En revanche, nous estimons que, au fil des lois sécuritaires, antiterroristes ou de sécurité intérieure, une construction progressive est à l’œuvre, par « petites touches ».

Olivier Cahn, professeur en droit privé et sciences criminelles, écrit à juste titre : « Si l’on juxtapose toutes les lois depuis environ 2014, pas à pas les libertés disparaissent. »

C’est aussi ce que Tocqueville avait pressenti dès le XVIIIsiècle, lorsqu’il prévenait : « C’est dans le renoncement à la liberté que se trouve le danger majeur pour la société démocratique. »

Or ce danger est exacerbé par cette loi qui favorise l’avènement d’une société panoptique et, donc, disciplinaire, où le contrôle social est la règle, et qui n’a rien à envier aux meilleures fictions.

Cette évolution est d’autant plus troublante dans le contexte actuel, particulièrement compliqué : nos libertés sont drastiquement réduites, face à la double menace de la pandémie de covid-19 et du terrorisme. Alors qu’il est difficile pour nos concitoyens d’entrevoir un paysage lumineux et serein, le Gouvernement génère de l’angoisse, en allongeant la série de lois ultrasécuritaires qui font miroiter une protection efficace contre toute menace dans l’espace public.

Il déploie toujours plus de moyens pour lutter contre la délinquance, avec pour objectif le niveau « zéro » de la délinquance.

M. Roger Karoutchi. On en rêve…

Mme Éliane Assassi. Ne pourrait-on pas l’atteindre autrement qu’en œuvrant à une société orwellienne, totalitaire ? Il sera impossible de revenir sur ce choix de société extrêmement dur, car, si l’on avance sur la répression, on recule sur les libertés.

Nous considérons que la lutte contre l’insécurité exige la mobilisation de l’ensemble des services publics et leur développement dans tous les territoires de la République. Le récent rapport sur la pauvreté en France, publié par l’Observatoire des inégalités, est une illustration dramatique des inégalités territoriales. C’est sur ce terreau de la disparition des services publics que se développent les trafics de stupéfiants et la loi des bandes organisées.

À cet égard, en ce qui concerne les plus jeunes, le code de justice pénale des mineurs ne permettra pas de lutter contre les phénomènes de violence extrême récemment observés en Ile-de-France.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous rejetons ce texte pour des raisons très politiques. Il est en effet porteur d’un projet de société extrêmement dangereux, que nous combattrons dans les amendements que nous présenterons, tout en veillant au respect des principes républicains.

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Éliane Assassi. Je citerai pour conclure l’article XII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Henri Leroy contre la motion.

M. Henri Leroy. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, cette proposition de loi est-elle une révolution ? Non ! Représente-t-elle une possibilité d’évolution positive ? Bien sûr que oui !

Mes chers collègues, c’est notre devoir de voter contre cette motion de rejet que propose la gauche de la gauche de notre hémicycle.

Mme Éliane Assassi. Tenez-vous-en à « la gauche » ! Cela suffira.

Mme Cécile Cukierman. Vous, vous êtes la droite de la droite !

M. Henri Leroy. Cette gauche qui estime que les voyous ont toujours des excuses atténuantes et les forces de sécurité toujours des circonstances aggravantes.

M. Roger Karoutchi. Eh voilà !

M. Henri Leroy. Oui, nous, sénateurs Républicains,…

M. Henri Leroy. … avons marché pour honorer la mémoire de Maggy Biskupski, cette jeune policière de 36 ans qui, le 12 novembre 2018, s’est donné la mort, anéantie par le harcèlement et les menaces qu’elle subissait.

Oui, nous, sénateurs Républicains, avons pleuré Mélanie Lemée, cette jeune gendarme de 26 ans, fauchée volontairement le 4 juillet 2020 par un chauffard.

Mme Éliane Assassi. Nous aussi !

M. Henri Leroy. Oui, nous, sénateurs Républicains, avons une pensée en ce moment pour ce jeune policier et sa compagne policière, assassinés chez eux, à Magnanville, le 13 juin 2016 devant leur jeune fils de 3 ans.

Mme Éliane Assassi. Nous aussi ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Leroy. La tergiversation n’est pas de mise face au sacrifice du colonel Arnaud Beltrame, que nous ne devrons jamais oublier.

Mme Éliane Assassi. Nous ne l’oublions pas ! Cela ne vous appartient pas ! (Marques dagacement sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Leroy. Insultes, crachats, coups et blessures, menaces de mort, tel est le triste quotidien que vivent de nombreux gendarmes et policiers, dans le silence médiatique le plus absolu. L’état moral de ces femmes et de ces hommes, qui servent la République au quotidien, ne cesse de s’aggraver. Notre devoir est de leur donner les moyens de lutter concrètement contre cette violence qui ne cesse de s’intensifier.

Alors qu’ils risquent leur vie pour assurer notre sécurité, la réponse pénale face aux délinquants se révèle très souvent, trop souvent, insuffisante, pour ne pas dire dérisoire.

Ce constat est terrible, car il traduit le sentiment d’abandon et de mépris que subissent nos policiers et nos gendarmes, qu’ils ressentent au tréfonds d’eux-mêmes.

Mes chers collègues, je vous le dis, tout ce qui peut être voté pour assurer la sécurité des Français et la protection de ceux qui en sont les garants est une excellente chose. S’y opposer, c’est mettre encore plus en péril leur sécurité et même leur intégrité, leur honneur, leur famille, bref, leur environnement de vie professionnel et privé.

Alors que les crimes violents se multiplient et que nos forces de sécurité se retrouvent de plus en plus souvent dans des situations extrêmement difficiles dans l’exercice de leur métier, nous devons absolument être à leurs côtés !

Pour conclure, je voudrais inviter ceux qui ont cosigné cette motion à faire une visite de l’établissement de santé Le Courbat,…

Mme Éliane Assassi. Nous y sommes allés, dans le cadre d’une mission d’information !

M. Henri Leroy. … qui accueille les agents en dépression, en burn-out ou tout simplement épuisés, détruits physiquement et psychologiquement.

Oui, nous y avons été et nous avons constaté !

Allez-y, vous comprendrez la détresse de leur famille, l’angoisse que ces femmes et ces hommes vivent au quotidien !

Mme Éliane Assassi. Quel rapport avec le texte ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Henri Leroy. Mes chers collègues, c’est sans hésiter une demi-seconde que je vous demande de voter contre cette motion de rejet, pour dire aux forces de sécurité que nous les respectons, que nous les soutenons dans leur travail et que nous légiférons pour les aider à faire face.

La Haute Assemblée sortira grandie et se montrera pleinement responsable si elle sait prendre la juste mesure de cet important dossier que constitue la sécurité publique. Sans sécurité, il n’y a plus de liberté. Les Françaises et les Français espèrent nous voir enfin donner des moyens et des compétences élargies aux forces de sécurité intérieure pour assurer la quiétude publique, qui disparaît un peu plus chaque jour. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion tant sur le fond que sur la forme.

Madame Assassi, vous avez précisé que votre opposition à ce texte se justifiait « par des raisons très politiques » et pour défendre un projet de société.

Selon l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », c’est-à-dire à la sécurité. Le droit à la sécurité est donc un droit fondamental sur lequel nous devons travailler.

Comme secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion sociale, puis comme ministre délégué dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, sous la présidence de Jacques Chirac, j’ai eu l’occasion de parcourir les quartiers les plus en difficulté de France. Partout, la sécurité était l’une des principales préoccupations des habitants.

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas le sujet de la motion !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous devons évidemment tout faire pour améliorer les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre travaillent et pour leur assurer une meilleure complémentarité.

Quant à la forme, vous dites que l’examen de ce texte reste insuffisant. Or, Loïc Hervé, moi-même et de nombreux parlementaires…

Mme Éliane Assassi. J’en étais !

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. … – dont vous-même, en effet – de l’opposition et de la majorité, nous avons pris le temps d’améliorer ce texte, en cherchant le bon équilibre entre la nécessité de renforcer la sécurité et celle de préserver les libertés. Le travail a été fait, donc nous rejetons cette motion préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie M. Leroy et M. le rapporteur, si ce n’est du soutien qu’ils apportent au texte, du moins de la part qu’ils prennent au débat. Cela va même un peu plus loin pour ce qui est de l’intervention de M. Leroy.

Madame la présidente Assassi, vous avez utilisé des mots extrêmement durs contre le Gouvernement, de ceux qu’il m’est extrêmement compliqué de laisser passer en tant que ministre de la République profondément républicain.

Avant toute chose, je tiens à dire que j’ai le plus grand respect pour les élus du parti communiste, un respect lié à la fois à mon identité régionale – on le dira comme cela –, à mon histoire familiale et à la cohérence philosophique qui est souvent celle de ce parti. (Marques de surprise sur des travées du groupe Les Républicains.) Cependant, on y observe une sorte de « mélenchonisation » que je ne peux accepter. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST. – Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Éliane Assassi. C’est un reproche que l’on ne peut pas me faire !

M. Gérald Darmanin, ministre. Ce n’est pas une insulte.

Mme Éliane Assassi. C’est inadmissible, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais non…

Mme Éliane Assassi. Vous ne me connaissez pas !

M. Gérald Darmanin, ministre. D’abord, et j’en suis étonné, madame Assassi, vous avez dénigré les syndicats. Certes, il s’agissait des syndicats de police, mais on ne peut pas choisir ses syndicats.

En l’occurrence, les syndicats de police tiennent des discours parfois justes, mais pas toujours, parfois positifs, mais pas toujours, parfois exagérés, mais parfois aussi au-dessous de la réalité. En tous les cas, ils sont respectables et respectés, comme l’est toute organisation professionnelle. Il est un peu dommage de les montrer du doigt d’autant que, il faut bien l’avouer, je ne vous ai pas souvent entendue dire du mal des syndicats.

Ensuite, vous avez cité Tocqueville et même Orwell. (M. Jérôme Bascher sexclame.) Il ne me semblait pourtant pas qu’Orwell avait écrit 1984 pour dénoncer un gouvernement ultralibéral.

Disons-le, mettre en cause ce texte, parce qu’il correspondrait à ce que décrivait Orwell, d’un côté, et pour son libéralisme, de l’autre, est un peu contradictoire.

Mme Cécile Cukierman. Le libéralisme mène pourtant au totalitarisme !

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est faux !

Mme Cécile Cukierman. Trop de libéralisme peut mener à l’oppression !

M. Gérald Darmanin, ministre. Pas du tout, madame la sénatrice, c’est dans le principe même du libéralisme que de ne pas opprimer !

Enfin, madame Assassi, vous avez formulé un certain nombre de critiques, qui, selon moi, relèvent du pur art oratoire.

Premièrement, vous avez accusé les délégations de service public (DSP) d’être un instrument de la marchandisation, voire de la privatisation de la sécurité publique. Mais les élus communistes, eux aussi, mettent en place des DSP ! J’en connais même qui ont des casinos sur leur territoire ! (Rires ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Ce n’est pas grave en soi. (Sourires.) Après tout, le privé peut aussi favoriser la mise en œuvre d’un certain nombre de politiques. En tout cas, il faut respecter la sécurité privée.

Deuxièmement, vous avez dit que c’était parce qu’il n’y avait pas assez de policiers et de gendarmes que l’on déléguait la sécurité à d’autres acteurs. Or notre gouvernement propose la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes. Très franchement, le renforcement de nos forces de sécurité profite à tous les territoires, y compris, bien sûr, ceux où des élus communistes sont aux responsabilités. Il n’y a pas d’incompatibilité entre les deux.

Si nous proposions de diminuer le nombre de policiers ou de gendarmes, nous pourrions comprendre que vous considériez la hausse du nombre d’agents de police municipale et de sécurité privée comme un palliatif. Mais, en l’occurrence, notre gouvernement est celui qui a créé le plus d’emplois dans la gendarmerie et la police nationales depuis que le ministère de l’intérieur existe.

Troisièmement, vous avez affirmé – c’est une attaque extrêmement difficile à entendre – que ce texte mettait en péril la liberté d’aller et venir, le droit de propriété – qui ne serait donc plus du vol –, ainsi que le droit de manifester.

Mais, c’est tout le contraire, madame Assassi ! Ce sont l’ordre et la sécurité qui permettent aux femmes ou aux enfants de circuler de leur lieu de résidence à l’endroit où ils sont scolarisés, où ils travaillent ou s’adonnent à leurs loisirs.

Ce sont justement l’ordre et la sécurité que garantissent les policiers et les gendarmes avec les matériels qui leur permettent d’agir. C’est grâce à eux que tout le monde est en mesure de posséder sereinement un certain nombre de biens. Les petites gens savent très bien, et mieux que personne, que l’État garantit la sécurité des citoyens qui n’ont pas les moyens de se la payer.

Vous devriez d’ailleurs savoir que les policiers et les gendarmes sont pour la plupart des enfants du peuple. Les enfants des patrons du CAC 40 deviennent rarement brigadier-chef à Tourcoing ou à Marseille. Il s’agit souvent de personnes qui ont justement besoin d’être aidées et soutenues. Ces policiers et ces gendarmes ne sont pas à l’ordre d’un gouvernement, mais à celui du peuple français au nom de l’État, ce qui est assez différent.

Je passe rapidement, madame, sur le fait que vous avez attaqué un préfet, alors que celui-ci n’est pas en mesure de vous répondre, ce qui est un peu dommage. (Mme Éliane Assassi proteste.). Votre attaque, je la prends pour moi, car je suis responsable des faits et gestes des hauts fonctionnaires, et d’ailleurs de tous les fonctionnaires qui sont sous ma responsabilité.

Vous déplorez la difficulté qu’il y a à manifester aujourd’hui. Mais c’est parce que les manifestations n’ont plus rien à voir avec ce qu’il se passait il y a quinze ou vingt ans !

C’est parce que les manifestants ont de moins en moins de services d’ordre…