compte rendu intégral

Présidence de Mme Nathalie Delattre

vice-présidente

Secrétaires :

M. Daniel Gremillet,

M. Jean-Claude Tissot.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 27 mai 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Lors du scrutin public n° 126, Mme Joëlle Garriaud-Maylam souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

3

Coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le coût pour les collectivités territoriales de la crise sanitaire et économique.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comment ne pas commencer ce propos par un plaidoyer en faveur de nos collectivités, singulièrement de nos communes ? Avec l’agilité qu’on leur connaît, elles ont utilement accompagné l’État dans la gestion de cette crise sanitaire, lui permettant d’être au rendez-vous et à nos concitoyens de bénéficier d’un dispositif complet comprenant notamment, désormais, la vaccination à grande échelle.

Au moment où nous nous apprêtons à examiner le projet de loi 4D – nous le ferons ici même dans quelques semaines –, nous devons réaffirmer la confiance dans nos collectivités, en particulier dans nos communes. De Brest à Biarritz et de Strasbourg à Privas, aucune d’entre elles n’a échappé à l’exercice nécessaire, utile à l’ensemble de nos concitoyens, que j’évoquais à l’instant.

Si l’examen de ce projet de loi sera l’occasion de mettre l’accent sur les thèmes de la décentralisation et de la déconcentration, d’ores et déjà, l’État se doit d’être aux côtés de l’ensemble de nos collectivités ; et cela veut dire les accompagner financièrement. En prenant des décisions au plus haut sommet de l’État, le Gouvernement a invité nos collectivités, singulièrement – je le répète – nos communes, à engager des dépenses, même si nous n’en contestons pas le caractère nécessaire.

Je veux remercier notre collègue Jean-François Husson, ainsi que l’ensemble de notre groupe, d’avoir souhaité mettre cette discussion à l’ordre du jour de nos travaux. Ainsi la possibilité nous est-elle offerte de rappeler combien les collectivités ont su faire œuvre utile durant cette crise sanitaire.

Les chiffres sont là : un rapport émanant de l’Assemblée nationale évalue leurs pertes imputables à la crise à 4 milliards d’euros. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) estime quant à elle à 6 milliards d’euros les pertes brutes du bloc communal. En tout état de cause, ces chiffres nous montrent combien les collectivités ont besoin d’être assistées. Or, pour qu’elles puissent être réellement accompagnées par l’État, les coûts qu’elles supportent doivent faire l’objet d’une évaluation.

Ces pertes de 4 milliards d’euros – c’est considérable – se traduisent par une baisse de 9 % de l’autofinancement net du bloc communal et par une diminution de plus de 15 % de l’investissement, ce qui est inédit. Cela a des conséquences particulièrement préjudiciables : comme nous le savons tous, les collectivités participent pleinement au développement de notre économie locale par le biais de la commande publique. Pour être au rendez-vous, l’État doit donc mettre, si j’ose dire, la main à la poche.

Concernant la création et l’organisation des centres de vaccination ainsi que la livraison de matériels de soins – masques, blouses, tout ce qui a fait que nous avons pu lutter contre le virus et ses conséquences de la meilleure des façons –, les décisions prises ont dû l’être en urgence, et les collectivités ont dû faire preuve d’une réactivité absolue. J’en profite pour dire que certaines collectivités nous ont interpellés et continuent de nous interpeller, parce qu’elles n’ont toujours pas perçu la totalité des moyens qui leur avaient été promis au moment des premières annonces d’accompagnement financier de la part de l’État, s’agissant des masques notamment. Ces situations se font relativement rares, mais, vous le savez mieux que quiconque, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de nos collectivités – vous me permettrez d’être trivial – sont à l’os.

Dans mon département, une petite commune de 300 habitants – je sais que vous connaissez particulièrement bien la ruralité –, Le Béage, sur la montagne ardéchoise, a dû recruter un employé dont l’embauche va générer une augmentation de 12 000 euros de ses coûts de fonctionnement. L’État se doit d’accompagner les communes lorsqu’elles assument des coûts qui ne sont rien d’autre que la conséquence de la crise sanitaire que nous traversons.

D’autres dépenses que j’ai en vue sont de natures diverses. J’en citerai quelques-unes qui passent parfois assez inaperçues.

Je viens d’un département à vocation très touristique ; la disparition de nombreux emplois saisonniers et la baisse de certains revenus ont eu un impact considérable. Je pense notamment aux recettes de la taxe de séjour, qui ont baissé de 15 % dans un département comme le mien, aux recettes de billetterie des grands sites touristiques comme l’aven d’Orgnac ou l’espace de restitution de la grotte Chauvet, aux recettes perçues par les communes qui accueillent un casino, comme celle de ma collègue Anne Ventalon : à Vals-les-Bains, 3 500 habitants, 400 000 euros de recettes annuelles en moins – imaginez ! En pareil cas, comment un maire peut-il monter un budget sans avoir de lourdes difficultés à gérer ?

Vous mesurez bien, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’importance de ce débat. Il ne s’agit pas de pointer quiconque du doigt : si l’État a demandé aux collectivités d’être en quelque sorte son bras armé dans la crise, c’est à juste titre. Mais, aujourd’hui, nous devons évaluer au mieux et de façon exhaustive l’ensemble des dépenses qu’elles prennent à leur charge : beaucoup de ces dépenses passent inaperçues, et il nous faut les lister afin que l’indemnisation se fasse au réel et non au forfait. Je citerai un exemple tiré de la communauté de communes de la Montagne d’Ardèche, qui compte 5 000 habitants : à lui seul, l’hébergement des personnes qui font fonctionner le centre de vaccination coûte quelque 20 000 euros.

Il y a là dans de tels exemples autant de sujets d’inquiétude, qui ne manqueront pas d’animer le débat. Mes collègues ici présents illustreront mon propos en présentant beaucoup d’autres cas ; ainsi pourrons-nous bien cibler les besoins et faire en sorte qu’un juste accompagnement financier soit alloué par l’État aux collectivités.

Je conclurai en évoquant un sujet qui me semble essentiel : l’État compte sur les collectivités, singulièrement sur les communes, dans la mise en œuvre de son plan de relance – je dis au passage que les départements et les régions ont eux aussi été particulièrement impactés. Pour ce qui est des communes et de la commande publique, il ne faudrait pas que le plan de relance soit mis à mal à cause d’un défaut d’accompagnement des collectivités, au-delà même des dotations. Je le dis d’ailleurs très clairement : l’État a fait en sorte que les pertes inhérentes à la crise soient prises en compte dans la détermination des montants de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Reste qu’il faut, dans certains cas, aller encore plus loin afin que l’ensemble des coûts induits par la crise soient vraiment pris en compte. C’est à cette condition seulement que les collectivités pourront être au rendez-vous de la relance dès cette année 2021, jouant le rôle d’aiguillons qui permettront à notre pays de se relever de cette période de crise.

Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur votre sagacité, sur votre pugnacité et sur votre détermination pour faire entendre la voix de nos communes et de nos collectivités. Nous ne voudrions pas qu’in fine les collectivités soient vaccinées des promesses de l’État ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme la présidente. Merci, mon cher collègue, pour la pertinence de votre intervention.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Joël Giraud, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être aujourd’hui parmi vous pour débattre du coût de la crise pour les collectivités territoriales. À mon tour de saluer leur réactivité face à la crise ! Cette question est au cœur de vos préoccupations, puisque vous êtes la chambre des territoires. Il s’agit également d’une préoccupation majeure du Gouvernement.

J’ai conservé de mes anciennes fonctions, de maire tout d’abord, puis de rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, un attachement tout particulier à ce que le suivi des finances locales, loin de faire l’objet d’une attention seulement épisodique, au gré de l’actualité, soit mené en permanence et en toute transparence avec le Parlement. Le débat de ce jour me semble donc bienvenu, d’autant que nous disposons maintenant d’un état des lieux quasi définitif des effets de la crise sur les budgets locaux en 2020, ainsi que des premiers éléments concernant 2021. Il est intéressant, donc, que nous puissions les partager.

Je voudrais commencer par vous confirmer que l’année 2020, certes difficile, n’a pas été l’annus horribilis annoncée. Les collectivités dans leur ensemble ont mieux résisté à la crise que ce que nous imaginions voilà un an. Si je reprends les notes de conjoncture dont nous disposions au milieu de l’année dernière, tout indiquait que l’impact financier de la crise serait massif. Ainsi le rapport de Jean-René Cazeneuve évaluait-il les conséquences pour 2020 à 5 milliards d’euros en recettes et à 2,2 milliards d’euros en dépenses, soit une diminution de l’épargne brute des collectivités de 7,2 milliards d’euros en raison de la crise.

Ces hypothèses étaient fondées sur des projections pessimistes concernant un grand nombre d’impôts locaux, à commencer par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), dont on pensait alors que les recettes diminueraient de 25 % par rapport à 2019. En y ajoutant la dynamique des dépenses ordinaires, l’épargne brute des collectivités aurait dû diminuer de 26 % entre 2019 et 2020 ; en réalité, l’exécution au 30 avril 2021 nous montre que ladite épargne brute diminuerait de 3,9 milliards d’euros, soit un repli de 11,4 % entre deux exercices. C’est peu ou prou deux fois mieux que ce que nous escomptions ; nous devons tous nous en réjouir.

Bien entendu, on observe des différences entre les diverses catégories de collectivités locales. Le bloc communal est celui qui a le mieux résisté : son épargne brute est en recul de 6,5 %. Cette tendance est bien marquée pour les intercommunalités, dont la capacité d’autofinancement n’enregistre qu’une diminution de 4,1 %, ainsi que pour les petites communes, celles de moins de 3 500 habitants, qui voient même globalement leur épargne augmenter de 2,4 %. Ce phénomène s’explique par des économies de fonctionnement et par le fait que les recettes de ces communes sont largement composées de fiscalité locale et de dotations complètement imperméables à la crise.

Les départements essuient pour leur part une dégradation plus nette de leur épargne brute, de 14 %, sous l’effet d’un alourdissement des charges sociales. En revanche, leurs recettes continuent de progresser en 2020, en large partie parce que les DMTO n’ont pas diminué autant que prévu – la baisse se limite en définitive à 1,6 %.

Quant aux régions, elles perdent 21,6 % d’épargne brute du fait d’une progression significative de leurs dépenses d’intervention, alors que leurs recettes ont été relativement bien préservées grâce aux garanties de l’État.

Ces résultats bien meilleurs qu’escomptés ont pu être obtenus grâce à des mesures inédites que nous avons prises et qui ont protégé les budgets locaux en traitant leurs points de fragilité.

Dès le mois de juin 2020, en projet de loi de finances rectificative et à la suite des premières recommandations émises par Jean-René Cazeneuve dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, nous avons mis en place la clause de sauvegarde des recettes fiscales et domaniales, garantissant à chaque commune, à chaque intercommunalité et à chaque syndicat de transport ou de loisirs de pouvoir percevoir une aide si le montant de ses recettes fiscales en 2020 tombe en deçà de la moyenne 2017-2019.

Nous avons également mis en place des avances aux départements sur le produit des DMTO, comme l’avait demandé l’Assemblée des départements de France (ADF). Nous avons ouvert 1 milliard d’euros de DSIL en cours d’exercice pour permettre aux nouvelles équipes municipales de lancer des projets d’investissement dès leur installation sans attendre 2021. Parallèlement, nous avons offert aux collectivités des facilités comptables leur permettant d’étaler des charges liées à la crise sur cinq budgets.

J’ajoute que la loi de finances pour 2021 a fait la part belle aux collectivités locales, notamment grâce aux accords trouvés dans le cadre du débat parlementaire. Nous avons reconduit le filet de sécurité et garanti les fonds départementaux de péréquation des DMTO pour les petites communes.

Pour ce qui est des départements, nous avons ouvert un fonds de stabilisation de 200 millions d’euros, lesquels s’ajoutent aux 115 millions d’euros de 2020. Nous prévoyons également de garantir leur fonds de péréquation à son niveau habituel.

Concernant les régions, nous avons fait d’une pierre deux coups en supprimant leur CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), afin d’épauler les entreprises, et en la remplaçant par une fraction de TVA, ce qui permet aux régions d’être protégées de la baisse de CVAE attendue en 2021. Enfin, nous avons ouvert 1,5 milliard d’euros de dotations d’investissement de relance supplémentaires, ces dotations s’ajoutant à d’autres aides spécifiques.

Bien entendu, nous ne sommes pas au bout de la crise ; nos efforts doivent se poursuivre. Ces efforts doivent être guidés par quatre principes.

Premier principe : il faut suivre en continu – vous avez eu tout à fait raison de le préciser – la situation financière des collectivités locales et en rendre compte devant le Parlement. C’est un travail sur lequel les services que je dirige avec Jacqueline Gourault ainsi que ceux d’Olivier Dussopt sont en permanence mobilisés. Un groupe de travail spécifique a été constitué avec les associations représentant le bloc communal pour partager les données au fur et à mesure. Il se réunit toutes les six semaines environ, et les comptes rendus de réunions sont transmis aux commissions des finances des deux assemblées.

Deuxième principe : il faut rassurer, car les perspectives pour 2021 sont loin d’être sombres. Selon les premières estimations, les recettes des collectivités devraient augmenter en 2021. À notre connaissance, les seuls produits fiscaux qui devraient diminuer sont ceux de la CVAE, de la taxe d’aménagement et de la taxe sur les remontées mécaniques. Ce n’est pas rien, mais c’est aussi très rassurant : cela signifie que l’immense majorité des recettes sont à l’abri. Rassurantes, au demeurant, sont les premières données pour 2021 : la CVAE ne devrait diminuer que de 1,1 %, le versement mobilité a progressé de 3,8 % sur le premier trimestre et les DMTO encaissés sur la même période augmentent de 10 % par rapport au premier trimestre de 2020.

Troisième principe : ne pas hésiter à proposer des aides supplémentaires quand la situation l’exige. C’est ce que nous allons faire dès demain en ouvrant, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, un fonds de 200 millions d’euros pour aider les collectivités confrontées à des pertes de recettes tarifaires ayant entraîné des difficultés budgétaires. Cette aide – c’est important – concernera aussi bien les services publics industriels et commerciaux que les services publics administratifs, afin de couvrir un large panel de situations.

Quatrième principe : il faut rester vigilant quant à l’exécution de France Relance. Nous avons dressé un premier état des lieux début mai, date à laquelle 80 % des dotations d’investissement ouvertes dans le plan de relance étaient programmées ou notifiées par les préfets. Nous vous rendrons compte en temps réel de l’actualisation de ce chiffre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour que le coût de la crise reste soutenable pour les finances locales et laisse aux collectivités la possibilité d’investir pour l’avenir du pays. (M. Didier Rambaud applaudit.)

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Depuis le début de la crise sanitaire, en mars 2020, nos finances publiques sont prises en étau : d’un côté, le ralentissement de l’activité économique a provoqué et va provoquer une diminution des recettes fiscales ; de l’autre, les mesures de soutien, évidemment appréciées, ont entraîné une augmentation importante des dépenses publiques. C’est vrai bien sûr pour le budget de l’État : avec le soutien aux entreprises, aux salariés, à l’ensemble du secteur sanitaire, le déficit a dépassé les 200 milliards d’euros. Mais les difficultés existent aussi au niveau des collectivités locales et des services dont elles ont la charge.

Je veux évoquer ici le cas particulier des lieux d’accueil pour enfants gérés par des collectivités. En effet, les recettes dépendent de leur fréquentation effective. Or, pendant la crise, cette fréquentation a baissé ; les recettes ont donc baissé elles aussi, qu’il s’agisse de la participation des familles ou des aides de la CAF. Il en va de même de la cantine scolaire, le service, en outre, se faisant à table plutôt qu’au self. Pourtant, dans le même temps, les coûts des ressources humaines sont restés les mêmes : élevés. En effet, même lorsque les personnels étaient placés en autorisation spéciale d’absence, les collectivités ont dû assumer la continuité des charges salariales. De surcroît, les frais d’entretien des locaux ont doublé avec l’augmentation du nombre d’interventions et des achats de produits de désinfection, et il a bien sûr fallu acheter des masques et des blouses et organiser les vaccinations.

Il faut remercier les collectivités, communes, départements, qui ont effectué avec beaucoup de dévouement, pendant la crise du covid, un travail de proximité important et nécessaire.

Vous nous avez certes un petit peu rassurés, monsieur le secrétaire d’État, mais beaucoup d’élus s’inquiètent de l’impact de cette situation sur les finances publiques locales. Quels sont les dispositifs nouveaux qui permettront aux collectivités de faire face, d’une part, à la baisse des recettes et, d’autre part, à l’augmentation des dépenses ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Joël Giraud, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Chasseing, comme je viens de l’annoncer, le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté demain en conseil des ministres comporte un dispositif d’aide au profit des communes, plus précisément des services qui sont gérés en régie et ont été confrontés à une baisse des recettes tarifaires en 2020. Je rappelle qu’il s’agit là d’un engagement pris par le Premier ministre au mois de mars, sur lequel Jacqueline Gourault, Olivier Dussopt et moi-même travaillons depuis plusieurs semaines.

Le constat que nous avons fait est celui d’une baisse nette de 30 %, en 2020, des recettes dites « liées à la fourniture de prestations de services à caractère social, périscolaire ou culturel » pour le bloc communal, alors même que les recettes de fonctionnement ne diminuent globalement que de 1 %. Ces pertes de recettes sont assez localisées ; elles touchent un nombre limité de communes, en particulier des communes très peuplées dotées de nombreux équipements ou de petites communes où se trouve un équipement très spécifique, par exemple des thermes, un centre thermoludique ou un centre aqualudique géré en régie.

Concernant le dispositif lui-même, je tiens à préciser qu’il s’agira d’une dotation budgétaire et non d’un système d’avance remboursable. Le montant qui sera inscrit au budget – je l’ai dit précédemment – s’élèvera à 200 millions d’euros, ce qui est une somme substantielle. Il sera décliné en deux volets, comme je l’ai indiqué.

Un premier volet compensera les pertes d’épargne brute auxquelles sont confrontés les services publics industriels et commerciaux en s’inspirant de la logique de compensation qui avait été retenue pour les entreprises privées – le but du système est l’équité.

Un second volet consiste à créer un fonds d’urgence au profit des communes et des groupements de communes à raison de leurs pertes de recettes tarifaires et de la fragilisation de l’équilibre de leurs services publics administratifs, selon des critères que nous devrons préciser au cours du débat parlementaire afin de cibler l’argent public sur les collectivités qui connaissent de réelles difficultés tarifaires. Il faudra évidemment regarder comment se sont comportées les recettes des services scolaires et périscolaires et des services de cantine, que vous signalez à mon attention, pour déterminer par quels moyens il sera possible d’aider ces collectivités en difficulté.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon.

M. Daniel Salmon. Lorsque, le 16 mars 2020, l’ensemble des structures scolaires et périscolaires et des équipements publics ont été amenés à fermer, nombre d’agents territoriaux ont été placés en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail, quand d’autres sont restés en présentiel.

Beaucoup de collectivités ont eu du mal à anticiper la gestion de leur personnel lors de cette crise exceptionnelle.

L’enquête intitulée La crise sanitaire et ses impacts en matière de gestion des ressources humaines réalisée par les associations de collectivités a révélé que les mesures d’accompagnement prises en matière de ressources humaines avaient eu un impact financier significatif pour la majorité des communes.

Les collectivités et les établissements publics ont démontré une véritable capacité d’adaptation là où il s’est agi d’assurer leurs missions de service public. Il n’en demeure pas moins que beaucoup d’agents territoriaux ont fréquemment exercé des fonctions inhabituelles par rapport à leur cadre d’emploi, les collectivités ayant dû intervenir dans des domaines outrepassant leurs compétences habituelles.

Pour honorer cet engagement sans faille, un dispositif de primes pouvait être institué, mais tous les agents n’ont pu en bénéficier, toutes les collectivités ne pouvant se le permettre. Selon l’étude précitée, 100 % des communes de plus de 50 000 habitants ont délibéré d’instituer une prime, contre seulement 23 % des communes de moins de 2 000 habitants.

Vous en conviendrez, il était difficile pour ces petites communes, dont l’équilibre budgétaire est fragile, de verser des primes tout en supportant les surcoûts liés à l’acquisition de matériel de protection ou destiné au télétravail, au paiement des heures supplémentaires, à la prise en charge du coût du remplacement des agents placés en ASA ou du coût inhérent à l’élaboration d’un plan de continuité d’activité.

La crise sanitaire n’est pas encore derrière nous et d’autres crises de ce genre pourraient survenir.

Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous renforcer les moyens des collectivités, notamment des plus petites, afin de limiter les disparités entre les agents territoriaux ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Joël Giraud, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Salmon, je voudrais tout d’abord m’associer à l’hommage que vous rendez aux agents publics, qui n’ont pas ménagé leur peine pendant cette crise – j’en suis moi-même le témoin, ayant bénéficié des services du centre de vaccination d’une intercommunalité de 6 000 habitants.

Pour récompenser les agents méritants, la loi de finances rectificative d’avril 2020 a prévu la possibilité d’attribuer une prime exceptionnelle d’un montant maximal de 1 000 euros. Cette prime s’adresse aux agents qui se sont particulièrement mobilisés pour assurer la continuité de l’activité de la collectivité au prix d’un surcroît de travail, que ce soit en présentiel ou en télétravail.

Conformément aux règles qui organisent la libre administration des collectivités territoriales, celles-ci avaient toute latitude pour fixer le montant qu’elles souhaitaient attribuer. Bien entendu, le coût de la prime est à la charge de l’employeur. Je vois mal, au demeurant, quelle serait l’alternative : nous n’allons pas demander au contribuable national de payer des décisions qui relèvent de la gestion des ressources humaines d’une collectivité locale.

Cette question se pose d’ailleurs, en réalité, depuis 1982 : elle n’est pas spécifique à cette crise. Le constat que vous établissez, selon lequel les petites collectivités recourent moins que les autres à ce système de prime, vaut depuis toujours pour le montant des indemnités de droit commun versées par les collectivités selon leur taille. Je ne crois pas qu’il faille pour autant mélanger les responsabilités en matière de décisions de politique salariale.

À noter toutefois que le législateur a décidé d’exonérer la prime d’impôt sur le revenu ainsi que de cotisations et de contributions sociales, ce qui représente tout de même une économie pour les employeurs territoriaux, dont une partie de la charge s’est retrouvée en fait payée par l’État.