Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’article 2 de la proposition de loi prévoit effectivement la mise à disposition du DUERP auprès des anciens travailleurs. Or cette mise à disposition n’exclut pas, en soi, la remise, en fonction des situations, d’une copie du document.

Aujourd’hui, le DUERP doit être mis à la disposition de l’inspection du travail ou des caisses d’assurance retraite et de santé au travail (Carsat). On peut imaginer que, dans le cadre des contrôles, cette mise à disposition vaut remise du document ou de sa copie à ces instances. Par conséquent, une telle précision ne nous paraît pas nécessaire.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 140.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 47, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 24, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Un extrait du document est remis à tout ancien travailleur qui en fait la demande, dans des conditions définies par décret.

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Je suis désolée de le dire, une mise à disposition n’est pas équivalente à la remise d’un document.

Le présent amendement, tout comme le précédent, tend à compléter l’article 2. Il vise à garantir la remise du DUERP à toute personne qui en ferait la demande. En effet, il ne suffit pas de permettre à un ancien travailleur de consulter ce document dans l’entreprise.

Dans sa version actuelle, l’alinéa 24 prévoit que le DUERP et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs – il faut entendre ce que cela signifie ! –, des anciens travailleurs, ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier un intérêt à y avoir accès.

Le syndicat CFE-CGC, qui est signataire de l’ANI, nous a alertés sur le fait que cette rédaction ne correspond pas totalement à l’esprit de l’accord national interprofessionnel sur la santé au travail.

Dans la mesure où vous avez le souci de respecter en tout point l’équilibre de la négociation collective, je pense que vous serez attentif à ce point.

En effet – il convient de le rappeler –, l’accessibilité au DUERP par les salariés après qu’ils ont quitté l’entreprise, prévue au 1.2.1.2 de l’ANI, doit leur permettre de constituer éventuellement un dossier de maladie professionnelle en s’aidant du DUERP, lequel retrace les expositions aux risques professionnels.

En ce sens, une simple tenue à disposition du document ne suffit pas. Tout ancien travailleur qui en fait la demande doit se voir remettre un extrait du document unique. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Même avis défavorable que précédemment. Cet amendement est déjà satisfait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 47.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 48, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 24, seconde phrase

Remplacer le mot :

quarante

par le mot :

cinquante

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’exercice auquel je m’astreins peut paraître quelque peu stérile !

Dans sa version actuelle, l’alinéa 24 de l’article 2 prévoit que le DUERP et ses versions successives sont conservés par l’employeur et tenus à la disposition des travailleurs, des anciens travailleurs, ainsi que de toute personne ou instance pouvant justifier un intérêt à y avoir accès, et ce pour une durée qui ne peut être inférieure à 40 ans.

Si la mention d’une durée minimale de conservation constitue une avancée, la durée retenue, de 40 ans, nous semble trop courte.

En effet, l’âge de départ à la retraite – nous le regrettons ! – est progressivement reculé, si bien que le nombre d’années requises pour une retraite à temps plein est désormais de 42 ans. La durée de conservation du DUERP devrait tenir compte de ces paramètres, certes régressifs, mais effectifs.

Par ailleurs et principalement, dans l’esprit de l’ANI, l’accessibilité au DUERP vise à permettre aux salariés de constituer éventuellement – nous l’avons déjà signalé – un dossier de maladie professionnelle. Il est donc indispensable que la durée de conservation garantisse l’accès à ce document, y compris aux ayants droit des salariés décédés. Je vous le rappelle, les accidents du travail font plus de 500 morts par an !

Nous proposons donc, par cet amendement, d’allonger la durée de conservation du DUERP, en la portant à 50 ans, au lieu des 40 ans prévus par la rédaction actuelle de l’article 2.

Cette durée tient compte de la remarque formulée par M. le rapporteur en commission. Celui-ci avait en effet indiqué que les dossiers médicaux des travailleurs exposés aux risques chimiques et nucléaires devant être conservés pour une durée minimale de 50 ans, la durée de 60 ans, que nous avions proposée initialement, était trop importante.

Les risques chimiques étant l’un des facteurs de risques les plus importants, souvent reconnus avec beaucoup de retard, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de retenir une durée de 50 ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. La durée de 40 ans se justifie par le délai de latence de certaines pathologies dues à l’exposition à des agents dangereux, notamment chimiques. Certains cancers peuvent en effet apparaître 35 ans après la fin de l’exposition.

En outre, la durée de 40 ans correspond en moyenne à la durée d’une carrière professionnelle. À l’inverse, la durée de 50 ans nous paraît excessive.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

Permettez-moi d’ajouter un élément auquel vous devriez être sensible, madame la sénatrice. L’article 15 de la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail prévoit une conservation des données relatives à ces risques pour une durée de 40 ans après l’exposition.

Dans la mesure où nous devrions pouvoir partager cette référence, je vous invite, madame la sénatrice, à bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous soutenons l’amendement de notre collègue.

En effet, de nombreux salariés, une fois qu’ils ont pris leur retraite, découvrent qu’ils ont un cancer. C’est notamment le cas, dans mon département, pour les « cancers de l’amiante ». Je suis donc favorable à un délai de 50 ans.

Les carrières s’étalent aujourd’hui sur 42 ans, 43 ans, voire 44 ans pour les salariés ayant démarré jeunes. Or malheureusement, c’est souvent à la fin de leur carrière qu’ils découvrent qu’ils ont une maladie grave.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Pour ma part, j’ai travaillé dans une entreprise qui a dû reconnaître le préjudice d’anxiété du fait d’une problématique liée à l’amiante.

Vous évoquez une durée de 40 ans après l’exposition. Mais si l’exposition a lieu au cours des 10 dernières années de la carrière, cette durée n’est pas suffisante !

De fait, pour ce qui concerne les cancers liés à l’amiante, mais pas seulement, les tableaux professionnels évoquent une période de latence pouvant aller bien au-delà.

Le risque chimique ne concerne pas uniquement le monde industriel. Il touche aujourd’hui de très nombreuses activités, y compris dans le secteur tertiaire. Il est incroyable de ne pas le prendre en compte !

Les effets de l’exposition à ce risque peuvent se manifester après un délai de 50 ans. Par conséquent, du fait de sa fréquence dans tous les secteurs – le secteur agricole, le secteur secondaire et le secteur tertiaire – soyons prudents et retenons une durée de 50 ans.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 48.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.

(Larticle 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article 2 bis

Article additionnel après l’article 2

Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié, présenté par Mmes Taillé-Polian et Poncet Monge, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 4121-2 du code du travail, il est inséré un article L. 4121-2-…. ainsi rédigé :

« Art. L. 4121-2-…. – Les actions de prévention prévues à l’article L. 4121-1 comprennent par ordre de priorité :

« 1° Des actions de prévention primaire visant à supprimer ou à réduire les risques d’atteinte à la santé d’origine professionnelle en agissant le plus en amont possible sur les plans organisationnel, technique et humain ;

« 2° Des actions de prévention secondaire visant à agir le plus précocement possible sur les risques à partir des actions de suivi et de dépistage ;

« 3° Des actions de prévention tertiaire visant à limiter les conséquences des dommages et à favoriser le maintien dans l’emploi. »

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les actions de prévention au travail pâtissent de leur méconnaissance par de nombreux employeurs. Dans certains cas, il en résulte une défaillance dans l’organisation générale de la prévention, parfois jugée optionnelle, et l’absence de mesures particulières adaptées aux situations vécues par les salariés.

Vous le savez, mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. C’est pourquoi cet amendement vise à définir les trois piliers de la prévention – primaire, secondaire et tertiaire – dans le code du travail. Cette définition aidera le législateur à formuler plus clairement son intention pour chaque type de prévention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans le code du travail les définitions des préventions primaire, secondaire et tertiaire.

Une telle classification est évidemment pertinente et couramment utilisée par les professionnels de la prévention. Les partenaires sociaux signataires de l’ANI ne se sont d’ailleurs nullement interrogés quant aux différences entre préventions primaire, secondaire et tertiaire.

Selon moi, cette terminologie est acquise par tous. La loi n’a pas forcément vocation à informer les employeurs, ni même à aider le législateur à mieux définir ce qu’il souhaite.

En outre, nous ne mesurons pas tout à fait la portée de ces ajouts législatifs, en ce qui concerne notamment l’obligation de moyens et la responsabilité des employeurs. Bien évidemment, nous partageons l’objectif de renforcer la prévention dans ses différentes dimensions, notamment la prévention primaire dont la définition ne fait aucun doute. Pour autant, je considère que sa promotion ne doit pas se traduire par un excès de normes.

J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 40 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Article additionnel après l'article 2 - Amendement n° 40 rectifié
Dossier législatif : proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail
Article additionnel après l'article 2 bis - Amendement n° 90 rectifié

Article 2 bis

Le chapitre II du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa de l’article L. 2242-1, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

2° Au 2° de l’article L. 2242-13, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

3° La sous-section 3 de la section 3 est ainsi modifiée :

a) À l’intitulé, le mot : « au » est remplacé par les mots: « et des conditions » ;

b) Au premier alinéa de l’article L. 2242-17, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de » ;

c) Il est ajouté un article L. 2242-19-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2242-19-1. – La négociation peut également porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels. Elle peut s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels. »

Mme la présidente. L’amendement n° 223, présenté par Mme Gruny et M. Artano, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Après le mot :

négociation

insérer les mots :

prévue à l’article L. 2242-17

La parole est à M. le rapporteur.

M. Stéphane Artano, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 223.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Remplacer les mots :

peut également porter

par les mots :

porte également

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. L’article 2 bis de la proposition de loi prévoit que, lors de la négociation obligatoire sur la qualité de vie au travail, les échanges entre l’employeur et les représentants du personnel pourront porter sur la qualité des conditions de travail.

Le syndicat CFE-CGC, signataire de l’ANI, nous a alertés sur le fait que cette rédaction, en faisant de ces échanges une simple possibilité, ne traduisait pas l’esprit de l’accord national interprofessionnel, dont les signataires sont parvenus à trouver un équilibre auquel vous êtes sensibles, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, et qu’il convient de respecter.

En effet, au 2.2 de l’ANI, les partenaires sociaux sont convenus de revoir l’approche traditionnelle de la qualité de vie au travail afin d’y intégrer les conditions de travail, comme cela avait été initialement prévu par l’ANI sur la qualité de vie au travail de juin 2013.

Par l’un de nos amendements adopté en commission, cette ambition commune a été traduite dans le code du travail par le remplacement, en chacune de leurs occurrences, des termes « qualité de vie au travail » par les termes « qualité de vie et des conditions de travail ».

Par cet amendement, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose d’aller jusqu’au bout de cette mise en cohérence de l’article 2 bis de la proposition de loi avec cette ambition de l’ANI, en prévoyant que la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte systématiquement, et non éventuellement, en sus de la liste de thématiques visées à l’article L. 2242-17 du code du travail, sur la qualité des conditions de travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Nous pensons au contraire que cette proposition de loi va au bout de ce qui a été prévu dans le cadre de l’ANI.

L’article 2 bis prévoit en effet que les partenaires sociaux « peuvent » négocier en entreprise sur la qualité des conditions de travail lorsque cette négociation s’inscrit dans le cadre des dispositions supplétives du code du travail, c’est-à-dire lorsque les partenaires sociaux n’ont pas conclu d’accord de méthode sur le contenu et la périodicité de la négociation.

Cet amendement, qui a déjà été rejeté par la commission, vise au contraire à rendre ce thème obligatoire. Nous considérons, quant à nous, qu’il n’est pas souhaitable de contraindre excessivement la négociation en entreprise, au-delà des thèmes déjà imposés par le code du travail.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 50.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, M. Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco et MM. Parigi et Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 8, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et de l’organisation du travail

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Permettez-moi d’exprimer mon étonnement quant au sort réservé à l’amendement précédent.

Les signataires de l’ANI – je l’ai dit lors de la discussion générale – nous ont montré qu’en plusieurs endroits du texte l’équilibre obtenu n’était pas respecté. Ce sont ces signataires eux-mêmes qui portent ces amendements dans le but de revenir aux termes de l’ANI, et vous faites comme s’il s’agissait d’un fantasme de notre part ! Peut-être certains d’entre eux finiront-ils par regretter d’avoir souscrit à cet accord…

L’amendement n° 51, comme le précédent, vise à compléter l’article 2 bis, qui prévoit la possibilité d’intégrer la qualité des conditions de travail, notamment la santé et la sécurité au travail, ainsi que la prévention des risques professionnels à la négociation obligatoire en entreprise.

Les partenaires sociaux signataires, en visant les conditions de travail au 2.2 de l’ANI sur la santé au travail, souhaitaient en effet que « l’approche traditionnelle de la qualité de vie au travail soit revue pour intégrer la qualité de vie et des conditions de travail » et inclue ainsi davantage l’organisation du travail.

Le fait de réfléchir et d’agir, dans le cadre des négociations en entreprise, sur l’environnement de travail via la question des conditions de travail, constitue une avancée – nous l’avons pointée. Mais il est indispensable, pour remplir pleinement l’objectif de prévention primaire, d’agir plus nettement sur l’organisation du travail, qui a subi de profondes transformations et peut être une cause de stress professionnel.

On ne saurait aborder la santé et la sécurité au travail, ainsi que la prévention des risques professionnels, comme c’est l’objet de l’alinéa 8, sans aborder l’organisation du travail, qui est souvent un facteur de risques psychosociaux.

Redonner aux salariés, premiers concernés, la possibilité d’intervenir et de s’exprimer sur cette organisation est indispensable pour lutter efficacement contre les risques psychosociaux et redonner sens et utilité aux missions exercées.

Nous proposons donc, par cet amendement, d’ajouter l’organisation du travail aux items sur lesquels la négociation en entreprise doit porter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. L’article 2 bis prévoit une négociation sur les conditions de travail. L’amendement que vous proposez, ma chère collègue, vise à y inclure le thème de l’organisation du travail.

Si cet article incite les partenaires sociaux à se saisir du thème de la qualité des conditions de travail, il ne mentionne qu’une possibilité. Il n’est pas nécessaire d’ajouter à la liste un thème sur lequel une négociation peut déjà avoir lieu.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Comme M. le rapporteur, j’entends vos arguments, madame la sénatrice.

Il reste que l’ANI a été signé par l’ensemble des organisations syndicales, qui ont été évoquées à plusieurs reprises. Je l’ai dit, je le répète : des équilibres ont été trouvés, qu’il faut respecter. Pour ce qui est de la qualité de vie au travail (QVT), des dispositions permettent déjà aux partenaires sociaux de se saisir de ce sujet s’ils le souhaitent – cette option leur est offerte.

Nous avons entamé, en 2017 – mais sans doute divergeons-nous aussi sur ce point – un effort de rationalisation. En entreprise, le calendrier des négociations sociales est déjà extrêmement touffu. Mener à bien ces négociations exige d’ailleurs de s’investir : si négocier veut dire se contenter d’une réunion paritaire et en déduire que tout va bien, cela a peu d’intérêt…

Je préfère que les sujets soient très clairement posés, comme cela est le cas aujourd’hui, sans en rajouter : il y a déjà de quoi faire dans les entreprises. Que ce qui est prévu soit fait à fond ; les entreprises qui le peuvent et le souhaitent ont la possibilité de mener de surcroît des échanges sur l’organisation du travail lorsque cela se justifie.

J’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Les anciennes instances représentatives du personnel – délégués du personnel (DP) et comité d’entreprise (CE) – se réunissaient une fois par mois. Avec la création du CSE, on est passé d’une réunion mensuelle obligatoire à six réunions par an seulement.

Mme Raymonde Poncet Monge. Autrement dit, la tendance n’est pas à « ajouter » quoi que ce soit, mais bien à enlever !

Si les choses étaient si évidentes, il aurait été préférable que les ordonnances de 2017 n’en soient pas, et que la loi s’y substitue. Ainsi, on aurait pu en discuter ! Je pense notamment à l’incidence de la disparition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) sur la prise en compte du travail réel, et non prescrit, au plus près des organisations du travail. Sans le CHSCT, une distance s’est creusée…

Les élus du CHSCT étaient les élus les mieux perçus dans l’entreprise – j’ai assez travaillé en entreprise pour le savoir. Très proches du travail concret, ils n’ignoraient rien des conditions de travail ni des souffrances de leurs collègues, qu’ils faisaient « remonter ». Ils bénéficiaient d’une véritable aura dans l’entreprise, et ce n’est pas pour rien qu’on a supprimé leur instance pour les fondre dans un CSE qui, à défaut d’accord, se réunit seulement six fois par an, et pour traiter de tous les problèmes !

Non, la tendance n’est pas à l’aggravation des obligations : elle n’est pas à « en rajouter ». Il faudrait peut-être cesser, à l’inverse, d’en supprimer !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.

M. Guy Benarroche. Je suis surpris par cette considération selon laquelle faire de l’organisation du travail un élément moteur de la réflexion obligatoire reviendrait à complexifier celle-ci.

Intéressez-vous à ce que demandent les 900 médecins du travail qui ont signé une lettre à ce sujet – je me permets d’en parler parce que ma femme a été médecin du travail pendant 40 ans : la prégnance de l’organisation du travail ou des facteurs liés à l’organisation du travail, notamment, sur la réalité de la souffrance au travail des salariés n’a cessé de s’accroître. Ma femme en a été témoin à propos d’une entreprise qui a été mise en cause nationalement à ce sujet, plus particulièrement pour sa gestion de l’un de ses entrepôts.

La nécessité de prendre en compte l’organisation du travail dans le champ de la négociation obligatoire en entreprise s’impose aujourd’hui au monde du travail, et je trouve un peu surprenant que cette nécessité ne vous apparaisse pas comme telle. Inclure ce thème dans la négociation ne saurait être un frein : ce ne peut être que bénéfique pour ladite organisation !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 208, présenté par Mme Poumirol, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° À l’article L. 2281-5, au premier alinéa de l’article L. 2281-11 et au premier alinéa de l’article L. 2312-26, le mot : « au » est remplacé par les mots : « et des conditions de ».

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Il s’agit toujours du même thème.

L’article 2 bis prévoit de remplacer, dans le code du travail, la notion de « qualité de vie au travail » par celle de « qualité de vie et des conditions de travail », introduite par l’accord national interprofessionnel pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé au travail et de conditions de travail.

Est ainsi visé un élément fondamental de la prévention primaire – mes collègues écologistes viennent d’en développer l’analyse –, à savoir l’organisation même du travail.

Dans le prolongement des modifications apportées par la commission des affaires sociales, cet amendement a pour objet d’harmoniser la terminologie du code du travail en remplaçant, en chacune de leurs occurrences, les termes « qualité de vie au travail » par les termes « qualité de vie et des conditions de travail ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Stéphane Artano, rapporteur. Votre proposition, madame Poumirol, s’inscrit dans la continuité des travaux de la commission, qui, sur votre initiative notamment, a sacralisé au niveau législatif la notion de « qualité de vie et des conditions de travail » mentionnée dans l’ANI. Il s’agit donc de procéder, en toute logique, à un certain nombre d’harmonisations dans le code du travail.

J’émets un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat. Avis favorable également, pour les raisons qui viennent d’être exposées par M. le rapporteur. (On sen félicite sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)