PRÉSIDENCE DE M. Georges Patient

vice-président

reprise de la papeterie normande chapelle darblay

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 1753, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Didier Marie. Madame la ministre, en juin 2020, la papeterie normande Chapelle Darblay, unique entreprise à fabriquer du papier 100 % recyclé en France, fermait, malgré sa rentabilité, en raison, selon son propriétaire finlandais UPM, d’un manque de compétitivité et du déclin structurel du papier journal.

Cette usine, fleuron de l’économie circulaire en activité depuis près d’un siècle, pouvait absorber jusqu’à 480 000 tonnes de papier à recycler par an, soit le résultat du tri de 24 millions d’habitants. Dans l’espoir d’une reprise, elle n’a pas été démantelée. Depuis sa fermeture, ses machines et sa chaudière biomasse sont dormantes, mais restent utilisables.

Les repreneurs avaient jusqu’au 30 juin 2021 pour se signaler. Or, le 2 juillet, le propriétaire de l’usine a présenté, dans le cadre d’un comité social et économique exceptionnel, une offre de rachat pour le moins étonnante, puisqu’il s’agit d’une transformation du site en une unité de production d’hydrogène.

Cette offre, issue d’un acteur qui se positionne partout en France, reprendrait seulement partiellement les pièces des machines du site. Elle n’implique ni fret maritime ni fret fluvial et prévoit seulement 70 emplois – pour rappel, ce sont 230 personnes qui ont été licenciées en juin 2020, lors de la fermeture du site.

Référence en matière de transition écologique, Chapelle Darblay représente un important savoir-faire en matière de recyclage, secteur dont l’avenir ne fait aucun doute.

Dans une lettre d’intention, Veolia, géant du traitement de l’eau et des déchets, a présenté, avec deux partenaires, un projet de reprise sérieux et cohérent, qui permettrait de prolonger son activité papetière. Ce groupe a besoin de trois mois pour finaliser ce projet et le transformer en offre concrète. Je me réjouis, dans ce contexte, que, grâce à la mobilisation des salariés de l’usine, la décision finale ait été retardée au mois de septembre prochain.

Compte tenu de l’intérêt de ce projet, qui préserve les compétences de Chapelle Darblay, et de l’engagement pris par le Gouvernement en matière de transition écologique, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir intervenir auprès du propriétaire de ce site pour en assurer la sauvegarde à tous points de vue et de m’indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre en ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le sénateur Didier Marie, je vous remercie de votre question, qui me permet de rappeler l’engagement, sur ce dossier, de la ministre chargée de l’industrie, Agnès Pannier-Runacher. Celle-ci travaille activement à la reconversion du site emblématique de Chapelle Darblay, en instance de cession par son propriétaire, le groupe finlandais UPM.

Je ne vous apprends rien : ce site a dû fermer il y a un an faute de repreneur, dans un contexte sanitaire défavorable. Le Gouvernement a œuvré pour favoriser une reprise, aux côtés des représentants du personnel, dont nous saluons l’implication décisive. L’État a engagé une troisième prospection internationale au début du mois de septembre 2020, via Business France, aux côtés de la région Normandie.

En parallèle, ma collègue a confié une mission au Conseil général de l’économie pour déterminer des pistes de reconversion durable pour Chapelle Darblay.

Le marché du papier journal étant en forte décroissance, la pérennité de l’emploi et de l’activité industrielle exigeait de nouvelles perspectives.

De plus, des pistes de valorisation des actifs présents sur le site, en particulier de la chaudière de biomasse et de la station d’épuration, ont été recherchées. Le Gouvernement et les services de l’État sont en contact direct avec plusieurs acteurs industriels.

Enfin, la convention de revitalisation conclue entre l’État et UPM prévoit le versement de 500 000 euros par UPM, attribués au projet de reprise du site.

Comme vous le savez également, à quelques kilomètres de Chapelle Darblay, une autre papeterie produisant du papier d’impression et comptant 180 emplois, Alizay, se trouvait en grande difficulté.

Nous avons pu garantir la reprise de ces deux sites papetiers normands. Pour chacun d’eux, nous avons une solution d’avenir.

Alizay est reprise par le cartonnier VPK et deviendra un grand pôle de recyclage, avec la production de papier carton pour emballage et la construction d’une usine de recyclage de papiers. Ces productions bénéficieront de l’énergie verte produite par une chaudière biomasse.

À Chapelle Darblay, l’offre de reprise que vous avez mentionnée est portée par deux groupes, Samfi et Paprec, dont les activités sont complémentaires. Alors que 70 emplois seront créés à court terme par l’entreprise Paprec, spécialiste du recyclage et de la valorisation des déchets, 140 emplois supplémentaires seront créés par le groupe Samfi et sa filiale H2V, pour la production d’hydrogène. Nous parlons donc de 210 emplois au total.

Quant à l’entreprise Veolia, présente dans la procédure depuis plus d’un an, elle n’a pas souhaité déposer d’offre ferme pour la reprise de Chapelle Darblay. La lettre d’intention transmise à quelques jours de la fin de la procédure n’a pas suffi à assurer un caractère sérieux.

Nos objectifs sont néanmoins remplis : la filière du recyclage en Normandie, l’activité industrielle à Chapelle Darblay et Alizay et 400 emplois seront maintenus et assurés.

M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.

M. Didier Marie. Je vous remercie, madame la ministre, mais votre réponse ne me satisfait pas.

Le groupe Veolia, associé à deux autres entreprises, a rédigé une lettre d’intention qui ne l’engage pas juridiquement, mais a demandé trois mois de plus pour finaliser sa proposition.

Le préfet a indiqué que le dépôt de projet était reporté au mois de septembre prochain, ce qui nous convient. Nous souhaitons que le Gouvernement s’engage fortement en faveur d’une reprise par Veolia, en accompagnant ce projet dans tous les domaines qui puissent le faire aboutir.

décision du conseil constitutionnel sur les chartes relatives à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, auteur de la question n° 1704, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Joël Labbé. Madame la ministre, ma question concerne les pesticides.

La protection des riverains face aux épandages des pesticides est un enjeu de santé publique majeur.

Dans son dernier rapport, publié à la fin du mois de juin dernier, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) rappelle et alimente ce triste constat : l’exposition aux pesticides a bien un effet sur la santé – en premier lieu, sur celle des utilisateurs, mais aussi sur celle des riverains.

Malgré les vifs débats suscités par la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous – la loi Égalim –, malgré une injonction du Conseil d’État de 2019 à revoir la réglementation sur les pesticides, la réponse apportée est toujours plus que décevante. Elle consiste, en effet, à la mise en place de chartes départementales, supposées définir des règles de « bon voisinage », mais dont la fonction essentielle, sur le terrain, est de permettre de déroger aux distances d’épandage fixées par les textes, pourtant très réduites.

Sources majeures de tension à l’échelon local, ces chartes ont été attaquées et, en mars dernier, le Conseil constitutionnel les a jugées non conformes, estimant que la procédure de participation prévue pour leur élaboration ne respectait pas la Charte de l’environnement.

Pas plus tard qu’hier, dans le cadre d’un nouveau recours, le rapporteur public, présentant ses conclusions, appelait le Conseil d’État à annuler les textes encadrant l’épandage des pesticides, en demandant notamment l’information du public avant tout épandage, une distance de 20 mètres sans pulvérisation pour les pesticides CMR 2 – substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégorie 2 – et une protection pour les travailleurs à proximité des zones d’épandage.

Le Gouvernement vient pourtant – au cœur du mois de juillet – d’inviter les préfets à mettre en consultation de nouvelles chartes, sans attendre la décision du Conseil d’État, prévue d’ici à quelques semaines.

Ce passage en force est, pour nous, inacceptable. Aussi, le Gouvernement prévoit-il de sortir de l’inaction sur ce sujet et de mettre en place de nouveaux textes qui soient réellement protecteurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le sénateur Joël Labbé, comme vous le rappelez, dans la décision n° 2021-891 QPC qu’il a rendue le 19 mars dernier à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les dispositions relatives à la mise en consultation des chartes d’engagements prévues par le code rural. Plus précisément, le Conseil constitutionnel a relevé que la procédure particulière de concertation introduite dans le code rural par la loi Égalim du 30 octobre 2018 ne répondait pas aux exigences imposées par l’article 7 de la Charte de l’environnement, laquelle figure en préambule de notre Constitution.

En conséquence, les chartes qui n’ont pas été mises en consultation conformément aux dispositions du code de l’environnement doivent faire l’objet d’une consultation adaptée, donc de nouvelles discussions.

Il me semble important de préciser que cette décision ne remet pas en cause les chartes, qui ont pour objet de formaliser les engagements des acteurs sur un territoire. C’est la manière dont elles ont été concertées, avec les parties prenantes, qui n’est pas conforme aux attendus du droit.

Il convient également de rappeler que l’adaptation des distances de sécurité repose sur une série de mesures apportant des garanties en matière d’exposition des résidents par rapport aux conditions normales d’application des produits.

Le Gouvernement a pris acte de la décision du Conseil constitutionnel et s’est rapidement mis en capacité de se conformer à cette décision. Un recensement des modalités précises de mise en consultation publique des chartes a ainsi été effectué.

Monsieur le sénateur, je vous confirme l’ambition du Gouvernement de préserver la démarche vertueuse que constituent les chartes élaborées dans les départements. Celles-ci favorisent le dialogue entre les parties prenantes, dans l’intérêt de tous.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Madame la ministre, la réponse du ministre de l’agriculture et de l’alimentation ne me satisfait pas vraiment.

Nous parlons, en effet, de pesticides cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction.

Le ministre met en avant le label Haute Valeur environnementale (HVE), mais ce dernier permet de poursuivre l’utilisation de ces substances, particulièrement toxiques.

On se rend compte que le Gouvernement aide à ce que l’on appelle « la modernisation de l’agriculture », en baissant les aides à l’agriculture qui n’utilisent pas ces produits.

Nous espérons que les choses évolueront dans le bon sens !

implantation d’une pharmacie en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 1421, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, au début de l’année 2018, j’avais questionné Mme la ministre des solidarités et de la santé de l’époque sur la demande d’installation d’une pharmacie faite par la commune de Vézac, dans le Cantal.

Ce petit bourg a su mettre en œuvre, avec efficacité, une politique de développement qui porte ses fruits et il veut compléter son offre de services en créant un pôle santé. Il a déjà réussi à installer un cabinet d’infirmiers, de kinésithérapeutes et des discussions sont en cours en vue de l’installation d’un médecin.

Mais, alors qu’un pharmacien est prêt à rejoindre ce pôle santé, l’autorisation d’ouverture d’une officine lui a été refusée.

Dans sa réponse à ma question, la ministre avait ouvert une perspective d’assouplissement des critères, au travers de l’ordonnance du 3 janvier 2018. Depuis, le maire a sollicité le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), que j’ai moi-même saisie. Dans sa réponse, cette dernière motive son refus par la non-parution du décret d’application de l’ordonnance.

Comment peut-on empêcher des professionnels de santé de s’installer dans des territoires ruraux, alors même que ces territoires doivent relever le défi de leur attractivité et d’une offre de soins qui s’est considérablement dégradée ?

Madame la ministre, je vous poserai donc deux questions.

Pouvez-vous me dire quand paraîtra le décret d’application de l’ordonnance de janvier 2018, que nous attendons depuis trois ans ?

Le Gouvernement est-il prêt à réviser les critères de façon à répondre à la réalité des besoins des populations du secteur rural – dans le cas présent, en autorisant l’implantation d’une pharmacie dans la commune de Vézac ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le sénateur Bernard Delcros, je vous remercie de votre question. Je partage votre préoccupation : venant d’un territoire très rural, je suis moi aussi confrontée à ce genre de difficultés.

La France est plurielle. Elle fait d’ailleurs une richesse de la diversité de ses territoires. Mais il nous faut prendre en compte cette diversité pour adapter les politiques publiques en conséquence et répondre à l’aspiration légitime de nos concitoyens à l’égalité dans l’accès aux soins et aux traitements.

Le décret relatif aux territoires fragiles doit permettre aux agences régionales de santé, selon une méthodologie définie, d’identifier les territoires pour lesquels l’accès au médicament n’est pas assuré de manière satisfaisante.

Ainsi, les transferts d’officines dans ces territoires seront facilités et pourront se traduire par une installation, à proximité, par exemple, d’une maison de santé pluriprofessionnelle ou d’un centre commercial, sans être contraints par un seuil de population résidente.

Des transferts d’officines pourront être autorisés vers un ensemble de communes contiguës listées par arrêté de l’ARS, dès lors que ces communes sont dépourvues d’officine, que l’une d’elles comprend au moins 2 000 habitants et que l’ensemble atteint le seuil de population global requis.

Ce choix d’un seuil de 2 000 habitants pour au moins l’une des communes a pour objectif d’assurer une offre pharmaceutique qui, d’une part, réponde aux besoins d’une population, et, d’autre part, garantisse les conditions de survie économique de l’officine sur ce territoire.

D’ores et déjà, une première version de la méthodologie de zonage a été partagée et testée auprès de quatre ARS.

La méthodologie nationale envisagée tient compte du rapport IGAS-IGF de 2016, confirmé par un rapport de la Cour des comptes, qui ont constaté un maillage officinal satisfaisant, avec 97 % de la population vivant à moins de dix minutes en voiture d’une officine et 99,5 % à moins de quinze minutes.

Ce constat partagé avec la profession nécessite de bien mesurer le choix de la maille, si vous me permettez l’expression, et des indicateurs consacrés.

Le projet de décret relatif aux territoires fragiles vise ainsi à permettre aux ARS d’identifier, à partir de critères précis, les territoires pour lesquels l’accès à une pharmacie pour la population ne serait pas satisfaisant.

L’évolution de la situation sanitaire devrait permettre de finaliser ces travaux réglementaires dans le courant de l’année 2022 avec l’ensemble des acteurs mobilisés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour la réplique.

M. Bernard Delcros. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais la réalité nous impose de déroger à la règle des 2 000 habitants.

Cette règle n’est pas la bonne, ainsi que je vais le démontrer rapidement.

Mon département compte aujourd’hui 25 pharmacies installées dans de petits bourgs ruraux et apportant une offre de services à un bassin de vie composé de 10 à 15 communes rurales autour de ce bourg-centre. Ces pharmacies sont installées dans des communes de moins de 2 000 habitants, voire, pour certaines d’entre elles, de moins de 1 000 habitants. Elles ont fait la démonstration de leur utilité et de leur viabilité économique.

Avec les critères en vigueur aujourd’hui, ces pharmacies seraient interdites d’installation. C’est bien la meilleure preuve qu’il faut revoir les conditions d’installation des pharmacies en milieu rural !

Je compte vraiment sur le Gouvernement pour tenir compte de cette réalité.

Sachez que le maire et les élus de la commune de Vézac attendent avec impatience de pouvoir déroger à la règle des 2 000 habitants.

réforme des études de santé et pénurie de médecins

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 1660, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, la fin du numerus clausus devait permettre de former plus de médecins.

Mais la mise en œuvre chaotique de la réforme des études de santé, l’insuffisance de places pour accueillir à la fois les redoublants de l’ancien système et les nouveaux entrants conduisent à une tout autre réalité.

C’est en premier lieu insupportable pour les jeunes qui s’engagent dans des études de santé et voient leur parcours semé de tant d’embûches. Ils ont passé leurs examens dans le flou et l’incertitude, sans connaître le nombre de places ouvertes en deuxième année, sans savoir s’ils pourront continuer leur parcours ni où et comment.

C’est en second lieu quand tant de nos territoires manquent de médecins et de professionnels de santé.

L’université de Rouen voit ainsi le nombre de places en deuxième année de médecine augmenter de 6 % seulement – 9 % si l’on prend l’ensemble des filières médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie. On est loin des 14 % d’augmentation annoncés par le Gouvernement et encore plus de certaines universités parisiennes, alors que la Normandie est l’une des régions les plus déficitaires en médecins.

Le Conseil d’État vient d’enjoindre à quinze universités, dont celles de Rouen et de Caen, d’augmenter de 20 % leurs capacités d’accueil. Pour ce faire, il leur faut impérativement des postes de chefs de clinique, par exemple, mais aussi de quoi réaliser des investissements.

La faculté de médecine de Rouen a augmenté ses capacités d’accueil de plus de 220 % depuis le début des années 2000, à moyens constants. Pour accueillir davantage d’étudiants, il lui faut plus de moyens.

Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement, sachant que le projet de loi de finances rectificative que nous venons d’examiner ne comprenait aucun crédit supplémentaire en faveur des études de santé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Madame la sénatrice Céline Brulin, vous l’avez rappelé vous-même, le Gouvernement a agi sans tarder en supprimant le numerus clausus, qui grevait le nombre de professionnels de santé formés année après année. La question du nombre et de la répartition des professionnels de santé sur le territoire est donc une préoccupation majeure du Gouvernement.

Pour l’année 2021, 16 750 places sont offertes pour accéder à la deuxième année des études médicales, soit une augmentation sans précédent, au niveau national, de 12 % par rapport à l’année dernière. Cette augmentation s’inscrit dans la trajectoire prospective proposée par la conférence nationale du 26 mars 2021 en remplacement du numerus clausus, au travers des objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former.

Cette conférence, qui réunit l’ensemble des acteurs de la santé et les représentants d’élus locaux, a proposé de former 81 055 professionnels de santé, toutes filières médicales confondues, pour la période 2021–2025, soit une augmentation de plus de 14 % des effectifs sur cinq ans qui sera arrêtée par le Gouvernement. Pour la région Normandie, ce seront plus de 4 140 professionnels de santé qui seront ainsi formés.

C’est un véritable changement de paradigme dans la régulation de la démographie médicale, désormais définie au plus près des territoires. Le choix s’opère sur la base d’un large éventail d’indicateurs. Leur planification pluriannuelle visera à mieux répondre aux besoins de santé identifiés à l’échelon de chaque région, tout en tenant compte des capacités de formation des universités et des centres hospitaliers universitaires.

Cette augmentation ne se décrète pas simplement : nous devons accompagner la transformation des capacités d’accueil et de formation hospitalière pour donner corps à notre ambition. Cela ne peut se faire, vous en conviendrez, qu’en maintenant la qualité de ces formations, qui nécessitent un haut niveau d’exigence.

Par ailleurs, en plus du pilotage territorial, nous maintiendrons des objectifs nationaux pour disposer d’une capacité de suivi quantitatif.

Notre action en matière de régulation s’apprécie également à travers l’ouverture des postes d’internat. Depuis 2017, nous opérons un rééquilibrage territorial en augmentant chaque année le nombre de postes offerts dans les régions les moins bien dotées en médecins, tout en stabilisant les effectifs dans les régions les mieux dotées.

M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.

Mme Céline Brulin. Madame la ministre, nous connaissons tous ces chiffres, que l’on nous répète à l’envi.

Votre région étant particulièrement concernée, vous savez, comme moi, que certains services d’urgences, par exemple, vont devoir fermer cet été ou ne pas respecter leur amplitude habituelle. De même, des praticiens, des médecins de ville ne vont pas pouvoir être remplacés durant leurs congés… Il y a donc une urgence absolue à former davantage de médecins.

Certes, les capacités d’accueil ne se décrètent pas, mais le Gouvernement n’y consacre pas suffisamment de moyens. Je rappelle que le Conseil d’État a demandé à une quinzaine d’universités d’accroître ces capacités de 20 % dès la prochaine rentrée. Il faut donc débloquer des moyens en urgence.

difficultés de constatation d’un décès en zone rurale

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 1675, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.

M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention et celle du Gouvernement sur les difficultés de constatation d’un décès en zone rurale.

En zone rurale, faire constater un décès par un médecin devient un exercice de plus en plus difficile, en particulier le week-end et les jours fériés, où le manque de médecins disponibles est encore plus flagrant.

Le 15 avril dernier, le maire de la commune de Les Salles, dans mon département, M. Jean-Hervé Peurière, a vécu cette expérience très difficile et désagréable. Entouré de pompiers et de gendarmes, après avoir contacté, pendant plusieurs heures, cinq cabinets médicaux, le médecin du SMUR (structure mobile d’urgence et de réanimation), le bureau du procureur, sans aucun résultat, il a dû appeler son médecin personnel pour faire constater le décès d’une personne de 81 ans.

Face à cette situation, les maires sont en première ligne et sont régulièrement interpellés par leurs administrés. Ils se retrouvent seuls, souvent démunis, confrontés à des situations humaines extrêmement douloureuses et compliquées à gérer. La seule solution possible est actuellement de procéder à une réquisition administrative, procédure exceptionnelle et lourde pour un élu local.

Cette responsabilité pesante pour les maires n’est satisfaisante ni humainement ni juridiquement. De plus en plus d’élus souhaitent l’évolution des modalités de constatation d’un décès en cas d’absence d’un médecin disponible sur un territoire, et ce dans des délais raisonnables. Certains proposent de faire exceptionnellement appel aux pompiers ou aux infirmiers. Ce serait aussi une avancée considérable pour les familles, qui, dans ce moment de deuil, ne comprennent pas ces carences.

Ainsi, madame la ministre, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage d’adopter pour répondre aux préoccupations des élus et à la souffrance des familles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de lautonomie. Monsieur le sénateur Bernard Fournier, pour venir d’un territoire rural, je mesure toute la difficulté qu’une telle situation peut représenter et ajouter à la douleur des familles éprouvées par le deuil. De même, je connais la volonté d’engagement de nos édiles, déjà très investis au quotidien.

Le ministère a procédé à une modification du code général des collectivités territoriales, afin d’étendre à d’autres professionnels pleinement compétents la possibilité d’établir un certificat de décès – médecins retraités, étudiants de troisième cycle ayant validé deux semestres au titre de la spécialité qu’ils poursuivent, praticiens à diplôme étranger hors Union européenne, à compter de la deuxième année de leur parcours de consolidation.

Cette extension permet de répondre à un double enjeu : celui d’une diversification des personnes susceptibles d’être présentes sur le territoire tout en respectant le caractère médical d’un certificat de décès. L’établissement de ce certificat suppose en effet un diagnostic sur les causes de décès après examen du corps du défunt. Ce diagnostic est d’autant plus important qu’il est utilisé pour la veille sanitaire.

Les données figurant sur les certificats de décès sont utilisées pour établir les statistiques de décès et servent à identifier des alertes de santé publique de nature à appeler des mesures de la part des autorités sanitaires nationales ou régionales.

Il emporte également des conséquences sur les opérations funéraires dans la mesure où un obstacle médico-légal peut venir les retarder. Les médecins sont formés à évaluer la présence ou non d’un obstacle médico-légal, ce qui n’est pas le cas des pompiers ou des infirmiers.

Pour l’ensemble de ces raisons, une évolution nouvelle des catégories de professionnels susceptibles d’établir un certificat de décès n’est pas actuellement envisagée. Cependant, le ministère des solidarités et de la santé est à l’écoute de toutes les propositions constructives que vous pourriez formuler.