Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Même avis.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 64 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 100 rectifié bis est présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux.

L’amendement n° 105 rectifié est présenté par M. J.B. Blanc.

L’amendement n° 118 rectifié est présenté par M. Bourgi, Mme de La Gontrie, MM. Durain et Kanner, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, M. Bouad, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. Jeansannetas, P. Joly et Jomier, Mmes G. Jourda, Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner et Mérillou, Mme Meunier, M. Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, MM. Stanzione, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 9, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dont notamment la confidentialité des échanges entre l’avocat et son client

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 100 rectifié bis.

Mme Maryse Carrère. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié.

M. Jean-Baptiste Blanc. Défendu ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 118 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. L’alinéa 9 de l’article 1er du présent projet de loi énonce que « les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ».

Ces précisions sont évidemment les bienvenues, mais, à notre sens, ces garde-fous peuvent encore être renforcés.

C’est pourquoi nous souhaitons préciser que l’enregistrement d’une audience ne pourra en aucun cas attenter au secret professionnel de l’avocat, qui couvre tous les échanges entre celui-ci et son client, y compris pendant l’audience.

Ces échanges sont très nombreux lors des procès et permettent à l’avocat de conseiller son client et de préparer sa défense. En conséquence, l’enregistrement d’une audience ne doit pas permettre de retranscrire ces échanges ou de les restreindre, par crainte et anticipation des parties d’être entendues.

Nous proposons donc par cet amendement de garantir l’absolue confidentialité des échanges entre un avocat et son client.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission des lois est très favorable à ces trois amendements identiques. En effet, elle est très attachée au secret professionnel de l’avocat, qui doit englober tous les échanges entre l’avocat et son client. Il nous paraît donc utile d’apporter cette précision complémentaire à l’article 1er.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ces amendements sont en réalité déjà satisfaits, puisque la garantie légitime que vous appelez de vos vœux figure dans l’article 1er. Celui-ci précise ainsi que « les modalités de l’enregistrement ne doivent pas porter atteinte au libre exercice de leurs droits par les parties », au rang desquels figurent naturellement les droits de la défense. Je suggère un retrait, madame la présidente. J’avoue être un peu désarçonné, car c’est une précision que nous avions envisagée, et finalement abandonnée. Selon nous, elle est superfétatoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. J’entends la réponse du garde des sceaux. Le libre exercice du droit des parties inclut les droits de la défense, le droit de s’exprimer, le droit de se taire, etc. Tel n’est pas le sujet : nous discutons ici du fait que la caméra ne doit pas capter des échanges entre l’avocat et son client. C’est l’objet de ces amendements, et c’est pourquoi il importe d’apporter cette précision par écrit. Nous soutenons naturellement ces amendements.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 100 rectifié bis, 105 rectifié et 118 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 67, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 10

1° Première phrase

Remplacer les mots :

qu’après

par les mots :

au plus tôt qu’un an après

2° Seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle est réalisée sur le site internet du ministère de la justice, qui veille à la diffusion d’une variété d’audiences, tant civiles que pénales.

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Mme Marie-Claude Varaillas. Cet amendement concerne la diffusion des enregistrements sur le site du ministère de la justice au minimum un an après que l’affaire a été jugée. En cohérence avec notre amendement de réécriture n° 69 visant à expérimenter ce dispositif d’audiences filmées, nous proposons via cet amendement plusieurs aménagements pour améliorer le dispositif.

D’abord, nous souhaitons prévoir la diffusion des enregistrements au minimum un an après que l’affaire a été définitivement jugée, sauf devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État, juridictions pour lesquelles la diffusion pourra avoir lieu le jour même.

Ce délai nous semble très important pour éviter tout risque d’atteinte à la présomption d’innocence. Comme le souligne d’ailleurs le Syndicat de la magistrature, il empêcherait que ces enregistrements n’influent sur le délibéré ou sur la décision de l’éventuelle juridiction d’appel. Toute autre solution accroît le risque de verser dans la justice spectacle, qui n’est en rien propice à la sérénité des débats.

Par ailleurs, nous estimons que le meilleur canal de diffusion serait une page spéciale du le site internet du ministère de la justice, sur le modèle des diffusions des débats parlementaires disponibles sur les sites internet des assemblées parlementaires. Il s’agit pour nous d’une garantie nécessaire. À défaut, comme nous l’avons précédemment exposé, le service public télévisuel devrait bien entendu être utilisé, et en aucun cas les chaînes privées. Le principe de gratuité de la diffusion, défendu par les rapporteurs, s’en trouverait réaffirmé.

Enfin, cet amendement prévoit des diffusions à l’image de la diversité des audiences. En effet, ces diffusions ne sauraient être focalisées sur le seul procès pénal, qui peut être instrumentalisé à des fins politiciennes. C’est avant tout la diffusion de la justice du quotidien dans toute sa variété qui nous semble intéressante : justice prud’homale, justice civile, comparutions immédiates… Cette variété permettra à nos concitoyens de mieux comprendre notre justice, mais aussi de constater par eux-mêmes les inégalités sociales qu’elle traduit, ainsi que les conditions souvent indigentes dans lesquelles les professionnels de la justice sont amenés à travailler.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement pour deux raisons.

La première tient au fait que vous souhaitez rallonger d’un an la période au terme de laquelle la diffusion est autorisée. Or je vous rappelle que la diffusion n’est possible qu’une fois l’affaire définitivement jugée. Quel est l’intérêt d’ajouter un an supplémentaire à un délai qui, déjà, peut s’avérer parfois extrêmement long ?

La deuxième raison porte sur la publication des enregistrements sur le site du ministère de la justice. Cette option me semble contre-productive. Elle va selon moi à l’encontre de l’objet de l’article 1er qui, rappelons-le, vise à faire connaître le fonctionnement de la justice au plus grand nombre. Ne vous en déplaise, monsieur le garde des sceaux, je pense qu’une diffusion sur le site du ministère de la justice serait un peu réductrice et ne permettrait pas à un grand nombre de nos concitoyens de prendre connaissance de ces audiences. En effet, peu nombreux sont ceux qui iront consulter ce site, parfois intéressant, mais tout de même très technique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Madame la rapporteure, je vous remercie de tous les égards avec lesquels vous évoquez le site du ministère de la justice. Je crois néanmoins que vous avez raison. Qui donc ira consulter le site du ministère de la justice ? Les magistrats, les avocats, les professionnels pour s’informer sur la justice ? Ils la connaissent déjà !

L’intérêt de la démarche est évidemment de mieux faire connaître la justice à nos concitoyens. Je suis donc totalement défavorable à cet amendement suggéré par le Syndicat de la magistrature.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 67.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel, Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par les mots :

, ni au respect de l’anonymat

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Si nous souhaitons que les procès conservent leur part de spontanéité, il convient de nous assurer que le dispositif le permette et respecte un ensemble de principes fondamentaux de notre société. L’alinéa 11 prévoit en l’état que « la diffusion est réalisée dans les conditions ne portant atteinte ni à la sécurité, ni au respect de la vie privée des personnes enregistrées, ni au respect de la présomption d’innocence. » Nous proposons, par cet amendement, d’y ajouter le respect de l’anonymat, d’autant que la garantie explicite d’un tel principe peut également servir à assurer la sécurité de toutes les personnes participant au procès. En effet, nous pouvons facilement imaginer qu’une personne puisse, par exemple, craindre de témoigner et d’être ensuite reconnue lors de la diffusion de l’enregistrement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Celui-ci vise à ajouter le respect de l’anonymat aux lignes directrices des conditions de diffusion. Or l’anonymat ne s’applique pas à tous, et pas toujours. Certaines personnes peuvent consentir à la diffusion de leur image et à des éléments d’identification. L’anonymat ne s’impose que pour les fonctionnaires de la police nationale, les militaires, les personnels civils du ministère de la défense ou les agents des douanes, en vertu de l’article 39 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. L’anonymat protège celles et ceux que la diffusion de leur nom ou de leur image permettrait d’identifier. L’article 1er me semble parfaitement respectueux de ce principe essentiel. Je vous propose de retirer votre amendement, monsieur le sénateur, ou, à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Je voudrais souligner l’importance de cet amendement. On avance la vertu pédagogique de ces films. Il n’est donc pas nécessaire d’identifier les personnes présentes à ce moment-là devant un magistrat. On nous dit que celles-ci peuvent donner leur consentement, mais je le répète : il ne faut pas imaginer que telle sera à cet instant leur préoccupation principale. Si nous voulons vraiment protéger les personnes, cela passe par l’adoption de cet amendement. Ce n’est qu’en imposant l’anonymat que nous pourrons réellement protéger les personnes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 101 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 102 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin et MM. Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les personnes enregistrées sont informées, préalablement à la diffusion, des modalités de diffusion de l’enregistrement et notamment du support, du média et de la date de diffusion de l’enregistrement.

La parole est à M. Jean-Yves Roux.

M. Jean-Yves Roux. Dans sa rédaction actuelle, l’article 1er prévoit un certain nombre de garanties pour les acteurs de l’audience. Je pense par exemple au fait que l’image et les autres éléments d’identification des personnes enregistrées ne puissent être diffusés qu’avec leur consentement donné par écrit avant la tenue de l’audience, ou encore à la possibilité pour les personnes enregistrées de rétracter leur consentement dans un délai de quinze jours à compter de l’audience.

Cet amendement vise à prévoir, avant toute diffusion, l’information préalable des personnes concernées s’agissant des modalités de diffusion – support, média, jour, horaire, etc.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous comprenons bien l’intention des auteurs de l’amendement : il s’agit de renforcer notamment les garanties des personnes directement concernées, parties ou professionnels de la justice. Néanmoins, cette disposition nous paraît très difficile à mettre en œuvre. D’abord, cela demande un traitement des données personnelles…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est bien le problème !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Ensuite, cela nécessite de retrouver, au moment de la diffusion qui peut avoir lieu des années plus tard, les noms de l’ensemble des personnes présentes. Cela nous paraît matériellement très compliqué. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 102 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. L’amendement n° 223, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette diffusion est accompagnée d’éléments de description de l’audience et d’explications pédagogiques et accessibles sur le fonctionnement de la justice.

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement avait initialement précisé que les audiences pouvaient être filmées pour un « motif d’intérêt public ». Votre commission a enrichi le texte en définissant ce motif : « l’enregistrement sonore ou audiovisuel d’une audience peut être autorisé, pour un motif d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique ». Vous avez cependant supprimé l’accompagnement de cette diffusion par des explications pédagogiques.

J’ai souhaité, et je souhaite toujours que, après la diffusion du film, un plateau télévisé soit consacré aux explications. Animé par un ou deux journalistes, peu importe, celui-ci ferait intervenir par exemple un magistrat, un avocat, de préférence n’ayant pas participé au procès en question afin de ne pas « refaire le match » – cela relève, me direz-vous, du futur cahier des charges. Ces professionnels de la justice viendraient éclairer nos concitoyens et expliquer ce qui mérite de l’être.

Regarder une audience, entendre ce qui s’y passe, c’est important, mais cela peut utilement s’accompagner d’un certain nombre d’explications. Je sais que les habitués des audiences, en particulier des audiences criminelles, essaient toujours de savoir à un moment donné à quoi correspond telle chose ou telle autre. Ils sont demandeurs d’explications. Imaginons par exemple une émission sur l’expertise ADN. Il pourrait être intéressant de faire intervenir, après la diffusion, un expert qui expliquerait ce qu’est l’ADN, comment on procède à l’analyse, quelles ont été les évolutions, si ce type d’expertise est la reine des preuves, etc.

Je pense que nous pouvons trouver une formulation conciliant vos modifications et mon amendement. Oui, le motif d’intérêt public peut être d’ordre pédagogique, informatif, culturel et scientifique, cela va de soi. Si nous pouvions réintégrer les explications pédagogiques associées, le dispositif n’en serait que meilleur. Naturellement, je vois d’un bon œil mon amendement…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Nous voyons aussi d’un bon œil vos explications, monsieur le garde des sceaux, mais nous pensons qu’en l’espèce, cet amendement n’est pas utile. Nous comprenons votre volonté de faire Les Dossiers de lécran de la justice en introduisant des débats après la projection, ainsi que l’utilité pédagogique de ces débats. Cependant, nous considérons que notre amendement précisant le motif d’intérêt public prévoit déjà ces explications pédagogiques, et que l’organisation desdites émissions relèvera avant tout du cahier des charges à venir.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, qui lui paraît superfétatoire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 223.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de l’article 1er.

L’amendement n° 176 rectifié, présenté par MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :

Alinéa 12, seconde phrase

Après les mots :

à compter de

insérer les mots :

la fin de

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Cet amendement porte sur le délai de rétractation précédemment discuté. Le droit à l’image et à l’identification est un sujet sensible et délicat. Or la formulation initiale prévoyait que les personnes enregistrées puissent rétracter leur consentement dans un délai de quinze jours à dater de l’audience.

Au vu des circonstances d’un procès, qu’il soit civil ou pénal, une des parties au procès, dans la difficulté de la situation très justement soulignée par Mme de La Gontrie, peut être amenée à donner son accord pour être identifiée. Nous souhaitons que le délai de rétractation coure, non pas à partir du début de l’audience, mais une fois l’audience terminée. Cela permettrait aux justiciables de prendre une décision en pleine connaissance des éléments qui seront diffusés. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement. Nous pensons que cette précision peut être utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Avis favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 176 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 210 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le fait de proposer une telle contrepartie aux parties au litige ou aux personnes enregistrées est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. L’article 1er apporte plusieurs garanties en matière d’enregistrement des audiences, en soumettant notamment à un accord écrit l’enregistrement des audiences qui ne sont pas publiques ou portent sur des litiges auxquels un mineur ou un majeur protégé est partie. Est également soumise à un accord écrit la diffusion de l’image et des autres éléments d’identification des personnes enregistrées.

Afin de renforcer ces garanties, nos rapporteurs ont utilement inscrit dans l’article 1er le fait que cet accord écrit ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie. Pour que cette garantie soit effective, le présent amendement tend à l’assortir d’une sanction, en lui appliquant le quantum d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, prévu par ailleurs par l’article, lorsqu’une diffusion méconnaît les conditions qu’il pose.

Il apparaît en effet indispensable, pour que cette garantie supplémentaire soit effective, d’assortir sa méconnaissance de sanctions. Je pense que notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie n’aurait aucun mal à me suivre, dans la mesure où cet amendement répond partiellement à la nécessité de protéger les mineurs qu’elle soulevait précédemment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. Cet amendement vise à pénaliser le fait de proposer une rémunération dans l’intention d’obtenir l’accord des personnes enregistrées pour une diffusion ultérieure. En précisant à l’alinéa 15 de l’article 1er que « l’accord écrit des parties au litige ou des personnes enregistrées ne peut faire l’objet d’aucune contrepartie », la commission a déjà posé le principe de la gratuité et ajouté cette interdiction de rémunération.

Faut-il aller jusqu’à la pénalisation ? Nous ne le pensons pas. Nous pensons qu’il est prématuré de présupposer que les personnes bénéficiaires des autorisations de filmer délivrées par les autorités judiciaires – qui seront des professionnels des médias – se laisseraient aller à de tels comportements.

La commission émet donc un avis plutôt défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis tout à fait favorable sur cet amendement, monsieur le président. Il faut éviter les abus. On n’est jamais à l’abri de tentations de cette nature. Si la gratuité doit évidemment présider à la démarche des personnes intéressées par la diffusion, sait-on jamais…

Le Gouvernement est donc favorable à la création de cette infraction tout à fait spécifique.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 210 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 68, présenté par Mmes Cukierman, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. En cohérence avec nos amendements précédents, nous souhaitons supprimer la possibilité d’enregistrer puis de diffuser les audiences intervenant au cours d’une enquête ou d’une instruction. Cette disposition est dangereuse et nous indique de nouveau l’intention des rédacteurs de ce texte de privilégier les audiences pénales. Il s’agit là encore de se prémunir contre une forme de justice spectacle, qui ferait perdre tout son sens au dispositif et, pire, le dénaturerait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement. Dès lors que cette démarche d’enregistrement et de diffusion des audiences est engagée, nous pensons qu’elle doit s’inscrire dans un enjeu global de pédagogie et d’information complètes, y compris pour les audiences en cours d’enquête ou d’instruction.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si, au lieu de siéger au Sénat, nous étions à cette heure-ci devant notre poste de télévision, nous pourrions voir, sur certaines chaînes qui diffusent ce type de contenus presque tous les soirs d’ailleurs, des enquêtes et des informations judiciaires sans aucune réglementation.

Un texte venant réglementer la façon dont on peut filmer les enquêtes et les instructions me paraît souhaitable. Vous comprendrez, dans ces conditions, que je préfère que l’on protège les uns et les autres – les victimes, les suspects, les témoins – comme il se doit, avec toutes les précautions que nous avons prises, celles que votre commission a envisagées et celles que l’Assemblée nationale a votées, plutôt que de voir perdurer les pratiques actuelles, sans aucun contrôle de quelque nature que ce soit.

Il est rare, d’ailleurs, que je regarde l’une de ces émissions sans être choqué par un certain nombre de choses, qui n’auront plus cours demain grâce à la loi que vous vous apprêtez, si vous le voulez bien, à voter.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. À la fin du débat sur cet article 1er, M. le garde des sceaux vient enfin de verbaliser les raisons pour lesquelles ces dispositions sont mises en place. Aujourd’hui, la possibilité de filmer des audiences non publiques existe déjà, mais elle est à la discrétion du ministre de la justice. Et c’est ainsi, monsieur le garde des sceaux, que vous voyez parfois des images plus ou moins floutées, tournées dans un cabinet de juge pour enfants, ou plus rarement, même si je n’en ai pas le souvenir, dans un cabinet d’instruction.

Les dispositions que nous votons ce soir ont vocation à encadrer tout cela, et à donner ce pouvoir aux chefs de juridictions. Fort bien ! Là où l’amendement de Mme Cécile Cukierman est tout à fait bienvenu, c’est que nous ne parlons pas que des audiences. Nous parlons, et c’est l’objet de l’alinéa 17, des cabinets d’instruction, des auditions de témoins, des confrontations…

Nous sommes là dans un tout autre champ que celui de l’audience publique. C’est là qu’à mon sens réside le danger. Il est inexact de dire que la protection de la vie privée ou la présomption d’innocence seront respectées. Certes, le jugement sera intervenu, mais dix ans plus tard, vous vous retrouverez un jour acteur d’un documentaire diffusant votre image dans un cabinet de juge d’instruction. Prétendre que le fait d’y avoir consenti, en donnant votre autorisation, vous protège n’est pas honnête.

Je le répète : quand vous vous trouvez devant un juge d’instruction, vous vous inquiétez de savoir non pas si vous allez donner ou non une autorisation pour être filmé, mais si vous allez être placé en détention une heure après. Vous n’êtes donc pas en mesure de prendre une décision éclairée.

Si nous voulons protéger les personnes, nous devons voter l’amendement de Mme Cukierman et ne pas permettre la captation vidéo des auditions et confrontations devant un juge d’instruction.