M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.)

M. Olivier Cigolotti. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier notre collègue Pascal Allizard, qui a pris l’initiative de déposer cette proposition de résolution permettant aujourd’hui de nous exprimer sur la situation dramatique à laquelle est confrontée la Birmanie.

Ce texte, que nous avons été nombreux à cosigner, vise à rappeler au gouvernement français la nécessité de reconnaître le gouvernement d’unité nationale de Birmanie, dont la constitution a été annoncée le 16 avril 2021, et de lui apporter notre soutien dans ses actions de rétablissement de la paix et de la démocratie.

Cet engagement, dans des conditions difficiles, de toutes les oppositions au pouvoir dictatorial, jusque-là divisées, constitue un immense espoir. Pour la première fois dans l’histoire du pays, chacune des principales ethnies y est représentée.

Depuis l’arrestation, le 1er février dernier, du président de la république, Win Myint, de sa conseillère, Aung San Suu Kyi, et de centaines d’élus, militants ou personnalités politiques défavorables au régime militaire, la junte birmane a repris le pouvoir par la violence, au mépris de toutes les règles gouvernementales qui devraient pourtant être applicables au pays.

Paris a condamné fermement cette remise en cause du processus démocratique engagé depuis une dizaine d’années et a appelé au strict respect des résultats des élections du 8 novembre 2020, largement gagnées par la Ligue nationale pour la démocratie.

L’action du G7, la troisième série de sanctions prise par l’Union européenne au mois de juin et la pluie de condamnations internationales n’ont pas suffi à rétablir le calme ou à laisser entrevoir une sortie de crise.

En mars et avril derniers, de nombreux manifestants birmans se sont opposés vivement à ce coup d’État, mais le soulèvement citoyen s’est tari, car l’armée, tirant à balles réelles, a provoqué des centaines de morts.

La situation ne cesse de se durcir et le constat est glaçant : plus de 1 000 civils tués – on peut imaginer beaucoup plus dans la réalité – et au moins 6 700 personnes arrêtées. L’économie est exsangue ; le système de soins, le système éducatif et tous les services de base sont de plus en plus défaillants. La violence et les tueries se poursuivent de manière incessante. Les 54 millions d’habitants de la Birmanie font face à des crimes odieux, à la mort et à la destruction.

En outre, le Programme alimentaire mondial estime que plus de 6,4 millions de Birmans sont exposés à un risque de famine d’ici à la fin du mois d’octobre.

Enfin, nous ne pouvons passer sous silence la vague épidémique de covid-19 qui s’est abattue sur le pays en quelques mois. Avant le coup d’État, la Birmanie avait connu un confinement long permettant de protéger la population. Une campagne de vaccination avait même été lancée en début d’année. Depuis février, plus rien n’est fait ; la gestion de la pandémie par l’armée est désastreuse et le virus tue massivement.

Lors de l’audition, par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 30 juin dernier, des membres du gouvernement d’union nationale et du parlement birman en exil, la question de l’aide humanitaire est apparue primordiale. Les difficultés d’acheminement de cette aide et le risque que ces moyens tombent aux mains de la junte empêchent toute intervention. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si un plan d’action humanitaire est aujourd’hui envisageable ? Un processus coordonné avec d’autres membres de l’Union européenne peut-il voir le jour ?

Plus inquiétant encore est le véritable tournant qui est en train de se dessiner, à la suite de la déclaration du président par intérim du gouvernement d’unité nationale appelant à un soulèvement armé contre les militaires dans tout le pays. Cette prise de parole laisse entrevoir le spectre d’une guerre civile.

Aujourd’hui, les militaires ne recueillent absolument pas le soutien du peuple, mais les opposants ne disposent pas des moyens sur le terrain pour dominer. L’importance d’une mobilisation internationale pour stopper cette escalade de la violence est capitale.

Pourtant, la dernière Assemblée générale de l’ONU n’a pas permis d’avancée majeure : l’ambassadeur birman nommé par le gouvernement civil renversé a conservé son siège auprès de l’ONU, soutenu par la communauté internationale, mais n’a pas pu s’exprimer. La junte, de son côté, a nommé un ex-militaire pour le remplacer, mais cette décision n’est pas entérinée par l’ONU à ce jour ; ce statu quo devrait durer au moins jusqu’au mois de novembre.

Les discussions à l’échelon régional ne sont guère plus encourageantes. La feuille de route en cinq points, adoptée lors du sommet de l’Asean du 24 avril dernier et visant à mettre un terme aux violences et à trouver une sortie de crise négociée, n’est absolument pas respectée par la junte. Le fait que les pays qui composent cette association soient gouvernés par des régimes politiques très différents, pas tous démocratiques, ne simplifie rien. La règle du consensus préalable à toute décision paralyse les prises de position claires en faveur du gouvernement d’union nationale birman.

Alors que les multiples efforts diplomatiques ont montré certaines limites, d’autres actions doivent être envisagées. L’affaiblissement des moyens financiers de la junte constitue certainement le meilleur moyen pour stopper la barbarie et pour entamer un dialogue de sortie de crise. Les sanctions économiques prises par les pays étrangers touchent les dirigeants militaires par le blocage de leurs avoirs personnels.

Cependant, la Chine, dont les intérêts économiques et stratégiques directs en Birmanie sont importants, dispose d’une influence incontestable dans l’évolution à venir de ce conflit. Même si la position de Pékin reste floue, son soutien penche davantage vers le gouvernement militaire. En achetant notamment le teck, le jade et les métaux rares, la Chine lui apporte des devises.

On peut également s’interroger sur le positionnement de groupes pétroliers qui continuent de verser des sommes énormes aux putschistes, permettant de ce fait à ces derniers de rémunérer les militaires et les policiers. Total s’était engagé, avant l’été, à verser en compensation le montant des impôts et des taxes aux organisations humanitaires. Les mois passent, mais rien n’est fait en ce sens.

Il est important de rappeler que, actuellement, l’apport financier du secteur des hydrocarbures à un pouvoir illégitime et responsable des pires exactions demeure un réel problème à résoudre rapidement. Les acteurs économiques doivent, eux aussi, réfléchir aux moyens de priver l’armée birmane de revenus.

Pour conclure, cette proposition de résolution, au-delà de l’envoi d’un signal politique fort de soutien à la Birmanie, doit permettre d’encourager notre exécutif et, plus largement, nos partenaires diplomatiques à se mobiliser. À l’heure où de grandes ethnies et même, ces derniers jours, l’Arakan – aussi connu sous le nom de Rakhine – ont fait acte d’allégeance au gouvernement d’union nationale, leurs armées progressent dans cinq grandes zones de rébellion et contrôlent de plus en plus de territoires.

L’espoir subsiste et nous devons l’accompagner. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nicole Duranton et M. Joël Guerriau applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de lattractivité. Monsieur le président, monsieur le sénateur Pascal Allizard, madame la présidente du groupe d’amitié – chère Joëlle Garriaud-Maylam –, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de me donner la possibilité d’échanger avec vous sur la situation en Birmanie à la suite du coup d’État du 1er février 2021 en discutant de la proposition de résolution portant sur la reconnaissance du gouvernement d’unité nationale que vous avez déposée.

Jean-Yves Le Drian, qui ne pouvait malheureusement pas être au Sénat cet après-midi, m’a demandé de le représenter.

Votre proposition de résolution témoigne de l’intérêt constant de la société française et de ses représentants pour cette crise. Elle constitue une expression de notre solidarité avec le peuple birman, dans ces instants d’une difficulté particulière. La France est profondément préoccupée par la dégradation de la situation politique et des droits de l’homme en Birmanie depuis le coup d’État, qui fut une négation de la volonté que le peuple birman avait exprimée lors des élections générales du 8 novembre 2020, une grave atteinte à l’État de droit et aux principes démocratiques, que la France a condamnée avec la plus grande fermeté, et ce à de nombreuses occasions.

Pour ces raisons, comme la France l’a déjà exprimé à plusieurs reprises, nous ne reconnaissons aucune légitimité au régime issu du coup d’État. Cette position est partagée par nos partenaires européens.

Par ailleurs, nous sommes très préoccupés par la dégradation de la situation humanitaire en Birmanie. La répression menée par les forces de sécurité cible en particulier les défenseurs des droits, les journalistes, les représentants des organisations de la société civile et le personnel médical. En particulier, les exactions menées contre le personnel médical, qui a largement rejoint le mouvement de désobéissance civile après le 1er février, affaiblissent la capacité du pays à répondre à la deuxième vague de l’épidémie de covid-19, qui sévit depuis l’été 2021 ; certains d’entre vous y ont fait référence.

Un mot pour évoquer la situation d’Aung San Suu Kyi. Vous le savez, la conseillère spéciale de l’État est détenue depuis le 1er février. Elle fait face à plusieurs accusations arbitraires : corruption ; violation des lois relatives à l’état d’urgence sanitaire et au confinement ; importation illégale de matériel réglementé.

Les audiences de son procès ont eu lieu deux fois par semaine en juin, puis une décision de report a été prise à la mi-juillet en raison de la situation épidémique. Celles-ci ont repris en septembre. La conseillère d’État a d’ailleurs indiqué avoir été vaccinée, alors qu’elle était en résidence surveillée.

La France s’est mobilisée dès le premier jour pour répondre à cette crise. Nous avons été particulièrement actifs pour pousser la communauté internationale à prendre une position claire et unie sur la situation en Birmanie, une position fondée sur le respect et la protection des droits de l’homme.

La résolution adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies, le 18 juin dernier, témoigne du fait que l’attention portée par la communauté internationale à la Birmanie n’a en rien fléchi depuis six mois. Cette résolution va encore plus loin que les déclarations du Conseil de sécurité : elle appelle tous les États qui ne l’auraient pas déjà fait à imposer un embargo sur les livraisons d’armes vers la Birmanie.

Lors de la réunion des ministres des affaires étrangères du G7 de mai dernier et lors du sommet de Carbis Bay de juin, il a notamment été réaffirmé que la désescalade constituait une priorité pour l’ensemble de la communauté internationale.

Par ailleurs, la France a joué un rôle moteur dans la réponse européenne. Les deux premiers volets de sanctions, chère Joëlle, adoptés en mars et avril derniers, ciblent d’ores et déjà vingt et un individus, les deux principaux conglomérats militaires – la Myanmar Economic Corporation (MEC) et la Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL) – et leurs trente-quatre filiales détenues à plus de 50 % dans des secteurs aussi diversifiés de l’économie birmane que les pierres précieuses, la finance ou le commerce.

Le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a adopté, le 21 juin, un troisième volet de sanctions qui cible huit nouveaux individus liés au coup d’État et quatre entités économiques. Sont notamment visées des entreprises publiques dans le secteur du bois et des pierres précieuses, ainsi que la principale organisation gérant les actifs des vétérans des forces armées.

Comme vous le voyez, nous sommes déterminés, avec nos partenaires européens, à maintenir la pression sur le régime issu du coup d’État.

En ce qui concerne les sanctions commerciales, aucune piste n’est écartée, y compris la suspension du régime européen « Tout sauf les armes », chère Nicole Duranton. Ces sanctions doivent respecter deux principes : frapper la junte militaire et éviter de pénaliser la population civile et les emplois induits par les exportations vers l’Union européenne.

Au-delà des sanctions, nous avons suspendu tout soutien budgétaire aux programmes gouvernementaux. Nous n’écartons aucune option, y compris en matière de préférence commerciale.

Nous prenons acte des décisions de Total. Comme je l’indiquais, notre position est sans ambiguïté : frapper les intérêts économiques des forces de sécurité birmanes tout en préservant la population civile. Ainsi que l’ont souligné avec force certains orateurs, la situation de cette dernière ne doit pas s’aggraver du fait des décisions que nous serions amenés à prendre.

Dans son communiqué du 26 mai dernier, Total déclarait : « suite à une proposition conjointe par Total et Chevron lors de l’assemblée générale de Moattama Gas Transportation Company Limited du 12 mai dernier, toutes les distributions aux actionnaires de cette société ont été suspendues ».

Par ailleurs, l’entreprise publique birmane du secteur gazier, la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), a cessé de recevoir des dividendes mensuels pour l’exploitation du champ gazier de Yadana, au sud-ouest de la Birmanie, que TotalEnergies exploite depuis 1992.

L’entreprise a réaffirmé à cette occasion, comme l’ont rappelé certains d’entre vous, qu’elle respectera toute décision qui pourrait être prise par les organisations internationales ou nationales compétentes, y compris les sanctions imposées par les autorités européennes et américaines.

Pour l’essentiel, l’aide française au développement a été suspendue. En effet, comme elle est destinée aux autorités de l’État, aujourd’hui dirigé par la junte, elle ne répondait pas aux trois principes que le Gouvernement s’est fixé : pas de nouveaux transferts financiers ; pas de nouvel accord ; pas de contact de haut niveau.

En revanche, nous avons poursuivi les projets d’appui à la société civile. Une des priorités de la réponse française et européenne à cette crise est d’épargner les plus vulnérables dans la population civile, qui sont les premiers touchés. Alors que, chaque jour, de nouveaux Birmans fuient les violences des forces de sécurité et que la situation sanitaire se dégrade, la France continuera d’apporter son soutien à la société civile et maintiendra son aide humanitaire.

En ce qui concerne la reconnaissance du gouvernement d’unité nationale, la position de la France est claire et constante : elle ne reconnaît que les États, et non les gouvernements. Cette position est d’ailleurs partagée par l’ensemble de nos partenaires européens. À ce jour, aucun État n’a reconnu le gouvernement d’unité nationale, malgré les efforts déployés par ses membres.

Cela étant, nous n’avons ménagé aucun effort pour valoriser le travail de cette structure, qui émane du Comité représentant l’Assemblée de l’Union (CRPH), dont les membres ont été démocratiquement élus.

Nous nous efforçons également de lui donner une tribune dans les enceintes multilatérales. Ainsi, Susanna Hla Hla Soe, ministre des femmes, de la jeunesse et de l’enfance, a pu s’exprimer lors de la séance publique du Conseil de sécurité des Nations unies, le 29 juillet dernier, pendant la présidence française.

La France souhaite que le gouvernement d’unité nationale et le CRPH fassent partie du futur processus politique de dialogue, qui permettra une sortie de crise. Nous ne ménageons pas nos efforts pour l’affirmer publiquement ni pour amener l’Union européenne à le faire. Je vous renvoie ainsi à la déclaration du 30 avril 2021 de Josep Borrell, Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, sur les résultats de la réunion des dirigeants de l’Asean.

Aux Nations unies, la représentation de la Birmanie fait aussi l’objet de toute notre attention. La France n’est pas représentée à la commission de vérification des pouvoirs pour la session de cette année, mais sa position est claire. Comme les autres pays européens, et comme je l’ai déjà souligné, la France ne reconnaît aucune légitimité au régime issu du coup d’État. Par conséquent, nous estimons que la voix de la Birmanie aux Nations unies ne doit pas revenir à la junte.

Si nous partageons la plupart des principes et objectifs de la proposition de résolution, la position de la France, je le répète, demeure constante : elle ne reconnaît pas les gouvernements, mais seulement les États. Pour ces raisons, je m’en remets à la sagesse du Sénat. (MM. Joël Guerriau et Jean-Claude Requier applaudissent.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître le gouvernement d’unité nationale de Birmanie

Le Sénat,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Considérant le résultat des élections démocratiques en Birmanie en novembre 2020 qui ont vu la large victoire du parti d’Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie ;

Considérant le coup d’État militaire du 1er février 2021 par lequel l’armée a pris le pouvoir par la force en Birmanie et proclamé l’état d’urgence ;

Considérant la détention arbitraire par l’armée birmane de nombreuses personnalités politiques, défenseurs des droits de l’homme, journalistes, membres de la société civile, universitaires, enseignants, personnels médicaux, chefs religieux et ressortissants étrangers ;

Considérant la création, le 16 avril 2021, d’un Gouvernement d’unité nationale composé des principales ethnies par le Comité représentant le Parlement de l’Union (CRPH) issu des élections générales de novembre 2020 ;

Considérant les déclarations de l’Union européenne du 2 février et du 30 avril 2021 ainsi que les mesures de sanctions prises par l’Union européenne les 22 mars et 19 avril derniers à l’encontre des responsables du coup d’État en Birmanie et des intérêts économiques des forces armées birmanes ;

Considérant le sommet de l’ASEAN du 24 avril 2021 qui s’est conclu par un consensus en cinq points sur la nécessité immédiate de mettre fin aux violences, l’ouverture d’un dialogue constructif entre toutes les parties concernées, la désignation d’un Envoyé spécial de la présidence de l’ASEAN pour faciliter la médiation du processus de dialogue réunissant l’ensemble des parties en Birmanie, l’aide humanitaire de l’ASEAN et la visite en Birmanie de l’Envoyé spécial, lequel n’est pour l’heure pas autorisé par les autorités militaires à entrer sur le territoire birman ;

Considérant la position exprimée le 5 mai 2021 par les ministres des Affaires étrangères et du Développement du G7 condamnant avec la plus grande fermeté le coup d’État militaire en Birmanie et réaffirmant leur solidarité avec toutes les personnes qui défendent une démocratie inclusive et agissent en ce sens, notamment les membres du Comité représentant le Parlement de l’Union (CRPH) et d’autres dirigeants favorables à la démocratie, ainsi que les membres du Gouvernement d’unité nationale, du mouvement de désobéissance civile ;

Considérant la poursuite de la répression de l’armée birmane à travers le pays, le nombre élevé de victimes civiles et de personnes emprisonnées ainsi que de personnes déplacées, au mépris de toutes les conventions internationales ;

Invite le Gouvernement à travailler avec ses partenaires européens à obtenir de la communauté internationale une condamnation générale et la plus vigoureuse du coup d’État du 1er février 2021, de la prise du pouvoir qui s’en est suivie ainsi que des violences commises par les forces de sécurité contre la population civile ;

Invite le Gouvernement à appeler avec la plus grande fermeté au respect des résultats des élections générales du 8 novembre 2020, à la fin de l’état d’urgence et à la libération immédiate et sans condition des prisonniers politiques arrêtés depuis le coup d’État, dont le Président de la République et la Conseillère de l’État, et à entreprendre toutes les démarches en ce sens ;

Invite le Gouvernement à procéder à une reconnaissance du Gouvernement d’unité nationale de Birmanie qui permette d’enclencher un processus de retour à l’ordre constitutionnel, et à apporter son soutien au Gouvernement d’unité nationale dans ses actions pour le rétablissement de la paix et de la démocratie en Birmanie, dans le respect de toute la mosaïque des populations locales, et en relation avec les partenaires européens et les organisations de la communauté internationale, telles que les organisations régionales compétentes et l’ONU.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée à lunanimité.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI et INDEP. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-trois, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, portant sur la nécessité de reconnaître le Gouvernement d'unité nationale de Birmanie
 

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Pacte européen pour l’asile et les migrations

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le pacte européen pour l’asile et les migrations.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.)

Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en présentant voilà un an son pacte sur les migrations et l’asile, la Commission proposait à l’Europe de prendre un « nouveau départ », à la faveur duquel elle pourrait enfin tourner la page : celle des carences profondes du système de gestion des frontières extérieures et de l’asile, révélées par la crise de 2015, et celle de la division, qui a empoisonné les relations entre États membres et conduit à l’enlisement du précédent paquet Asile.

Le groupe Les Républicains fait naturellement sienne cette ambition de s’attaquer aux principaux maux ayant plongé l’Europe dans un tragique état de fragilité face aux phénomènes migratoires.

Dans un contexte où les flux migratoires vont encore s’accroître en raison du changement climatique ou de l’explosion démographique de l’Afrique, l’enjeu est évidemment immense.

Il est tout d’abord intérieur, car il engage la crédibilité même du projet européen vis-à-vis de nos concitoyens, qui gardent encore en mémoire l’incapacité de l’Union à faire face efficacement à la crise des réfugiés.

Souvenons-nous qu’alors, ce sont les fondations mêmes de l’espace Schengen qui vacillèrent, menaçant d’emporter avec elles le principe de libre circulation et installant la question migratoire comme une question existentielle pour l’Union européenne.

Mais l’enjeu est également extérieur, certains de nos voisins n’hésitant plus à exploiter nos failles et à transformer les migrations en arme géopolitique. La Turquie fut la première à en user, tant pour s’assurer de la retenue des Européens face à sa politique expansionniste que pour en tirer de substantiels revenus – 6 milliards d’euros ont ainsi été versés depuis 2016 et 3,5 milliards d’euros devraient suivre prochainement.

Depuis, ce chantage migratoire a fait des émules : c’est désormais au Maroc et à la Biélorussie de s’essayer à la même méthode pour obtenir de l’Union ou des États membres une inflexion de leur politique étrangère.

Face à ces défis, la réponse européenne doit bien évidemment se déployer sur de multiples fronts, mais elle doit avant tout envoyer un message clair et affirmer ce principe cardinal : nul ne doit pouvoir entrer ou s’installer sur le sol européen sans y avoir été au préalable légalement autorisé.

La constitution d’un système européen robuste, en mesure de faire respecter ce principe, quelles que soient les circonstances, est donc la première des priorités. Les États membres qui sont, et qui doivent rester les seuls maîtres de leur politique migratoire et de leurs frontières en seront les principales chevilles ouvrières. Comme toujours en matière européenne, c’est de leur implication que dépendra la réussite, ou l’échec, de la politique menée.

À ce titre, le pacte prévoit un renforcement du cadre de gouvernance afin de mieux identifier les éventuelles lacunes. Si nécessaire soit-elle, cette approche sera-t-elle pour autant suffisante ? On peut en effet s’interroger, dans la mesure où, en l’absence de régime contraignant, le système proposé ne reposera que sur la pression des pairs et sur l’engagement de la Commission à recourir aux procédures d’infraction à l’encontre des États qui ne rempliraient pas leurs obligations légales.

Bien évidemment, l’Europe ne peut se contenter de surveiller ou de sanctionner les États membres. Elle doit avant tout être pour eux un levier leur permettant de retrouver des marges de manœuvre, tant au niveau des moyens mis à leur disposition que des procédures applicables en matière d’asile et de retour.

Des avancées ont d’ores et déjà été enregistrées en la matière. Je pense, en premier lieu, à la création prochaine de l’agence européenne pour l’asile, ainsi qu’à celle, fin 2016, du corps européen de garde-côtes et garde-frontières, dont la montée en puissance doit s’accélérer.

Je pense également à la création de nouveaux systèmes de contrôle aux frontières, à l’interconnexion des bases de données numériques ou encore au doublement, dans le cadre financier pluriannuel, des fonds dédiés à la gestion des migrations et des frontières.

En ce qui concerne les procédures, les propositions du pacte me semblent aller plutôt dans le bon sens. Ainsi, les nouvelles procédures de filtrage et d’asile à la frontière, couplées à l’élargissement de la base de données Eurodac et aux précédentes propositions de révision des directives Accueil, Qualification et Procédures, devraient permettre aux États membres d’agir plus efficacement.

En n’étant pas tenus d’autoriser l’entrée sur leur territoire et en recourant plus aisément au placement en rétention, ces derniers pourront opérer un contrôle plus strict des demandes d’asile et des mouvements secondaires.

Ils pourront également distinguer plus rapidement les personnes pouvant légitimement prétendre à la protection internationale de celles qui ont vocation à être reconduites dans leur pays d’origine.

Cette nouvelle orientation est d’autant plus essentielle que seules 39 % des demandes d’asile formulées dans l’Union européenne en 2018 avaient reçu une décision positive en première instance.

Toutefois, le nouveau règlement sur la gestion de l’asile et des migrations, proposé en remplacement du très décrié règlement de Dublin, appelle à davantage de circonspection.

La proposition a le mérite d’abandonner définitivement l’idée des quotas de migrants, qui a contribué à tendre à l’extrême les relations entre États membres et qui, de ce fait, était vouée à l’échec.

Pour autant, elle n’abandonne pas l’exigence de solidarité collective. Cependant, le nouveau mécanisme proposé a tout de l’usine à gaz – je pense notamment au laborieux système de « parrainage des retours » imaginé par la Commission pour permettre à la solidarité de s’exprimer. Cette grande complexité est sans doute le prix à payer pour tenter de concilier des points de vue diamétralement opposés, mais elle risque de nuire à l’efficacité et à la lisibilité de l’ensemble.

Enfin, soulignons que la crédibilité du dispositif reposera en grande partie sur l’amélioration de la politique de retour. À ce jour, les chiffres sont catastrophiques : seuls 29 % des personnes qui reçoivent chaque année l’ordre de quitter l’Union européenne regagnent effectivement leur pays, et cette part tombe à 19 % si l’on exclut du calcul les ressortissants des Balkans occidentaux.

Le signal envoyé non seulement à nos concitoyens, mais aussi aux migrants et aux passeurs, est délétère et mine tous les efforts entrepris par ailleurs. À cet égard, il est consternant que le poste de coordinateur de l’Union européenne pour les retours, annoncé lors de la présentation du pacte, n’ait toujours pas été pourvu à ce jour.

Le renforcement de nos procédures et de nos moyens internes, pour s’assurer de la rapidité et de la bonne exécution des décisions de justice, est donc fondamental. Cependant, une fermeté accrue dans le volet extérieur de cette politique de retour est tout aussi indispensable.

La révision du code des visas, adoptée en 2019, qui propose de durcir ou, au contraire, d’assouplir l’octroi de visas en fonction de l’effectivité des réadmissions, montre la voie à suivre. La logique mérite aujourd’hui d’être étendue à d’autres leviers, tels que les accords commerciaux et les politiques d’aide au développement, pour s’assurer une bonne coopération des pays tiers en matière de prévention des migrations ou de réadmission des migrants irréguliers.

Madame le ministre, mes chers collègues, après cinq ans de négociations infructueuses et de psychodrames, l’Europe ne peut plus se permettre, sur un sujet aussi primordial pour nos concitoyens, le luxe de la désunion, de l’attentisme et de l’inefficacité.

Lors de la précédente présidence française du Conseil, en 2008, Nicolas Sarkozy avait réussi, malgré les obstacles, à convaincre ses partenaires d’adopter un texte déjà intitulé « pacte sur l’immigration et l’asile ». Ce pacte a aujourd’hui besoin d’être réformé pour faire face à l’amplification du problème migratoire. Souhaitons que la prochaine présidence française de l’Union se montre à la hauteur de l’enjeu. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)