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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.

M. Loïc Hervé. Quel dommage ! (Sourires.)

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Réduction de l’empreinte environnementale du numérique et régulation environnementale du numérique

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission et adoption en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (proposition n° 680 [2020-2021], texte de la commission n° 69, rapport n° 68) et de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, présentée par M. Patrick Chaize et plusieurs de ses collègues (proposition n° 837 [2020-2021], texte de la commission n° 70, rapport n° 68).

La procédure accélérée a été engagée sur ce dernier texte.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la deuxième proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par lAutorité de régulation des communications téléphoniques, des postes et de la distribution de la presse. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui à l’aboutissement d’un travail collectif et, si vous me permettez l’expression, d’une belle aventure parlementaire.

Voilà près de deux ans, déjà, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable lançait une mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique. Six mois plus tard, en juin 2020, la mission publiait un rapport inédit, constatant le risque d’un accroissement de la pollution numérique. Si rien n’est fait, le secteur pourrait représenter 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2040.

Notre objectif était clair : agir sans attendre, pour combler un angle mort de nos politiques environnementales et prendre le tournant de la transition numérique, tout en s’assurant que ce secteur, au demeurant indispensable à la transition écologique, ne devienne pas la source d’une pollution exponentielle.

En octobre 2020, nous déposions avec de nombreux collègues, dont Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte et Hervé Maurey, une proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite REEN, retranscrivant les propositions de notre rapport.

En commission, en décembre, puis en séance publique, en janvier, nous avons amélioré et complété ce texte, qui est ainsi passé de 24 à 31 articles.

Je voudrais remercier les collègues de l’ensemble des groupes politiques qui ont participé à cet enrichissement : ce texte, soutenu à l’origine par certains d’entre nous, est sans aucun doute devenu celui de l’hémicycle tout entier, au terme d’un travail collectif dont nous pouvons nous féliciter.

Je tiens tout particulièrement à remercier Hervé Maurey, qui présidait la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au moment du lancement de nos travaux, et mes deux collègues rapporteurs, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, avec lesquels j’ai travaillé étroitement pour améliorer le texte.

Mes remerciements vont également au président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Jean-François Longeot, qui n’a pas ménagé ses efforts pour assurer la poursuite de la navette.

Je salue également Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, qui a contribué à enrichir la proposition de loi.

Je veux aussi remercier les collaborateurs et administrateurs qui m’ont accompagné dans un climat de confiance permanent.

Mais, une fois n’est pas coutume, je tiens aussi à vous remercier particulièrement, monsieur le secrétaire d’État,…

M. Bruno Retailleau. Le mérite-t-il ? (Sourires.)

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. … ainsi que votre cabinet, pour les échanges constructifs dans un climat de sincérité que nous avons pu entretenir tout au long de ce parcours.

Le texte transmis à l’Assemblée nationale comptait 31 articles. Il a été adopté par les députés à l’unanimité le 10 juin dernier. C’est ce texte modifié, comptant désormais 36 articles, que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a examiné le 20 octobre.

L’Assemblée nationale a globalement conforté le travail que nous avons effectué en première lecture. Je salue à cet égard le rapporteur, Vincent Thiébaut, et le rapporteur pour avis, Éric Bothorel, pour leur sens de l’écoute et leur sérieux, mais aussi pour leur appropriation du sujet et de ce texte.

Nous regrettons néanmoins certains choix arrêtés en première lecture par l’Assemblée nationale et par le Gouvernement.

Je commencerai par la suppression de l’article 23 bis relatif à la collecte de données environnementales par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).

Ce dispositif a été supprimé de la proposition de loi pour être déplacé à l’article 16 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et résilience, malgré nos alertes répétées quant au risque d’inconstitutionnalité au regard de l’article 45 de la Constitution. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, en censurant cet article dans sa décision sur ladite loi, nous a donné raison.

Ce sujet nous semblait toutefois trop important pour être abandonné. C’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi à article unique reprenant l’article censuré par le Conseil constitutionnel. Il s’agit de la deuxième proposition de loi, dite Arcep, qui nous est soumise aujourd’hui.

Examinée en première lecture, conjointement à l’examen en deuxième lecture de la proposition de loi REEN, elle est totalement complémentaire de ce dernier texte, dont elle facilitera l’application, en armant pleinement le régulateur dans la mise en place d’une régulation environnementale du secteur numérique.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi Arcep et je l’en remercie, car nous espérons que ce texte consensuel soit adopté ainsi avant la fin de l’année.

Au-delà de ce sujet, nous regrettons le recul global de l’ambition de la proposition de loi REEN à l’Assemblée nationale : nous sommes convaincus que nous aurions pu être plus audacieux et innovants.

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. Le texte, tel que l’ont modifié les députés et le Gouvernement, est imparfait et incomplet, et cette deuxième lecture a, je ne vous le cache pas, un petit goût d’inachevé.

Je ne ferai pas la liste des points de désaccord persistants ; je laisserai les rapporteurs les présenter plus en détail.

Il m’est impossible, toutefois, de ne pas aborder la question de la rémunération pour copie privée, à l’article 14 bis B. Quel gâchis, monsieur le secrétaire d’État ! Je sais que vous partagez, à titre personnel, ce constat !

La décision prise par le Gouvernement d’assujettir les équipements reconditionnés au paiement de la rémunération pour copie privée (RCP) est contradictoire à l’objectif de la proposition de loi, dont plusieurs dispositifs visaient justement à renforcer la compétitivité du réemploi aux dépens du neuf.

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. La confusion entretenue par le Gouvernement entre les difficultés conjoncturelles rencontrées par le monde de la culture dans le contexte de la crise sanitaire et la dimension structurelle du financement par la rémunération pour copie privée est particulièrement dommageable.

Nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous annoncerez aujourd’hui des mesures de compensation pour le secteur des équipements reconditionnés.

Ce constat étant fait, la question qui s’est posée aux deux rapporteurs du texte et à moi-même, était de savoir quelle stratégie adopter vis-à-vis de cette proposition de loi REEN.

Nous avons décidé, mes chers collègues, de vous proposer une adoption conforme, donc définitive, du texte, ce qui impliquerait, comme nous l’avons fait en commission, que nous n’adoptions aujourd’hui aucun amendement.

Trois raisons nous semblent justifier cette stratégie.

Premièrement, certains reculs de l’Assemblée nationale, notamment sur la rémunération pour copie privée, ne doivent pas occulter les avancées profondes et nombreuses permises par la proposition de loi, qui ne constitue que la première pierre à l’édifice de la régulation environnementale du numérique dans notre pays.

Si nous l’adoptons, ce texte placera la France dans une position de précurseur sur la scène européenne en matière de transition environnementale du numérique, ce qui lui permettra de défendre ce sujet avec force et crédibilité dans les négociations avec les États membres de l’Union européenne.

Deuxièmement, si nous l’adoptons, la proposition de loi REEN produira des effets très rapidement, d’autant plus que nombre de ses dispositions entreront en vigueur immédiatement.

Troisièmement – c’est l’argument principal –, nous sommes conscients des contraintes pesant sur le calendrier parlementaire. Soyons clairs : si nous amendons aujourd’hui le texte qui nous est soumis, il est peu probable qu’il soit transmis en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

Les points de désaccord avec le Gouvernement sont réels ; ils sont parfois importants, comme sur la rémunération pour copie privée.

Je pense toutefois qu’ils sont minoritaires et qu’ils ne justifient pas de sacrifier la majorité des dispositions que nous pourrions voir entrer dans le droit avec un vote conforme.

Voilà, mes chers collègues, la voie que je vous propose de suivre aujourd’hui. Elle n’est pas pleinement satisfaisante, j’en conviens. Mais sachons également nous réjouir de ce que nous avons fait : en ce moment où la planète planche à Glasgow pour la COP26, le Sénat a fait œuvre utile en plaçant la France en position de pionnière en matière de transition numérique durable.

Je note d’ailleurs que notre proposition de loi a déjà produit ses effets. Depuis son dépôt en octobre 2020, la question de l’empreinte environnementale du numérique s’est totalement imposée dans le débat public, au point que de nombreux acteurs, notamment les opérateurs mobiles, ont commencé à engager des actions concrètes.

Je forme donc le vœu que vous suiviez la commission dans sa stratégie, pragmatique et responsable, d’adoption conforme de la proposition de loi REEN. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis heureux d’être parmi vous aujourd’hui, aux côtés de mon collègue corapporteur Guillaume Chevrollier, pour examiner la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, en deuxième lecture, et la proposition de loi visant à renforcer la régulation de l’environnement par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), en première lecture. Je vais vous présenter ces deux textes, que notre commission a adoptés sans modification.

Commençons par la proposition de loi REEN. Je rappelle que le texte que nous avions transmis à l’Assemblée nationale en janvier dernier comptait 31 articles répartis selon cinq axes : faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental ; limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l’empreinte carbone du numérique ; promouvoir le développement d’usages du numérique écologiquement vertueux ; aller vers des centres de données et des réseaux moins énergivores ; promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires.

Les députés ont en grande partie conforté le travail du Sénat. Nombre de nos apports ont en effet été conservés, notamment : la création d’une formation de sensibilisation à l’impact environnemental du numérique et à la sobriété numérique dans l’enseignement primaire et secondaire, qui fait l’objet de l’article 1er ; le renforcement du délit d’obsolescence programmée prévu à l’article 6 et son extension à l’obsolescence logicielle prévue à l’article 7.

L’Assemblée nationale a même introduit de nouvelles dispositions, conformes à l’objectif et à l’esprit de la proposition de loi initiale. J’en citerai trois : la mise en place d’opérations de collecte nationale d’équipements numériques, accompagnées d’une prime au retour, à l’article 12 bis A ; la suppression de l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables, à l’article 14 quater ; le renforcement des prérogatives du maire en matière de déploiement d’infrastructures de télécommunications, à l’article 23 bis A, et de suivi des investissements réalisés par les opérateurs en faveur du partage d’infrastructures, à l’article 23 bis B.

Bien sûr, nous déplorons également certains reculs opérés à l’Assemblée nationale sur des sujets structurants, par exemple : la suppression de l’allongement à cinq ans de la durée de la garantie légale de conformité, à l’article 11, et de la durée de réception des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité du bien, à l’article 9 ; la suppression du caractère contraignant du référentiel d’écoconception des services numériques, que nous souhaitions imposer aux fournisseurs de tels services, à l’article 16.

Ces quelques réserves ne doivent pas occulter les avancées profondes permises par ce texte, que nous vous proposons d’adopter conforme. Faisons œuvre utile en permettant aux nombreuses dispositions de la proposition de loi d’entrer en vigueur !

Je terminerai en évoquant succinctement la proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep, qui vise à armer pleinement le régulateur dans la mise en place d’une régulation environnementale du secteur numérique et à faciliter l’application de la proposition de loi REEN. Ce texte parfaitement consensuel pourrait être examiné à l’Assemblée nationale au mois de décembre prochain, ce qui lui permettrait d’entrer en vigueur dans les meilleurs délais.

Enfin, pour conclure, et conformément à ce que disait précédemment Patrick Chaize, cette proposition de loi, en révélant une problématique jusqu’à présent ignorée, celle de l’impact environnemental du numérique, a fait l’effet d’un électrochoc. Une large sensibilisation s’est en effet opérée et, déjà, un bon nombre d’acteurs se sont engagés dans des actions de réduction de leur empreinte ou des campagnes de collecte de terminaux.

Il est donc urgent de traduire dans la loi l’ensemble des dispositions qui figurent dans la proposition de loi qui vous est soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de laménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux exprimer à mon tour ma satisfaction d’être devant vous pour la deuxième lecture de la proposition de loi REEN, après deux ans de travaux, notamment ceux de la mission d’information parlementaire.

Je souhaite revenir sur deux sujets méritant qu’on s’y arrête spécifiquement, et qui ont été déjà exposés par le principal auteur de la proposition de loi, Patrick Chaize : l’article 14 bis B, relatif à la rémunération pour copie privée sur les équipements reconditionnés, et l’article 15 bis, relatif à la lutte contre le démarchage téléphonique.

Commençons par la rémunération pour copie privée. Pour rappel, celle-ci est une contribution prélevée sur les supports d’enregistrement – CD et DVD vierges, mémoires et disques durs d’ordinateur, de téléphone ou de tablette – permettant de compenser la perte subie par les artistes en raison du développement de la possibilité de copier leurs œuvres.

Au moment de la rédaction de la proposition de loi, la rémunération ne s’appliquait qu’aux produits neufs lors de leur mise en circulation. Au stade de l’examen du texte en séance publique, en première lecture, nous avions appris que la commission pour la rémunération de la copie privée avait engagé une réflexion tendant à assujettir également les appareils reconditionnés.

Après nous être assurés qu’une exonération des biens reconditionnés ne retirerait pas de ressources au monde de la culture, mais ne ferait que la priver d’une recette supplémentaire et hypothétique, nous avions adopté un amendement créant un article 14 bis B visant à exonérer du paiement de la rémunération les appareils y ayant été assujettis une première fois, afin de renforcer la compétitivité des équipements reconditionnés.

Malheureusement, le 1er juin dernier, la commission pour la rémunération de la copie privée a permis l’application d’un barème de la rémunération pour copie privée sur les biens reconditionnés à compter du 1er juillet 2021. À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter en séance publique un amendement de réécriture de l’article 14 bis B, venant entériner la décision de la commission précitée.

Nous regrettons vivement ce choix qui tend à revenir sur l’exonération votée au Sénat. D’autres choix étaient possibles, plusieurs pays ayant choisi d’exonérer intégralement les biens reconditionnés ou de ne taxer que les équipements qui n’ont pas déjà fait l’objet de prélèvements quand ils étaient neufs.

Si nous ne pouvons donc qu’être vivement défavorables au dispositif adopté par l’Assemblée nationale, nous nous réjouissons toutefois de l’application d’un taux spécifique et réduit pour les équipements reconditionnés, ainsi que de l’exonération des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

J’aimerais maintenant évoquer un deuxième point d’attention à l’article 15 bis, introduit par l’Assemblée nationale.

Dans l’ensemble, nous accueillons favorablement cet article qui vise à lutter contre le démarchage téléphonique abusif au travers de l’encadrement des automates d’appels et des conditions de territorialité des identifiants issus du plan de numérotation national. Avant l’examen du texte en commission, certains acteurs nous ont toutefois fait part d’inquiétudes s’agissant d’effets indésirables que le dispositif pourrait induire pour les entreprises ayant recours à des automates d’appels pour la gestion des relations client. Après avoir mené l’enquête, ces inquiétudes ne nous semblent pas fondées.

En effet, l’article 15 bis vise spécifiquement à lutter contre l’usurpation d’identifiant, particulièrement usitée pour les canulars et arnaques téléphoniques. En ce sens, d’une part, il s’inscrit dans la continuité du droit actuel qui interdit déjà le recours aux numéros mobiles et aux numéros masqués pour les centrales d’appels ; d’autre part, il n’aura pas pour conséquence de proscrire l’utilisation d’identifiants géographiques ou non géographiques par les centres d’appels, mais uniquement de leur réserver certaines tranches de numéros, afin de faciliter l’authentification de l’appelant.

Ces éléments ont permis de rassurer les acteurs concernés. En tout état de cause, nous serons particulièrement attentifs à ce qu’il n’y ait aucun effet de bord. Si tel était le cas, le Gouvernement s’est engagé à ce que de tels effets soient corrigés par voie réglementaire.

Mes chers collègues, en résumé, les conditions nous semblent donc réunies pour adopter conforme la proposition de loi REEN. Je ne peux que vous inviter, aux côtés de mon collègue rapporteur, à suivre la stratégie présentée par Patrick Chaize, auteur de cette proposition de loi.

Cela a déjà été dit, à l’heure de la COP26 et des grandes déclarations utile pour le climat, le Sénat français, lui, est dans l’action concrète avec ce premier texte sur le numérique et l’environnement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDPI, ainsi quau banc des commissions. – M. Pierre-Jean Verzelen applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Cédric O, secrétaire dÉtat auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis pour examiner pour la seconde fois cette proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, dite REEN.

Cette proposition de loi a fait l’objet de vifs débats à l’Assemblée nationale, comme vous le savez. Si les débats ont été vifs, c’est que le sujet est d’importance, et je me félicite que la représentation nationale – ici, au Sénat, comme au Palais Bourbon – s’en soit pleinement saisie.

Je tiens à saluer le travail des rapporteurs, et tout particulièrement celui, approfondi, utile et riche du sénateur Patrick Chaize, qui est à l’origine de ce texte et grâce auquel nous sommes aujourd’hui à même de mettre en œuvre des mesures qui auront un impact tangible sur la vie de nos concitoyens.

J’ajouterai un mot plus personnel. Il est des parlementaires qui font l’honneur de leur fonction : au-delà des divergences partisanes, leur seule boussole est celle de l’intérêt général. Je ne suis pas toujours d’accord avec le sénateur Patrick Chaize, et c’est heureux, mais je voudrais encore une fois, et très personnellement, le remercier de la qualité du dialogue que nous avons eu et de la richesse du travail effectué. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

M. Bruno Retailleau. Sous le regard de Portalis !… Nous allons déboulonner les statues, nous aussi… (Sourires.)

M. Cédric O, secrétaire dÉtat. Une fois n’est pas coutume, je souhaite commencer mon propos non par un sujet transcendant, mais en mettant l’accent sur les mesures concrètes que vous allez examiner et, je le souhaite, adopter aujourd’hui.

Je ne détaillerai pas toutes les mesures de ce texte, mais seulement quelques-unes, en laissant de côté dans ce propos introductif une autre mesure, plus spécifique, sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des amendements.

L’article 6 de la proposition de loi prévoit ainsi de simplifier la définition de la lutte contre l’obsolescence programmée, en particulier logicielle, pour faciliter la lutte contre celle-ci et ainsi rendre possibles les poursuites, voire les condamnations, qu’appellent de leurs vœux les associations de défense des consommateurs.

Les articles 1er, 1er bis et 2 font le pari de la formation et de la sensibilisation des jeunes et des étudiants pour que ce qui apparaît aujourd’hui comme exotique – l’écoconception, notamment – devienne demain la norme, en pratique et dans les esprits.

Les articles 14 bis AA et 14 ter permettent, par des mesures concrètes – la mise à disposition d’informations et l’obligation de fournir des pièces détachées aux reconditionneurs – d’allonger la durée d’utilisation des terminaux, ce qui est un gain en termes, à la fois, de pouvoir d’achat et d’environnement.

L’article 23 bis A, en encadrant le partage des pylônes en zone rurale, contribue à la rationalisation des infrastructures de réseaux sur le territoire français et améliore ainsi la connectivité pour nos concitoyens, avec un impact environnemental optimisé. Je tiens à signaler, par ailleurs, qu’il s’agit de répondre à une demande des collectivités territoriales pour lutter contre la spéculation foncière liée au déploiement des pylônes en zone rurale.

Je pourrais citer bien d’autres mesures de cette proposition de loi qui, comme celles-ci, sont à la fois très concrètes et avec un fort impact. Car c’est la caractéristique de ce texte et, plus globalement, de la politique du Gouvernement que de faire le choix du pragmatisme, des petits pas, parfois, mais toujours dans la bonne direction, plutôt que des déclarations à l’emporte-pièce.

Ce pragmatisme est au cœur de la stratégie nationale pour le numérique et l’environnement que je défends avec la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire. La feuille de route interministérielle que nous avons construite ensemble, et rendue publique en février 2021, a ainsi pour objectif de faire converger les transitions écologique et numérique au travers de trois axes que je tiens à rappeler ici.

Le premier axe, c’est la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique. Il est en effet aujourd’hui nécessaire d’apporter des données précises et objectives sur les impacts positifs et négatifs de l’ensemble du cycle de vie des services numériques sur l’environnement. Cette approche doit être multicritère et intégrer aussi bien la dimension des émissions de gaz à effet de serre que la consommation d’énergie, d’eau et de ressources en matières premières.

Le second axe, c’est la réduction de l’empreinte environnementale du numérique en tant que telle.

Alors que les projections montrent une croissance importante des usages numériques, il s’agit de maîtriser, voire de réduire, l’empreinte environnementale du numérique, liée à la fabrication des équipements et terminaux et aux usages.

Le troisième et dernier axe, c’est la mobilisation du numérique au service de la transition écologique. Le numérique permet déjà d’optimiser la consommation d’énergie, de réduire nos trajets, d’éviter ou de mieux gérer des déchets. Il s’agit désormais de s’appuyer sur le potentiel du numérique pour accélérer la transition écologique.

La seconde proposition de loi, qui fait l’objet d’une discussion commune, reprend dans un article unique les dispositions agréées par les deux chambres à l’issue de la navette parlementaire, visant à la création d’un pouvoir de collecte de données environnementales par l’Arcep.

Ce pouvoir de collecte est indispensable pour développer la connaissance de l’empreinte environnementale et pour mettre au point un véritable baromètre environnemental du numérique, comme cela est prévu dans la première proposition de loi du sénateur Chaize. Il s’agit d’un outil stratégique permettant, de manière inédite, à l’Arcep de collecter des données sur l’ensemble des acteurs du numérique et non plus seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, auprès des seuls opérateurs télécoms.

En réintroduisant cette disposition qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel au regard de sa doctrine en matière de cavalier législatif, vous ferez un acte utile. Il s’agit bien, en effet, de pallier des difficultés juridiques et techniques, et ainsi de restaurer la pleine portée opérationnelle de la première proposition de loi que vous aurez examinée.

Le Gouvernement souhaite que ce texte dont vous allez débattre soit, dans le même esprit que la première proposition de loi, l’occasion de corriger une autre difficulté juridique. En effet, il y a une mauvaise articulation entre la proposition de loi de M. Chaize et l’ordonnance du 29 septembre 2021 transposant les directives 2019/770 et 2019/771. Il s’agit ici de préserver l’accessibilité et l’intelligibilité du code de la consommation, qui sont deux objectifs à valeur constitutionnelle.

Je souhaite enfin aborder une question de fond, que cette proposition de loi me donne l’occasion d’évoquer.

Notre débat public se meurt de l’opposition que nous construisons entre évolution des comportements – chacun convient que, pour réussir la transition environnementale, nous devons modifier nos comportements de consommation et de production – et innovation. Tout se passe comme si, comme le dit Ferghane Azihari dans une interview récente au magazine lOpinion, « le progrès était systématiquement vu par certains d’entre nous comme source de corruption et de décadence ».

Je le dis très honnêtement, si nous continuons ainsi, nous allons dans le mur. Le combat environnemental se meurt d’un antilibéralisme qui ne lui est consubstantiel qu’en France.

Encore une fois, cela nous envoie dans le mur pour une raison assez simple. Sur cette planète, un humain sur trois vit avec moins de 3 dollars par jour. La population mondiale continuera à augmenter, quoi que nous fassions. Les ressources, énergie et matières premières, sont limitées. Une partie de cette tension, qui est d’ordre mathématique, peut être résolue par une modification de la consommation. Il est intéressant de s’y pencher dans le détail.

Selon le dernier rapport de Réseau de transport d’électricité (RTE) sur la transition énergétique, toutes les projections sur lesquelles le Gouvernement s’appuie correspondent à une volonté extrêmement forte et ambitieuse de maîtrise de la consommation énergétique. Mais l’ensemble de l’équation ne se bouclera pas seulement via une transformation de nos modes de consommation.

Nous ne pourrons pas faire 80 % de ce chemin – je cite ce pourcentage en invoquant la loi de Pareto – si nous ne sommes pas capables d’innover beaucoup plus qu’aujourd’hui. L’enfermement dans une forme de débat hémiplégique, aux termes duquel lorsque l’on soutient l’innovation, on est contre la transformation de la consommation, et vice versa, nous envoie collectivement, j’y insiste, dans le mur. Si cette proposition de loi doit servir à quelque chose, c’est à mon avis à sortir de cette opposition stérile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe Les Républicains.)