M. le président. Il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi, modifié, de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Je rappelle qu’une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Ce scrutin de droit, en application de l’article 59 du règlement, est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 39 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 286
Pour l’adoption 185
Contre 101

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Avant de donner la parole à M. le ministre, je souhaite remercier Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, INDEP, RDPI et RDSE.), ainsi que Mme Élisabeth Doineau, dont c’était le premier rapport général en tant que rapporteure générale de la commission des affaires sociales. (Même mouvements.) Je veux également saluer les travaux du précédent rapporteur général, M. Jean-Marie Vanlerenberghe (Applaudissements sur les travées du groupe UC.), et des rapporteurs pour les différentes branches de la sécurité sociale.

La parole est à M. le ministre.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai très bref.

Je veux tout d’abord saluer l’ambiance de travail, à la fois précise, constructive et pragmatique, qui a régné dans votre assemblée – je le dis en toute sincérité. Le niveau technique des débats, à l’occasion de l’examen d’un certain nombre d’amendements et d’articles, a d’ailleurs parfois conduit le Gouvernement à revoir la rédaction initiale du PLFSS.

Je tiens également à saluer les avancées suivantes, qui me paraissent assez consensuelles – mais je ne voudrais surtout pas parler à la place des parlementaires – : le relèvement de l’Ondam de 1,7 milliard d’euros ; la revalorisation des professionnels du secteur médico-social via le complément de traitement indiciaire (CTI) ; l’élargissement du périmètre d’intervention du fonds de lutte contre les addictions ; l’extension jusqu’à 24 ans de l’âge jusqu’auquel les enfants majeurs peuvent continuer à bénéficier du régime local d’assurance maladie Alsace-Moselle ; la mise en place d’un capital décès pour les familles de non-salariés agricoles.

D’autres mesures proposées dans cet hémicycle nécessitent d’être quelque peu précisées et améliorées avant la deuxième lecture – si deuxième lecture il devait y avoir. Je pense notamment à l’uniformisation du niveau d’exigence en matière d’interopérabilité pour les dispositifs médicaux.

Je souhaite à ceux d’entre vous qui participeront à la commission mixte paritaire de voir celle-ci aboutir.

Je ne néglige pas les points de divergence qui existent entre la version que vous venez d’adopter et le texte que le Gouvernement avait présenté à l’Assemblée nationale, et que celle-ci avait adopté à l’issue de la première lecture. Je ne doute pas que les travaux en commission mixte paritaire permettront de réduire un certain nombre d’arêtes.

En tant qu’ancien rapporteur général du PLFSS à l’Assemblée nationale, je puis vous dire que nous aurons sans doute l’occasion d’en débattre de nouveau, dans une dizaine de jours, dans ce bel hémicycle du Sénat. Je vous remercie toutes et tous. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)

PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022
 

3

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Madame la présidente, lors du scrutin n° 39 sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, M. Henri Leroy souhaitait voter pour.

Mme la présidente. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Souveraineté énergétique française

Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur l’action du Gouvernement en faveur de la souveraineté énergétique française.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la COP26 vient de s’achever, la France est confrontée à une crise énergétique inédite, qui risque de l’éloigner de l’objectif de neutralité carbone issu de l’Accord de Paris de 2015 et de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi Énergie et climat ».

Il s’agit d’une triple crise : du prix des énergies, du système énergétique, mais aussi de la décision politique.

La flambée du prix des énergies est sans précédent. Entre 2020 et 2021, les prix de marché ont été multipliés par deux pour le gaz, par trois pour le pétrole et par neuf pour l’électricité. Cette hausse s’est répercutée sur les tarifs réglementés, avec une augmentation de 12 % pour le gaz, en octobre, et de 4 % pour l’électricité, en février.

Or cette flambée était prévisible : dès juin 2020, la commission des affaires économiques, dans son plan de relance, avait alerté sur « un effet inflationniste en sortie de crise, les prix étant susceptibles de “flamber” ». Nous avions même proposé, puis défendu par un amendement budgétaire, en juillet et en novembre 2020, une revalorisation du chèque énergie.

En réponse à cette alerte, l’ancienne ministre chargée de l’énergie avait indiqué : « Les factures d’énergie ne vont pas augmenter. » Je regrette cette occasion manquée et ce temps perdu !

Cette flambée pèse sur le pouvoir d’achat des ménages, car l’énergie représente 10 % de leur budget. Selon le médiateur national de l’énergie, 95 % des ménages constatent une hausse, 60 % restreignent leur chauffage et 25 % diffèrent leurs paiements. Pis, cette baisse du pouvoir d’achat pourrait se muer en hausse de la précarité énergétique, laquelle affecte d’ores et déjà 3,5 millions de ménages.

Cette flambée pèse aussi sur les coûts de production des entreprises, mettant en danger leur rentabilité économique et leur viabilité financière. C’est le cas des 400 entreprises énergo-intensives. Parce qu’elles consomment la moitié de l’énergie du secteur de l’industrie, le surcoût pourrait s’élever pour elles à plus de 1 milliard d’euros !

À terme, cette flambée désorganise le marché de l’énergie. Les litiges se multiplient déjà entre consommateurs et fournisseurs, et l’activité du médiateur a crû de 15 % en six mois. Certains fournisseurs font d’ailleurs défaut. Or les fournisseurs de secours, qui auraient dû être désignés depuis bientôt deux ans, en application de la loi Énergie et climat, l’ont été la semaine dernière pour l’électricité… Et leur désignation est encore attendue pour le gaz !

Outre cette flambée, notre système énergétique est entré en crise. Notre sécurité d’approvisionnement se dégrade. Réseau de transport d’électricité (RTE) a placé la France en situation de « vigilance particulière » sur la période 2021-2024.

Notre indépendance énergétique recule. RTE a évalué à quarante-trois les jours d’importation en 2020, contre vingt-cinq en 2019.

Notre transition énergétique stagne. Les objectifs liés aux énergies renouvelables, fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, ne sont pas atteints. Selon RTE, l’écart est de 53 % pour le photovoltaïque, de 25 % pour l’éolien et de 1 % pour l’hydroélectricité. Les objectifs liés aux émissions de CO2, issus de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), ne le sont pas non plus. Pour le Haut Conseil pour le climat (HCC), le premier budget carbone a ainsi été dépassé de 62 millions de tonnes.

Notre avenir énergétique se complexifie. Dans son étude intitulée Futurs énergétiques 2050, RTE s’est inquiété des deux défis auxquels la France sera confrontée : l’électrification des usages, de 15 à 60 % supplémentaires, et le renouvellement du parc nucléaire, avec un « effet falaise » dès 2040 !

Dans ce contexte très dégradé, la politique énergétique du Gouvernement est marquée du sceau de l’indécision.

En premier lieu, le « bouclier tarifaire » est tardif et limité. L’attribution de 100 euros via le chèque énergie ou l’indemnité inflation est dérisoire, les prix à la pompe dépassant 1,50 euro par litre. Ces 100 euros sont l’équivalent d’un plein, et non une solution pérenne pour passer l’hiver !

Les tarifs réglementés, sur lesquels se focalisent les blocages ou compensations de prix, ne concernent que 7,5 % de la consommation nationale de gaz et 28 % de celle d’électricité.

Les entreprises énergo-intensives ne bénéficient que d’une avance de 150 millions d’euros, une aide six fois inférieure aux besoins !

Enfin, les baisses de taxes sur la consommation d’énergie sont facultatives, activables par décret et transitoires, limitées à un an. Or, avec 47 milliards d’euros, la France reste le premier pays européen en termes de fiscalité énergétique. Elle aurait pu, tout simplement, suivre la voie d’une baisse massive de la TVA, à l’instar de l’Espagne, ou d’une baisse de la fiscalité, sur le modèle de l’Allemagne.

En deuxième lieu, les réformes énergétiques sont embourbées.

Le projet Hercule, la réforme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique, le règlement du contentieux sur les concessions hydroélectriques : tous ces chantiers ont été suspendus, faute d’accord avec la Commission européenne. Le Gouvernement doit clarifier ses intentions !

Sur ce sujet, je veux dire solennellement qu’envisager une réforme du groupe EDF dans le cadre de la loi quinquennale de 2023, comme l’a évoqué ici la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, n’est pas admissible. Une telle réforme mérite à elle seule une loi !

M. Daniel Gremillet. Enfin, les choix énergétiques du Gouvernement sont incontestables… Pardon, je me suis trompé : je voulais dire « inconstants » ! (Sourires.)

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Non, c’était très bien ! (Nouveaux sourires.)

M. Daniel Gremillet. Si je me réjouis de noter un « retour en grâce » de l’énergie nucléaire, je suis sidéré qu’il ait fallu attendre six mois avant la fin du quinquennat pour que le Gouvernement s’y résolve enfin… Pour notre part, nous l’avions proposé dès 2019, à l’occasion de la loi Énergie et climat, dans notre proposition de résolution en mars dernier, et lors de l’examen de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, en août de cette année !

Si je prends acte de l’annonce de la construction de nouveaux réacteurs, je vous le demande : pourquoi avoir attendu si longtemps ? Et pourquoi avoir fermé les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020 ?

Je prends acte, aussi, de l’annonce de 500 millions d’euros consacrés aux petits réacteurs modulaires, mais elle est largement en deçà de la politique stratégique menée par les États-Unis ou le Royaume-Uni. Surtout, pourquoi avoir fermé le démonstrateur Astrid en 2019 ? Que de temps gâché sur des sujets cruciaux !

Je me félicite que notre commission ait, pour sa part, toujours tenu le même cap. À l’époque, nous nous étions battus, et avions voté le principe de la non-fermeture des réacteurs en l’absence d’énergie non intermittente décarbonée en parallèle. À l’époque, Mme la ministre de la transition écologique nous avait dit que cette proposition n’était « ni faite ni à faire ». Quel chemin parcouru depuis l’été dernier ! (MM. Stéphane Piednoir et François Bonhomme renchérissent.)

Une politique énergétique, a fortiori nucléaire, ne s’improvise pas ; elle s’anticipe. Et elle ne peut souffrir d’effets d’annonces, car le montant et la durée des investissements sont colossaux. Alors, passons des annonces aux décisions !

Nous attendons que le Gouvernement indique s’il compte relever la part de 50 % d’énergie nucléaire. Je regrette qu’il n’ait pas demandé à RTE de tester un scénario supérieur à cette proportion.

Nous souhaitons que le Gouvernement fasse savoir s’il compte revenir sur la trajectoire de fermeture des réacteurs existants. Je rappelle que RTE, dans son scénario à 50 % d’énergie nucléaire, a évoqué le besoin de « prolonger l’essentiel des réacteurs au-delà de 60 ans ».

Aujourd’hui, EDF parle de trois paires d’EPR (European Pressurized Reactors), tandis que RTE parle de quatorze EPR nécessaires et de SMR (Small Modular Reactors) supplémentaires. Nous souhaitons que le Gouvernement reprenne l’effort de recherches en direction de la fermeture du cycle du combustible, et qu’il soutienne le très prometteur projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor). Il faut lancer des plans de relance et d’investissement.

Enfin, nous appelons le Gouvernement à veiller à l’inclusion du nucléaire dans la taxonomie verte. Il serait incompréhensible que le gaz fossile y soit intégré et non le nucléaire, alors que ce dernier est pourtant la seule énergie décarbonée. Notre débat doit permettre de faire la lumière sur tous ces enjeux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureuse de représenter aujourd’hui le Gouvernement pour aborder cet enjeu crucial de la souveraineté énergétique de la France. Barbara Pompili m’a chargée de la représenter, puisqu’elle est en ce moment même en déplacement aux côtés du Président de la République pour promouvoir la filière hydrogène.

M. François Bonhomme. Elle fait campagne !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour faire évoluer notre mix énergétique et atteindre la neutralité carbone en 2050, le Gouvernement s’est fixé une ligne claire – j’ai même presque entendu dire qu’elle était « incontestable » dans le discours précédent… (Sourires.)

Le levier essentiel pour renforcer notre souveraineté énergétique consiste à sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Ces énergies fossiles importées représentent près des deux tiers de notre consommation énergétique, 63 % pour être exacte, alors que notre production d’électricité est, elle, largement décarbonée.

Les travaux inédits par leur ampleur et extrêmement approfondis que RTE a rendus à la fin du mois d’octobre présentent plusieurs options, mais une constante apparaît dans tous les scénarios : la neutralité carbone en 2050 suppose d’ici là une sortie des énergies fossiles. Si cet horizon peut paraître lointain, c’est dès aujourd’hui que nous devons préparer l’avenir.

La stratégie du Gouvernement est claire. Elle repose sur un triptyque : efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables, relance du nucléaire.

Pour sortir des énergies fossiles, le premier pilier de notre action consiste en la sobriété énergétique et en la réduction globale des consommations d’énergie, en complément des mesures de soutien au pouvoir d’achat que nous avons mises en place avec l’augmentation du chèque énergie de 100 euros, les boucliers tarifaires pour le gaz et l’électricité, et les indemnités inflation de 100 euros pour 38 millions de ménages.

Nous visons en 2050 une baisse de la consommation d’énergie de 40 % par rapport à celle d’aujourd’hui, conformément à la stratégie nationale bas-carbone. Il s’agit d’un défi d’une ampleur considérable, mais nous sommes actuellement sur le bon chemin, notamment grâce aux politiques menées depuis 2017, qui commencent à porter leurs fruits.

Nous avons par exemple engagé cette démarche à travers la massification de la rénovation énergétique des logements, avec le succès de MaPrimeRénov’, qui traitera entre 700 000 et 800 000 dossiers cette année. Nous l’avons également engagée en renforçant les exigences sur la consommation d’énergie des bâtiments neufs, avec la nouvelle réglementation environnementale pour les bâtiments, la RE2020. Nous avons aussi mis en place un soutien à des projets d’efficience énergétique dans l’industrie.

Toutefois, pour sortir des énergies fossiles, et parallèlement à la réduction de notre consommation totale d’énergie, il faudra électrifier divers usages dans la mobilité, le chauffage ou encore l’industrie. Ainsi, selon les différentes hypothèses des scénarios établis par RTE, la consommation d’électricité va croître d’ici à 2050 de 30 % à 60 %, en cas de réindustrialisation forte du pays.

L’électricité viendra ainsi remplacer les énergies fossiles importées, avec un effet positif sur notre indépendance énergétique comme sur nos émissions de gaz à effet de serre. Cela suppose toutefois de bâtir un système électrique permettant de produire, en 2050, de manière sûre, compétitive, et décarbonée, entre 650 térawattheures et 750 térawattheures d’électricité, contre moins de 500 térawattheures actuellement.

Pour relever ce défi, le deuxième pilier de l’action gouvernementale consiste à accélérer le développement des énergies renouvelables (EnR). Nous avons déjà progressé : aujourd’hui, 25 % de notre électricité est produite par des EnR, contre 21 % en 2018. Mais il sera nécessaire de doubler les capacités de production d’EnR d’ici à 2030, et de les accroître encore davantage d’ici à 2050.

Nous devons donc accélérer le développement de toutes les énergies renouvelables dès aujourd’hui pour tenir nos objectifs de décarbonation, en particulier lors des quinze prochaines années, au cours desquelles la capacité de production nucléaire va décroître avec l’arrivée en fin de vie d’une partie du parc, avant la mise en service de nouvelles centrales.

Sur l’éolien terrestre, il nous faudra atteindre en 2050 entre deux et quatre fois la capacité actuellement installée, pour atteindre alors plus ou moins le niveau d’équipement actuel de l’Allemagne.

Nous devons également développer massivement l’éolien en mer, avec pour objectif d’avoir mis en service entre 2 000 et 4 000 éoliennes offshore à l’horizon de 2050.

Nous déploierons également le photovoltaïque, en visant une multiplication entre sept et douze des capacités installées d’ici à 2050, ce qui mobilisera plusieurs dizaines de milliers d’hectares de toitures et de sols, dans le respect de nos objectifs de lutte contre l’artificialisation de ces derniers.

Au-delà du système électrique, le biogaz sera aussi une énergie importante, en se substituant progressivement au gaz naturel pour les usages résiduels. L’objectif est que le biogaz représente au moins 10 % du gaz consommé en 2030, contre 1 % aujourd’hui.

En somme, l’ensemble des énergies renouvelables jouera un rôle essentiel pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Mais notre souveraineté énergétique passe également par la constitution de filières industrielles compétitives en France.

Avec le plan France Relance, nous mobilisons 7 milliards d’euros pour développer l’hydrogène décarboné. Pour aller plus loin encore, le plan d’investissement France 2030 prévoit des soutiens complémentaires envers la filière hydrogène, mais aussi les EnR et l’intégration des systèmes énergétiques.

Le nucléaire est le troisième pilier de notre politique de souveraineté énergétique. Aujourd’hui, il est largement majoritaire dans notre mix électrique. À l’horizon de 2050, il en constituera encore un socle important en complément des énergies renouvelables. RTE confirme dans son rapport que la relance des capacités de production nucléaire permettra aux Français de disposer à l’horizon de 2050 d’une électricité compétitive.

Le Président de la République a annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, en invitant la filière industrielle à s’y préparer. L’objectif est de permettre, à partir de 2035, la poursuite de l’électrification des usages et le remplacement d’une partie des réacteurs existants qui arriveront en fin de vie.

Si la part du nucléaire dans le mix électrique décroîtra mécaniquement au fil des fermetures des réacteurs, la mise en service de nouveaux réacteurs, débutant dans une quinzaine d’années, permettra de conserver un socle significatif de nucléaire de manière à optimiser notre mix.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà la ligne du Gouvernement. Mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles et renouveler nos capacités de production électrique est un réel défi, comme nous n’en avons pas connu depuis un demi-siècle. Mais c’est aussi une opportunité historique pour renforcer l’indépendance énergétique de notre pays et la résilience de notre économie. Je sais qu’ensemble, nous saurons la saisir.

Débat interactif

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question et son éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour répondre d’une durée équivalente.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Jean-Claude Tissot.

M. Jean-Claude Tissot. Madame la ministre, nous partageons tous et toutes, dans cet hémicycle, l’idée que la reconquête d’une souveraineté énergétique constitue un enjeu majeur pour notre pays. La question à laquelle nous devons répondre à travers ce débat est celle des leviers pour la rendre effective.

La privatisation des acteurs du secteur de l’électricité et le démantèlement des opérateurs publics historiques ont conduit à une perte de contrôle de l’État sur la production et la distribution de l’énergie. Les conséquences pour les consommateurs ne sont pas celles qui avaient été promises : même sans compter les dernières envolées des prix, les tarifs de l’électricité ont augmenté de 60 % depuis l’ouverture du marché en 2007.

L’État, démuni face à la volatilité structurelle de ce marché, en est réduit à devoir sortir son carnet de chèques à chacun de ces dérapages. Pour certaines énergies, comme le gaz, nous sommes même devenus dépendants de pays étrangers.

Face à ces constats, il est illusoire d’imaginer un quelconque retour de souveraineté sans véritable contrôle public. Celui-ci doit passer par la mise en place d’un service public de l’énergie, géré dans l’intérêt général et financé exclusivement par des fonds publics.

Ce service public pourrait notamment intervenir pour initier un vaste plan d’économies d’énergie, bien mieux que des opérateurs privés qui n’ont aucun intérêt à nous amener vers la sobriété énergétique. De même, ce service public serait le mieux placé pour relever l’indispensable défi du développement des énergies renouvelables.

Le développement anarchique de projets conduits par des acteurs privés sans tenir compte des intérêts des territoires concernés suscite une résistance grandissante chez nos concitoyens. Deux exemples de projets d’installation d’éoliennes dans mon département de la Loire me semblent très parlants.

D’un côté, un projet à proximité des communes de Cherier, La Tuilière et Saint-Just-en-Chevalet, provoque une véritable résistance des élus locaux et de la population. C’est un groupe énergétique étranger qui le porte, dans un total déni de démocratie.

De l’autre côté, le projet des « Ailes de Taillard », sur les communes de Burdignes et Saint-Sauveur-en-Rue, porté dans une démarche participative par la communauté de communes, une association citoyenne et un acteur industriel, a permis d’obtenir une vraie adhésion des riverains.

C’est bien ce second type de modèle qu’il faut suivre pour donner une nécessaire acceptabilité à cette énergie : un projet pensé avec les citoyens et les élus, dont le territoire bénéficiera.

Aussi, à rebours du projet Hercule,…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Jean-Claude Tissot. … quel que soit le nom que vous voudrez lui donner, envisagez-vous, madame la ministre, d’aller vers ce service public de l’énergie, outil majeur pour une reconquête de la souveraineté énergétique de notre pays ?

Mme la présidente. Mes chers collègues, j’invite chacun d’entre vous à respecter son temps de parole. Notre ordre du jour étant très chargé, il nous faut veiller à essayer de ne pas finir trop tard.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Votre question, monsieur le sénateur, comporte beaucoup d’éléments.

En matière de souveraineté, je persiste à dire que l’élément fondamental consiste dans une moindre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Je vous ai ainsi exposé notre volonté de faire un véritable effort à la fois en matière de sobriété, et donc de réduire nos consommations, et en matière de substitution, pour aller vers une plus grande part d’énergie décarbonée, à commencer par l’électricité. Nous voulons construire une trajectoire électrique ambitieuse, en ce qui concerne tant le nucléaire que les énergies renouvelables.

Évidemment, le grand fournisseur historique qu’est EDF a toute sa place dans cette politique, dans ses rôles de distribution comme de production.

Ensuite, vous demandez comment les énergies renouvelables peuvent trouver une place dans ce débat sur la souveraineté. Je partage le point de vue qu’elles doivent être territorialisées au maximum, et que le débat local doit avoir lieu dans les conditions les plus apaisées possible.

Barbara Pompili a proposé dix mesures qui permettront de renforcer l’acceptabilité de l’éolien. Certaines sont d’ailleurs dans la droite ligne de la loi Climat et résilience, lors de l’examen de laquelle a été votée la mise en place de commissions régionales de l’énergie qui permettront de discuter de la diffusion des énergies renouvelables sur le territoire régional et à l’échelon intercommunal.

Certaines de ces dix mesures pour l’éolien sont très concrètes, comme la consultation obligatoire du maire avant l’implantation de chaque projet éolien, la réalisation d’une cartographie des zones propices au développement de l’éolien, ou encore l’instruction donnée aux préfets d’étudier la compatibilité des projets avec le patrimoine et les paysages de façon stricte, pour faire en sorte que l’on ne puisse installer l’éolien que là où c’est justifié et pertinent, et qu’il ne soit pas possible de le faire sans concertation approfondie – cela est également vrai pour le solaire.

Enfin, les projets citoyens que vous citez dans votre question seront soutenus.