Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.

Je rappelle que chaque groupe dispose d’une question de deux minutes maximum, y compris l’éventuelle réplique. Le Gouvernement dispose pour sa réponse d’une durée équivalente.

Dans la mesure où l’ordre du jour prévoit un autre débat après celui-ci, je serai très stricte sur le respect des temps de parole.

Dans le débat interactif, la parole est à M. Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Didier Mandelli. Madame la secrétaire d’État, je concentrerai mon propos sur la prévention des risques naturels majeurs.

Jeudi dernier, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est déplacée dans les Alpes-Maritimes, précisément dans la vallée de la Roya, afin de mesurer l’ampleur des dégâts et des travaux de reconstruction un an après le passage de la tempête Alex.

Onze ans après la tempête Xynthia qui a meurtri la côte Atlantique, cet événement climatique de la Roya ne sera plus un cas isolé dans les années à venir – hélas, pourrait-on dire.

Hier encore, des inondations ont frappé le Nord-Pas-de-Calais. Il n’est pas exagéré de dire que les catastrophes naturelles sont devenues notre lot quotidien.

Chaque année, depuis sept ans, inlassablement, j’ai alerté les gouvernements successifs sur les besoins d’accompagnement de nos concitoyens dans ces situations, tant pour la prévention des risques que pour leur indemnisation.

Hélas, le fonds Barnier a été plafonné, donc amputé de financements pourtant nécessaires. En 2022, il sera intégré directement au budget. Alors que la réserve de 700 millions d’euros et les 230 millions d’euros de recettes annuelles devraient être consacrés intégralement à ces actions, ce ne sera donc pas le cas l’année prochaine.

Pour la tempête Alex, comme Dominique Estrosi Sassone l’a indiqué ce matin lors de la séance de questions orales, certaines dépenses ne sont prises en charge ni par les assurances, ni par le fonds Barnier, ni par la dotation de solidarité.

Quand un terrain de football a disparu, quand deux cimetières sont emportés, quand la voirie et autres équipements n’existent plus et que la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite Montagne, oblige à reconstruire à l’identique, c’est mission impossible sans modification en urgence du plan local d’urbanisme (PLU).

Par ailleurs, les surcoûts liés à la prise en compte d’une plus grande résilience ne sont pas considérés.

Devant ces multiples traumatismes, madame la secrétaire d’État, acceptez-vous la perspective d’un travail en lien avec les élus et les parlementaires sur une loi d’urgence adaptée à ce genre de situations, alors que la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à définir les dispositions préalables à une réforme de l’indemnisation des catastrophes naturelles doit se tenir dans quelques jours ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Mandelli, les experts estiment que, d’ici à 2050, le coût annuel éventuel des catastrophes naturelles pourrait augmenter de plus de 50 %. C’est dire l’urgence de la situation !

Le fonds Barnier, qui intervient pour aider financièrement les collectivités et mettre en sécurité les personnes exposées à ces menaces graves, devait être renforcé. Il l’a été, puisque nous pouvons observer une augmentation de 70 % du montant des crédits de ce fonds par rapport au début du quinquennat. Il a été porté à 235 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2022, au lieu de 131 millions d’euros précédemment.

En plus de cette augmentation d’importance majeure, d’autres outils ont été mobilisés pour faire face à ces risques exceptionnels, notamment pour garantir une protection en cas d’inondations, via les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI). Nous avons réduit de moitié la durée d’élaboration et de labellisation de ces plans d’action.

Plusieurs dispositions ont également été intégrées à la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite ASAP, notamment pour accélérer les procédures environnementales nécessaires pour la prise en compte de solutions fondée sur la nature ou de digues. En l’occurrence, nous avons créé une procédure d’urgence civile pour favoriser une meilleure réactivité dans les situations d’urgence que vous avez décrites.

S’agissant du retrait-gonflement des argiles, un nouveau dispositif a été mis en place grâce aux dispositions qui ont été intégrées à la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite ÉLAN. Une carte des zones argileuses est désormais imposée où doivent figurer des préconisations constructives pour sécuriser ces zones.

Je pourrais également vous parler du plan Séisme Antilles et de la récente augmentation des aides du fonds Barnier et du plan de relance à hauteur de 50 millions d’euros. Ces aides permettront, comme vous l’avez vu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, de financer des abris anticycloniques et des abris antisubmersion, en Polynésie française notamment. Nous avons donc un bouquet de solutions.

Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. J’entends la nécessité de prévoir encore plus de réactivité et je sais que ces débats ont lieu au Parlement.

Mme le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.

M. Didier Mandelli. J’ai pu noter depuis la tempête Xynthia, il y a dix ans, une évolution positive des dispositions. Il reste encore à faire. On a pu le vérifier jeudi dernier dans les Alpes-Maritimes.

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

M. Jacques Fernique. Madame la secrétaire d’État, la multiplication des catastrophes naturelles le confirme : les collectivités territoriales sont en première ligne face au changement climatique. Garantes de la sûreté des habitants, elles sont les premières concernées par les questions d’adaptation et de résilience.

Avec l’adoption de la loi portant nouvelle organisation des territoires de la République (NOTRe) et de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les collectivités se sont vu attribuer des compétences clés pour agir sur les enjeux climatiques. L’élaboration et la mise en œuvre des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) à l’échelle des intercommunalités et du volet énergie-climat des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) ont vocation à amorcer la transition énergétique et écologique à l’échelle des territoires.

Afin de remplir efficacement ce rôle, les territoires ont besoin de financements à la hauteur. L’enveloppe de la dotation de soutien à l’investissement local n’y suffira pas. Les plans et les schémas risquent de rester largement lettre morte.

Depuis 2017, le Sénat adopte systématiquement la disposition relative à la dotation climat aux collectivités territoriales dans les projets de loi de finances ; il a réitéré dans le cadre de l’examen du projet de loi Climat et résilience et lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2022 – tout cela, en vain jusqu’à présent.

Alors que Bercy refuse d’avancer sur ce point, la Commission européenne semble, quant à elle, saisir l’enjeu de la dotation climat, puisqu’elle propose de flécher 100 % des recettes des ETS, Emissions Trading Schemes, enchères de quotas carbone, qui tombent dans les caisses de l’État, vers des politiques environnementales visant à limiter le changement climatique.

Madame la secrétaire d’État, dans ce contexte, n’est-il pas temps d’avancer clairement en faveur de cette dotation aux collectivités que les réseaux climats et les territoires ainsi que le Sénat vous demandent et que les défis climatiques et environnementaux exigent sérieusement ? (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Fernique, les régions, les collectivités et les intercommunalités sont en première ligne. Je ne cesse de défendre ce constat et je l’ai mis en œuvre dans la méthodologie de réécriture de la stratégie nationale pour la biodiversité pour les dix années à venir.

Nos politiques publiques, étatiques et nationales, n’ont de sens que si les collectivités peuvent et souhaitent les mettre en œuvre à l’échelon local. Il nous faut donc connaître les leviers à activer, il nous faut pouvoir accompagner les collectivités pour qu’elles puissent se saisir des moyens et des dispositifs que nous mettons en œuvre.

Près des quatre cinquièmes des leviers identifiés dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) impliquent directement les collectivités. C’est dire leur importance.

L’État appuie fortement les collectivités, vous le savez, non seulement dans leur domaine de compétence, mais aussi sur les questions de mobilité et les questions énergétiques, de même que pour la rénovation des bâtiments.

Nous avons d’abord connu une augmentation sans précédent de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) avec l’intégration de la DSIL verte à hauteur de un milliard d’euros. Un critère de 25 % d’investissements dits verts a été fixé pour accompagner le verdissement de nos politiques et leur déclinaison au niveau territorial.

Ensuite, le fonds Chaleur a été porté à 350 millions d’euros par an. Le plan de relance consacre un milliard d’euros à la rénovation des bâtiments publics. Des aides à la mobilité bas-carbone, que je ne détaille pas, ont été prévues.

La réutilisation des friches est également encouragée grâce à un fonds dédié qui a été de nouveau abondé en raison de l’engouement que les collectivités ont manifesté pour ce nouvel outil.

Les moyens en faveur de l’économie circulaire ont été renforcés et la contribution des filières à responsabilité élargie des producteurs aux côtés de l’État nous permet de massifier nos moyens.

Nous présenterons prochainement au Parlement un rapport qui, aux termes de l’article 68 de la loi relative à l’énergie et au climat, concernant la contribution des Sraddet et des PCAET aux politiques nationales de transition écologique. Quelques enseignements émergent déjà : près de 6,8 milliards d’euros en autorisations d’engagement sont fléchés par l’État et ses opérateurs pour l’action des collectivités en faveur du climat.

Mme le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat. Nous examinerons également les moyens sans précédent consacrés aux mobilités, comme dans les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui cristallisent aujourd’hui l’ensemble des dispositifs.

Mme le président. La parole est à M. Jacques Fernique, pour la réplique.

M. Jacques Fernique. Madame la secrétaire d’État, vous me répondez investissement, mais les collectivités ont aussi besoin de crédits de fonctionnement : 10 euros par habitant pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), 5 euros pour les régions, voilà ce qui leur permettrait d’agir efficacement.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, je veux vous parler du département de la Guyane, qui renferme 70 % de la biodiversité française. Une seule question : comment lutter réellement contre l’orpaillage illégal et ses conséquences, notamment le mercure qui pollue les rivières, détruit la biodiversité et intoxique les nombreuses populations, en particulier les peuples autochtones ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Gay, je dispose d’une enveloppe dédiée à la lutte contre l’orpaillage, prise sur les 15 millions d’euros supplémentaires que j’ai obtenus pour le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». L’arbitrage reviendra évidemment aux parlementaires dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

En effet, je souhaite consacrer des moyens sans précédent à la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, qui est un combat essentiel. L’existence de cette enveloppe, dont le montant des crédits s’élèvera à 3,5 millions d’euros, devrait répondre à votre question.

Il faut aussi prendre en compte les moyens de police et de surveillance sur place. Les dimensions des sites à sécuriser sont extrêmement importantes, de sorte qu’il faut une mobilisation considérable des forces de l’ordre sur place. Nous devons également renforcer les moyens techniques et logistiques.

Mme le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour la réplique.

M. Fabien Gay. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais il faudra un peu plus que de l’argent.

Saluons les forces de l’ordre qui luttent sur place dans le cadre de l’opération Harpie. Ce sont à peu près 300 hommes pour 10 000 à 20 000 garimpeiros.

Évidemment, la question des moyens se pose et l’on peut, bien entendu, doubler les effectifs, mais si l’on n’engage pas une action diplomatique résolue avec le Suriname et le Brésil, où les garimpeiros vont chercher leur matériel, notamment le mercure, nous n’y arriverons pas.

De plus, madame la secrétaire d’État, nous faisons face à un scandale écologique. La semaine dernière encore, j’étais en Guyane, un département que j’aime beaucoup, et j’ai eu l’occasion de naviguer sur le fleuve Kourou et d’observer que le mercure polluait nos rivières. Comme vous le savez, les peuples autochtones pêchent pour vivre, ou plutôt survivre.

Nous sommes aux prises avec un problème d’importance : à l’instar de ce que qui se passe pour les Guadeloupéens et les Martiniquais, qui ne bénéficient pas de la détection des maladies liées à l’exposition au chlordécone, il n’existe pas de dépistage massif et gratuit des pathologies nées du contact avec le mercure pour les peuples autochtones.

Je ne cesse d’alerter à ce sujet. Alors que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère qu’une concentration de 10 microgrammes par gramme de cheveu représente déjà une alerte extrêmement grave, le dernier dépistage, qui a eu lieu voilà dix ans, a recensé des taux allant de 12 à 14 microgrammes !

On estime que les garimpeiros collectent entre huit et dix tonnes d’or par an. Or l’extraction d’un kilogramme d’or nécessite un litre de mercure ; ce sont donc entre huit et dix tonnes de mercure qui polluent l’Amazonie, nuisent à la biodiversité et intoxiquent les hommes. Il faut agir d’urgence ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST, RDSE et UC.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la secrétaire d’État, depuis les accords de Paris de 2015, la France se pose en championne de la lutte contre le réchauffement climatique.

Nous ressentons un devoir d’exemplarité et nous y parvenons, puisque, grâce à l’énergie nucléaire, la France est l’un des pays les moins émetteurs de gaz à effet de serre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De plus, nos émissions ont déjà baissé de 20 % par rapport à 1990.

Cependant, pour parvenir à la neutralité carbone en 2050, il faut faire beaucoup plus. L’Union européenne vient d’ailleurs de relever les objectifs communautaires de réduction des émissions de gaz à effet de serre en les passant à 55 % en 2030, contre 40 % en 1990.

À l’issue d’un quinquennat qui devait nous placer sur cette voie vertueuse, l’heure du bilan carbone a sonné. Lors de l’examen du projet de loi Climat et résilience, le Gouvernement a demandé au Boston Consulting Group une étude évaluant l’impact carbone de l’ensemble des mesures prises depuis 2017.

Ses conclusions étaient optimistes, mais prudentes : « Le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre visé par l’ensemble des mesures [prises depuis 2017] est globalement à la hauteur de l’objectif de 2030, sous réserve de leur exécution intégrale et volontariste. » Cependant, l’atteinte de l’objectif de réduction de 40 % n’était pas assurée – à l’époque où cette étude a été menée, les ambitions européennes n’avaient pas encore été relevées.

Madame la secrétaire d’État, ma question est simple : comment réussirons-nous à réduire nos émissions de 55 % en 2030 ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Levi, tous les moyens que nous avons évoqués aujourd’hui doivent concourir à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et votre question me donne l’occasion de répondre à la sénatrice Lavarde. C’est bien pour ne pas avoir atteint l’objectif durant le mandat précédent que la France a été condamnée à agir.

Au début de l’année 2021, le Boston Consulting Group a estimé que cet objectif serait atteint à l’horizon 2030 si nous appliquions de manière effective les lois et les plans d’action dont nous avons débattu cet après-midi. Pour y parvenir, nous disposons d’un éventail de mesures sur lesquelles je ne reviens pas en détail. Les moyens nécessaires à leur mise en œuvre ont été mis en place.

Bien sûr, nous devons mesurer les effets de ces mesures au regard de chaque politique publique et il serait restrictif de ne considérer que l’action du ministère de la transition écologique.

Comme vous le savez, un autre volet important porte sur la transition agroenvironnementale et l’utilisation des sols de nos forêts. Tel est l’objet des Assises de la forêt et du bois, auxquelles je participe avec Julien Denormandie. Nous accomplissons également un travail approfondi à l’échelon tant national qu’européen pour lutter contre la déforestation.

L’ensemble de ces actions doivent nous permettre d’atteindre nos objectifs. Nous travaillons enfin à l’élaboration d’un projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, prévu pour 2023, sur lequel les parlementaires seront invités à se pencher.

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour la réplique.

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse. Nous nous réjouissons tous ici du lancement de nouveaux réacteurs nucléaires, annoncé par le Président de la République. Nous savons que cette énergie constitue l’une des solutions pour parvenir à la neutralité carbone. Je forme le vœu que ces nouvelles mesures nous aident à y parvenir.

M. Pierre Louault. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. Éric Gold.

M. Éric Gold. Madame la secrétaire d’État, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050, ce qui suppose d’agir rapidement dans tous les secteurs fortement émetteurs de gaz à effet de serre, notamment le BTP, qui représente 27 % des émissions dans notre pays.

Après des années de stagnation en matière de rénovation énergétique, le succès récent de MaPrimeRénov’ est bienvenu : 700 000 dossiers devraient ainsi être validés d’ici à la fin de cette année.

Ces résultats prouvent que la transformation du crédit d’impôt transition énergétique (CITE) en prime d’État était très pertinente. Le caractère incitatif du dispositif a été renforcé grâce à l’extension des critères d’attribution, à compter du 1er janvier 2021, à tous les propriétaires sans condition de revenus, ainsi qu’aux copropriétés. Le recours accru à la dématérialisation et le raccourcissement des délais d’instruction des dossiers ont également joué un rôle important.

Néanmoins, il s’agit essentiellement d’une massification des « mono-gestes » : 86 % concernent une seule opération simple, telle que l’isolation des fenêtres ou un changement de chauffage, et non pas une rénovation globale. En outre, un rapport de la Cour des comptes relatif aux premiers enseignements de MaPrimeRénov’ publié au mois de septembre dernier indique que seules 5 % des rénovations font l’objet d’un contrôle. Nous ignorons donc l’efficacité réelle des travaux, donc de la dépense publique.

Or la loi Climat et résilience, promulguée le 22 août 2021 – qui ne va pas assez loin, selon nous –, interdit la location des passoires énergétiques en 2028. De surcroît, l’ensemble du parc immobilier doit répondre aux normes bâtiment basse consommation (BBC) en 2050. Il convient donc de pérenniser cette subvention sur le long terme, bien au-delà du plan de relance.

Aussi, madame la secrétaire d’État, par quels moyens – incitatifs ou contraignants – le Gouvernement entend-il favoriser les rénovations globales afin d’éviter un saupoudrage de la dépense publique, dont l’efficacité doit être renforcée ?

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Gold, conformément aux dispositions de la loi Climat et résilience, nous avons progressivement instauré un dispositif d’incitation financière accrue en faveur de la rénovation énergétique. Nous avons souhaité que celle-ci soit, dans la mesure du possible, performante et globale, grâce à la mise en œuvre d’un système stable, offrant de la visibilité aux personnes souhaitant y souscrire.

En outre, tous les ménages, y compris les plus modestes, doivent pouvoir accéder à ce dispositif, qui est donc modulé en fonction des ressources et qui crée les conditions d’un reste à charge le moins élevé possible. C’était là un impératif de justice sociale.

La loi dispose explicitement que les financements continueront à couvrir toutes les rénovations, gestes de travaux et bouquets de travaux, aux côtés des rénovations performantes et globales. À cet effet, le dispositif MaPrimeRénov’ sera renforcé et disposera en 2022 d’un budget dédié s’élevant à 2 milliards d’euros, comme le Premier ministre l’a annoncé voilà quelques jours. Il s’agit donc d’offrir à tous les ménages une aide à la rénovation énergétique, en fonction de leurs ressources, je le répète.

Au-delà de la prime consacrée à la rénovation globale, très avantageuse pour les bouquets de travaux, le devoir de réaliser 55 % de gains énergétiques après les travaux constitue une incitation forte à la rénovation globale.

Mme le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.

M. Éric Gold. Madame la secrétaire d’État, il me semble également nécessaire de créer un guichet unique favorisant la conduite des travaux pour les particuliers.

Mme le président. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Madame la secrétaire d’État, depuis que j’ai été élu, je ne cesse de vous demander des comptes sur la suppression des emplois publics au sein du ministère de la transition écologique.

Il s’agit là d’une tendance lourde depuis le début de ce quinquennat et vous n’arrivez manifestement pas à stopper l’hémorragie de l’expertise publique environnementale. Le recours à des cabinets privés, tels que le Boston Consulting Group, en est l’un des exemples les plus frappants. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cette privatisation soit rentable sur le long terme pour notre pays : cela nous prive d’ingénieurs publics soucieux de l’intérêt général.

Contrairement à vos engagements, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit, cette année encore, une baisse de 400 équivalents temps plein (ETP). Certes, la baisse est limitée – élection présidentielle oblige –, mais elle est loin d’être neutre pour les opérateurs de l’État. Je pense à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique), mais aussi au Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), à qui le Gouvernement n’a de cesse de confier de nouvelles missions au profit des collectivités territoriales, en première ligne pour assurer la transition écologique.

Alors qu’un récent rapport du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) et de l’IGA (Inspection générale de l’administration) démontre par le menu la nécessité de mettre un terme à la destruction des emplois et de préserver les ressources humaines, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une fois encore la suppression d’une quarantaine d’emplois et subtilise quelques millions d’euros, pourtant essentiels pour le bon fonctionnement de cet opérateur de pointe.

On ne peut pas inviter les collectivités à recourir à l’ingénierie de l’État tout en privant dans le même temps celle-ci de ses moyens.

Madame la secrétaire d’État, qu’attendez-vous pour mettre fin à cette schizophrénie qui détruit notre expertise publique en matière de transition écologique, alors que vous savez que les collectivités territoriales, fers de lance de la grande transformation, manquent cruellement d’ingénierie ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Abba, secrétaire dÉtat auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Bigot, le plafond d’emploi des opérateurs du ministère de la transition écologique s’élevait, à périmètre constant, à 23 523 ETP en 2020. Le schéma d’emploi comptait quant à lui moins de 110 ETP. Ce sont des baisses majeures. Les opérateurs de l’État ont participé à cet effort pour limiter l’endettement public.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit, pour les opérateurs sous tutelle du ministère, un schéma d’emploi global subissant une baisse de 0,2 % par rapport à 2021 – nous avons donc retrouvé une situation très favorable. Le schéma d’emploi est même positif pour certains. Ainsi sont prévus 20 ETP pour les parcs nationaux, 9 ETP pour l’Ademe, 50 ETP pour la Société du Grand Paris, enfin 25 ETP pour l’Agence nationale de l’habitat (ANAH).

Je me réjouis que douze opérateurs voient leurs effectifs se stabiliser. Ainsi, dans le secteur de préservation de la biodiversité, aucune baisse n’est à déplorer et les schémas d’emploi seront nuls. Il s’agissait d’une décision inespérée pour les agences de l’eau par exemple. Tout le monde y voit un geste très favorable en direction des opérateurs de la biodiversité.

Certes, huit opérateurs connaîtront une baisse de leurs effectifs, mais celle-ci sera moins importante que les années précédentes. Le signal est clair : la priorité est donnée aux opérateurs de l’État œuvrant à la préservation de l’environnement.