Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Valérie Boyer. Telle est l’histoire que nous avons en partage. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.

M. Daniel Chasseing. Les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires saluent l’inscription dans ce texte de la reconnaissance de la Nation envers l’ensemble des supplétifs qui ont servi la France en Algérie et que notre pays a abandonnés, ainsi que de la responsabilité de l’État dans les conditions d’accueil et de vie indignes sur notre territoire faites aux anciens supplétifs, qui avaient choisi la France, et à leurs familles.

Ces personnes ont subi des conditions de vie particulièrement précaires, au sein de structures fermées.

Le champ de la reconnaissance n’inclut pas les 40 000 rapatriés d’origine algérienne qui n’ont pas séjourné dans les camps de transit. Toutefois, certains d’entre eux qui sont passés par ces camps avant d’aller vivre en ville pourront obtenir des indemnités.

Selon nous, tous les rapatriés devraient être indemnisés : dans les structures urbaines, la vie n’avait rien non plus de confortable, quand bien même on gardait la liberté de circuler.

La distinction opérée dans le texte entre les harkis qui pourront toucher réparation pour avoir vécu en structures fermées et ceux qui ne le pourront pas, car ils étaient en ville, n’est pas entièrement satisfaisante.

Toutefois, cette mesure reste une avancée. Elle marque une étape dans le processus de reconnaissance totale des harkis, lequel devra être poursuivi. Nous sommes donc favorables à cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, comme beaucoup de mes collègues, je demande à mon tour que la réparation soit générale, qu’il n’y ait pas de séparation incompréhensible.

J’attire votre attention sur un exemple précis. Dans mon département, le Loiret, plus précisément dans la commune de Semoy, se trouve la cité dite « de l’Herveline ». Depuis des décennies, j’en entends parler par les harkis, par leurs familles et par leurs descendants, qui me disent : « On ne nous reconnaît pas, on ne nous prend pas en considération, nous ne sommes sur aucune liste. »

Conjointement avec le maire de la commune, M. Laurent Baude, avec les harkis du Loiret et leurs représentants, je vous le demande avec force : la future commission doit avoir toute latitude pour examiner l’ensemble des situations ; tous les dossiers doivent pouvoir être examinés ou réexaminés.

Ainsi, des personnes qui se sont trouvées dans une situation d’isolement, venant de cités, de camps de transit , que l’on appelait presque ironiquement des camps d’accueil, ou de hameaux de forestage, et qui ont échoué là ou ailleurs, seront pleinement prises en considération. L’examen de leur dossier leur permettra de bénéficier des réparations.

Dès lors que l’on reconnaît un devoir de réparation, il ne faut pas que les critères mis en œuvre puissent être jugés arbitraires par qui que ce soit. Or le seul moyen d’éviter l’arbitraire, c’est de prendre en compte toutes les situations.

Mme la présidente. Je suis saisie de dix-neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 39, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

assimilés

insérer les mots :

citoyens français anciennement

La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Madame la ministre, l’adoption de cet amendement ne coûtera rien, hormis un peu d’honneur.

L’idée est simple : il s’agit de reconnaître dans la loi que les harkis sont des citoyens français. C’est la moindre des choses quand on a servi dans l’armée. En outre, ce statut leur était accordé en vertu du bloc constitutionnel de 1946. Enfin, l’ordonnance du 21 juillet 1962 le précisait de nouveau. Cette demande est donc légitime et naturelle.

Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido, Le Rudulier et Laménie, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après le mot :

Algérie

insérer les mots :

en tant que citoyens français

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement, comme d’autres déposés par mes collègues, a pour seul objet de rétablir la dignité, la vérité et la justice.

Les associations relaient une forte demande de la part des harkis : inscrire dans le marbre de la loi qu’avant d’être harkis ou membres de telle ou telle formation supplétive ils étaient des citoyens français.

Dans leur immense majorité, ces anciens supplétifs réfugiés en France métropolitaine sont juridiquement redevenus français par la procédure de déclaration recognitive qui leur a été ouverte jusqu’en 1967 par l’ordonnance du 21 juillet 1962.

L’ambition de ce projet de loi étant de « reconnaître la responsabilité de la France du fait des conditions indignes de l’accueil des personnes anciennement de statut civil de droit local et de leurs familles, rapatriées d’Algérie, sur son territoire après les accords d’Évian et de réparer les préjudices subis par ces personnes résultant de leurs conditions de vie, particulièrement précaires, dans les structures de transit et d’hébergement où ils ont été cantonnés », il convient de nommer justement les événements et les personnes impliquées.

Je rappelle que les harkis étaient des militaires français et qu’ils ont versé leur sang lors de plusieurs conflits, en France métropolitaine ou ailleurs. On refusant de leur reconnaître la nationalité française, on contreviendrait à l’objectif de réparation que fixe le texte.

Tous les 25 septembre et tous les 5 décembre, je me rends aux commémorations en l’honneur des harkis et des soldats morts pendant la guerre d’Algérie. Mais, aujourd’hui, il faut retenir une date unique pour rendre un même hommage à tous les combattants d’alors qui ont choisi la France et qui étaient français. Ce choix est celui de la justice et de la dignité, tant pour notre histoire que pour ces personnes et pour leurs descendants, pour ceux qui sont encore là et qui souffrent toujours de discriminations.

Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par M. Bourgi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît que les harkis étaient des citoyens français à part entière lorsqu’ils servaient et défendaient ses intérêts.

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, lorsque les harkis se sont engagés au service de la France, pendant la guerre d’Algérie, ils étaient considérés comme des citoyens français à part entière. Ils ont perdu la nationalité française lors de la conclusion des accords d’Évian, mais l’ont recouvrée progressivement grâce à l’ordonnance du 21 juillet 1962.

Cet épisode fâcheux a été vécu par les intéressés comme une marque d’indignité infligée par la mère patrie. Plus récemment, certains d’entre eux me disaient qu’ils l’avaient ressenti comme une déchéance de nationalité, comme une infamie de plus.

Il convient de proclamer dans la loi, une bonne fois pour toutes, que les harkis ont été et sont restés des citoyens français à part entière. Au-delà de la réparation symbolique, il s’agit d’une réalité que nul ne peut nier ou contester.

Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par M. Tabarot, Mme V. Boyer, MM. Mandelli, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Longuet, Belin, Détraigne, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Rietmann, Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol, Mmes Demas et Devésa et M. Saury, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît que les harkis ont servi en Algérie en tant que citoyens français.

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à entériner la qualité de Français des harkis qui ont combattu en Algérie.

Comme l’ont dit les orateurs précédents, les harkis se sont battus pour la France et ils étaient bel et bien français avant de perdre cette nationalité lors des accords d’Évian, puis de la recouvrer.

Cet amendement vise à poursuivre le processus de reconnaissance engagé par ce projet de loi. Les harkis étaient français non seulement parce qu’ils avaient fait le choix de la France, mais aussi parce que l’Algérie était française, n’en déplaise à certains.

Madame la ministre, madame la rapporteure, ce point ne souffre aucune contestation historique, si bien que de telles dispositions peuvent être acceptées par tous. Les harkis ont besoin de recevoir une réparation – nous y reviendrons dans quelques instants –, mais ils méritent surtout notre reconnaissance. Nous devons rappeler qu’ils étaient français.

Mme la présidente. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mmes Muller-Bronn et Joseph, MM. Meignen, Meurant, Daubresse, Longuet et Babary, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l’ordre donné par le Gouvernement français de ne pas rapatrier les harkis et leurs familles, conduisant de fait à leur abandon sur le territoire algérien, postérieurement aux déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie. Elle reconnaît que cet abandon a conduit les populations de harkis et personnes anciennement de statut civil de droit local, exposées aux représailles de membres du Front de libération nationale, à un sort tragique et souvent fatal.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à reconnaître que l’abandon par la France des forces supplétives sur le sol algérien a conduit à de nombreuses représailles contre les harkis et leurs familles. Plusieurs milliers de harkis ont en effet été massacrés sur le sol algérien, dans des conditions particulièrement cruelles.

Dans son discours du 20 septembre dernier, le Président de la République a évoqué la date du 19 mars 1962 comme « la fin des combats, le soulagement pour beaucoup, l’angoisse pour tant d’autres, le début du calvaire pour les harkis, la cruauté des représailles, l’exil ou la mort ». En somme, les harkis ont eu le choix entre la valise et le cercueil.

Si la France ne saurait reconnaître la responsabilité de massacres qu’elle n’a pas commis, elle doit reconnaître sa responsabilité dans l’abandon délibéré des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local, restés en Algérie, et de leurs familles. C’est cet abandon qui a conduit aux massacres.

Dans un esprit de reconnaissance, il est important que nous votions ces amendements. Je le répète, si la France n’a pas commis ces exactions, elle doit réparation aux Français qu’elle a abandonnés et trahis en Algérie.

Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Devésa, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle reconnaît que les déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 relatives à l’Algérie ont amené à l’abandon des harkis, pourtant citoyens français, entraînant des massacres sur le territoire algérien, des représailles ainsi que l’exil forcé de harkis.

La parole est à Mme Brigitte Devésa.

Mme Brigitte Devésa. Bon nombre d’amendements auront la même teneur que celui que je présente, mais il est important de persister pour graver dans le marbre la responsabilité de l’État français dans l’abandon et les massacres des harkis et de leurs familles, après les accords d’Évian du 19 mars 1962.

Cet amendement vise également à inscrire noir sur blanc dans ce texte les mots « citoyens français » pour qualifier les harkis.

Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, M. Regnard, Mme Muller-Bronn, MM. Meignen, Meurant, Daubresse et Longuet, Mme Dumont et MM. Sido et Le Rudulier, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Elle reconnaît sa responsabilité du fait de l’accueil attentatoire à la dignité humaine de ceux qui ont été relégués dans des structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des spoliations, à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles et aux libertés publiques qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables induisant une perte de chance pour les harkis et les enfants nés dans ces familles.

La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement tend à inclure dans le champ de la reconnaissance prévue par cette loi les ayants droit des harkis qui ont subi une perte de chance due à leurs conditions de vie difficiles et à l’absence de scolarisation. On leur a ainsi infligé une rupture d’égalité par rapport aux autres citoyens et enfants de la République.

Élargir la reconnaissance de la faute de la France à l’endroit de la deuxième génération, passée par les camps, hameaux de forestage et foyers, particulièrement quand l’État a failli à son devoir de scolarisation des enfants, constituerait une avancée sans précédent, que le Président de la République a d’ailleurs appelée de ses vœux dans son discours du 20 septembre 2021.

De plus, il s’agit de recueillir les témoignages de la deuxième génération qui a eu à vivre dans les camps, les hameaux de forestage ou les foyers, afin qu’elle obtienne réparation pour ces conditions de vie indignes et l’absence de scolarisation des enfants.

Cet amendement vise donc à mettre en cohérence les paroles prononcées par le Président de la République et ce texte de loi.

Il s’agit également de reconnaître que ceux qui ont été relégués dans les structures d’hébergement ou de transit ont subi divers préjudices, allant de la privation de liberté à la spoliation.

Mme la présidente. L’amendement n° 53, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

responsabilité

insérer les mots :

dans l’abandon des harkis sur le sol algérien, la gestion aléatoire du rapatriement de certains d’entre eux et les conditions particulièrement inhumaines des harkis qui furent accueillis dans les structures dédiées sur le territoire français

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Madame la ministre, ce projet de loi reconnaît la responsabilité de la France à l’égard des harkis vivant dans notre pays. Mais la France porte aussi une responsabilité à l’égard de ceux qui sont restés sur le sol algérien et qui y sont morts. Il convient de le reconnaître, par devoir moral et politique.

Ce faisant, on honorerait la mémoire de ces martyrs. Bon nombre d’entre eux ont été égorgés. Pendant plusieurs jours, leur sang a rougi le sol algérien et le port d’Alger, où ils ont attendu désespérément que l’armée française et la France viennent à leur secours.

Mme Valérie Boyer. C’est vrai !

M. Hussein Bourgi. Bien sûr, il est impossible de leur accorder la moindre réparation ; mais, à tout le moins, il symboliquement leur faire une petite place dans la mémoire collective.

Les dispositions proposées par des collègues siégeant sur toutes les travées témoignent du consensus que suscite cette demande au Sénat. Je vous prie de l’entendre et d’y faire droit.

Mme la présidente. L’amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Tabarot et Mandelli, Mme V. Boyer, MM. Longuet, J.M. Arnaud, J.B. Blanc, Le Rudulier, Laménie et Hingray, Mme Ventalon, MM. Belin, Favreau et Chaize, Mme Herzog, MM. Somon et Klinger, Mme Muller-Bronn, MM. Regnard, Grosperrin, Paccaud, Bonne, Daubresse et Sol et Mmes Demas et Devésa, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

responsabilité

insérer les mots :

dans l’abandon et

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Le premier alinéa de l’article 1er reconnaît l’abandon des harkis. Pour notre part, nous souhaitons aller plus loin en précisant la responsabilité de la Nation dans cet abandon. Si la Nation reconnaît avoir abandonné les harkis après le 19 mars 1962, elle doit aussi admettre sa responsabilité dans la défaillance de leur rapatriement.

Cet article est purement déclaratif et nous nous devons d’être fidèles à l’histoire des harkis. Ces derniers ont été abandonnés, désarmés par la France, laissés à leur triste sort face aux actes barbares du FLN.

Tel est donc l’objet de cet amendement : reconnaître la responsabilité de la France, non seulement dans les conditions d’accueil des harkis, mais également dans leur abandon.

Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

personnes rapatriées

par les mots :

citoyens français rapatriés

La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Il est défendu, madame la présidente !

Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par M. Stanzione, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Temal, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

rapatriées

insérer les mots :

ou rentrées en France par leurs propres moyens

La parole est à M. Lucien Stanzione.

M. Lucien Stanzione. Ce projet de loi reconnaît les préjudices subis par les harkis et les personnes de statut civil de droit local lors dans leur retour en France.

Circonscrire cette reconnaissance aux seules personnes rapatriées et hébergées dans les structures d’accueil particulières reviendrait, une fois encore, à manquer à notre devoir.

En effet, lors des opérations de rapatriement, certains harkis sont venus en métropole par leurs propres moyens. Or leurs conditions de vie étaient aussi difficiles et indignes que celles des harkis rapatriés.

Toutes ces raisons militent pour une reconnaissance et une réparation identiques : il serait totalement illogique de ne pas inclure dans ce dispositif les personnes rentrées par leurs propres moyens.

Cet amendement vise donc à prendre en considération l’ensemble des personnes rentrées en France : les harkis et les autres personnes anciennement de statut civil de droit local, quel que soit leur mode de retour et d’hébergement en métropole.

M. Rachid Temal. Très bien !

Mme la présidente. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par M. Tabarot, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

des personnes rapatriées d’Algérie

insérer les mots :

ou arrivées par leurs propres moyens

La parole est à M. Philippe Tabarot.

M. Philippe Tabarot. Cet amendement vise à compléter l’article 1er, qui évoque les harkis rapatriés et oublie que certains sont arrivés par leurs propres moyens.

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Philippe Tabarot. Ainsi, on éviterait d’exclure certaines personnes du champ de la loi.

Certains harkis ont été emprisonnés et torturés en Algérie en violation des fameux accords d’Évian du 19 mars 1962, pourtant censés garantir la sécurité des biens et des personnes. Certains harkis ont ainsi été contraints, du fait de leur emprisonnement en Algérie, de ne rejoindre la France que bien des années plus tard, après le rapatriement initial et par leurs propres moyens.

En évoquant le seul rapatriement, ce projet de loi ne prend pas en compte la réalité vécue par les harkis. Mon amendement vise simplement à corriger cette erreur.

Mme la présidente. L’amendement n° 41, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, hébergés dans de structures de toute nature où ils ont été soumis à des conditions de vie particulièrement précaires ainsi qu’à des privations et à des atteintes aux libertés individuelles qui ont été source d’exclusion, de souffrances et de traumatismes durables

La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Les dispositions de cet amendement sont relativement simples et correspondent aux positions défendues, me semble-t-il, sur toutes les travées de cet hémicycle.

Il faut éviter toute distinction entre les harkis ayant transité par des camps et les autres. Ainsi, notre amendement tend à retirer le périmètre limitatif de la disposition, à savoir le passage par les camps.

Mme la présidente. L’amendement n° 42, présenté par M. Temal, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Bourgi, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

familles,

insérer le mot :

notamment

La parole est à M. Rachid Temal.

M. Rachid Temal. Avec cet amendement de repli, nous proposons de ne pas limiter la réparation aux seules personnes ayant transité par les camps.

Il me semble que nous visons tous le même but : réparer l’ensemble du drame vécu par les harkis et reconnaître leurs années de combat pour la France, puis leur abandon par la France. C’est aussi simple que cela.

Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Guiol, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

dans des structures de toute nature

par les mots :

pour leur transit puis leur cantonnement dans des structures de toute nature fermées ou ouvertes

La parole est à M. André Guiol.

M. André Guiol. Cet amendement vise à éviter toute discrimination envers la communauté harkie, induite par une distinction fondée, dans la rédaction actuelle de l’article 1er, sur les conditions d’accueil et d’hébergement sur le territoire français.

Si ce projet de loi cible assez bien la reconnaissance des préjudices subis lors de l’accueil des harkis en métropole, il est dommageable de distinguer les structures ouvertes et fermées. Toutes ont, malheureusement, provoqué des frustrations et des situations d’isolement, de gravité et d’intensité variables. Il appartiendra à la commission ad hoc de quantifier le montant du préjudice.

Cette commission nationale indépendante, créée pour la circonstance à l’article 3, pourra instruire les demandes de reconnaissance et de réparation grâce à une enveloppe financière dédiée, annuelle et normée. Elle devra examiner toutes les formes de logement ayant abouti à une relégation.

Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par M. Bourgi, Mmes Poumirol et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne et Féret, M. Fichet, Mme Jasmin, M. Jomier, Mmes Le Houerou, Meunier et Rossignol, MM. Temal, Stanzione, Michau, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot :

précaires

par le mot :

inhumaines

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Cet amendement vise à remplacer l’adjectif « précaire » par l’adjectif « inhumaine ». Ce n’est pas simple question sémantique, car derrière les mots se cachent des réalités.

Parler de précarité pour évoquer les conditions d’accueil et de vie des harkis revient, en somme, à atténuer les faits. Les harkis ont été relégués, privés de transports en commun et d’accès à l’eau potable. Leurs enfants ont été déscolarisés. Ils ont subi la promiscuité et l’absence de soins.

Tous ces faits, attestés et prouvés, étaient malheureusement la règle dans beaucoup de hameaux de forestage. Ces derniers étaient très éloignés des villes, des bourgs et des villages. Le but était clair : empêcher les harkis de se mêler à la population.

Voilà ce que j’appelle des conditions inhumaines. Si elles n’avaient été que précaires, les harkis auraient été hébergés à l’hôtel ou dans des lieux plus conformes à la notion de confort.

Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’État français reconnaît avoir refusé de rapatrier tous les harkis en les abandonnant à leur sort sur le territoire algérien.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Comme mes collègues l’ont rappelé, l’article 1er ne concerne que les harkis ayant vécu dans les camps, pas ceux venus d’Algérie par leurs propres moyens.

En Algérie, des centaines de harkis ont été enfermés, maltraités, molestés et torturés pour avoir combattu auprès de la France. Après la guerre, ils ont été livrés à eux-mêmes.

Tous les supplétifs de l’armée française n’ont pas eu le choix entre partir en France ou rester en Algérie. Certains d’entre eux ont réussi à gagner l’Hexagone plusieurs années après le cessez-le-feu ; mais, à leur arrivée, qu’ont-ils trouvé ? Rejet, misère et humiliation ! Il ne faut en aucun cas les exclure du texte et les priver de leur droit à la réparation.

Cet amendement vise à réécrire le deuxième alinéa l’article 1er afin de reconnaître cette double responsabilité de la France : d’une part, l’abandon des harkis sur le territoire français dans les camps d’accueil et les hameaux de forestage ; de l’autre, l’abandon des harkis sur le sol algérien.

N’oublions aucun d’entre eux : ce serait faire injure à leur engagement pour la France. Nous le devons à leurs descendants – je salue d’ailleurs la présence de certains d’entre eux dans les tribunes.

Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

S’agissant des harkis et des personnes anciennement de statut civil de droit local et leurs familles rapatriées sur son territoire, la France reconnaît sa responsabilité pleine et entière du fait de l’abandon de certains d’entre eux arrivés par leurs propres moyens dans le plus grand dénuement.

La parole est à Mme Valérie Boyer.