M. le président. L’amendement n° 226, présenté par MM. Daubresse et L. Hervé, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 242

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, la qualité d’agent de police judiciaire sera attribuée aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu’ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Les prérogatives des agents de police judiciaire seront par ailleurs renforcées afin qu’ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, sous le contrôle de ces derniers.

II. – Après l’alinéa 252

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

- Étendre la liste des actes que les enquêteurs sont autorisés à accomplir, avec l’autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, lors des enquêtes sous pseudonyme.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. L’amendement n° 77, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 245

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose à la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle, qui fait l’objet de l’alinéa que nous souhaitons supprimer.

Selon le professeur de droit Olivier Cahn, « le recours à la procédure de l’amende forfaitaire délictuelle transfère aux forces de l’ordre non seulement la charge de la qualification de l’infraction mais l’opportunité de décider d’une répression minorée et accélérée, ce qui privera le parquet de la possibilité d’exercer son pouvoir d’opportunité des poursuites ».

La généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle va étendre l’application de mesures intrusives ou coercitives, prises sans contrôle préalable d’une autorité juridictionnelle, au mépris des dispositions de l’article 40-1 du code de procédure pénale, lequel prévoit qu’il revient au procureur d’apprécier l’opportunité des poursuites.

Nous parlions précédemment, monsieur le ministre, de disparités territoriales dans l’application de la politique pénale, qui dépend du procureur et des circulaires. Il ne vous aura pas échappé qu’il y a, dans ce cas précis, le risque d’une application disparate selon les juridictions.

Le Syndicat des avocats de France (SAF), de son côté, pointe un autre élément. Il se dit très inquiet quant aux difficultés de faire un recours contre ces amendes. Le recours n’est pas suspensif, et l’on ne prévient pas les intéressés qu’ils peuvent contester ces amendes devant le tribunal de police.

Selon le même syndicat, parce qu’ils n’étaient pas au courant de la possibilité de recours, des jeunes issus de certains quartiers défavorisés – disons le mot – auraient ainsi contracté plus de 10 000 euros de dettes avec ces amendes, qu’ils ne peuvent pas payer.

Par cette généralisation, nous assistons à une politique de contournement de la justice répressive, dont les potentielles dérives ne feront qu’accroître le sentiment de défiance des citoyens vis-à-vis de leur police. Or c’est un point que nous voulions mettre en avant lors de cette discussion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je voudrais, tout d’abord, dire à M. Richard que la commission n’a pas du tout commis d’erreur de manœuvre. Nous aurions effectivement pu dire : « Mesdames, messieurs les parlementaires, ce rapport d’orientation n’a de portée ni normative ni législative, et nous serons donc défavorables à tous les amendements ». Tel n’est pas l’usage au sein de la commission des lois, et ce n’est pas ce que m’a demandé de faire le président Buffet.

Au cours de ma longue vie de parlementaire, j’ai connu un ministre communiste qui avait inauguré le débat sur une loi très importante, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite SRU, en annonçant qu’il ne lirait pas les amendements de l’opposition, quels qu’ils soient, et qu’il les rejetterait. Je ne trouve pas cela correct. Nous sommes des parlementaires, et il est logique que chacun d’entre nous puisse s’exprimer et que nous puissions réitérer certains arguments. Depuis hier, M. le ministre passe beaucoup de temps à développer ses arguments et fait preuve d’une grande pédagogie. (On opine sur des travées du groupe Les Républicains.) On est d’accord ou pas avec ses propos, mais au moins obtient-on des explications importantes, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé, quels que soient les gouvernements…

Nous sommes, les uns et les autres, dans notre rôle. Ce n’est pas une erreur de manœuvre : nous avons voulu que le débat parlementaire se déroule en toute connaissance de cause ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Cela étant dit, l’avis est défavorable sur les amendements nos 188 et 77, qui sont presque des amendements de coordination par rapport aux positions prises préalablement par leurs auteurs, et sur lesquelles j’avais émis un avis défavorable.

Par coordination, là encore, j’émets donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Il est défavorable sur les amendements nos 188 et 77, et favorable sur l’amendement de coordination n° 226 de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 188.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 226.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 77.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 189, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 255

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Parallèlement au positionnement des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries, il conviendra d’introduire un agent de police judiciaire, extérieur à l’enquête, garant des droits et des libertés de la personne gardée à vue, ayant pour mission la vérification du respect des garanties procédurales pendant la garde à vue.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous considérons que l’idée d’introduire des délégués du procureur dans les commissariats et les gendarmeries est bonne, car cette mesure contribue à l’efficacité de l’enquête. Pour autant, elle n’est pas satisfaisante.

Pour renforcer les droits des gardés à vue, mais également des victimes, il convient d’introduire au sein des commissariats et des gendarmeries des agents de police judiciaire ne prenant pas part à l’enquête, et dont la mission serait de vérifier le respect des garanties procédurales tout au long de la garde à vue.

Nous considérons, en outre, qu’il est nécessaire d’aller dans le sens d’un renforcement de la procédure pénale et non d’une simplification. Les métiers de la sécurité intérieure doivent pouvoir être exercés sereinement ; c’est pourquoi l’instauration d’un agent de police judiciaire extérieur à l’enquête permettrait de prévenir tout vice de procédure et consoliderait celle-ci, en évinçant les causes de nullité susceptibles de l’entacher.

Ainsi, les agents de police judiciaire exerceraient leurs fonctions sans cette épée de Damoclès : voir une procédure annulée pour ne pas avoir respecté certaines obligations procédurales. Ces agents recevront une formation spéciale destinée à prévenir toute atteinte aux droits et libertés fondamentales des gardés à vue, notamment en termes de respect de leur dignité.

Soucieux de la pression subie par les agents de police judiciaire et des atteintes aux droits et libertés fondamentales susceptibles – je dis bien « susceptibles » – d’intervenir dans le cadre de la garde à vue au sein des commissariats et des gendarmeries, nous proposons au travers de cet amendement un encadrement de ladite garde à vue.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un procès d’intention !

C’est le rôle des policiers et des gendarmes que de garantir le respect des procédures, et c’est aussi celui des délégués du procureur, quand il y en a. Il n’est donc pas utile d’ajouter un agent spécifique pour assurer cette mission. Toutes les garanties entourent la garde à vue et les avocats, qui sont présents lors de cette procédure, peuvent le vérifier.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je suis très étonné par cet amendement de Mme Assassi… D’une part, elle opère un contresens par rapport à la disposition qu’elle souhaite amender. D’autre part, ce n’est pas le rôle d’une personne extérieure que de regarder ce qui se passe dans un commissariat.

Je le rappelle, les OPJ, par définition, agissent sous l’autorité du procureur de la République, qui peut retirer leur habilitation.

Cet amendement aurait pu avoir un sens si l’avocat n’était pas présent dès la première heure de garde à vue. Car s’il y a une personne qui peut critiquer la façon d’appliquer la procédure de garde à vue, c’est bien l’avocat ! Si vous me permettez de le dire, voilà une proposition qui n’est pas du niveau des amendements habituels du groupe communiste…

Quant au délégué du procureur, il n’est pas du tout là pour vérifier le fonctionnement de la procédure. Si vous relisez bien le projet de loi, madame la présidente, vous verrez que son rôle sera d’améliorer la chaîne pénale entre police et justice.

Ainsi, le délégué du procureur – et non plus les policiers – fera les rappels à la loi, les rappels probatoires. Il y a un certain nombre de dispositions dont on attend aujourd’hui beaucoup en cours de procédure, comme le prononcé de « petites peines » par le procureur ou le substitut. Faire venir les procureurs, et donc leurs délégués, dans les commissariats permettra que la chaîne pénale soit rapide et efficace en termes de prononcé de la sanction.

C’est non plus le contrevenant qui se rendra devant le procureur, mais le procureur et son délégué qui viendront dans le commissariat pour prononcer des peines – celles qui sont acceptables dans cet objectif de rapidité de la sanction.

Il s’agit là d’une énorme simplification de la procédure pénale. Je dirai même, mesdames, messieurs les sénateurs, que c’est une révolution. Jusqu’à présent, on n’avait jamais fait venir de délégué du procureur pour tenir de petites audiences, en vue de prononcer plus vite les sanctions.

Votre amendement n’est donc pas conforme à l’esprit du présent texte, madame la présidente Assassi. Par ailleurs, il traduit une certaine distance par rapport au travail des policiers, que par ailleurs – je le sais – vous soutenez.

Mme Éliane Assassi. Nous retirons notre amendement, monsieur le président !

M. le président. Vous êtes parfois convaincant, monsieur le ministre… (Sourires.)

L’amendement n° 189 est retiré.

L’amendement n° 132, présenté par Mme M. Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéa 261

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Des mesures concrètes seront prises pour faire face à la crise climatique, face à laquelle les forces de l’ordre ont un rôle à jouer, notamment en renforçant leurs actions de prévention, contrôle et répression des atteintes à l’environnement, en augmentant leurs moyens financiers et effectifs dédiés, et en assurant une formation et sensibilisation transversale de toutes les forces de police sur ce sujet et ses enjeux.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. L’alinéa 259 du rapport évoque le réchauffement climatique comme un risque à venir, alors qu’il est bien réel et que nous le subissons déjà. Cet amendement vise donc à renforcer les mesures de police pour faire face à une délinquance qui contribue au réchauffement climatique.

On sait que la catastrophe climatique et le risque pesant sur la biodiversité sont des facteurs d’insécurité réels dans nos vies. Dans ce contexte, la délinquance environnementale est dangereuse. Elle se manifeste, vous le savez, au travers de pratiques condamnables contre lesquelles nos maires, surtout ceux des petites communes, ont énormément de mal à lutter. Pour certains, l’issue de cette lutte a même été fatale. Voilà pourquoi cet élément devrait occuper une place beaucoup plus importante dans le texte que nous examinons.

L’amendement tend donc à développer les mesures que les forces de l’ordre pourraient mettre en œuvre afin d’être formées sur les conséquences réelles du changement climatique, mais aussi afin de prévenir, contrôler et sanctionner les atteintes à l’environnement à une plus grande échelle, et de consacrer ainsi le rôle de protecteur de la nature de la police. Celle-ci a un réel rôle à jouer dans ce domaine : sensibiliser à la protection de notre environnement ; protéger notre propriété commune ; contrôler et sanctionner ceux et celles qui polluent en toute impunité. Ces mesures seront très utiles aux collectivités territoriales et à tous nos territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous n’avons pas d’objection majeure à l’adoption de cet amendement, qui prévoit des « mesures concrètes ».

M. le ministre nous ayant dit, hier, qu’il avait écrit lui-même les 90 pages de son rapport, nous allons lui demander si, à son avis, ce paragraphe peut s’y intégrer… (Sourires.) S’il nous répond positivement, j’émettrai un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vous ai vu rire sous cape, monsieur le président…

M. le président. Non, non… (Nouveaux sourires.)

M. Gérald Darmanin, ministre. Or, j’ai bien écrit ce texte, avec les voyelles en bleu et les consonnes en rouge ; c’est vous dire à quel point j’y ai mis du mien !

Je suis favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 132.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 149, présenté par MM. Dossus, Benarroche, Breuiller, Dantec, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 298

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La gestion du risque nucléaire et radiologique devra prendre une place toute particulière dans cette politique nouvelle de gestion du risque. Les actions de sensibilisation et de formation aux gestes qui sauvent devront prendre en compte ces risques. À ce titre, le ministère s’assurera que les stocks stratégiques de pastille d’iode sont bien au niveau nécessaire et avec un maillage territorial suffisant pour couvrir les besoins de la population en cas de catastrophe nucléaire ou radiologique.

La parole est à M. Thomas Dossus.

M. Thomas Dossus. Le rapport annexé annonce l’ambition de développer la culture du risque chez nos concitoyens via des actes de formation et de sensibilisation, avec la participation de la population – on parle de risques industriels, évidemment.

Cette politique doit être saluée, notamment lorsqu’elle témoigne, comme c’est le cas dans le rapport, d’une prise en compte des conséquences du dérèglement climatique qui touche déjà, et touchera encore plus fortement à l’avenir, les populations.

Cette prise de conscience salutaire des enjeux de résilience peut être encore améliorée si on lui adjoint un autre risque, dont on parle peu, mais qui, pourtant, est loin d’être nul au vu de la politique énergétique de notre pays : le risque nucléaire et radiologique.

Qu’ils soient militaires ou civils, volontaires ou accidentels, directs ou indirects, le risque nucléaire et radiologique est spécifique de par son impact potentiel et les dommages qu’il peut entraîner sur les biens et les populations.

Dans un pays qui compte parmi les puissances nucléaires et qui dispose de 56 réacteurs en activité, ou presque, ce risque doit faire l’objet d’une attention particulière. Et si nous avons perdu une partie de notre savoir-faire en matière d’entretien des centrales, il est temps de se réassurer que nous sommes capables de gérer une telle menace.

Nous souhaitons donc que la gestion de ce risque soit enseignée partout, avec les bons gestes, les bonnes pratiques et les exercices collectifs qui s’imposent.

Nous aimerions, parallèlement, que soit amorcée une réflexion sur l’évolution des seuils du plan particulier d’intervention des centrales nucléaires, aujourd’hui fixé à 20 kilomètres. Dans le cas de Lyon, la centrale du Bugey est à 30 kilomètres de la place Bellecour, donc trop éloignée pour participer à la commission locale d’information (CLI). Il est temps de revoir ces périmètres.

Outre l’évolution de ces seuils, nous souhaitons que le ministère s’assure que les pastilles d’iode qui protègent les organismes exposés aux radiations soient en quantité suffisante pour toute la population ; les réponses à nos questions sur ce point sont plutôt évasives du côté des services préfectoraux.

Au vu de la politique nucléaire, à la fois civile et militaire, de notre pays, l’ajout de ces risques au plan de sensibilisation prévu par le rapport nous semble relever du bon sens

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Que le ministère de l’intérieur prévoie dans le rapport d’orientation, dans le cadre de la gestion de certains risques, de sensibiliser la population à l’éventualité d’une catastrophe de ce type, je suis d’accord ; mais cela est déjà écrit dans le rapport !

En revanche, le fait d’entrer dans les détails, comme vous le faites, par exemple en prévoyant le volume des stocks stratégiques de pastilles d’iode, cela doit relever du ministère de l’environnement ou prendre place dans une loi environnementale, tout comme le sujet des masques sanitaires pour se protéger du covid-19 relevait du ministère de la santé…

Une telle disposition n’ayant pas sa place dans ce texte, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 149.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Kanner, Mme Harribey, M. Durain, Mme de La Gontrie, MM. Bourgi, Kerrouche, Leconte, Marie, Sueur, Gillé et Jacquin, Mmes Le Houerou, G. Jourda et Artigalas, M. Cozic, Mmes Conconne, Meunier et Carlotti, M. Cardon, Mmes Monier et Rossignol, MM. Tissot, M. Vallet et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 320

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Dans cet objectif, il conviendra, à la lumière du retour d’expérience des événements climatiques extrêmes de l’année 2022, d’encourager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours là où le risque a évolué, et de créer des centres de première intervention dotés d’une réponse de proximité spécifique dans les massifs exposés au risque de feux de forêts et d’espaces naturels.

De même, s’agissant d’un service public essentiel, l’inscription dans la loi de la subordination de toute fermeture de centre d’incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège sera envisagée.

La parole est à M. Patrick Kanner.

M. Patrick Kanner. Cet amendement porte sur la consolidation du maillage territorial des centres d’incendie et de secours. Je profite de cette prise de parole pour remercier les rapporteurs et la commission des lois d’avoir émis un avis favorable, dès la discussion en commission du rapport annexé, sur la question des pactes capacitaires des services d’incendie et de secours, pour aboutir à une répartition des moyens mieux proportionnée au risque.

Mais, car il y a un mais – et l’actualité nous oblige à évoquer ce point –, nous assistons depuis vingt ans à une baisse draconienne du nombre de centres d’incendie et de secours. Les chiffres sont les suivants : leur nombre est aujourd’hui de 6 154, soit 25 % de moins qu’il y a vingt ans – 2 544 centres ont ainsi disparu.

Cette situation est bien sûr liée à la départementalisation : celle-ci a eu de très bonnes conséquences en termes de moyens matériels, mais a abouti à une forme de rationalisation territoriale, qui peut aujourd’hui nous interpeller.

Nous sommes engagés auprès des sapeurs-pompiers, qui sont sollicités, à la fois, pour lutter contre les incendies – je pense notamment aux feux de forêt de cet été –, et pour porter secours aux personnes, un secteur d’intervention en forte expansion. La soutenabilité de cette situation pose question.

Nous proposons, par cet amendement, deux pistes.

Tout d’abord, envisager la réouverture, si nécessaire, de centres de secours fermés, après une analyse circonstanciée.

Ensuite, subordonner toute fermeture de centre d’incendie et de secours à la consultation préalable du maire de la commune siège – il s’agirait d’une simple consultation et non d’un avis qui serait opposable au département. Il serait en effet souhaitable d’associer les maires avant toute décision au regard de l’évolution des besoins de notre pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Nous sommes favorables à la deuxième partie de l’amendement.

Notre doctrine, qui s’applique à d’autres sujets connexes, est la suivante : le maire ou le conseil municipal, selon ce que prévoit la loi, est systématiquement consulté sur la fermeture éventuelle d’établissements, comme cela se fait, en matière scolaire, en cas de fermetures de classe.

Sur la première partie de l’amendement, nous comprenons très bien l’intention de M. Kanner. Néanmoins, s’il faut ouvrir des centres de secours, il nous semble que c’est aux services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) de le faire.

L’avis de la commission est toutefois favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gérald Darmanin, ministre. J’émets un avis de sagesse sur cet amendement.

Dès lors que l’on décentralise, nous devons accepter que ceux qui décident soient ceux qui sont en lien avec leur territoire, en l’occurrence le département et donc le Sdis. Vous êtes un expert des communes, monsieur Kanner : je ne vois pas pourquoi l’État devrait intervenir dans le fonctionnement de ces services, même si je comprends bien votre volonté.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’État peut encourager…

M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne vais pas m’opposer au rapporteur !

M. Patrick Kanner. Ce n’est qu’un rapport !

M. Gérald Darmanin, ministre. Certes, mais ce sujet pourrait conduire à de petites anicroches avec les collectivités territoriales.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 93, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 321

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le pacte capacitaire doit également être déployé pour des investissements de renouvellement et pour des frais de fonctionnement.

La parole est à M. Guy Benarroche.

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 93, 92, 110 et 91.

M. le président. J’appelle donc en discussion les amendements nos 92, 110 et 91.

L’amendement n° 92, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 321

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

La construction d’un pacte capacitaire national en mesure de répondre aux situations de crises doit conduire à poursuivre l’ambition d’atteindre un parc de 10 000 véhicules camions-citernes feux de forêts (CCFF) répartis sur l’ensemble du territoire, dans les dix ans à venir.

L’amendement n° 110, présenté par MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 322

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Dans l’objectif d’alléger la charge financière pour les services d’incendie et de secours, le Gouvernement harmonisera les allégements de taxes dont bénéficient seulement à ce jour quelques types de véhicules.

L’amendement n° 91, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 322

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

Est créée dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en œuvre la politique de l’État en matière de prévention des incendies.

Chaque département se dote d’un Plan départemental de Protection de la forêt contre l’incendie, dans l’objectif d’organiser des aménagements de défense de la forêt contre l’incendie nationalement normalisés et de simplifier les démarches administratives d’aménagement.

Le Gouvernement s’engage enfin à relancer et accroître significativement le fonds d’aide à l’investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d’espaces naturels.

Veuillez poursuivre, monsieur Benarroche.

M. Guy Benarroche. Ces amendements, qui ont trait aux Sdis, sont pour la plupart issus de discussions que j’ai eues avec Grégory Allione.

Par l’amendement n° 93, nous souhaitons prévoir que le pacte capacitaire, qui pourrait éventuellement être modifié et augmenté, puisse servir à financer, au-delà de l’achat initial de véhicules, leur renouvellement et leurs frais de fonctionnement.

Nous savons que les besoins capacitaires de la sécurité civile doivent être réévalués. Le financement des frais de fonctionnement se complexifie, et le pacte capacitaire joue à cet égard un rôle de verrou. Je rappelle que ces véhicules peuvent être amenés à servir à plusieurs Sdis, dans divers endroits. Leur achat initial est financé par une mutualisation des moyens, qui ne vaut pas pour l’entretien. L’objet de cet amendement est donc d’étendre les capacités d’utilisation du pacte capacitaire.

Par ailleurs, l’ampleur du cofinancement envisagé par l’État nous semble insuffisamment documentée, alors que le fléchage budgétaire est indispensable pour participer à l’acquisition mutualisée de moyens exceptionnels entre les Sdis.

Les évolutions prévues nous semblent, de plus, sous-évaluées à la lumière des besoins capacitaires de la sécurité civile, et en particulier des Sdis, pour faire face à l’intensification en nombre, en ampleur et en périmètre des crises, qui sont la conséquence de l’inaction climatique.

Une intensification de la trajectoire pluriannuelle de la sécurité civile doit être envisagée pour accroître et moderniser les moyens matériels. Nous demandons donc au Gouvernement qu’il s’engage à construire un pacte capacitaire permettant de doter le parc de 10 000 véhicules de camions-citernes feux de forêt dans les dix années à venir, contre les 3 700 prévus. Tel est l’objet de l’amendement n° 92.

L’amendement n° 110 se fonde également sur les échanges que nous avons eus avec les acteurs de terrain – dont nous saluons l’engagement et le travail – au cours desquels nous avons pris la mesure de l’usure causée par les sinistres et donc de la nécessité du renouvellement de certains véhicules.

Selon ces acteurs, la taxation des véhicules lourds n’est pas la même selon la destination des véhicules : les citernes et véhicules porteurs d’eau ne sont pas taxés alors que les véhicules qui les accompagnent le sont. Prenons l’exemple de trois véhicules porteurs d’eau accompagnés d’un autre véhicule ; les économies réalisées par l’absence de taxation de ce quatrième véhicule permettraient d’acheter un véhicule supplémentaire.

La justification de la différence de taxation entre les différents véhicules ne leur semble pas cohérente : aussi l’objet de l’amendement est-il d’exonérer tous les types de véhicules de taxation.

J’en viens à l’amendement n° 91. D’ici à 2050, près de 50 % des forêts et des landes métropolitaines seront sujettes à un risque élevé d’aléa incendie : le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a ainsi montré que les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 %.

Ces données obligent le Gouvernement à envisager, dans un plan de programmation, de renforcer les services de pilotage, de prévention et d’application des règles, afin d’améliorer la réponse préventive et opérationnelle des feux de forêt.

Du reste, les échelons locaux sont également essentiels dans cette réflexion.

Concernant les orientations budgétaires annoncées dans le rapport annexé, nous demandons une réponse forte du Gouvernement aux besoins capacitaires de la sécurité civile, et en particulier des Sdis. Les événements climatiques extrêmes auxquels la France a été confrontée en 2022 font apparaître la nécessité d’un renforcement de l’effort budgétaire, notamment pour lutter contre les feux de forêt.