Mme le président. La parole est à Mme Monique de Marco. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Monique de Marco. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi a été adoptée il y a près d’un an à l’Assemblée nationale. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a souhaité l’inscrire à l’ordre du jour pour aider une profession en souffrance, dès les études.

En 2018 déjà, l’Association nationale des étudiants sages-femmes relevait que 70 % des sages-femmes en formation présentaient des symptômes dépressifs et que 27 % d’entre elles songeaient à quitter leur formation.

Malgré ces signaux d’alerte, peu de choses ont été faites pour répondre à cette détresse. En juillet 2021, un rapport de l’Igas relançait la question de l’intégration du cursus de sage-femme à l’université. Une circulaire de 2012 fixait déjà le même objectif. Elle n’a jamais été appliquée.

Nous avons conscience de la dégradation des conditions d’exercice des sages-femmes, placées désormais sous l’autorité de médecins obstétriciens, dans un contexte budgétaire hospitalier contraint. Dans le même temps, le rapport de notre société à la natalité a évolué, avec la baisse du taux de fécondité et l’accroissement des exigences des patients envers l’ensemble du corps médical.

La détérioration des conditions d’exercice des personnes accompagnant les mères durant la grossesse et l’accouchement n’a pas été prise à bras-le-corps. Nous cherchons aujourd’hui à apporter une première pierre à l’édifice de la revalorisation de cette profession essentielle à la vie. Nous voulons dire ici aux sages-femmes toute notre confiance.

La santé des femmes et celle des sages-femmes vont de pair. L’histoire nous montre d’ailleurs que la valorisation de cette fonction, autrefois confiée à des matrones sans formation, a toujours amélioré la prise en charge des patientes et des nouveau-nés.

La professionnalisation et le renforcement du matériel pédagogique, sous l’impulsion de personnalités ingénieuses comme Angélique du Coudray au XVIIIe siècle, qui avait créé un petit mannequin pour expliquer les manœuvres obstétricales, ont contribué à faire chuter la mortalité des nouveau-nés et des mères.

Avec cette proposition de loi, nous répondons donc sans ambiguïté au besoin de revalorisation du métier de sage-femme, notamment par l’intégration universitaire de l’ensemble des écoles de sages-femmes d’ici à 2027 et par la création du titre de docteure en maïeutique.

Nous facilitons ensuite la possibilité pour les sages-femmes d’enseigner et de faire de la recherche tout en maintenant une activité clinique. Enfin, la profession de sage-femme est reconnue dans la nomenclature de l’Insee comme médicale, au même titre que les médecins et les dentistes, et non comme paramédicale. Il s’agit d’une demande de longue date de la profession.

Avec ce texte, nous ne répondons pas à toutes les attentes, notamment aux espérances en matière de rémunération. Madame la ministre, notre geste parlementaire de revalorisation du statut universitaire devra se doubler d’un geste du Gouvernement pour une revalorisation budgétaire.

Pour un exercice apaisé de la profession, d’autres changements doivent intervenir. Je pense notamment au statut de sage-femme référente, proposé par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires en 2021 lors de l’examen de la loi visant à améliorer la santé par la confiance et la simplification. Nous attendons toujours la publication du décret pour que cette nouvelle disposition entre en vigueur.

Grâce à l’initiative d’Annie Chapelier, dont je salue la présence en tribune, et au travail de Raymonde Poncet Monge dans son rôle de rapporteure, nous espérons que cette proposition de loi pourra entrer en vigueur rapidement et dans les meilleures conditions. Je souhaite que notre chambre fasse preuve de sagesse transpartisane, en lui apportant un soutien unanime, comme à l’Assemblée nationale et au sein de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mmes Émilienne Poumirol et Monique Lubin applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la profession de sage-femme a progressivement évolué.

Elle a évolué du point de vue de sa reconnaissance, qui est nécessaire et qui a toujours fait l’objet de combats, de cris d’alarme, de mobilisations de ces femmes et de ces hommes qui tiennent avant nous-mêmes nos enfants dans leurs bras.

Elle a évolué, surtout, du point de vue de leurs compétences et de leurs missions, qui se sont largement renforcées au fil du temps, dans le domaine de l’obstétrique et de la périnatalité, mais également, depuis les années 2000, de la gynécologie.

Les missions de ces professionnelles sont essentielles, puisqu’elles suivent en toute autonomie une patiente, de la déclaration de grossesse à la réalisation des soins postnataux du nouveau-né et de la mère, en passant par la réalisation de certaines vaccinations. Elles peuvent également conduire l’entretien prénatal précoce, fondamental pour préparer l’arrivée d’un enfant, aider les futurs parents à le devenir et dissiper les doutes et questionnements qui peuvent peser sur eux dans cette période particulière.

La loi du 21 juillet 2009 précitée a encore élargi leur champ de compétences, sous réserve du suivi d’une formation. Elles peuvent désormais réaliser des échographies gynécologiques et des actes d’ostéopathie, prescrire des contraceptifs hormonaux, poser des dispositifs contraceptifs sous-cutanés ou encore conduire des consultations de contraception ou de suivi gynécologique, dans une logique de prévention. Enfin, depuis 2021, elles peuvent prescrire certains médicaments et des arrêts de travail sans limitation de durée.

Pourtant, ces évolutions majeures ne se sont pas accompagnées d’une plus grande reconnaissance de leur métier. Or c’est bien de cela qu’il s’agit ici.

En effet, le nombre d’étudiants sages-femmes n’a jamais été aussi bas, avec 20 % de places vacantes pour cette année universitaire, malgré l’action du Gouvernement, qui avait acté une augmentation de 1,5 % du nombre de places par rapport à 2020. Le constat est alarmant : 40 % des sages-femmes quittent la profession dans les deux ans qui suivent l’obtention de leur diplôme.

Face à cette pénurie, due au décalage criant entre le niveau de responsabilité et la reconnaissance dont bénéficient ces professionnelles, le Gouvernement a apporté des réponses concrètes, afin de renforcer l’attractivité de ce métier.

Je pense bien sûr à la revalorisation financière, à hauteur de 500 euros net par mois en moyenne, des sages-femmes hospitalières, mais également à la prolongation du doublement du taux de promus-promouvables dans la fonction publique hospitalière, pour la période 2022-2024. Il s’agit d’un engagement inédit du Gouvernement, puisque l’ensemble de ces mesures de revalorisation représente 100 millions d’euros en 2022.

Par ailleurs, la création d’un entretien postnatal précoce obligatoire et les campagnes d’information, confiées à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) par la dernière loi de financement de la sécurité sociale visant à promouvoir les compétences des sages-femmes, traduisent la reconnaissance de l’État envers celles et ceux qui œuvrent aux côtés des parents et des nouveau-nés.

La proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme, que nous examinons aujourd’hui, comporte des dispositions intéressantes que nous saluons, puisqu’elles vont dans le sens d’une meilleure reconnaissance de ce métier.

Elle renforcera la qualité de la formation, en créant un diplôme d’État de docteur en maïeutique et en systématisant l’implantation au sein de l’université de la formation initiale. Elle crée également un statut de maître de stage universitaire pour mieux accompagner les étudiants, ainsi qu’un troisième cycle, conformément à l’engagement du Gouvernement, afin de permettre aux étudiants en maïeutique de découvrir les différents modes d’exercice sur le territoire.

La place consolidée de ces étudiants dans les nomenclatures statistiques permettra de reconnaître davantage le caractère médical de la promotion ; nous le saluons.

Cette proposition de loi comporte d’autres dispositions intéressantes. En particulier, en vertu de ce texte, les sages-femmes ayant une activité d’enseignement-recherche pourront désormais exercer une activité de soins en parallèle.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ainsi que la rapporteure du texte, Mme Raymonde Poncet Monge, d’avoir fait inscrire ce texte à l’ordre du jour de la Haute Assemblée.

Cette proposition de loi, très attendue par les sages-femmes, sera, je l’espère l’occasion de faire entendre la voix de ces professionnelles et de promouvoir la reconnaissance et la valorisation que cette profession mérite.

Au fil du temps, parallèlement à la médicalisation et à la technicisation croissante des accouchements, le rôle des sages-femmes a évolué et leurs compétences se sont élargies, mais leur statut, lui, est resté inchangé. En effet, alors que le code de la santé publique reconnaît le métier de sage-femme comme une profession médicale, les actes de ces professionnelles ne sont que partiellement reconnus dans les nomenclatures.

Cette situation est paradoxale, car, en raison du manque de gynécologues, les sages-femmes sont devenues les relais et les piliers indispensables du parcours de santé des femmes.

Ainsi, depuis quelques années, elles exercent de nouvelles activités en dehors du champ traditionnel de la grossesse, telles que le suivi gynécologique, la prescription de contraceptifs, la pratique de l’IVG, la préparation à l’assistance médicale à la procréation, ainsi que la prévention et l’éducation à la sexualité.

Cet enrichissement de leurs compétences a nécessairement conduit à enrichir leur formation initiale, qui paraît aujourd’hui trop dense, bien plus en tout cas que celle des autres professions médicales. En effet, les études de sage-femme comportent un volume supérieur de 1 246 heures par an par rapport à certaines formations médicales qui durent au minimum six ans.

Cette intensité des études nuit au bien-être étudiant et à l’attractivité des études en maïeutique. Selon l’Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf), en 2018, plus de deux tiers des étudiants en maïeutique souffraient de symptômes dépressifs.

Face à ces constats, il était indispensable de réformer la formation des sages-femmes et, à cet égard, la présente proposition de loi comporte des avancées que nous saluons.

À l’article 1er, le texte parachève l’intégration universitaire des sages-femmes, afin de lutter contre les inégalités entre les différentes écoles. En effet, aujourd’hui, 24 écoles sur 35 fonctionnent encore selon une régulation et un financement à l’échelon régional, 11 ayant opté pour un financement universitaire. Cela crée une disparité préjudiciable.

Ainsi, dans certaines écoles, les financements régionaux n’ont pas évolué et la réforme du numerus apertus de l’année dernière n’a pu être mise en œuvre. Le nombre de places de formation pour les sages-femmes n’a donc pas augmenté. En donnant aux universités la compétence d’agréer et de financer les écoles, le texte renforce le statut médical des sages-femmes.

La création, à l’article 1er bis, d’un statut de sage-femme agréée maître de stage des universités, à l’instar de ce qui existe pour les médecins généralistes, représente une avancée importante dans l’encadrement des étudiants et dans la valorisation de l’encadrement des sages-femmes.

L’article 2, qui consacre la mise en place d’un troisième cycle universitaire, répond à une demande forte de la profession, et le groupe SER, qui soutient depuis longtemps cette mesure, se félicite de sa mise en œuvre dès la rentrée 2024. Nous regrettons néanmoins qu’il ne soit pas prévu de renforcer la formation continue des sages-femmes en portant le nombre de jours de formation de 2,5 à 15 par an, comme le demandent les syndicats et l’ordre de cette profession.

L’article 3 offre aux doctorants de la filière maïeutique la possibilité d’exercer simultanément leur activité professionnelle et des activités d’enseignement et de recherche, afin de renforcer l’attractivité de la profession.

Enfin, l’article 4 de la présente proposition de loi reconnaît l’activité de sage-femme comme une activité de pratique médicale au sein de la nomenclature des activités françaises de l’Insee. Cette mesure répond à une demande récurrente de la profession et met fin à une situation injustifiée au regard de ses activités.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, comporte de réelles avancées pour la reconnaissance de la profession de sage-femme. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain la soutiendra.

Néanmoins, la réforme de la formation ne représente qu’une partie de la réponse à apporter au sentiment de déclassement et au besoin d’attractivité de cette profession. Depuis de nombreux mois, les sages-femmes alertent les pouvoirs publics sur leurs conditions de travail, et, face au silence de ces derniers, elles manifestent et font grève.

Par conséquent, les sujets restant en suspens, tels que la rémunération, encore inférieure à celle des autres professions médicales, les conditions de travail – nous sommes loin du modèle « une femme, une sage-femme », mis en place par certains de nos voisins européens –, le manque de personnel ou la révision du décret de périnatalité, devront faire prochainement l’objet d’autres textes.

Aujourd’hui, une sage-femme est amenée à prendre en charge jusqu’à trois patientes par garde de douze heures en salles de naissance et jusqu’à vingt-cinq en suites de couches. Dans ce contexte, il paraît difficile pour les sages-femmes de consacrer assez de temps à l’accompagnement correct de tous les couples qu’elles doivent suivre.

Les conditions de travail dégradées ont des conséquences sur la santé mentale des sages-femmes et, dans le milieu hospitalier, près de 40 % d’entre elles font un burn-out. Le métier de sage-femme est tellement en perte d’attractivité que l’on enregistre en France près de 20 % de postes vacants.

Je me permets donc de vous interpeller, madame la ministre, sur la nécessité d’un texte plus large sur la périnatalité et l’accompagnement de la santé des femmes et des nouveau-nés, dans la lignée du rapport sur les 1 000 premiers jours.

Ce texte est d’autant plus nécessaire que l’Agence nationale de santé publique note, dans son rapport du 20 septembre dernier sur la santé périnatale, de grandes inégalités territoriales et une aggravation de la situation.

Mme le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Émilienne Poumirol. Cette dégradation inquiétante plaide donc pour un nouveau texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à mon tour de remercier le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ainsi que la rapporteure Raymonde Poncet Monge, d’avoir repris un texte, adopté à l’unanimité à l’Assemblée nationale, visant à faire évoluer la formation des sages-femmes.

En France, ces professionnelles sont au nombre de 23 400 et prennent en charge, chaque année, plus de 750 000 femmes qui accouchent et autant de nouveau-nés. Elles assurent la surveillance et le suivi médical de la grossesse et préparent à la naissance et à la parentalité.

Cette proposition de loi vise à moderniser la formation des sages-femmes, d’une part, en parachevant l’intégration universitaire de leur formation, en créant un troisième cycle d’études et en facilitant la recherche en maïeutique, et, d’autre part, en réaffirmant le statut médical de ce métier.

Depuis de nombreuses années, les étudiants en maïeutique, ainsi que la communauté des sages-femmes, militent pour l’intégration universitaire des études de sages-femmes. Parmi les professions médicales, celle-ci est en effet la seule dont la formation ne soit pas intégralement assurée par les universités. Cette situation entraîne de fortes disparités sur le territoire.

Selon une enquête de l’Anesf réalisée en 2019, seulement 16 % des écoles auraient mis en place des référents de terrain pour les élèves, durant les stages. La création d’un statut de maître de stage universitaire, prévue dans le texte, répond donc à une attente forte des étudiants.

Les études en maïeutique comportent aujourd’hui un volume horaire nettement supérieur à celui des autres formations médicales, ce qui explique, en partie, le fait que sept étudiantes sur dix présentent des symptômes dépressifs. La création d’un troisième cycle en maïeutique vise donc à alléger le volume horaire des enseignements et à mettre en cohérence la formation des sages-femmes avec leurs compétences, qui n’ont cessé de s’étendre au cours des dernières années, en matière tant obstétrique, gynécologique et pédiatrique que de prévention.

Les sages-femmes constituent une profession de santé aux conditions de travail dégradées, à qui l’on demande toujours plus sur le plan médical sans que la reconnaissance statutaire et salariale suive.

Nous nous souvenons tous de leur longue mobilisation pour se faire entendre. En effet, les gouvernements successifs ont accru les compétences et les attributions de ces professionnelles sans compensation salariale, sans amélioration de leurs conditions de travail et sans revalorisation de leurs qualifications.

Comment expliquer que cette profession médicale soit si mal reconnue, si ce n’est par le fait qu’elle est exercée quasi exclusivement par des femmes ?

Dans la fonction publique hospitalière, les sages-femmes n’appartiennent pas à la catégorie du personnel médical. Alors qu’elles sont titulaires d’un diplôme de niveau bac+5, incluant une première année de médecine, elles commencent leur carrière avec 1 600 euros à 1 800 euros net par mois et elles sont exclues du bénéfice de diverses primes. Il faudra donc continuer de légiférer pour reconnaître ce métier, en améliorer les conditions de travail et en revaloriser la rémunération.

Contrairement au Gouvernement, qui ajoute une dixième année de médecine via le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 sans discussion préalable avec les internes ni réflexion sur les études, cette proposition de loi ajoute une année d’étude en prenant en compte le rythme de la formation, le contenu pédagogique et les nouvelles compétences des sages-femmes.

En outre, elle autorise les enseignants-chercheurs en maïeutique à cumuler la recherche et une activité clinique, sans qu’un refus puisse leur être opposé. Ce sont des avancées importantes.

Je note que l’Anesf aurait voulu que le texte aille plus loin, en créant un statut spécifique permettant la biappartenance hospitalière et universitaire. C’est vrai, cette proposition ne répond pas à l’ensemble des revendications de la profession, mais elle constitue une première étape importante. Je pense que mon ami et camarade le docteur Paul Cesbron l’aurait saluée, lui qui fut le militant infatigable de la reconnaissance de cette profession comme hautement médicale.

En attendant un autre texte, les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste voteront en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il est loin, le temps des accoucheuses ! Voilà deux siècles que le législateur donne de plus en plus de responsabilités aux sages-femmes, à celles qui nous offrent le premier souffle de vie.

Quitter le domicile pour la maternité fut une évolution dans la prise en charge de l’accouchement, de plus en plus médicalisé, mais l’exigence accrue de sécurité entraîna la fermeture, en vingt-cinq ans, de 40 % des maternités, celles qui étaient trop petites ou ne comptaient pas d’obstétricien, et, au passage, suscita la marginalisation du rôle des sages-femmes.

Le discrédit est tel aujourd’hui que, selon l’Anesf, à peine plus de la moitié d’entre elles envisage d’exercer uniquement à l’hôpital. Pis, 20 % des places ouvertes cette année en formation sont restées vacantes, ce qui souligne ce désamour.

La souffrance au stade de la formation, mais également dans les fonctions professionnelles, nous interpelle, et les mouvements sociaux de l’année passée nous l’ont très justement rappelé. En effet, si la barque des sages-femmes a été chargée au fil du temps de nouvelles responsabilités médicales, qu’en est-il de leur reconnaissance ? Le sentiment exprimé par la profession est celui d’un entre-deux, d’une zone grise, qui ne reconnaît pas leur travail à sa juste valeur.

Au fond, je crois que l’on ne saurait dissocier la question du statut des sages-femmes de celle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous ne pouvons plus laisser cette profession dans un statut qui ne correspond pas à son rôle dans notre système de santé. Défendre les sages-femmes, c’est également défendre les femmes.

Le Gouvernement a apporté une première réponse, que je salue, avec les salaires. Aujourd’hui, le Parlement se charge de la question de la formation. Je me félicite que cette proposition de loi s’appuie sur une démarche aussi consensuelle.

L’article 1er vise ainsi à revaloriser la formation initiale des sages-femmes, en posant les bases de son intégration universitaire – un chantier vieux d’une décennie. En décloisonnant les formations en santé, nous pourrons tendre vers une plus grande égalité entre les étudiants et, je l’espère, rendre cette filière plus lisible et plus attractive.

C’est aussi l’occasion de faire de la pluridisciplinarité une richesse pour notre système de santé, afin de ne plus enfermer les acteurs dans une spécialité dans laquelle il leur sera difficile d’évoluer, voire qu’il sera difficile de quitter. Cela fait écho à l’accord, que vous avez évoqué, madame la ministre, et dont je me réjouis, qui vient d’être conclu entre l’ordre des médecins, celui des kinésithérapeutes et celui des infirmiers.

Dans la continuité de l’article 1er, l’article 2 crée un troisième cycle d’études. Réaffirmer les connaissances physiologiques des sages-femmes est nécessaire ; renforcer leur discernement dans les situations pathologiques, en y associant bien entendu l’apport des nouvelles technologies, l’est également.

Ce passage à bac+6 constitue donc une avancée dans le chantier de l’amélioration de l’attractivité de ce métier. Toutefois, la faiblesse de la rémunération des sages-femmes était déjà criante à bac+5 ; il faudra donc y être encore plus attentif.

Pour ce qui concerne la formation, l’article 3 permettra de rompre avec l’inégalité – une de plus – entre, d’une part, les sages-femmes et, de l’autre, les médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes. En autorisant les doctorants de la filière maïeutique à exercer simultanément une activité professionnelle et une activité d’enseignement-recherche, le texte permet aux sages-femmes de demain d’y gagner.

L’article 4, enfin, reconnaît l’activité de sage-femme comme pratique médicale. Alors que le code de la santé publique considérait les sages-femmes comme une profession médicale, la nomenclature des activités française les cantonnait au domaine paramédical. Cette évolution est donc bienvenue.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera pour ce texte. Néanmoins, il restera attentif au fait que ce premier pas en faveur de la formation en amène d’autres, plus francs, sur les conditions de travail. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, oui, les sages-femmes vont mal, nous en convenons tous. Les maux de la profession sont connus : des salaires trop faibles, qui s’établissent, en début de carrière, à 1 700 euros net par mois, après cinq, peut-être bientôt six années d’études sélectives ; un manque d’attractivité, puisque, à la rentrée 2022, quelque 20 % des places en deuxième année sont restées vacantes ; des études très intenses, 70 % des étudiantes présentant des symptômes dépressifs ; enfin, des sous-effectifs chroniques, ayant pour conséquence le fait que 44 % des sages-femmes ont déjà fait un burn-out.

Une sage-femme a toujours plusieurs femmes, plusieurs mères, à gérer en même temps, alors qu’elle ne devrait en avoir qu’une seule pour assurer un suivi de qualité. Car, oui, n’en déplaise au planning familial et aux idéologues d’extrême gauche, ce sont bien les femmes qui tombent enceintes, qui accouchent et que l’on appelle « maman » et non « parent 1 » ou « parent 2 » ! (Protestations sur les travées des groupes GEST et CRCE.)

Au-delà de ces chiffres alarmants, il y a une réalité, qui n’est pas quantifiable. Toutes les sages-femmes que j’ai rencontrées m’ont dit une chose : elles manquent de reconnaissance. Qu’ont fait pour elles les gouvernements macroniens depuis cinq ans ? Au mieux, ils les ont ignorées ; au pire, ils les ont méprisées.

Au début de la crise sanitaire, elles ont été tout bonnement oubliées dans la distribution des masques destinés à protéger les professionnels de santé. Les syndicats de sages-femmes ont également été négligés dans les négociations du Ségur de la santé de 2020. Aujourd’hui encore, leur profession n’est toujours pas reconnue comme « essentielle », puisque, sur une grande partie du territoire, elle ne fait pas partie des métiers prioritaires, permettant d’accéder prioritairement aux stations d’essence.

Ces vexations répétées ne sont peut-être rien pour vous, mais elles disent beaucoup de la considération dans laquelle la majorité les tient.

Surtout, qu’a fait le Gouvernement contre le manque d’effectifs, qui transforme leurs journées de travail en enfer ? Comme pour les autres professions médicales, il a décidé de suspendre les sages-femmes non vaccinées contre le covid-19. Ainsi, parce qu’elles souhaitent disposer librement de leur corps, ces personnes ont été brutalement humiliées.

À l’heure où toutes les études démontrent que ces vaccins n’empêchent pas la transmission du virus, il n’est pas trop tard pour faire amende honorable et pour revenir sur cette décision odieuse. Remédier au manque d’effectifs est une urgence. Aussi, avant de prétendre former de nouvelles sages-femmes, ce qui prendra six ans, il faudrait commencer par réintégrer celles qui le sont déjà.

En ce mois d’octobre rose, durant lequel nous alertons sur les dangers des cancers du sein, rappelons que les sages-femmes sont des interlocutrices de choix pour effectuer des dépistages. À ce titre, aussi, nous devons les choyer.

Cette proposition de loi n’est donc pas dépourvue d’intérêt et elle reprend certaines demandes de la profession. Chez moi, à Marseille, l’ensemble de la formation est déjà intégré à l’université, et cela fonctionne.

Néanmoins, plus que de mesurettes, c’est de reconnaissance que les sages-femmes ont besoin, afin de retrouver la dignité liée à une profession essentielle, car une société qui ne sait plus accueillir la vie est une société qui meurt.