Mme le président. Jolie formule !

La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nombre d’éléments pertinents ont été évoqués par les orateurs précédents. Je ne m’y attarderai donc pas.

Je souhaite simplement souligner en introduction de mon propos l’importance du texte que nous examinons aujourd’hui au Sénat, après son adoption à l’Assemblée nationale, le 25 novembre 2021. En effet, au cours du premier confinement, au printemps 2020, la notion de « travailleur essentiel » a fait irruption dans le débat public, suscitant quelques controverses sur le périmètre que cela pouvait recouvrir, certes, mais recueillant un large consensus autour de leur nécessaire revalorisation.

Le secteur de la santé ayant été nettement paupérisé au cours des dernières décennies, les professionnels comme les sages-femmes ont fait partie des personnes exerçant à l’hôpital ou en libéral et identifiées par nos concitoyens comme n’étant pas reconnues à leur juste mesure.

J’ai recueilli plusieurs témoignages, notamment celui d’une sage-femme travaillant en établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic). Selon cette professionnelle, ce déficit de reconnaissance s’ajoute à des stéréotypes sur la profession, consistant à les imaginer comme de douces subalternes dont le rôle se limite à la participation aux accouchements. Or une prise de recul, si petite soit-elle, montre que c’est bien loin d’être leur seule mission et que d’autres responsabilités tacites se greffent à leur quotidien.

C’est en grande partie ce qui a motivé les auteurs de cette proposition de loi à étoffer la formation de sage-femme et à la rapprocher des études de médecine. L’intégration universitaire de la formation de sage-femme est une mesure positive, qui permettra à cette profession de mieux appréhender les relations qu’elle aura avec la myriade d’acteurs qu’elle sera amenée à côtoyer. De même, la création d’un troisième cycle leur conférera de solides compétences et un statut pérenne de docteur en maïeutique.

La possibilité de combiner leur activité professionnelle avec des activités d’enseignement et de recherche est une belle ambition, mais qui ne doit pas se traduire par des pertes de revenus. En effet, nous connaissons la grande précarité des doctorants en France…

Par ailleurs, ces avancées notables ne doivent pas nous faire oublier les alertes liées aux difficultés de recrutement. Comme cela a été dit à maintes reprises, la profession souffre d’une véritable pénurie de main-d’œuvre. Les explications sont plurielles. On souligne notamment le rôle du syndrome d’épuisement professionnel, qui trouve son origine dans la surcharge de travail.

En outre, les sages-femmes constatent une extension de leurs attributions, alors que la durée d’une journée n’est pas extensible. L’une d’elles affirmait : « Dès qu’il y a une tâche supplémentaire à réaliser en raison de l’absence d’un collègue, secrétaire, aide-soignant et autre, c’est à nous de l’assumer ! » Et je ne parle même pas des autres paramètres, comme la relation étroite qu’elles entretiennent avec les patientes et l’identification de difficultés intrafamiliales nécessitant un accompagnement social de toute urgence, qui n’est pas toujours opérationnel selon l’établissement.

Par ailleurs, pour faire écho aux débats précédents sur la proposition de loi constitutionnelle sur la protection de l’IVG et de la contraception, déposée par notre collègue Mélanie Vogel, n’oublions pas le rôle essentiel des sages-femmes en matière d’information fiable et de soins de qualité et individualisés.

Malgré ces quelques éléments de réflexion, qui sont annexes à la proposition de loi, mais qui devront inévitablement faire l’objet d’une attention particulière à l’avenir, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen votera à l’unanimité en faveur de ce texte. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)

Mme le président. La parole est à M. Bruno Belin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Bruno Belin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, je soutiens bien sûr totalement ce texte. Notre collègue Else Joseph a rappelé tout à l’heure la position de notre groupe, l’historique de ce sujet et la nécessité de faire évoluer cette profession.

Je souhaite rappeler trois vérités.

Premièrement, la création d’une année supplémentaire de formation est une nécessité. En effet, le volume des compétences exigées pour les sages-femmes a augmenté depuis la dernière réforme du statut de leur formation, qui doit dater de 2011. Je pense notamment à l’entretien post-natal précoce, au calendrier des vaccinations, à l’endométriose – un sujet totalement passé sous silence voilà encore quelques années – et à leurs interventions en matière de lutte contre un certain nombre d’addictions.

Deuxièmement, nous manquons de sages-femmes et de candidats dans les écoles. La réalité du numerus apertus, je l’ai déjà dit hier, c’est que l’on ne voit pas comment il apportera une solution pour un certain nombre de professionnels de santé, dont les sages-femmes. Voilà une réalité criante !

La gynécologie libérale est totalement absente dans une dizaine de départements. Les sages-femmes libérales sont quasiment inexistantes en milieu rural. On voit même arriver – il n’y a pas été fait allusion au cours du débat – un certain nombre de péri-professionnels. Je pense à des coaching en natalité ou à des « doulas », qui m’inspirent une certaine méfiance. Par conséquent, on doit augmenter le nombre des sages-femmes en France.

Troisièmement, nous sommes dans une situation d’urgence. Il faut valoriser le statut de ces professionnelles, pour lequel les disparités sont grandes. Laurence Cohen a évoqué tout à l’heure les salaires : il est vrai qu’il existe une forte disparité en la matière, selon que les sages-femmes exercent dans la fonction publique territoriale, dans le cadre d’un conseil départemental ou d’un centre de PMI, ou bien dans la fonction publique hospitalière.

Par conséquent, si l’on veut promouvoir cette profession, il faudra bien, à un moment donné, que toutes les sages-femmes bénéficient de la même grille de salaire.

Madame la ministre, vous le savez comme moi, cela fait quinze ans que l’on parle des déserts médicaux. C’est un sujet que nous connaissons par cœur. Quand apporterons-nous des réponses concrètes pour pallier toutes ces carences en matière de professionnels de santé sur les territoires ?

La compétence de partage des tâches, entendez-le bien, madame la ministre, entre les IPA, les infirmiers en pratique avancée, les sages-femmes et les pharmaciens devrait permettre d’apporter des réponses.

Nous soutenons donc ce texte, qui constitue un message de soutien à la profession de sage-femme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Je vous remercie, madame la rapporteure, d’avoir défendu ce texte. Je veux également saluer son autrice, Mme Annie Chapelier, et Mme la présidente de l’ordre, qui sont toutes deux présentes dans nos tribunes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite apporter une réponse aux questions soulevées par certains d’entre vous. Il y avait bien évidemment urgence à reconnaître le métier des sages-femmes. Ce sera aujourd’hui chose faite. À charge pour le texte de poursuivre sa vie parlementaire. Comptez sur moi pour qu’il soit déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, puis voté.

Je veux vous dire à quel point le Gouvernement est mobilisé sur cette question. Monsieur Belin, vous avez fait allusion à la capacité des sages-femmes à travailler avec les autres professionnels de santé.

Or, voilà une semaine, les sept ordres professionnels – oui, les sept !– ont signé un texte permettant à tous les professionnels de travailler ensemble. Puisque les sages-femmes ont un ordre, elles ont fait partie des signataires et elles seront, avec les pharmaciens, les pédicures-podologues, les dentistes, les infirmiers, les pharmaciens et les kinésithérapeutes, aux côtés des médecins, pour apporter des réponses et dégager du temps médical.

Vous avez fait une demande qui est d’ores et déjà exaucée. Nous allons désormais travailler sur ce principe.

Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme
Article 1er bis

Article 1er

I. – Le chapitre Ier du titre V du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 4151-5 est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par les mots : «, pour les étudiants ayant débuté la deuxième année du premier cycle des études de maïeutique avant le 1er septembre 2024 » ;

b) Après le même 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Soit le diplôme français d’État de docteur en maïeutique ; »

2° Les articles L. 4151-7, L. 4151-7-1, L. 4151-8 et L. 4151-9 sont abrogés.

II. – (Non modifié) Au chapitre V du titre III du livre VI du code de l’éducation, il est inséré un article L. 635-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 635-1. – Les études de maïeutique théoriques et pratiques sont organisées par les universités au sein des unités de formation et de recherche de santé ou, à défaut, au sein d’une composante qui assure la formation de médecine au sens de l’article L. 713-4. Elles doivent permettre aux étudiants de participer effectivement à l’activité hospitalière.

« Les modalités d’application du présent article sont précisées par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur et de la santé. »

III. – (Non modifié) À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 162-22-13 et au 1° de l’article L. 162-23-8 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 4151-9, » est supprimée.

IV. – (Non modifié) Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un état des lieux de l’intégration de la formation de sage-femme au sein de l’université. Ce rapport identifie notamment les conditions de réussite d’une telle intégration.

V. – (Non modifié) Le 2° du I et les II et III du présent article s’appliquent à compter du 1er septembre 2027.

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 2

Article 1er bis

(Non modifié)

Après l’article L. 4151-9 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4151-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4151-9-1. – Les étudiants de deuxième et de troisième cycles de maïeutique peuvent être autorisés à effectuer une partie de leurs stages pratiques auprès de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités, dans des conditions fixées par décret.

« Les conditions de l’agrément des sages-femmes agréées maîtres de stage des universités, qui comprennent une formation obligatoire auprès de l’université de leur choix ou de tout autre organisme habilité, sont fixées par décret en Conseil d’État. » – (Adopté.)

Article 1er bis
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Article 3

Article 2

I. – (Non modifié) Au chapitre V du titre III du livre VI du code de l’éducation, il est inséré un article L. 635-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 635-2. – Le troisième cycle des études de maïeutique est accessible aux étudiants ayant obtenu la validation du deuxième cycle des études de maïeutique.

« Le référentiel de formation ainsi que la durée de ce troisième cycle sont fixés par voie réglementaire.

« Le diplôme d’État de docteur en maïeutique est conféré après validation de ce troisième cycle et soutenance avec succès d’une thèse d’exercice. »

II. – (Non modifié) Au 2° de l’article L. 6153-1 du code de la santé publique, après le mot : « odontologie », il est inséré le mot : « , maïeutique ».

II bis. – Une révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles des études de maïeutique est mise en œuvre pour la rentrée universitaire 2024.

III. – Le présent article s’applique aux étudiants ayant débuté la deuxième année du premier cycle des études de maïeutique après le 1er septembre 2024. – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

(Non modifié)

Après la section 3 bis du chapitre II du titre V du livre IX du code de l’éducation, est insérée une section 3 ter ainsi rédigée :

« Section 3 ter

« Dispositions propres aux enseignants-chercheurs en maïeutique

« Art. L. 952-23-2. – Les sages-femmes titulaires d’un poste de maître de conférences ou de professeur des universités consacrent à leurs fonctions de soins en maïeutique, à l’enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues par leur statut. Elles exercent leur activité de soins en milieu hospitalier ou en ambulatoire.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les conditions de leur recrutement et d’exercice de leurs fonctions. » – (Adopté.)

Article 3
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Article 5

Article 4

(Non modifié)

I. – L’activité des sages-femmes est intégrée au groupe 86.2 de la nomenclature d’activités françaises qui regroupe les professions de médecin et de chirurgien-dentiste. Une classe « 86.24 – Activité des sages-femmes » est créée à cet effet. Le groupe 86.2 est renommé « Activités des médecins, des dentistes et des sages-femmes ». La sous-classe 86.90D est renommée « Activités des infirmiers ».

II. – Dans la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, les sages-femmes sont regroupées dans les catégories détaillées 31 et 32, en fonction de leur mode d’exercice, hospitalier ou libéral.

III. – Les modalités d’application du présent article sont définies par décret et entrent en vigueur deux ans après la promulgation du décret, et au plus tard le 1er janvier 2025. – (Adopté.)

Article 4
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 5

(Suppression maintenue)

Vote sur l’ensemble

Article 5
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

Mme le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Je voterai bien sûr ce texte. À mon tour, je souhaite rendre hommage à Annie Chapelier, à qui en revient l’initiative. Elle a été députée du Gard de 2017 à 2022. Comprenez que, entre parlementaires, il existe une solidarité départementale ! (Sourires.)

Ce soir, elle peut être fière du travail qu’elle a accompli. Je lui dis – c’est un clin d’œil qu’elle seule comprendra – qu’elle pourra désormais dire qu’être parlementaire sert à quelque chose. En effet, sa proposition de loi avance. Après les propos de Mme la ministre, j’en suis sûr, ce texte sera bientôt inscrit en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et deviendra une loi, que l’on appellera « loi Annie Chapelier ». (Applaudissements.)

Mme le président. Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme.

(La proposition de loi est adoptée.)

Mme le président. Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements.)

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Je veux tout d’abord remercier le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour et Raymonde Poncet Monge d’en avoir été la rapporteure, en y apportant une modification importante sur le délai, après avoir consulté l’ordre et les étudiants.

Je salue également Mme la présidente de l’ordre et les représentants de l’Association nationale des étudiants sages-femmes. (Applaudissements.)

Je salue enfin Annie Chapelier. Celle-ci, je le sais, souhaitait aller un peu plus loin sur certains points. Mais il vaut mieux tenir que courir, et il nous semblait important de « cranter » certaines dispositions dans un texte. Désormais, madame la ministre, il n’y a plus qu’à inscrire très vite cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, qui devrait l’adopter conforme et le rendre définitif. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme
 

9

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 20 octobre 2022 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

Proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, présentée par Mme Valérie Létard et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 22, 2022-2023) ;

Proposition de loi visant à accompagner la mise en place de comités sociaux et économiques à La Poste, présentée par Mme Denise Saint-Pé (procédure accélérée ; texte de la commission n° 24, 2022-2023).

De seize heures à vingt heures :

(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)

Proposition de loi en faveur du développement de l’agrivoltaïsme, présentée par MM. Jean-Pierre Decool, Pierre-Jean Verzelen, Pierre Médevielle, Daniel Chasseing, Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de leurs collègues (texte de la commission n° 14, 2022-2023) ;

Proposition de loi visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 37, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER