compte rendu intégral

Présidence de M. Pierre Laurent

vice-président

Secrétaires :

Mme Martine Filleul,

M. Jacques Grosperrin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de M. le président du Sénat, en déplacement à Colombey-les-Deux-Églises. (Ah ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous à observer, au cours de nos échanges, l’une des valeurs essentielles du Sénat, le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

contrats de cahors et examen du budget pour 2023

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Christine Lavarde. Madame la Première ministre, cette question vous était adressée, car elle concerne plusieurs membres de votre Gouvernement. Je constate qu’il a été choisi, pour me répondre, un ministre n’ayant pas assisté au débat dont il va être question…

Un de nos illustres prédécesseurs sur ces travées a écrit : « La forme, c’est le fond qui remonte à la surface. » J’articulerai donc ma question en deux temps.

La forme, tout d’abord.

Comment pouvez-vous oser reprendre, dans un texte adopté par l’intermédiaire de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, une disposition rejetée par les deux assemblées, une première fois à l’Assemblée nationale, une deuxième fois au Sénat ? Cette disposition, qui concerne les pactes de confiance faisant suite au contrat de Cahors, a d’ailleurs été déposée en catimini : elle ne figurait pas dans les amendements retenus dans la première version du projet de loi de finances ; elle a été intégrée dans le texte consolidé envoyé, le jeudi matin, aux assemblées.

M. Loïc Hervé. Elle a raison !

Mme Christine Lavarde. J’en arrive ainsi au fond.

Madame la Première ministre, une fois que le Sénat aura supprimé cette disposition lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, celle-ci sera-t-elle réintégrée par l’usage qui sera de nouveau fait, à l’Assemblée nationale, de l’article 49.3 ? (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. De quoi parlons-nous ici, mesdames, messieurs les sénateurs ? Je pense, madame la sénatrice Lavarde, que vous faites référence à l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et à un processus législatif que je souhaite reprendre brièvement ici.

Au début de ce quinquennat, la Première ministre a souhaité que les relations que nous allions engager avec les associations d’élus changent de nature.

M. Vincent Éblé. C’est raté !

M. Christophe Béchu, ministre. Cela a donné lieu à l’élaboration d’une rédaction initiale. Le dispositif pressenti tournait effectivement le dos aux contrats de Cahors, qui supposaient des engagements individuels en préfecture avec des trajectoires assorties de sanctions très automatisées, pour aboutir à un schéma salué comme une évolution des mécanismes de dialogue, certes pas par toutes les associations d’élus, mais par certaines d’entre elles – je pense, en particulier, à Intercommunalités de France et l’Assemblée des départements de France (ADF). L’idée était d’arrêter un objectif global de dépenses publiques dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques et de regarder les résultats par strate de collectivités locales, une fois clos les comptes administratifs de l’année 2023. On rechercherait ensuite, seulement en cas de dépassement sur la strate, les collectivités qui dépassent l’objectif.

Le problème, c’est que ce dispositif, dont nous avons besoin pour crédibiliser la trajectoire des finances publiques de la France,…

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous ne disiez pas cela quand vous étiez maire d’Angers !

M. Christophe Béchu, ministre. … a été écarté dans le cadre de la discussion sur la loi de programmation des finances publiques. Il a donc été décidé de réintroduire, dans le PLF, les articles dont nous avions besoin pour assurer cette crédibilité. Très concrètement, c’est aussi une façon de provoquer de nouveau le dialogue… (Vives exclamations.)

M. Vincent Éblé. C’est de la provocation !

M. Christophe Béchu, ministre. On ne peut pas écarter d’un revers de main… (Nouvelles exclamations.)

J’ose espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n’est pas là la nature du dialogue que vous souhaiterez avoir quand nous entrerons dans le détail de ces articles. Le Gouvernement est prêt à discuter sur le sujet (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.), mais il considère que trouver la voie d’un compromis autour des finances, à la fois, des collectivités locales et de l’État nécessite précisément un travail de coconstruction. Balayer cela d’un revers de main…

M. Jean-François Husson. Balayez devant votre porte !

M. Christophe Béchu, ministre. … ne peut être une attitude responsable. (Huées sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.

Mme Christine Lavarde. Je souhaite juste revenir sur cette histoire de crédibilité de la trajectoire des finances publiques.

Les administrations publiques locales (Apul) représentent 9 % de la dette publique, monsieur le ministre. Elles sont en excédent et ont permis de dégager, sur la période allant de 2018 à 2021, des économies de 11 milliards d’euros par rapport au tendanciel, et ce en dépit de l’ajournement des contrats de Cahors.

Que dire de cette crédibilité, si l’on se réfère à ces propos du ministre Gabriel Attal ? « Si on veut contenir l’évolution de la dépense publique des collectivités territoriales, disait-il, il faut prévoir un mécanisme d’encadrement, c’est une question de crédibilité. » Pourquoi, alors, parlez-vous de « contrats de confiance » ?

Pardonnez-moi de vous citer aussi, monsieur le ministre Béchu. Au mois de juin, sur Public Sénat, vous indiquiez : « Il est certain qu’on ne repartira pas sur les bases d’un contrat de Cahors qui consisterait à dire qu’il y a un pourcentage d’inflation à ne pas dépasser ».

M. Michel Savin. Et alors, monsieur le ministre ?

Mme Christine Lavarde. Vous avez récidivé au début du mois de juillet, lors de l’inauguration des nouveaux locaux de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). « Il va de soi, avez-vous expliqué, que l’idée de penser que l’on va faire dans ce quinquennat la même chose que ce que l’on a fait dans le précédent, avec un contrat de Cahors, des objectifs, etc., n’existe pas. »

Mme Cécile Cukierman. C’est pire !

Mme Christine Lavarde. Excusez-moi, monsieur le ministre, mais c’est exactement la même chose que l’on nous propose ! C’était même pire dans la version initiale, puisque vous encadriez les dépenses de fonctionnement et veniez reprendre des dotations de l’État pour l’investissement des collectivités territoriales.

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Christine Lavarde. Vous mettiez même à mal le financement de la transition ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SER et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)

formation aux métiers de la transition écologique

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Jean-François Longeot. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

La 27e conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ou COP27, s’est ouverte dimanche dernier à Charm el-Cheikh. Il s’agit d’un rendez-vous déterminant pour l’avenir de la planète. Nous ne pouvons que saluer les engagements pris par l’Europe et la France pour parvenir à la neutralité carbone en 2050.

Atteindre cet objectif demandera des compétences. C’est précisément l’objet de ma question : les ressources humaines nécessaires à la transition.

Si nous ne prenons pas assez au sérieux l’enjeu de la formation, la transition écologique pourrait demain se heurter à une pénurie de savoir-faire dans notre pays. En ce moment même, des soudeurs américains réparent les défauts de corrosion sous contrainte de notre parc nucléaire, car nous n’avons pas assez de ressources humaines pour y parvenir seuls dans les délais resserrés actuels.

Parmi les problématiques les plus parlantes au sujet de la pénurie de compétences, on sait que le secteur des transports est l’un des gros émetteurs de gaz à effet de serre. Le ferroviaire aura un rôle clé dans le verdissement de ce secteur. Or une étude prospective menée par l’Observatoire de la métallurgie a récemment démontré que, d’ici à 2030, le besoin en ingénieurs ferroviaires serait de près de 14 000 ingénieurs, nécessitant plus de 7 900 nouveaux recrutements en tenant compte des départs à la retraite. Cela signifie que devraient sortir des formations supérieures spécialisées dans le ferroviaire environ 790 ingénieurs par an, alors qu’il n’en sort aujourd’hui que 250.

La question est en l’occurrence quantitative, mais elle est aussi qualitative. Il faut former à la décarbonation. C’est particulièrement vrai dans le domaine des énergies renouvelables, du nucléaire ou encore de l’agriculture. Tel était d’ailleurs le message de l’appel des étudiants de l’AgroParisTech, déplorant ne pas être formés à l’agroécologie.

Monsieur le ministre, à l’heure de la COP27, notre système de formation initiale et continue a-t-il bien pris en compte l’enjeu de la transition environnementale ? Si oui, comment ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de linsertion. Je vous remercie tout d’abord, monsieur le sénateur Longeot, de rappeler par votre question l’importance des transitions à mener et des travaux conduits à l’occasion de la COP27.

Je vous répondrai en deux points.

Vous avez mille fois raison s’agissant de la formation initiale et de la nécessité d’orienter celle-ci vers l’accompagnement des transitions, notamment la transition écologique.

Mon collègue ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, ainsi que ma collègue ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels pourraient vous dire tout ce qui est fait en matière de réorientation de la formation, de réorientation et de réforme de la filière professionnelle, pour, justement, disposer de formations qualifiantes, permettant d’aborder l’avenir. C’est vrai pour les études secondaires, mais aussi pour les études supérieures – Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche y veille.

Il s’agit bien de faire en sorte que notre appareil de formation initiale intègre pleinement les besoins de formation que vous avez évoqués.

Au-delà de la formation initiale, nous devons aussi penser l’accompagnement des transitions pour l’ensemble des entreprises et des salariés. C’est pourquoi nous sommes aussi extrêmement attentifs à ce que les entreprises puissent accompagner la transition en leur sein. Vous avez évoqué le nucléaire, l’agriculture, le secteur de l’hydrogène et des transports ; le secteur de l’automobile est, lui aussi, particulièrement concerné.

Nous devons, par la formation continue, par les dispositifs de transition collective, par les programmes de formation des salariés, chercher à accompagner cette transition, en permettant que celles et ceux qui ont été formés sur des techniques d’excellence voilà dix, quinze ou vingt ans puissent l’être à nouveau et puissent monter en qualification.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 – vous aurez l’occasion de le constater dans les prochains jours, mesdames, messieurs les sénateurs –, plus de 350 millions d’euros ont été prévus pour réabonder le fonds national de l’emploi sur son volet formation, en vue du financement de dispositifs de transition collective. Il s’agit aussi de permettre que les branches professionnelles, par le dialogue social, se saisissent de ce besoin de reclassement, de formation et d’apport à leurs salariés de nouvelles qualifications et compétences. (MM. Martin Lévrier et Joël Guerriau applaudissent.)

nécessité de développer les transports ferroviaires

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)

M. Gérard Lahellec. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des transports.

Au moment où se réunit la COP27, il est bon de rappeler que les transports représentent un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre – et ce non pas en raison de ce que font les politiques publiques, mais en raison de ce qu’elles ne font pas !

Tout le monde convient que, pour changer de cap, atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et doubler la part du ferroviaire d’ici à 2030, nous avons besoin, non pas de mesurettes, mais au contraire d’une grande ambition publique !

Il nous faut tout à la fois développer le fret ferroviaire, assurer la remise à niveau de notre réseau par un tout autre contrat de performance, ou encore développer les trains de nuit.

La marge de progression est gigantesque, comme le rappellent constamment les mouvements d’usagers, la désertion de nos territoires et les difficultés de recrutement.

S’il est précisément un thème sur lequel on peut agir, c’est bien celui des transports !

Une majorité politique existe pour dégager des moyens supplémentaires, au Sénat, comme l’attestent les divers rapports adoptés, mais aussi à l’Assemblée nationale, où un amendement au budget proposant 3 milliards d’euros supplémentaires pour le secteur ferroviaire a été adopté, avec des voix de gauche et de droite.

Le Gouvernement est-il prêt à s’emparer de cette situation inédite d’une majorité politique possible pour dégager des moyens afin de donner un nouvel élan au transport ferroviaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes SER et Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.)

M. Philippe Tabarot. Bravo, Gérard !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. Vous avez raison d’insister sur cette priorité, monsieur le sénateur Lahellec, qui, je le crois – et vous l’avez vous-même exprimé dans votre question –, est une préoccupation largement partagée.

Il y a notamment consensus sur les chiffres que vous avez indiqués. Oui, le transport représente 30 % de notre consommation énergétique et de nos émissions de gaz à effet de serre. Nous devons donc en faire un sujet particulièrement prioritaire, notamment pour ce qui concerne le report d’autres modes de transport vers le transport ferroviaire.

Le budget qui vous sera soumis et dont vous débattrez dans quelques jours, mesdames, messieurs les sénateurs, porte un effort extrêmement important en faveur des transports, tout particulièrement des transports publics. Je tiens à le redire, car c’est un point parfois oublié dans nos discussions.

Quand plus de la moitié de l’effort de l’État en faveur des transports – 6,6 milliards d’euros sur un total de 12 milliards d’euros – est consacré précisément aux trains, donc au transport public, je crois que l’on ne peut pas parler de « mesurettes » ni de « cacahuètes » budgétaires.

Quand plus de 85 % du programme budgétaire dédié aux transports est consacré, pour la première fois, au transport ferroviaire, je crois que l’on peut y voir l’engagement d’une action forte.

Vous avez évoqué un certain nombre de domaines plus précis.

S’agissant du fret, nous lui consacrons un plan de 1 milliard d’euros sur six ans.

S’agissant des petites lignes, qui vous sont chères et qui sont si importantes, à la suite du mouvement engagé par le Premier ministre Jean Castex, l’État a d’ores et déjà signé pour près de 6 milliards d’euros de protocoles d’accord avec les régions, permettant d’investir dans près de 6 000 kilomètres de voies.

Devons-nous amplifier cet effort ensemble ? Oui, et c’est exactement la démarche transpartisane que vous avez décrite.

Mme Cécile Cukierman. Il fallait reprendre l’amendement voté à l’Assemblée nationale dans le texte soumis au 49.3 !

M. Clément Beaune, ministre délégué. Elle a l’occasion de se déployer au sein du Conseil d’orientation des infrastructures, auquel participent plusieurs membres du Sénat, comme plusieurs membres de l’Assemblée nationale, toutes sensibilités confondues.

Nous mènerons ces travaux d’ici à la fin de l’année et, sur cette base, nous pourrons définir des priorités claires et une programmation des moyens, pour le transport ferroviaire en particulier.

J’insiste sur un point essentiel : le réseau ferroviaire doit être absolument prioritaire dans nos choix budgétaires et c’est la responsabilité de l’État, du niveau national, d’investir encore davantage dans ce réseau. Ainsi, nous avons quasiment doublé les crédits qui y sont consacrés au cours des cinq dernières années. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

La démarche est donc engagée, nous la pousserons plus loin, et nous le ferons ensemble !

M. le président. La parole est à M. Gérard Lahellec, pour la réplique.

M. Gérard Lahellec. En tout cas, monsieur le ministre, il ne faudrait pas que vous considériez qu’il n’y a de majorité politique qu’au moment où c’est le Gouvernement qui décide ! Vous avez la chance que certaines dispositions parlementaires existent. Saisissons cette occasion pour avancer ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

lutte contre la pollution industrielle

M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Alain Richard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Les entreprises industrielles de quelques secteurs fortement utilisateurs d’énergie concentrent une part importante des émissions de gaz à effet de serre. Celles qui opèrent en France ne font pas exception, mais nous savons tous que les décennies passées ont vu certaines industries disparaître. Ce n’est évidemment pas là que se trouve la solution : pour l’avenir, la réduction efficace de nos émissions ne peut se traduire par une nouvelle désindustrialisation et par un gonflement de nos importations.

Beaucoup de ces entreprises ont progressé dans leur transformation et leurs responsables ont commencé à obtenir des résultats. Le rythme de baisse des émissions des industriels français se compare honorablement à celui de leurs concurrents de l’Union européenne et des grands pays développés.

Mais il faut aller plus vite. Le Président de la République a organisé une réflexion partagée avec ces dirigeants pour définir ensemble le meilleur programme d’action. Le thème était : comment répondre à l’urgence climatique et soutenir des industries modernisées, créatives et compétitives pour produire de la richesse et développer de l’emploi qualifié en France ?

Monsieur le ministre, quels grands engagements le Gouvernement veut-il obtenir des partenaires industriels et quels sont les grands axes du programme de soutien que vous pourrez présenter prochainement pour relever ce défi ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Richard, laissez-moi vous raconter une histoire… (Exclamations.) Pas une histoire à dormir debout, une histoire à rêver debout !

Cette histoire, c’est celle du site de Solvay, que nous avons visité ce matin avec Roland Lescure, le ministre chargé de l’industrie.

M. Jean-François Husson. En Meurthe-et-Moselle !

M. Bruno Le Maire, ministre. Le site a un siècle d’histoire industrielle derrière lui. Il fabrique des produits chimiques – carbonate de soude, bicarbonate de soude –, en utilisant comme énergie du charbon importé de Russie. Il émet donc beaucoup de CO2, rencontre des problèmes de compétitivité et ne répond plus aux standards les plus innovants ni à nos exigences environnementales.

Ce site est en train d’opérer une révolution énergétique et industrielle. Il va transformer sa ressource énergétique à base de charbon en utilisant les déchets recyclables de tout le bassin géographique, pour réduire son empreinte carbone, améliorer sa compétitivité et ouvrir un nouveau siècle d’histoire industrielle.

Je veux rendre hommage aux ouvriers, aux ingénieurs, aux techniciens, aux entrepreneurs, à Solvay, qui opèrent cette révolution industrielle et environnementale.

Cette décarbonation – cette histoire à rêver debout – doit être l’histoire de tous les grands sites industriels français, notamment des 50 sites industriels choisis par le Président de la République, auxquels nous allons apporter 5 milliards d’euros d’aide immédiatement et 5 milliards d’euros d’aide complémentaire, s’ils nous suivent dans cette voie de la décarbonation, dont l’objectif est de nous permettre d’avoir, demain, l’industrie la plus décarbonée de la planète.

Voilà une grande ambition pour la France ! Voilà l’objectif que nous nous sommes fixé, avec le Président de la République !

Pour atteindre cet objectif, nous allons compléter l’accompagnement de chacun de ces 50 sites par deux décisions.

La première consiste à soutenir ces entreprises dans les mois à venir pour leur permettre de faire face à l’explosion de leurs factures d’énergie et, donc, d’accomplir une transition avec l’accompagnement de l’État.

La seconde est d’accélérer la mise en place d’une taxe carbone aux frontières.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Avec trente ans de retard !

M. Bruno Le Maire, ministre. En effet, la décarbonation de notre industrie, condition de la construction de l’avenir industriel français, doit aussi se faire sur la base d’une concurrence équitable, en évitant d’importer des produits fabriqués en dehors des frontières de l’Union européenne qui, eux, continuent d’engendrer de la pollution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées du groupe RDSE.)

situation des services pédiatriques à l’hôpital

M. le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Ma question s’adresse à M. le ministre de la santé et de la prévention.

Soins déprogrammés faute de lits, transferts hors région de certains patients, enfants hospitalisés dans des services pour adultes, les services de pédiatrie sont saturés, d’où le cri de détresse lancé voilà quelques jours.

La situation tendue en pédiatrie n’est que l’arbre qui cache la forêt. C’est en effet tout l’hôpital public qui est en voie d’effondrement !

Le vrai problème est structurel. Les conditions de travail amènent les personnels à quitter l’hôpital et des services, y compris aux urgences, doivent être fermés.

Face à cette situation, vous avez annoncé, pour soutenir les services en tension de l’hôpital, un plan de 150 millions d’euros, puis de 400 millions d’euros et enfin, hier, au détour du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), de 556 millions d’euros au total, et ce sans aucune nouvelle recette.

Ces enveloppes successives, bien que bienvenues, sont l’illustration de votre pilotage à la petite semaine.

Malgré votre communication, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est deux fois inférieur à l’inflation et, de fait, le Gouvernement réduit les moyens du système de soins. L’hôpital public en est la première victime.

Dès lors, monsieur le ministre, à quand une réponse pérenne et d’envergure pour l’hôpital public ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et de la prévention.

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Comme vous l’imaginez, madame la sénatrice Poumirol, je suis de très près la situation des services de pédiatrie et, plus généralement, celle de notre hôpital public.

Je peux vous assurer que l’ensemble des moyens disponibles sont mobilisés pour faire face à cette nouvelle crise que constitue l’épidémie actuelle de bronchiolite. Santé publique France nous indiquait d’ailleurs, ce matin, que cette épidémie dépasse les pics connus depuis plus de dix ans et, fort de cette information, j’ai décidé, en complément de tous les moyens déjà mobilisés, de déclencher le plan d’organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles, le plan Orsan. Cela vise à renforcer encore les moyens des agences régionales de santé et à permettre à l’hôpital de se concentrer sur ce problème particulièrement aigu aujourd’hui.

Des mesures d’urgence ont été prises. Le Gouvernement a apporté des moyens financiers supplémentaires pour faire face à ces difficultés – je remercie le Sénat à ce titre. Mais je vous rejoins, madame la sénatrice Poumirol, lorsque vous jugez le problème plus structurel au sein de notre hôpital public et de notre système de santé. Le ministère de la santé et de la prévention ne doit pas être, et ne sera pas uniquement un ministère de crise ! Il doit bien agir comme ministère chargé de refonder notre système de santé dans son ensemble, ce qui constitue d’ailleurs tout l’enjeu du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) voulu par le Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Depuis une semaine, je rencontre l’ensemble des professionnels de l’hôpital, notamment les professionnels des services de pédiatrie. S’agissant plus spécifiquement de celle-ci, nous travaillons aux Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant – c’est effectivement tout le champ de la santé de l’enfant qui mérite d’être réformé. La démarche aboutira au printemps, avec la présentation d’une feuille de route pour les années à venir sur l’ensemble de ce champ. Aux mêmes dates, nous aurons les résultats des différentes consultations territoriales et nationales menées dans le cadre du volet santé du CNR, en vue de la refondation de notre système de santé pour en faire un système fondé non plus sur l’offre de soins, mais bien sur la réponse aux besoins de santé de la population française. (MM. François Patriat, Alain Richard et Dominique Théophile applaudissent.)