M. Bernard Delcros. Au titre de la loi de finances rectificative de l’été 2022, nous avons adopté un certain nombre de dispositions pour protéger les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales face à l’explosion des prix de l’énergie.

Cet amendement a plus précisément pour objet les collectivités territoriales, en faveur desquelles deux dispositifs ont été mis en place : d’une part, le bouclier tarifaire destiné à plafonner la hausse des tarifs réglementés ; de l’autre, le filet de sécurité.

Je le rappelle à mon tour, ce second dispositif repose sur plusieurs critères, dont la baisse de l’épargne brute. À ce titre, en août dernier, l’on a retenu une baisse d’au moins 25 % entre 2022 et 2021. Toutefois, alors que la fin de l’année 2022 approche, le nombre de communes éligibles est bien plus faible que prévu.

Voilà pourquoi nous proposons de réduire le taux minimal exigé à 15 %. À mon sens, il s’agit là d’un curseur raisonnable, qui rendra davantage de communes éligibles à cette aide. En outre, cette disposition est cohérente avec le bouclier tarifaire qui, pour 2023, plafonne la hausse des tarifs réglementés à 15 %.

Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par MM. Rambaud, Richard, Patriat, Rohfritsch, Bargeton et Buis, Mme Cazebonne, MM. Dagbert et Dennemont, Mme Duranton, MM. Gattolin et Hassani, Mme Havet, MM. Haye, Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi et Patient, Mmes Phinera-Horth et Schillinger, M. Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les III et IV de l’article 14 de la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :

« III. - Par dérogation au premier alinéa du 2° du I du présent article, pour les communes et leurs groupements satisfaisant aux critères définis au 1° et au second alinéa du 2° du I, mais dont la baisse d’épargne brute, telle que définie au premier alinéa du 2° du I est comprise entre 20 % et 25 %, la dotation prévue au I est égale à la somme des termes suivants :

« 1° Une fraction de 35 % de la hausse des dépenses constatées en 2022 au titre de la mise en œuvre du décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 précité ;

« 2° Une fraction de 50 % des hausses de dépenses d’approvisionnement en énergie, électricité et chauffage urbain et d’achat de produits alimentaires constatées en 2022.

« IV. - Pour les communes et leurs groupements qui anticipent, à la fin de l’exercice 2022, une baisse d’épargne brute de plus de 25 %, la dotation peut faire l’objet, à leur demande, d’un acompte versé sur le fondement d’une estimation de leur situation financière.

« V. - Un décret précise les modalités d’application du présent article.»

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Didier Rambaud.

M. Didier Rambaud. Lors de la discussion générale, j’ai déjà eu l’occasion de rappeler toute l’attention que portent les élus de mon groupe au filet de sécurité prévu pour les collectivités territoriales.

Afin de prévenir les effets de seuil excessifs prévisibles dans les collectivités ayant connu une baisse de leur épargne brute légèrement inférieure au seuil de 25 %, nous proposons ainsi de compléter la dotation de compensation.

Plus précisément, pour les communes dont la baisse d’épargne brute est comprise entre 20 % et 25 %, cet amendement tend à ouvrir droit à compensation d’une fraction réduite des dépenses d’approvisionnement, à savoir 35 % de la hausse des dépenses de personnel et 50 % de la hausse des dépenses d’énergie.

En effet, une baisse arbitraire du seuil de 25 % conduirait à couvrir de la même manière des collectivités qui connaissent des situations financières pourtant très différentes et à reproduire ailleurs les effets de seuil du dispositif initial.

À l’inverse, le mécanisme que nous proposons permettra d’apporter un soutien proportionné aux besoins réels des collectivités territoriales, d’en limiter le coût pour les finances publiques et d’éviter des effets de seuil trop brutaux.

Évidemment, dans un souci d’équilibre des finances publiques, ces mesures doivent être comprises comme le volet d’un ensemble comprenant le filet de sécurité pour 2023, qui sera discuté au titre du projet de loi de finances.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Un certain nombre d’amendements tendent à modifier les critères d’attribution du filet de sécurité pour 2022 : à ce titre, un autre amendement a plus spécifiquement pour objet les outre-mer.

Mes chers collègues, souvenez-vous combien il fut ardu de trouver les critères de ce filet de sécurité : certains dispositifs étaient beaucoup plus durs ; d’autres étaient très voire trop ouverts.

L’Assemblée nationale avait proposé des modalités que nous avons souhaité assouplir assez franchement compte tenu du contexte. Je rappelle que nous avons voté ces modifications à l’unanimité.

Nous arrivons à la fin de l’année et plusieurs d’entre vous proposent des assouplissements : cela peut s’entendre et je respecte bien entendu leurs propositions. Mais, si nous votons de telles mesures, que va-t-il se passer ? Ce nouveau dispositif, plus favorable, créera de nouveaux effets de seuil : certaines collectivités qui s’en trouveront exclues feront valoir qu’elles n’étaient pas loin de remplir les critères retenus et exigeront de nouveaux élargissements.

À mon sens, là n’est pas la bonne solution : nous sommes même presque, selon moi, face à un problème d’équité. Certes, le dispositif n’est pas parfait – il avait inspiré des réserves sur l’ensemble des travées –, mais il fallait bien choisir des critères. C’est précisément du fait de ces imperfections que, par un amendement adopté ce matin, la commission des finances a souhaité, pour 2023, un dispositif beaucoup plus souple, ouvert et lisible, à savoir un filet de sécurité pour toutes les collectivités.

C’est pour 2023. Je comprends que cette disposition ne donne pas pleine satisfaction aux auteurs de ces amendements. Cela étant, la commission leur demande de bien vouloir les retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Les dispositions de ces amendements témoignent avant tout de notre volonté commune : que les collectivités qui en ont besoin bénéficient du filet de sécurité adopté par le Parlement cet été. Nous approuvons tous cet objectif.

Les critères de ce filet de sécurité ont été définis dans un premier temps à l’Assemblée nationale, par un amendement de la députée socialiste Mme Pires Beaune, retravaillé avec des représentants de l’ensemble des groupes et adopté à l’unanimité. Ces dispositions ont ensuite été sensiblement assouplies au Sénat, sur l’initiative de M. le rapporteur général – il vient de le rappeler lui-même –, avec le concours de l’ensemble des groupes, avant d’être une nouvelle fois adoptées à l’unanimité.

La question posée au travers de ces amendements me semble, au fond, la suivante : les 430 millions d’euros prévus à ce titre seront-ils consommés ? Les collectivités territoriales auront-elles bien recours au filet de sécurité ?

Je vous l’assure : aujourd’hui, rien ne peut nous conduire à penser que, du fait des critères actuels, le filet de sécurité ne trouverait pas son public. (M. Vincent Delahaye manifeste sa circonspection.)

Tout d’abord, pour définir, puis affiner ces critères, nous nous sommes fondés sur des hypothèses relatives à la hausse des prix de l’énergie, à la hausse des prix de l’alimentation et à l’augmentation de la masse salariale des collectivités territoriales. Or, quand on regarde le réalisé à la fin du mois d’octobre dernier, on constate que l’on est très près des hypothèses sous-jacentes.

Pour les prix de l’énergie, nous avions prévu une augmentation de 30 % sur un an : à la fin octobre, selon les comptes des collectivités territoriales, la hausse était de 26 % en moyenne. Nous serons d’autant plus proches de l’hypothèse formulée que, pour les deux derniers mois de l’année, la tendance devrait être à la hausse.

Pour les prix de l’alimentation, nous avions retenu comme hypothèse une augmentation de 10 %. Fin octobre, nous étions déjà à 10,2 %.

Enfin, pour la masse salariale, l’hypothèse était une hausse de 5,5 % : nous sommes à 5 %. La différence tient bel et bien dans l’épaisseur du trait.

Les hypothèses retenues quant à l’augmentation des charges des collectivités territoriales, pour définir les critères du filet de sécurité, se réalisent donc aujourd’hui.

J’en viens au nombre de collectivités qui ont recours au filet de sécurité.

J’ai demandé à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de ne pas attendre que les collectivités viennent sonner à sa porte pour solliciter cette aide : à l’inverse, je veux que l’on aille vers elles, notamment vers celles que l’on sait particulièrement fragilisées, pour leur faire connaître l’existence du filet de sécurité.

À ce jour, 12 000 collectivités ont été contactées à cette fin par mes services.

Un certain nombre d’entre elles – c’est logique – estiment qu’elles n’y auront pas droit, car la dégradation de leur situation reste en deçà des seuils définis par le Parlement.

D’autres pensent y avoir droit, mais préfèrent attendre la clôture de leurs comptes, à la fin de cette année : elles ne veulent pas prendre le risque de devoir restituer un éventuel acompte.

D’autres enfin ont d’ores et déjà demandé un acompte. Leurs dossiers sont en train d’être examinés ; 2 200 d’entre elles ont vu leur demande d’acompte validée en l’espace de deux semaines.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous recevrez assez rapidement des noms de communes bénéficiaires dans vos départements respectifs. En effet – c’est un grand travail –, j’ai demandé à mon équipe de faire le point chaque semaine sur les communes à qui un acompte est accordé et de communiquer à chaque sénateur la liste des communes concernées dans son département.

C’est un dispositif transpartisan, adopté par l’ensemble des groupes : dès lors, il me semble légitime que chacun connaisse sa déclinaison. De même, à l’Assemblée nationale, chaque député recevra chaque semaine la liste des communes bénéficiaires d’un acompte dans sa circonscription.

J’y insiste, 2 200 acomptes ont dès à présent été validés, pour un montant qui approche les 50 millions d’euros. Ces acomptes étant en général de 30 %, le montant total fléché vers les communes est déjà de 150 millions d’euros sur les 450 millions d’euros prévus au titre du filet de sécurité.

Il n’y a donc pas lieu de penser que les crédits du filet de sécurité pour 2022 ne seront pas consommés, même si j’entends les préoccupations exprimées.

Aujourd’hui, l’enjeu de notre mobilisation doit être le filet de sécurité pour 2023. M. le rapporteur général l’a dit : nous en débattrons au titre du projet de loi de finances, dont le Sénat commencera l’examen dès demain. Un amendement adopté par l’Assemblée nationale tend à attribuer 1,5 milliard d’euros à ce filet de sécurité, soit le triple du montant prévu pour 2022.

Sans doute serons-nous appelés à débattre des critères applicables en 2023 ; en l’état, je sollicite le retrait de ces amendements et, à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je le répète, le déploiement actuel du filet de sécurité prouve que les critères retenus permettent d’accompagner un certain nombre de communes fragilisées.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.

Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, comprenez que ce sujet suscite quelques réactions dans notre hémicycle.

Je me souviens très bien, moi aussi, de l’examen du premier projet de loi de finances rectificative. Je garde en mémoire les suspensions de séance et les débats quelque peu enflammés que ces questions ont provoqués.

Monsieur le ministre, en partant de l’Assemblée nationale, cette enveloppe représentait 180 millions d’euros ; puis, au Sénat, l’adoption d’un amendement de M. le rapporteur général sous-amendé par le groupe Union Centriste l’a portée à 430 millions d’euros. Pourquoi ? Parce que vos services ont estimé qu’un tel montant était nécessaire pour soutenir au moins 22 000 collectivités.

Tel était le sens de cet accord : avec une telle enveloppe, plus de la moitié des communes pouvaient être éligibles au dispositif. Si, à l’époque, on nous avait dit que seules 3 000 communes seraient concernées – ou 2 700, ou 2 300, peu importe –, le Sénat ne l’aurait sans doute pas voté.

Nous saluons les efforts que vous mettez en œuvre avec la DGFiP pour nous tenir informés de la situation, pour que nous sachions qui touche quoi ; mais, malgré cela, nous sommes très déçus. Sur les 500 communes de mon département, seules 7 touchent un acompte. Nous attendions une aide pour la moitié des collectivités : c’est tout le sens des réactions que vous entendez aujourd’hui. (M. Vincent Delahaye applaudit.)

M. Antoine Lefèvre. Très bon rappel !

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.

M. Laurent Burgoa. Monsieur le ministre, vous reconnaissez que seules 12 000 communes sont susceptibles de recevoir un financement. Je vous en remercie, mais je vous rappelle que, dans cet hémicycle il y a quelques mois, on avançait le chiffre de 22 000 : c’est tout de même 10 000 de moins.

Jusqu’à présent, dans le Gard, on n’a rien reçu. Y aura-t-il seulement un bénéficiaire parmi les 351 communes gardoises, sachant que notre département est le cinquième plus pauvre de France ?

J’ai bien reçu la note explicative que vous nous avez adressée par courriel, mais je ne dispose pas encore des noms des communes : je les attends avec impatience.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.

M. Vincent Delahaye. Je ne vais pas retirer mon amendement, et pour cause, il me semble totalement justifié.

Monsieur le ministre, 450 millions d’euros doivent être attribués à ce titre cette année et, peut-être, 1,5 milliard d’euros l’année prochaine. Ce n’est pas mal ; mais savez-vous ce que représentent tous les dispositifs que vous avez mis en place pour les particuliers et les entreprises, face à la hausse des prix de l’énergie, sur les années 2022 et 2023 ? Cela fait 115 milliards d’euros.

Vous n’aviez pas forcément ce chiffre en tête. Quoi qu’il en soit, en comparaison, ces aides aux collectivités – arrondissons-les à 2 milliards d’euros – ne sont vraiment pas excessives.

Vous nous dites que 2 200 collectivités ont obtenu un acompte depuis quinze jours. En tout cas, une seule des 194 communes de mon département en a reçu un pour l’instant.

J’ai regardé ce dossier avec M. le préfet : le critère des 25 % élimine un nombre considérable de communes. Or – quand on a géré une commune, on le sait – une baisse de 10 % de l’épargne brute d’une année sur l’autre, c’est déjà beaucoup : souvent, les communes se contentent à ce titre du strict nécessaire.

Monsieur le rapporteur général, vous faites valoir que certaines communes pourraient se plaindre de ne pas être éligibles au nouveau dispositif : dans ce cas, supprimons ce critère purement et simplement !

Selon moi, mieux vaut le maintenir en abaissant le taux à 10 %. Ce seuil me semble raisonnable.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet, pour explication de vote.

M. Michel Canévet. Si nous proposons ces amendements tendant à modifier le filet de sécurité, c’est parce que, en regardant très concrètement la situation des collectivités dans nos départements respectifs, on constate qu’il y a un vrai problème. En effet, ce dispositif ne cible pas véritablement ceux qui en ont besoin.

Mon département du Finistère dénombre quatorze bénéficiaires : cinq communes sur 277, une intercommunalité sur 21 et huit syndicats intercommunaux sur une centaine. Il n’y a donc que très peu de collectivités concernées ; et lorsque, avec mes collègues, nous comparons la situation de nos départements, nous voyons qu’il en est de même partout. Voilà pourquoi le dispositif doit être amélioré.

Monsieur le ministre, l’objectif n’est pas de dépenser ces 430 millions d’euros coûte que coûte, mais bien d’aider et d’accompagner des collectivités qui sont en difficulté du fait de la hausse du point d’indice, du coût de l’énergie et des prix de l’alimentation. Sinon, les collectivités territoriales vont cesser d’investir. Or, ne serait-ce que pour assurer la transition énergétique, il faut les inciter à investir massivement, notamment dans la rénovation de leur parc immobilier. Ne négligeons pas non plus l’effet psychologique que de telles difficultés peuvent avoir sur ces prescripteurs que sont les élus.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Delcros, pour explication de vote.

M. Bernard Delcros. Monsieur le ministre, nous sommes à la mi-novembre et nous avons aujourd’hui suffisamment d’éléments en la matière ; c’est d’ailleurs grâce à vos services, et je vous remercie des consignes que vous leur avez données en ce sens.

Ces informations convergentes nous en donnent désormais la certitude : à la fin de l’année, le nombre de communes bénéficiaires ne sera pas celui que l’on escomptait. Il en sera même très éloigné.

Bien entendu, nous saluons le mécanisme du filet de sécurité ; il s’agit simplement de corriger une erreur de calibrage commise au départ – de fait, au mois d’août dernier, il était difficile de fixer de tels critères –, pour qu’en définitive le nombre de communes éligibles approche celui que l’on imaginait quand cette mesure a été votée.

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Mme Céline Brulin. Nous sommes face à une crise dont, tous autant que nous sommes, nous n’avions pas forcément mesuré l’ampleur.

Un certain nombre de dispositifs ont été créés ; mais, dès leur mise en œuvre, on a pu constater qu’ils n’atteignaient pas les objectifs que le Gouvernement lui-même s’était donnés. Il est temps de les corriger ; cela a du sens de le faire dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, puisque ces sommes doivent contribuer à aider les communes pour l’année 2022.

Il est question de prolonger ce dispositif par le projet de loi de finances pour 2023, dont nous commencerons dès demain l’examen : autant entamer ce travail collectif dès maintenant. Ce sera toujours cela de fait.

Je rejoins les précédents orateurs : ce dispositif est tout de même assez strict, étant donné que les critères fixés sont cumulatifs. Il faut cocher les trois cases pour être éligible. On ne peut donc pas dire que l’on ouvre les vannes !

Enfin, nous souhaitons tous que nos collectivités aillent plus loin dans le sens de la transition énergétique, ce qui suppose un effort d’investissement. Je ne ferai offense à personne ici en rappelant que l’épargne brute, c’est précisément ce que les communes peuvent dégager pour l’investissement. Il s’agit en particulier de mettre nos bâtiments locaux en conformité avec les exigences que nous connaissons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

M. Daniel Breuiller. Au nom de mon groupe, je soutiens ces deux amendements centristes.

Premièrement, comme tous nos collègues sénateurs, nous rencontrons jour après jour des élus locaux très inquiets du bouclage de leur budget. Aucun d’entre nous n’a dû entendre un maire lui dire : « Cette année, ce sera facile, ce n’est pas la peine de déposer des amendements. »

Deuxièmement – Mme Brulin vient de le rappeler –, les besoins d’investissement sont grands. Or, plus le coût de l’énergie augmente, plus on mesure l’enjeu que représente une meilleure isolation de nos bâtiments communaux.

Troisièmement et enfin, souvenons-nous de l’examen du premier PLFR. Après les suspensions de séance demandées par M. le ministre, interruptions qui m’avaient surpris, j’avais félicité mes collègues centristes de la belle avancée obtenue. On nous affirmait alors que 20 000 communes pourraient bénéficier de ce bouclier.

Comme l’a dit M. Delcros, nous sommes face à une erreur de calibrage manifeste. On estimait sans doute que l’on toucherait 20 000 communes ; on constate maintenant que ce sera plutôt quelques milliers. Eh bien, revenons-en à l’intention qui était clairement celle du Gouvernement lorsqu’il a accepté cette proposition centriste. Il faut que 20 000 communes puissent en bénéficier, car sans doute 20 000 en ont besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

M. Cédric Vial. Mon intervention va dans le sens de celle de mon collègue : oui, il y a un phénomène de rattrapage.

Le chiffre de 22 000 communes représente un peu plus de 60 % des communes concernées. Aujourd’hui, le pourcentage oscille plutôt entre 5 % et 12 % des communes. Dans mon département, 20 communes bénéficient du dispositif sur un total de 273. L’effet de maillage n’est pas bon.

Même s’il faut affiner le dispositif, les dispositions de cet amendement contribuent à resserrer les mailles du filet. Quoi qu’il arrive, il est nécessaire de rattraper le retard pris dans la mise en œuvre des aides et d’envoyer un signal positif aux communes qui y sont éligibles.

Dans le principe, j’aurais préféré un dispositif encore plus simple, car les critères du filet de sécurité sont compliqués, sans parler de la question de l’épargne brute…

J’en viens à la situation des stations de montagne.

On ne peut pas les comparer aux autres communes de leur strate de population pour ce qui est des investissements. Dans la mesure où elles investissent beaucoup, elles doivent recourir à l’emprunt, ce qui justifie de prendre en compte, dans leur cas, non pas l’épargne brute, mais l’épargne nette.

En outre, monsieur le ministre, les stations de montage et les stations de ski ont été fortement pénalisées par la crise du covid-19 et, à l’époque, il était prévu qu’on les aide. Or elles n’ont toujours pas touché les compensations fiscales et tarifaires promises en 2020 et en 2021.

Ces communes sont donc victimes d’une triple peine : elles n’ont pas touché les compensations des pertes dues à la saison noire, elles ne bénéficieront pas du bouclier tarifaire, à cause de l’application de critères trop compliqués et, alors que les premières stations de ski ouvrent ou vont ouvrir dans les prochaines semaines, aucune mesure spécifique n’a été prise pour garantir qu’elles bénéficieront d’une quelconque aide face à la hausse du coût de l’énergie qu’elles subiront cet hiver.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Je veux rappeler quelques points des débats de l’été dernier.

Pour être éligibles au dispositif du filet de sécurité que les deux chambres ont adopté à l’unanimité, les communes doivent remplir deux critères.

Premièrement, le montant de leur épargne brute doit représenter moins de 22 % de leurs recettes réelles de fonctionnement à la fin de l’année 2021. Nous avions fixé ce taux pour pouvoir ouvrir le dispositif à 22 000 communes. C’était très clair, dans nos débats.

En effet, nous craignions qu’un grand nombre de communes ne puisse même pas prétendre au bénéfice d’un accompagnement, pourtant justifié du fait de la perte de leur capacité d’autofinancement, dans la mesure où le niveau de leur épargne brute à la fin de 2021 excéderait le taux prévu dans le premier critère.

Nous avons donc fait en sorte que jusqu’à 22 000 communes puissent être éligibles au dispositif selon le niveau de perte d’épargne brute qu’elles auront connu au cours de l’année 2022, en fixant un taux de 22 % pour le premier critère. C’était très clair.

M. Vincent Delahaye. Pas si clair !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous invite à relire le compte rendu des débats.

Deuxièmement, les communes éligibles doivent avoir perdu au moins 25 % de leur capacité d’autofinancement sur l’année. Nous avions alors estimé que cela concernerait entre 8 000 et 9 000 communes – je vous avais communiqué ce chiffre, à l’époque.

Par ailleurs, les 2 200 acomptes versés – ce fameux chiffre que j’ai déjà cité – ne correspondent pas à tous les acomptes demandés ; il y en aura d’autres prochainement, car le délai est à chaque fois de deux semaines.

Beaucoup de communes ont fait le choix – je suis sûr qu’il y en a dans vos départements, certains d’entre vous ont hoché la tête quand j’en ai parlé – de ne pas demander d’acompte (Protestations sur les travées des groupes CRCE et GEST.), car elles préfèrent attendre de connaître la situation de leurs comptes à la fin de l’exercice budgétaire, pour savoir si elles seront éligibles au dispositif ou non, de façon à ne pas recevoir un acompte qu’elles devraient ensuite rendre.

Par conséquent, les 2 200 acomptes versés n’ont qu’une valeur relative, dès lors que certaines collectivités – elles sont nombreuses – qui ont droit à cette aide ne la demanderont qu’en 2023 au titre de l’exercice 2022, de manière à disposer de l’état de leurs comptes à la fin de l’exercice. Le nombre de bénéficiaires final sera infiniment plus élevé, même si un tiers de l’aide a déjà été distribué. Encore une fois, 22 000 communes sont éligibles au dispositif.

Vous avez été nombreux à saluer la transparence dont font preuve mes services en communiquant au fil de l’eau le nombre des communes qui reçoivent une aide ; s’il s’agit d’en faire un argument pour montrer que le dispositif n’atteint pas sa cible, je risque de le regretter ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi. Nous ne sommes pas comme ça !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il ne s’agit pas de communiquer les chiffres au fil de l’eau pour que, au bout de deux semaines seulement, certains s’en servent pour tirer comme conclusion définitive que personne ne bénéficie du dispositif et que celui-ci n’est donc pas bon. En réalité, ce n’est qu’un point d’étape.

Face à la crise, l’enjeu est surtout pour nous de construire ensemble le filet de sécurité pour l’année 2023. Nous y reviendrons lors de l’examen du projet de loi de finances.