Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France consacre 13,6 % de son PIB au financement des retraites, soit 345 milliards d’euros en 2021. C’est moins que l’Italie, qui y consacre 15,6 %, mais c’est plus que la plupart des pays de l’OCDE, notamment l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne, qui sont en dessous de 11 %.

L’actuel équilibre de notre système de retraite devrait se dégrader de 2023 jusqu’au milieu des années 2050, dans le meilleur des cas.

Si l’on s’accorde pour éviter la baisse du niveau des pensions et la hausse des prélèvements, alors la dégradation des comptes rend la réforme indispensable.

Celle-ci devrait se limiter à une dimension paramétrique, en jouant principalement sur deux critères pouvant être combinés : une majoration de l’âge d’ouverture des droits, de 62 ans à, peut-être, 65 ans d’ici à 2031, via une progression de quatre mois par an ; l’accélération de la majoration de la durée de cotisation prévue par la réforme Touraine, selon laquelle la durée d’assurance requise des personnes nées à partir de 1973 pour bénéficier d’une retraite sans décote doit augmenter progressivement d’un trimestre tous les trois ans entre 2020 et 2035, pour atteindre quarante-trois ans, soit 172 trimestres.

Toutefois, il conviendra au préalable de s’entendre sur la convention d’équilibre choisie : soit un effort de l’État constant en pourcentage de PIB, quel que soit le besoin du CAS « Pensions » et des régimes spéciaux déficitaires, soit un équilibre permanent des régimes, dans lequel l’État comble les besoins chaque année, comme c’est le cas actuellement. Cette convention dicte un âge moyen de départ de 64 ans dès 2030, qui sera porté à 66,5 ans d’ici à 2060, pour atteindre le retour à l’équilibre du système.

L’augmentation de l’âge de départ à la retraite pose question au regard de la faible progression de l’espérance de vie. Il en résulterait mécaniquement une moindre durée de retraite. En effet, les gains d’espérance de vie ne sont plus systématiques.

Une attention particulière doit aussi être portée à la pénibilité des métiers, aux dispositifs pour les carrières longues, à la prévention de l’usure au travail, ainsi qu’à l’aptitude des entreprises à employer des seniors.

Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a indiqué que la réforme des retraites pourrait susciter 8 à 9 milliards d’euros d’économies au bout du quinquennat – j’aimerais beaucoup disposer des éléments de calcul de cette estimation.

Je rappelle que la fermeture du régime des retraites de la SNCF a causé 4,1 milliards d’euros de mesures d’accompagnement, c’est-à-dire de dépenses, entre 2011 et 2020. Je me demande parfois pourquoi les syndicats redoutent tant les réformes…

Dans le détail, la mission « Régimes sociaux et de retraite » comprend les régimes de retraite des mines, de la Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita), des régies ferroviaires d’outre-mer et de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), au programme 195, mais aussi les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins – au programme 197 –, ainsi que les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres – au programme 198 –, principalement ceux de la SNCF et de la RATP, mais aussi ceux du réseau franco-éthiopien, qui compte trois pensionnés.

Je déplore que ne figurent toujours pas dans ce périmètre les régimes de l’Opéra de Paris, de la Comédie-Française, des industries électriques et gazières, des non-salariés agricoles, des avocats et des clercs et employés de notaire, soit 5,4 milliards d’euros de contributions qui échappent à la présente mission. Cette situation nuit considérablement à la lisibilité du système et, par conséquent, à celle d’une prochaine réforme.

En 2023, la dotation de l’État envers les régimes de la mission devrait s’élever à 6,14 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 3,5 milliards pour la SNCF et 800 millions pour la RATP. Je crains cependant que ces prévisions ne sous-estiment les conséquences de l’inflation.

Le compte d’affectation spéciale « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d’invalidité des agents de l’État : 64,36 milliards d’euros en AE et en CP sont prévus pour 2023, dont 94 % pour les seules pensions civiles et militaires.

En progression de 5,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ces crédits intègrent la majoration du point d’indice de la fonction publique du 1er juillet dernier, qui vient doper les cotisations, mais moins que n’augmente le coût de la revalorisation des pensions. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit ainsi un solde négatif du CAS « Pensions » de 789,4 millions d’euros. La baisse des effectifs cotisants et le niveau croissant des pensions ne peuvent que renforcer ce déficit.

J’attire enfin votre attention sur les taux de contribution employeur, qui assurent historiquement l’équilibre du CAS « Pensions » et qui ont toujours permis de dégager des soldes excédentaires. Ces taux n’ayant pas été révisés depuis 2014, l’exercice 2022 devrait se clôturer, pour la première fois, par un déficit de l’ordre de 224 millions d’euros. En l’absence de révision à la hausse de ces taux, le solde excédentaire cumulé sera consommé d’ici à 2025. La réforme devra donc également se pencher sur ce déséquilibre croissant.

Au terme de ces observations, je vous propose d’adopter l’ensemble des crédits de la mission et du CAS. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales partage en grande partie la position exprimée par Mme la rapporteure spéciale.

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s’élèvent à un peu plus de 6 milliards d’euros. Deux régimes sont particulièrement concernés, ceux de la SNCF et de la RATP.

Le régime de la SNCF est déjà fermé. Avant d’envisager sa suppression, un certain nombre de mesures pourraient être prises, notamment un rattrapage des âges de départ à la retraite.

La participation de l’État aux régimes de la SNCF et de la RATP est supérieure à 60 %, ce qui est tout à fait important. C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a émis un avis favorable, avec des réserves, sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Le compte d’affectation spéciale « Pensions », dont les crédits s’élèvent à 64 milliards d’euros, concerne les fonctionnaires civils et militaires de l’État. En concertation avec la commission des finances, nous alertons, depuis des années déjà, sur la dégradation financière du CAS, eu égard au vieillissement démographique.

Il existe certes un excédent de 10 milliards d’euros, mais il est d’ordre comptable. S’ils étaient dans les caisses, le Gouvernement se serait déjà attaché à les ponctionner, comme il l’a fait ailleurs – ce projet de loi de finances en témoigne ! Toutefois, ces 10 milliards vont s’évaporer au fil du temps, puisque le compte sera déficitaire dès 2025. Monsieur le ministre, il est plus que temps de prendre des mesures !

La commission a décidé d’émettre un avis favorable sur les crédits de ce compte d’affectation spéciale, mais non sans inquiétudes.

Le taux de participation de l’État s’élève à 74 % pour les civils et à 126 % pour les militaires.

Il est plus que jamais important d’équilibrer ce régime par répartition : laisser la dette financer ces dépenses reviendrait à remettre en cause l’essence même de la répartition.

Monsieur le ministre, vous nous avez reproché de vouloir faire peser 4 milliards d’euros supplémentaires sur le dos des entreprises, mais vous mettrez des dizaines de milliards sur celui de nos enfants si les mesures nécessaires pour équilibrer le système ne sont pas prises.

Le Sénat a pris ses responsabilités ; au Gouvernement de prendre les siennes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’année 2022 a été marquée par d’importantes mesures de revalorisation salariale dans les trois versants de la fonction publique. Il en résulte notamment une forte hausse de la masse salariale de l’État, qui atteindra 100,43 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 5,35 % par rapport à 2022.

Rappelons également que, à rebours de l’engagement pris lors du quinquennat précédent, le Gouvernement vise désormais la stabilité des effectifs de la fonction publique de l’État.

Comme vous le savez, le programme 148, « Fonction publique », finance les actions interministérielles en matière de formation, d’action sociale et de gestion des ressources humaines. Il s’établit à 295,52 millions d’euros en autorisations d’engagement dans le projet de loi de finances pour 2023, contre 303,25 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2022.

Cette baisse apparente des crédits s’explique par la suppression du fonds d’accompagnement interministériel des ressources humaines (Fairh), créé en 2019, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité.

S’agissant de la formation, je salue l’effort pour développer les classes préparatoires « Talents du service public », qui ont remplacé en 2021 les classes préparatoires intégrées (CPI). À la rentrée 2022, on compte 100 classes de ce type, qui accueillent 1 953 élèves. Par ailleurs, l’expérimentation des concours Talents se poursuit, en vue de son évaluation au premier semestre de 2024.

En ce qui concerne l’action sociale interministérielle, est prévue pour 2023 l’augmentation du montant global des prestations individuelles et collectives, en raison de l’accroissement du nombre de bénéficiaires.

Je regrette que les indicateurs de performance relatifs à l’action sociale interministérielle aient été remplacés, depuis l’an dernier, par un indicateur unique relatif au taux de satisfaction des bénéficiaires. Cet indicateur, très subjectif, me paraît nettement moins pertinent. Afin de permettre une évaluation précise des dispositifs d’action sociale interministérielle, je vous proposerai un amendement n° II-102 visant à rétablir les deux indicateurs de performance précédents.

Enfin, à l’heure où la question de l’attractivité de la fonction publique se pose avec une acuité particulière, la politique de ressources humaines des employeurs publics devrait constituer un levier majeur d’amélioration. Or les actions prévues pour 2023 – je pense, par exemple, à celles qui visent à améliorer la visibilité de l’emploi public – semblent encore timides.

Je suis pourtant convaincue que le développement de l’apprentissage constituerait un moyen efficace pour attirer davantage de candidats, et notamment des jeunes, vers la fonction publique.

À ce titre, je salue l’engagement pris par le Gouvernement de poursuivre en 2023 le soutien de l’État, à hauteur de 15 millions d’euros, en faveur de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.

En revanche, l’introduction dans ce projet de loi de finances de l’article 40 sexies, qui rend facultatives les contributions financières de l’État et de France compétences à cet apprentissage, n’est pas acceptable. Nous en reparlerons dans quelques jours, lors de l’examen des articles non rattachés.

Sans ce soutien, l’équilibre du nouveau système de financement de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale ne pourra être garanti sur le long terme.

Sous réserve de l’adoption de l’amendement que j’ai évoqué, la commission des lois a émis un avis favorable sur les crédits du programme 148. (M. Marc Laménie applaudit.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons eu droit cette année, dans le cadre de la mission « Gestion des finances publiques », à deux rapports de la part de l’Assemblée nationale : un premier, du rapporteur spécial Louis Margueritte, ancien directeur de cabinet de M. Alain Griset, puis directeur adjoint de cabinet de M. Bruno Le Maire ; le second, de la rapporteure spéciale Charlotte Leduc.

Ces deux députés se sont penchés sur cette question cruciale : quels moyens sont-ils consacrés au recouvrement de l’impôt ? Autrement dit, comment s’assurer que ceux qui sont redevables d’un impôt l’acquittent réellement ?

Comment ne pas se réjouir d’une augmentation des crédits de 5,42 %, en moyenne, pour chacun des programmes que compte la mission !

À bien y regarder, les crédits de paiement du programme 218, « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », sont en augmentation de 80 millions d’euros. Cette hausse servira, pour 50 millions d’euros, à la prestation d’appui et de supports. Des cabinets de conseils viendront s’occuper de la sécurité juridique des services d’impôts. Pas moins de 210 millions d’euros sont engagés pour ces actions, soit une hausse de 61 % par rapport à 2022.

Dans son rapport, Mme Leduc constate « une baisse alarmante des effectifs et la mise en place mal avisée de nouvelles technologies ». Ne soyons pas trop durs : sept équivalents temps plein sont pourtant prévus dans le domaine du conseil en stratégie…

Depuis 2018, plus de 1 000 emplois ont été supprimés au service du contrôle fiscal ; cela a été accompli, selon la DGFiP, grâce au recours à l’intelligence artificielle pour le ciblage de la fraude et la valorisation des enquêtes. Des gains de productivité, voilà bien l’objectif central de notre gouvernement !

Pourtant, nous ne cesserons de le répéter, les robots ne remplacent pas les humains : ils les aident et les assistent, dans le meilleur des cas. Cette trajectoire critiquable conduit, à l’échelle de la mission, à un abaissement du plafond d’emplois de 863 équivalents temps pleins travaillés.

Les transferts de missions de la direction des douanes au profit de la DGFiP exigeraient des recrutements en conséquence. Nous nous félicitons du ralentissement du calendrier et de la redéfinition des missions transférées. C’est sans doute grâce aux mouvements sociaux dans les services des douanes qu’a été enrayée cette machine infernale qui nie les compétences de chacun et rend invisibles les spécificités des recouvrements, l’expertise propre aux métiers des agents.

Pour pallier ces carences en personnel, le rapporteur spécial de la majorité présidentielle appelle à conforter la relation de confiance entre la DGFiP et les entreprises, qui permet de sécuriser le recouvrement des prélèvements obligatoire. Derrière cette nouvelle idéologie se cache le nouveau mantra de la start-up fiscale : moins de répression, plus de bienveillance. Or il n’y a que deux catégories de situations : celles qui nécessitent un redressement et les autres.

La technologie et cette nouvelle doctrine, ainsi que les baisses d’effectifs et l’inflation des dossiers, expliquent probablement la chute de 4,2 milliards d’euros des droits et pénalités notifiés par rapport à 2012 et la relative stabilité des sommes encaissées.

Le juge Van Ruymbeke le sait mieux que quiconque : « Les fraudeurs, dit-il, ont toujours un coup d’avance. » Toutefois, il pense, comme moi et comme d’autres ici, que l’évasion fiscale n’est pas une fatalité : « Je pense que, le jour où on s’attaquera vraiment aux paradis fiscaux, aux outils, aux sociétés offshore, on mettra au pas ces paradis fiscaux. »

Ce message d’espoir doit être entendu ; il doit nous permettre d’opérer un virage dans la doctrine, les moyens et les règles politiques fixées à l’endroit de ceux qui se détournent de l’impôt et de ceux qui les y aident. C’est impératif si l’on ne veut plus entendre des multinationales qui fuient l’impôt nous dire, la main sur le cœur, qu’elles sont fières de se conformer aux règles fiscales des pays où elles opèrent. (Applaudissements sur les travées du GEST. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canévet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je remplace au pied levé notre collègue Vincent Delahaye, qui regrette de ne pouvoir délivrer à notre assemblée les messages que je vais m’efforcer de transmettre.

Je voudrais tout d’abord rappeler les propos de notre rapporteure spéciale, Sylvie Vermeillet, au sujet des régimes spéciaux, notamment ceux de la SNCF et de la RATP, qui mobilisent 4 milliards d’euros de fonds publics. On comprend mieux l’impact budgétaire de ces régimes en comparant cette somme, par exemple, au coût du filet de sécurité énergétique de 1,5 milliard d’euros.

Si l’on peut se réjouir des progrès réalisés, beaucoup reste à faire en matière de lutte contre la fraude fiscale.

Mme Nathalie Goulet. Et sociale !

M. Michel Canévet. Mme Nathalie Goulet nous propose d’ailleurs régulièrement des pistes de travail. On espère que le Gouvernement, en matière de fraude fiscale comme de fraude sociale, leur sera particulièrement attentif.

Faut-il juger le bonheur à l’aune de la dépense publique ?

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. On serait heureux !

M. Michel Canévet. Le rapport que publient les Nations unies à cet égard est particulièrement instructif.

De nombreux pays comme la Suisse, l’Islande ou les Pays-Bas ont un score de bonheur supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE, alors que leur secteur public est d’une taille inférieure à la moyenne de ces mêmes pays. Quant à la France, dont le secteur public est très supérieur à la moyenne, elle obtient un score de bonheur largement en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE. Restons donc modestes sur le sujet, car il semble bien que le bonheur ne se résume pas à l’importance des moyens budgétaires dédiés à l’action publique.

Je salue les propos des rapporteurs Claude Nougein et Albéric de Montgolfier, mais nous n’avons pas tout à fait la même conception de la gestion du patrimoine immobilier de l’État et des ressources humaines.

Des progrès méritent d’être salués, notamment en matière d’administration électronique. La productivité et le service rendu à nos concitoyens se sont améliorés, mais il faut poursuivre ces efforts. La numérisation doit nous permettre d’optimiser nos dépenses et de réaliser encore des économies sur les moyens de fonctionnement, en particulier en matière de personnel.

La dépense publique reste encore extrêmement forte. Depuis 1981, la population a augmenté de 18 %, mais les effectifs de la fonction publique ont crû de 40 %. Les choses évoluent donc de manière contrastée, monsieur le ministre de la transformation et de la fonction publiques. Le groupe de l’Union Centriste appelle donc à la plus grande vigilance pour éviter que ces dépenses de personnel ne grèvent nos finances publiques.

Ces dépenses récurrentes pèsent en effet très lourd sur l’équilibre de nos comptes. Dans notre pays, la part de contrats à durée déterminée, c’est-à-dire de ceux qui ne relèvent pas du statut de la fonction publique, s’élève à 20 % des agents publics, contre 60 % en Allemagne, 85 % en Italie, 92 % au Royaume-Uni et 99 % en Suède. Nous pourrions nous inspirer de cette souplesse pour réviser le statut de la fonction publique française et ne pas titulariser systématiquement tout le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je n’ai que quelques minutes pour évoquer les enjeux de quatre missions et de deux comptes spéciaux. Étant incapable de tous les traiter dans ce délai, je ferai principalement porter mes observations sur les missions, afin d’éviter de trop répéter des chiffres déjà cités.

Il convient tout d’abord de saluer l’augmentation des crédits de la mission « Gestion des finances publiques », qui s’élèvent à 10,5 milliards d’euros, en hausse de plus de 5,4 %. Voilà qui est bienvenu dans un contexte où les administrations financières sont au cœur d’importantes transformations.

En effet, le renforcement des moyens de lutte contre la fraude fiscale doit être une priorité au regard des marges de progrès existantes. Toutefois, il faudra rester attentif aux objectifs qui seront définis dans le contrat d’objectifs et de moyens de la DGFiP pour les années 2023 à 2027.

En parallèle, la poursuite du développement des outils de data mining et d’intelligence artificielle doit aussi permettre de renforcer les capacités d’analyse des administrations face à la complexification de la fraude. De plus, il est nécessaire de compléter l’effort d’information des parlementaires en les renseignant sur les effets des réformes conduites au sein des administrations financières en matière d’emploi, en particulier à la DGFiP.

J’en viens maintenant à la mission « Crédits non répartis ». La provision relative aux rémunérations publiques fait de nouveau l’objet d’une ouverture de crédits, à hauteur de 80 millions d’euros, destinés à financer l’extension du forfait mobilités durables, ce qui est une bonne chose.

Par ailleurs, au même titre que la commission des finances, je dois émettre quelques réserves sur l’augmentation excessive des crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, qui s’élèvent tout de même à près de 1,8 milliard d’euros. Le Gouvernement justifie cette hausse, qui aboutit à une somme quatorze fois supérieure au montant conventionnel de 124 millions d’euros, par les seules incertitudes liées à la crise énergétique et au contexte international et macroéconomique. Donc acte !

La mission « Transformation et fonction publiques » se compose désormais de six programmes à vocation interministérielle et concerne des sujets aussi variés que la rénovation des cités administratives de l’État, les projets porteurs d’économies à moyen terme, les ressources humaines, ou encore les start-up d’État.

Je souhaite porter l’accent sur les crédits du programme 148, « Fonction publique », qui s’élèvent à 286 millions d’euros. Ce montant traduit une légère baisse par rapport au budget de l’année dernière, mais se maintient tout de même à un niveau élevé dans une perspective d’évolution pluriannuelle.

Je dirai quelques mots sur le remplacement de l’école nationale d’administration (ENA) par l’Institut national du service public (INSP). Si, dans ses grands objectifs, cette réforme paraît aller dans le bon sens, plusieurs points d’attention doivent être relevés. Il est notamment essentiel de veiller au maintien d’un haut niveau de professionnalisation du corps préfectoral. N’oublions pas que la mise en extinction des corps diplomatiques a été très mal vécue au Quai d’Orsay, ce qui risque d’affecter la qualité et le rayonnement de notre réseau diplomatique. Il est important d’apporter des garanties aux fonctionnaires concernés.

Enfin, comme l’a révélé la récente commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, le recours à ces cabinets de conseil par l’État soulève des questions fondamentales, qui intéressent directement la fonction publique.

M. Stéphane Artano. La tendance croissante à externaliser, en dehors de l’administration, la réflexion portant sur les politiques publiques nous fait douter de la capacité de l’État à disposer des compétences nécessaires à la réalisation de ses missions les plus essentielles.

Le recours aux cabinets de conseil doit être mieux encadré et rendu plus transparent. Il paraît important de prévoir dans la loi que ces cabinets sont soumis à des obligations déontologiques.

Je ne reviendrai pas sur les comptes spéciaux, qui ont été déjà largement abordés.

En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera les crédits de ces quatre missions et de ces deux comptes spéciaux, compte tenu de l’importance des enjeux.

Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous débutons l’examen de la seconde partie du budget pour 2023.

Je m’arrêterai d’abord sur la mission « Transformation et fonction publiques », pour laquelle je souscris aux conclusions des rapporteurs : si la programmation a été ambitieuse ces dernières années, l’exécution a peu suivi et d’importants retards ont été constatés sur le décaissement des crédits.

À ce titre, je me réjouis qu’une nouvelle action « Résilience » ait été incluse dans le programme 348 afin de sélectionner des projets de rénovation « à gains rapides ». Cela devrait permettre un décaissement accéléré, même s’il est permis de douter qu’il soit total d’ici à la fin de 2023. La problématique est la même pour le programme 349, qui comprend le fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP), dont il serait bienvenu d’évaluer l’efficacité.

En ce qui concerne le programme 148, « Fonction publique », s’il faut se réjouir de la stabilité des crédits, je souhaite, comme Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois, alerter sur le défi capital de l’attractivité de la fonction publique. Chacun d’entre nous a pu constater, sur le terrain, les difficultés de recrutement liées à ce manque d’attractivité. Faute de réponses ambitieuses et rapides, la pérennité de la fonction publique pourrait être compromise et, avec elle, la qualité des services publics.

Je tiens à rappeler que tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne face à ce défi. Des mesures différenciées visant à fidéliser les fonctionnaires et à attirer de nouveaux talents, devront être prises en fonction des particularités des territoires.

À ce titre, je défendrai des amendements visant à accorder aux fonctionnaires de Haute-Savoie la prime de résidence, du bénéfice de laquelle ils sont injustement exclus alors que le coût de la vie est aussi élevé, si ce n’est plus, dans de nombreuses communes de ce département que dans les villes d’autres départements dont les fonctionnaires perçoivent ladite prime.

Je sais qu’il s’agit d’un sujet très spécifique à mon département, mais j’espère, messieurs les ministres, que vous vous saisirez de cette problématique, alors que les parlementaires de Haute-Savoie alertent le Gouvernement sur cette question depuis des années.

Je m’arrête rapidement sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », dont les dépenses baissent de 18,2 %, quoique les dépenses d’entretien augmentent de 9,3 %. Nous pouvons nous en réjouir, à condition que l’exécution des crédits ait bien lieu.

Si les recettes de ce compte sont exceptionnellement en hausse cette année, elles connaissent en réalité une baisse tendancielle. Elles reposent pour l’essentiel sur des cessions, ce qui pourrait conduire à une érosion du patrimoine de l’État. À cet égard, la politique de redynamisation des redevances et le recours aux baux emphytéotiques sont bienvenus, mais ces dispositifs doivent encore monter en puissance.

De toute évidence, ce CAS, chargé de donner une impulsion stratégique, ne remplit pas pleinement son rôle. Il souffre de la concurrence d’autres vecteurs budgétaires, ce qui entraîne un éclatement néfaste des objectifs. Des pistes devront donc être explorées pour y remédier.

Je veux aussi faire quelques remarques rapides sur la mission « Crédits non répartis ». Son programme 551 n’appelle pas de commentaire particulier, si ce n’est qu’une répartition rapide des crédits vers les différentes missions est souhaitable et qu’il convient de mieux respecter le principe de spécialité budgétaire à l’avenir.

S’agissant du programme 552, « Dépenses accidentelles et imprévisibles », si les craintes du Gouvernement sont justifiées en ce qui concerne la crise énergétique et le contexte international et macroéconomique, il est évident que ses crédits, qui s’élèvent à plus de 1,7 milliard d’euros, sont excessifs. Je souscris à ce titre à la proposition des rapporteurs visant à réduire son montant de 1 milliard d’euros.

En ce qui concerne la mission « Gestion des finances publiques », j’ai bien pris note du caractère exceptionnel de la forte hausse des crédits, qui vise à poursuivre les réformes engagées pour rationaliser les finances publiques en s’appuyant sur l’informatique pour gagner en productivité et améliorer les contrôles fiscaux, objectifs auxquels je souscris.

De même, la réorganisation territoriale de la DGFiP est appréciée, en ce qu’elle vise à augmenter ses « points de contact mobiles » et sa présence dans les villes moyennes, ainsi qu’à poursuivre le déploiement du réseau des conseillers aux décideurs locaux (CDL). Nous resterons cependant vigilants à ce que la répartition des conseillers soit équilibrée.

Enfin, la dégradation des comptes de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions » doit conduire à augmenter l’âge de départ à la retraite, seule façon de les rééquilibrer. Toutefois, le montant des économies attendues reste insuffisamment documenté, ce qui n’offre aucune garantie quant à la sincérité de la prévision budgétaire. En outre, l’optimisation des coûts de gestion est nécessaire pour pallier l’augmentation des dépenses de certains régimes.

En ce qui concerne plus spécifiquement le CAS « Pensions », la progression des crédits et l’insuffisance des recettes doivent conduire à activer de nouveaux leviers, en particulier l’évolution des taux de contribution employeur. Il pourrait notamment être opportun de changer de méthode, en prévoyant un taux de cotisation patronale doublé d’une subvention d’équilibre.

De même, la pertinence de la notion de solde technique devrait être étudiée ; la création de véritables réserves affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) serait opportune. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)