Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, en remplacement de M. Victorin Lurel, rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances, en remplacement de M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Intervenant au nom du rapporteur spécial, Victorin Lurel, qui n’a pas pu être parmi nous ce soir, je souhaiterais introduire mon propos par un retour sur la situation du compte. Depuis 2020, son fonctionnement est très nettement affecté par les conséquences économiques de la crise sanitaire et, désormais, par le contexte international, tant du côté des dépenses, avec d’importants moyens mobilisés pour aider certaines entreprises du portefeuille, que du côté des recettes, du fait de l’interruption des cessions d’actifs. Il a ainsi fallu recourir à plusieurs versements du budget général pour alimenter le compte.

Cette logique devrait se poursuivre en 2023. Alors que les conditions du marché ne sont toujours pas favorables à la réalisation de nouvelles cessions, les versements du budget général devraient représenter les trois quarts des recettes du compte, et même 95 % une fois retranchées les recettes exceptionnelles.

Par ailleurs, pour l’année prochaine, seule une faible part des 10 milliards d’euros d’investissements en capital prévus par le Gouvernement est connue et détaillée dans le projet annuel de performance du compte. Pour 80 % des crédits, « le caractère [des] opérations reste confidentiel, afin de ne pas porter préjudice aux intérêts patrimoniaux de l’État ». Si nous pouvons comprendre ce besoin de confidentialité, cela limite très fortement la capacité d’appréciation du Parlement pour l’année à venir.

Par ailleurs, l’inscription de 6,6 milliards d’euros au titre de la contribution au désendettement de l’État est un véritable tour de « bonneteau » budgétaire, selon l’expression de M. Lurel. Personne n’est dupe : la contribution au désendettement vient en réalité nourrir d’autant le déficit prévu pour 2023.

C’est pour écarter ce mécanisme en trompe-l’œil que la commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer les crédits du programme 732 du CAS. Cet amendement intervient en cohérence avec l’annulation des crédits proposés sur la mission « Engagements financiers de l’État » par notre collègue Jérôme Bascher.

Je tiens cependant à relever un point positif : le versement sur le CAS de la dotation en numéraire du fonds pour l’innovation et l’industrie (FII). Alors que celle-ci bénéficiait d’une garantie de rémunération de 2,5 % par an sur un compte du Trésor, financé par l’État, le Gouvernement fait enfin le choix du bon sens en mettant fin à cette dotation et en la remplaçant par des crédits budgétaires.

J’en arrive à la situation du portefeuille de l’État actionnaire, lequel a retrouvé cet été une valorisation légèrement supérieure à son niveau d’avant la crise. Cette valorisation est toutefois dopée par l’offre publique d’achat visant les actions du groupe EDF.

Ainsi, si l’on isole la valorisation d’EDF, la performance du portefeuille de l’Agence des participations de l’État (APE) est très inférieure à celle des grandes entreprises françaises, et ce malgré les opérations de recapitalisation intervenues.

La nationalisation d’EDF me semble aller dans le bon sens. Elle laisse néanmoins entièrement ouverte la question de la situation financière du groupe, dont la dette devrait atteindre 60 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, et dont les besoins d’investissements sont évalués entre 17 milliards et 20 milliards d’euros par an.

Le nouveau président-directeur général d’EDF, Luc Rémont, qui a pris ses fonctions hier, jeudi, devra répondre rapidement aux nombreux défis de l’entreprise : il devra rassurer face aux craintes de démantèlement et permettre la viabilité de l’entreprise.

Je terminerai mon intervention en envisageant la suite : quel rôle et quels défis pour l’État actionnaire demain ? Alors que la nouvelle doctrine d’intervention de l’APE n’est pas encore définie, les pistes esquissées l’an dernier sont toujours d’actualité.

L’intervention de l’APE devra ainsi tenir compte de quatre facteurs : le soutien auprès d’entreprises touchées par la crise ; la préservation de notre souveraineté économique ; l’accompagnement des transitions environnementales et l’accompagnement face aux ruptures technologiques et numériques.

Outre un retour à la doctrine définie sous François Hollande en 2014, j’y vois surtout le choix de revenir à une utilisation des participations financières de l’État comme un outil de politique économique à part entière.

La commission des finances propose d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », amendés par l’amendement de la commission visant à supprimer les crédits dédiés au remboursement factice de la dette.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, en remplacement de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial.

M. Claude Raynal, président de la commission des finances, en remplacement de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses résultant mécaniquement de l’application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d’impôts. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que ces crédits soient évaluatifs.

Par ailleurs, cette mission est la première en volume de crédits, tous budgets confondus, et permet d’avoir une vision d’ensemble des mesures fiscales mises en œuvre et de leurs évolutions.

Elle se compose de deux programmes, l’un consacré aux remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, l’autre aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux.

En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, les dépenses sont évaluées, dans le PLF pour 2023, à 123,7 milliards d’euros, soit une très légère diminution par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022.

Cette quasi-stabilité résulte de tendances contraires entre les différentes actions du programme ; je m’attacherai dans mon exposé à vous faire part des variables les plus notables.

Tout d’abord, les restitutions liées à la mécanique de l’impôt enregistrent une hausse importante de 6,6 milliards d’euros entre 2022 et 2023 sous l’effet, notamment, de la hausse des restitutions de TVA qui devraient atteindre, en 2023, un total de 67,2 milliards d’euros.

Cette augmentation s’explique par le contexte inflationniste, en raison de l’effet volume sur la TVA collectée et par le contexte d’incertitude économique, qui pousse les entreprises à opter pour le remboursement plutôt que pour l’imputation du crédit de TVA sur les années suivantes.

Ce niveau historiquement haut justifierait, à mon sens, un renforcement des moyens de lutte contre la fraude à la TVA et une évaluation plus précise des pertes en découlant. Ce travail me paraît d’autant plus nécessaire que, à la suite des différentes réformes de la fiscalité locale – suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et baisse des impôts de production –, les collectivités locales ne perçoivent plus désormais que des fractions de TVA, pour un montant total de près de 38 milliards d’euros.

Ce partage de la TVA entre État et collectivités, dont le taux de dépendance à cet impôt augmente, rend indispensable une gestion optimisée de sa collecte, afin de sécuriser les ressources, tant nationales que locales.

Par ailleurs, en 2023, le niveau des remboursements de l’impôt sur les sociétés est évalué à 14,2 milliards d’euros, soit une hausse de 13,8 % par rapport à la LFI pour 2022. Celle-ci résulte d’une diminution attendue, eu égard au contexte économique, du bénéfice fiscal des entreprises en 2022. Toutefois, les incertitudes sont grandes en ce qui concerne l’exécution à venir.

À l’inverse, les remboursements liés à des politiques publiques enregistrent une baisse de près de 5 milliards d’euros en raison de la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et de celle de la contribution à l’audiovisuel public. Je m’interroge sur l’effet de cette dernière, annoncée comme une mesure pour améliorer le pouvoir d’achat des Français. En effet, la suppression de la contribution à l’audiovisuel public ne concernera pas les foyers les plus modestes, qui en étaient déjà exonérés.

Si le niveau du crédit d’impôt recherche (CIR) reste, quant à lui, stable, à environ 7 milliards d’euros en 2023, je demeure sceptique sur l’efficacité de ce dispositif en matière de création d’emplois et de multiplication des brevets déposés.

Par ailleurs, comment se satisfaire de l’ambition très mesurée du Gouvernement s’agissant des taux de retour de ce crédit d’impôt, avec une cible fixée à 1 euro investi pour 1 euro remboursé ?

De plus, ce crédit d’impôt est particulièrement complexe à contrôler en raison de la nécessité pour les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et pour ceux du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche de se coordonner. Il génère également de nombreux contentieux relatifs au caractère éligible ou non des dépenses d’innovation. Il nous faut donc le réformer.

Je conclurai cette partie sur les remboursements d’impôts d’État par une note positive. Les remboursements liés aux contentieux de série baissent sensiblement grâce aux efforts notables réalisés dans le suivi et la gestion des plus gros contentieux.

Je prendrai quelques instants pour évoquer le second programme de cette mission, consacré aux dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Dans le PLF pour 2023, les crédits évalués au titre du programme 201 s’élèvent à 4,6 milliards d’euros, soit une baisse de 30,8 % par rapport à la LFI pour 2022. Cette diminution résulte des baisses consécutives enregistrées lors des précédentes LFI, qui s’expliquaient notamment par la réforme de la taxe d’habitation sur les résidences principales et, dans une moindre proportion, par la réforme des impôts de production.

Le document que m’a confié M. Savoldelli étant un peu long, je me vois dans l’obligation de réduire son intervention…

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. Un mot sur deux ! (Sourires.)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances en remplacement de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. Il ne faudrait pas rendre encore plus illisible le financement des collectivités territoriales.

Au bout du compte, les mesures de compensation des différentes réformes de la fiscalité locale engendrent une perte de l’autonomie financière des collectivités territoriales. En 2022, la part de TVA est déjà la première recette des départements et des régions. Après la possible suppression de la CVAE, elle deviendra la deuxième recette du bloc communal.

Ainsi, les ressources – et donc l’avenir – des collectivités seront désormais majoritairement tributaires d’un impôt national, sur lequel elles n’exercent aucun pouvoir en matière de fixation du taux. La dynamique de cette taxe est certes importante en cette période inflationniste, mais les évolutions futures demeurent très incertaines.

Mme la présidente. La parole est à Mme Micheline Jacques, en remplacement de Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis.

Mme Micheline Jacques, en remplacement de Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser Martine Berthet, qui m’a chargée de la remplacer.

La commission des affaires économiques a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ». La compétence et le travail du personnel de l’Agence des participations de l’État ne sont bien évidemment pas en cause, mais nous regrettons et contestons les faiblesses du Gouvernement en ce qui concerne l’État actionnaire.

Tout d’abord, nous déplorons le fait qu’en dépit d’annonces qui allaient dans le bon sens, le Gouvernement n’a toujours pas opté pour le retour à un État stratège, capable de soutenir résolument la souveraineté économique de la France. La défense de notre souveraineté reste balbutiante et la nationalisation d’EDF ne doit pas nous tromper : elle est l’arbre qui cache une forêt d’atermoiements, de renoncements et d’hésitations.

En effet, nous avons toujours considéré que la doctrine d’investissement formulée en 2017 était trop floue et ne garantissait pas, en l’état, la sauvegarde de la souveraineté économique française. L’enchaînement de crises depuis 2020 a mis sur le devant de la scène nombre de produits, entreprises ou filières dont le rôle est stratégique pour notre pays, mais qui, pour autant, n’entrent pas dans les catégories que vous avez définies.

L’an dernier, nous avons donc accueilli avec satisfaction les propos du ministre et du commissaire aux participations selon lesquels l’État actionnaire allait davantage prendre en compte cette dimension de souveraineté – conformément à ce que nous martelons au Sénat depuis des années. Malheureusement, trois ans après le début de la crise, nous attendons toujours la concrétisation de ces déclarations, alors même que la nouvelle doctrine n’est toujours pas publiée…

Par ailleurs, en ce qui concerne la nationalisation d’EDF, nous n’en savons guère plus que ce que nous avons pu lire dans la presse. Les informations utiles se font rares, en dépit du montant important de l’opération.

En outre, la nationalisation ne répond pas à toutes les questions. Par exemple, comment régler la dette de près de 43 milliards d’euros d’EDF ? Comment sera financée la relance du nucléaire ? Qu’en est-il des contentieux relatifs aux concessions hydrauliques ?

De même, nous regrettons fortement la méthode par laquelle le Gouvernement envisage de se désendetter de 7 milliards d’euros grâce à ce compte, alors même qu’il ne prévoit aucune recette. En d’autres termes, le remboursement de la dette proviendra en réalité d’un simple versement du budget général. Le tour de passe-passe est vertigineux : 7 milliards d’euros sont prélevés dans le budget, mis dans le compte qui nous intéresse, et enfin versés au désendettement.

Autrement dit, absolument aucun effort structurel n’est fait pour assainir les finances publiques.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Micheline Jacques, en remplacement de Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. Nous remboursons la dette non pas par des économies, mais en continuant de creuser le budget général ! L’objectif de cette manœuvre est simple : afficher un effort de désendettement, qui n’en a en réalité que le nom, car, de fait, nous nous endettons pour nous désendetter…

Voilà, mes chers collègues, les trois raisons qui conduisent la commission à émettre un avis défavorable sur l’approbation de ce compte.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote. Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Bilhac.

M. Christian Bilhac. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet de ces missions peut paraître quelque peu aride. Il n’en est pas moins crucial, compte tenu des masses financières qu’il représente : plus de 50 milliards d’euros pour la mission « Engagements financiers de l’État », plus de 120 milliards d’euros pour la mission « Remboursements et dégrèvements », sans compter les différents comptes spéciaux.

Le budget de la mission « Engagements financiers de l’État » augmente de plus de 35 % en crédits de paiement en 2023. Son montant total représenterait plus de 10 % des dépenses de l’État.

La composante majeure de cette mission est l’augmentation de la charge de la dette. La remontée des taux d’intérêt, depuis le début de l’année 2022, a eu un effet quasi immédiat sur le coût de notre endettement public, qui était resté somme toute limité ces dernières années, malgré un encours total ayant littéralement explosé, d’abord après la crise financière de 2008, mais surtout en 2020 et 2021 à cause des mesures liées à la crise sanitaire.

Plus que jamais, notre État vit à crédit, pouvant encore compter sur la qualité de la signature française sur les marchés internationaux.

La remontée est pourtant spectaculaire : près de 12 milliards d’euros supplémentaires ont été engagés dès cette année pour le seul paiement des intérêts d’emprunt, par rapport à la loi de finances initiale. En 2023, le service de la dette devrait à peu près équivaloir à 50 milliards d’euros. Il dépassera de nouveau le budget de la défense – réalité quelque peu ironique à l’heure où nous relançons l’effort militaire face à la nouvelle donne internationale.

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. Eh oui !

M. Christian Bilhac. Face au durcissement du marché obligataire, l’Agence France Trésor (AFT) n’aurait-elle pas intérêt à rechercher davantage les faveurs d’investisseurs français plutôt qu’internationaux, afin de réduire les risques de souveraineté sur notre dette publique ? À cet effet, nous pourrions nous inspirer du Japon, dont l’endettement public, le plus élevé du monde, est essentiellement détenu par des résidents. Mais peut-être cela ne collerait-il pas avec les conceptions ordolibérales qui prévalent au sein de la zone euro…

En ce qui concerne l’imputation de la dette covid dans un programme budgétaire dédié, j’émettrai les mêmes réserves que la commission des finances, relativement aux modalités de calcul et au principe même.

L’argument d’une meilleure lisibilité ne peut faire oublier que les mêmes règles s’appliquent en ce qui concerne le remboursement du capital et le paiement des intérêts. L’ensemble des dettes publiques est intégré dans la fameuse dette maastrichtienne, étalon commun aux pays européens et instrument de mesure de la Commission européenne.

Les montants énormes de la mission « Remboursements et dégrèvements » ne sont généralement pas décomptés dans la présentation courante du budget de l’État. Il est vrai qu’il y a, semble-t-il, peu à dire sur cette mission, s’agissant de restitutions d’impôts et de taxes par l’administration fiscale. L’importance du montant interroge néanmoins sur l’ampleur des irrégularités dans la perception des impôts. Mais, encore une fois, ce débat appartient davantage aux spécialistes du recouvrement fiscal.

Les dégrèvements d’impôts locaux sont plus inspirants : la suppression de la part régionale de la CVAE cette année et la suppression générale prévue pour 2023 et 2024 devant être compensées à l’euro près – ou bien le dégrèvement de 50 % aux entreprises, si le vote du Sénat en première partie venait à être définitivement retenu – donneraient lieu automatiquement à une hausse significative des mouvements sur ce compte.

En conclusion, malgré ces réserves, les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen approuveront les crédits de ces missions.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au tournant du siècle, la France s’est laissée bercer par le mythe d’une mondialisation heureuse. Cette douce musique nous a fait oublier l’importance de l’État stratège.

Malheureusement, la crise sanitaire, puis la crise énergétique nous ont cruellement rappelé sa nécessité. L’État stratège, c’est l’État qui bâtit une stratégie économique pour défendre sa souveraineté.

Il ne s’agit pas de dire que l’État doit administrer l’économie. Bien au contraire, l’État doit choisir ses priorités stratégiques et travailler, sur ces verticales, à garantir l’intérêt général sur le long terme. Cette vision doit aujourd’hui nous réunir, au-delà de nos clivages politiques.

Vous l’aurez compris, je concentrerai mon propos sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».

Les crédits de ce compte sont en constante augmentation depuis le début de la crise sanitaire, il y a près de trois ans. Cela correspond précisément au retour de l’État stratège sur le devant de la scène. En 2023, le montant des crédits dépassera les 17 milliards d’euros, essentiellement en provenance du budget général.

La succession des crises a eu un double effet positif : d’une part, elle a permis l’abondement massif de ce compte pour financer une stratégie économique ambitieuse ; d’autre part, elle a encouragé l’Agence des participations de l’État à reconsidérer sa doctrine, pour se consacrer désormais aux secteurs les plus stratégiques.

La nationalisation d’EDF, qui prépare le renouvellement de notre parc nucléaire, avec la construction, à long terme, de plusieurs EPR (European Pressurized Reactors), en cohérence avec la volonté affichée par le Gouvernement de neutralité carbone et d’indépendance énergétique, découle de cette logique.

Bien sûr, l’avenir d’EDF ne tient pas exclusivement à ces nouveaux chantiers. Notre fleuron national devra également rénover le parc existant, développer des produits d’export, tels que les SMR (Small Modular Reactors), et, bien sûr poursuivre le développement des énergies renouvelables, afin de doter la France d’un mix décarboné et résilient.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur un sujet qui nous tient à cœur depuis longtemps : le renouvellement de nos concessions électriques en Aveyron. Cela fait dix ans que celles-ci sont suspendues à la décision de la Commission européenne. Or c’est au Gouvernement qu’il revient de négocier avec cette dernière. Nous souhaitions déjà, lorsque j’étais député, et c’est toujours le cas de l’ensemble des formations politiques du Sénat aujourd’hui, qu’EDF continue d’être concessionnaire.

En effet, EDF a exprimé son envie d’investir considérablement sur les barrages hydroélectriques, qui représentent en Aveyron 10 % de la production hydroélectrique nationale. Nous savons combien celle-ci est nécessaire. En quelques secondes, nous pouvons offrir une quantité considérable d’énergie ; il me semble que ce n’est pas neutre, en cette période. Aussi aimerions-nous que ce dossier avance.

Je crois que sur ces différents chantiers, la nationalisation d’EDF contribuera à la réalisation de nos objectifs.

Je salue le travail mené par notre collègue Martine Berthet, rapporteure spéciale au nom de la commission des affaires économiques, sur ces crédits.

Je partage l’essentiel de son analyse, notamment sur les enjeux liés à la nationalisation d’EDF et au grand professionnalisme de l’Agence des participations de l’État. Je fais également miennes ses réserves quant à la lisibilité du compte.

D’une part, des montants importants sont transférés du budget général vers ce compte spécial, ce qui permet certes de soutenir une politique ambitieuse, mais doit s’accompagner de décisions courageuses.

D’autre part, la nouvelle doctrine de l’agence doit également permettre la cession d’actifs non stratégiques, pour poursuivre le désendettement de l’État.

Malgré ces réserves, le groupe Les Indépendants soutiendra les crédits de ce compte spécial. Il s’agit non pas de donner un blanc-seing au Gouvernement, mais bien de renforcer le rôle de l’État stratège dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Breuiller.

M. Daniel Breuiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il faut arrêter de confier la mission à Jérôme Bascher : à chaque fois qu’il la présente, la dette augmente ! (Sourires.)

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. C’est une bonne idée !

M. Daniel Breuiller. La mission «Engagements financiers de l’État » est en hausse, nous dit-il, pointant, à raison, que cela est dû à un double effet : un effet taux et un effet volume.

L’effet volume compte plusieurs composantes : la dette covid, conséquence du « quoi qu’il en coûte », dans une période où ceux qui prônent l’orthodoxie budgétaire s’étaient justement convertis à la nécessaire intervention massive de l’État ; le déficit de l’État, au nom duquel le Gouvernement impose des restrictions budgétaires aux collectivités locales ; les mesures de soutien face à l’inflation.

Alors, lorsque les taux repartent à la hausse, la charge de la dette augmente – de 50 milliards d’euros, en l’occurrence. Mais ces sommes ne sont pas perdues pour tout le monde, car si l’État est endetté, il y a en face des préteurs dont les profits augmentent au même rythme, à la faveur de l’inflation.

Je le redis, face aux crises à venir, économiques ou climatiques, dont les coûts seront sans aucune mesure avec ceux déjà trop élevés de l’été catastrophique que nous venons de vivre, nous devons nous interroger sur notre manière de gérer la dette.

La dette covid est isolée, et, si M. le rapporteur spécial estime qu’aucun argument économique ou budgétaire n’est de nature à justifier cet isolement, nous pensons le contraire en ce qui concerne la part de la dette liée aux mesures environnementales. En effet, celle-ci est de nature différente et la noyer dans la masse indistincte de la dette conduira, encore une fois, à la traiter comme une variable d’ajustement.

Le Gouvernement nous proposera de nouveau son habituel arbitrage : maîtrisons d’abord la dette, puis nous prendrons les mesures nécessaires pour nous engager plus radicalement contre le réchauffement climatique.

Mais pour s’en donner les moyens, ne faut-il pas, monsieur le ministre, stopper le désarmement fiscal de l’État et limiter l’effet volume par des recettes nouvelles ? À cet effet, nous avons formulé une proposition d’impôt sur la fortune (ISF) climatique, dont j’espère que vous avez lu l’intégralité.

En ce qui concerne la mission «Remboursements et dégrèvements», nous nous prononçons sur des crédits qui, en raison du caractère mécanique de ces dépenses, sont évaluatifs, comme l’a noté M. le rapporteur spécial Pascal Savoldelli – par la voix du président Raynal.

Toutefois, ces prévisions peuvent susciter quelques interrogations.

En 2023, le rapport indique que le niveau estimé des remboursements de l’impôt sur les sociétés est en hausse de 13,8 % par rapport à la LFI pour 2022. Ces remboursements correspondent à l’écart entre l’imposition effectivement due et les acomptes calculés sur les résultats de l’année précédente. Cette augmentation des remboursements est donc liée à la baisse attendue du bénéfice fiscal des entreprises en 2022, dans un contexte de crise inflationniste.

J’éprouve quelques difficultés à rapprocher cette information – la baisse attendue du bénéfice fiscal des entreprises dans un contexte de crise inflationniste – de votre déclaration, monsieur le ministre, dans cet hémicycle, le 21 novembre dernier : « Plus le gâteau grandit, plus les recettes fiscales augmentent. Nous percevons davantage d’impôt sur les sociétés depuis que son taux a été abaissé à 25 %.»

S’agissant de la question récurrente de la fraude à la TVA, la nécessité d’une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux est pointée. Nous soutenons toutes les mesures prises à cet effet, qui nécessitent selon nous une hausse des moyens humains, d’autant que le coût des postes qui y sont consacrés est moindre que les recettes qu’ils produisent.