Avant d’envisager toute disposition fiscale particulière, il faut selon moi introduire une nouvelle notion en droit fiscal et créer une catégorie de résidence qui ne s’appuie ni sur la définition d’une résidence principale ni sur la notion de résidence secondaire. Je précise d’ailleurs qu’il n’existe pas réellement en droit fiscal de définition de la résidence secondaire : est considérée comme secondaire toute résidence qui n’est pas principale.

Le bénéfice de la résidence « de repli », « d’attache » ou « intermittente » – le nom reste à trouver – pourra être conditionné soit à l’inscription des Français sur le registre consulaire, soit à la détention précédemment d’une résidence principale en France pour les personnes de nationalité étrangère qui y ont vécu et y conservent un bien.

Le ministre Olivier Becht a annoncé un projet de loi allant dans ce sens, ainsi que la création d’un groupe de travail qui, je l’espère, monsieur le ministre, réunira aussi bien des parlementaires que les conseillers de l’Assemblée des Français de l’étranger qui travaillent sur ce thème très important depuis de nombreuses années.

Pour les Français de l’étranger, ce sujet n’est pas purement un problème fiscal : il est aussi symbolique et marque leur attachement inaliénable à la France.

Dans tous les cas, je voterai pour cette proposition de loi, qui constitue une étape indispensable dans la construction d’un consensus parlementaire. Je reste convaincue qu’un nouveau statut conforme à la Constitution et au droit européen devrait être créé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi dont l’initiative revient à Ronan Le Gleut et à Christophe-André Frassa, ici présents, mais dont l’objectif est aussi partagé par ceux qui ne représentent pas les Français de l’étranger. Je ne rappellerai pas son objectif, le rapporteur et les auteurs de la proposition de loi l’ont déjà fait.

Je tiens à les remercier de leur idée judicieuse. Depuis de nombreuses années, nous évoquons le cas de nos compatriotes qui, par choix ou par obligation, se sont installés à l’étranger, pas forcément de façon définitive.

Ils font souvent l’objet d’un certain ostracisme – je l’ai constaté dans cet hémicycle –, ils sont même considérés comme des privilégiés, parfois comme des nantis. Pis, en 2021, lors de la crise covid, ils sont devenus des parias puisqu’il leur avait été interdit de revenir en France, alors que notre pays recevait des étrangers de l’Union européenne !

Que voulons-nous ? Que ces Français perdent totalement leur lien avec la France ? C’est ce à quoi s’emploie Bercy en estimant que leur domicile français est forcément une résidence secondaire, quel que soit le nombre de semaines qu’ils y passent chaque année et, surtout, sans chercher à en savoir plus. Notre rapporteur a bien dit que l’administration ne savait pas combien de Français établis hors de France en possédaient une et qu’elle se refusait à toute évaluation, tant de leur nombre que de leur valeur.

Alors que certaines communes veulent compenser la suppression de la taxe d’habitation décidée par Emmanuel Macron et que d’autres, comme Paris, augmentent de façon exorbitante la taxe sur les résidences secondaires – je rappelle que la hausse y a été de 60 % en 2017 et de 50 % encore en 2023 –,…

M. Rémi Féraud. Il n’y a pas que Paris !

Mme Catherine Procaccia. … et alors que le fisc refuse tout allégement, ce sont bien nos compatriotes qui reviennent régulièrement en France ou à l’occasion de crises qui pâtissent le plus de cette fiscalité.

Je regrette donc que le texte issu de la commission des finances contienne aussi peu d’avancées par rapport au texte initial.

Selon moi, tout Français habitant à l’étranger devrait pouvoir qualifier sa résidence en France de « principale » et non de résidence « d’attache » ou « secondaire ». Le principe de réalité et les propos des intervenants précédents me conduisent cependant à accepter ce compromis.

J’ai plus de regrets concernant la taxe d’habitation. Le texte initial proposait une exonération dans des conditions déjà limitatives : le bien devait être libre de toute occupation et ne générer aucun revenu. La commission des finances a encore réduit le champ : le dégrèvement de la majoration sera limité à la seule année du retour sur le territoire et seulement en cas de danger dans le pays d’accueil.

Je poserai deux questions.

La première porte sur la liste des dangers. Les risques sanitaires sont-ils inclus ou exclus de cette liste ? Nous avons connu la covid-19, mais il existe aussi des épidémies, comme Ebola, et d’autres pandémies. Les exemples ne manquent pas. J’ai compris en vous écoutant qu’une maladie non traitable dans un pays étranger ne serait pas prise en compte.

La seconde porte sur la notion de « seule année du retour ». Que se passera-t-il si, compte tenu de la situation dans leur pays de résidence – je pense à l’Ukraine ou à l’Éthiopie –, les personnes sont contraintes de rester deux ou trois ans en France et si l’entreprise qui les emploie accepte qu’elles télétravaillent, mais exige d’elles qu’elles demeurent résidentes fiscales à l’étranger ?

J’attendrai vos réponses pour décider de mon vote, mais, au vu de la souplesse de l’administration fiscale et de celle de M. le ministre, qui semblent avoir déteint sur la commission, je ne me fais pas beaucoup d’illusions ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Primas rit.)

M. le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi créant une résidence d’attache pour les français établis hors de france

Article 1er

I. – Le I de la section III du chapitre Ier du titre Ier de la deuxième partie du code général des impôts est complété par un article 1407 quater ainsi rédigé :

« Art. 1407 quater. – À compter du 1er janvier de l’année qui suit l’année de son départ à l’étranger, un Français non-résident, propriétaire ou disposant de la jouissance d’une ou de plusieurs résidences secondaires sur le territoire national, peut déclarer une de ces résidences comme résidence d’attache auprès du service des impôts du lieu de situation du bien immobilier concerné selon des modalités et des conditions définies par décret. »

II (nouveau). – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III (nouveau). – La perte de recettes résultant pour l’État du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 15, présenté par Mme M. Vogel, MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Cet amendement de suppression est le dernier d’une série de nombreux autres amendements que nous avions déposés, mais qui ont malheureusement été déclarés irrecevables au titre des articles 40 ou 45 de la Constitution. Ces amendements visaient à proposer des solutions afin de faciliter le retour en France, en particulier concernant le logement, et de diminuer les discriminations fiscales, etc.

En toute logique, si toutes ces solutions avaient été adoptées, l’article 1er serait devenu inutile. Nos amendements ayant été déclarés irrecevables, cet amendement de suppression présenté seul devient un peu étrange…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bascher, rapporteur. La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement. S’il était adopté, il supprimerait l’article qui crée la résidence d’attache, objet même de la présente proposition de loi. Il est incohérent, vous l’avez dit, parce que les autres amendements que vous aviez déposés ont été déclarés irrecevables au titre des articles 40 ou 45 de la Constitution.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je profiterai de cette première intervention pour répondre à deux ou trois intervenants.

Il a été dit que la proposition de loi était électoraliste. Comme nous abordons ce sujet chaque année, y compris lors de l’examen du projet de loi de finances, est-ce à dire que le projet de loi de finances est lui aussi électoraliste ? Cet argument tombe de lui-même. Je suis un peu surpris de l’entendre !

Madame Cazebonne, vous avez évoqué les incohérences du texte. Il faudra vous familiariser davantage avec les mœurs sénatoriales : on n’est pas incohérent, ici, au Sénat. Peut-être est-ce le cas à l’Assemblée nationale et peut-être avez-vous des souvenirs de votre mandat de députée ? Vous avez comparé la taxe d’habitation et la taxe d’habitation sur les résidences secondaires : il y a forcément quelques écarts, mais c’est pour cela qu’il y avait encore une taxe d’habitation en 2020. Vous n’avez peut-être pas suivi cette affaire, que la majorité présidentielle à laquelle vous appartenez a pourtant proposée…

Vous avez également invoqué l’inconstitutionnalité de la proposition de loi. C’est pour l’éviter que nous avons choisi – en accord avec différents groupes – d’exclure du bénéfice du dispositif les Français résidant en zone verte. La France et l’Union européenne étant situées en zone verte, nous réconcilions le droit de l’Union européenne et le droit fiscal.

Nous avons travaillé, nous ! J’ai suivi vos travaux à l’Assemblée nationale, madame la députée : vous n’y avez rien proposé, vous n’avez rien voté. Ici, nous discutons d’un dispositif et nous le votons !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. J’ai indiqué lors de la discussion générale que nous accueillions avec bienveillance l’esprit de cette proposition de loi puisque nous voulons créer, conformément à l’engagement du Président de la République, un statut de résidence de repli ou d’attache.

J’ai néanmoins mis en avant les fragilités juridiques, opérationnelles et techniques de ce texte et renvoyé aux travaux qui vont être menés dans les toutes prochaines semaines dans le cadre d’un groupe de travail réunissant l’ensemble des parlementaires représentant les Français établis hors de France, le Gouvernement et, bien sûr, madame Cazebonne, des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), afin d’aboutir à dispositif dans les prochains mois.

Par cohérence, je ne peux donc qu’émettre un avis favorable sur cet amendement de suppression de l’article, dès lors qu’il n’a pas été donné suite, ni par ses auteurs ni par le rapporteur, à mon invitation à retirer cette proposition de loi.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 15.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Le Gleut, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

À compter du 1er janvier de l’année qui suit l’année de son départ à l’étranger,

La parole est à M. Ronan Le Gleut.

M. Ronan Le Gleut. L’article 1er définit la notion de résidence d’attache. Il prévoit que, « à compter du 1er janvier de l’année qui suit l’année de son départ à l’étranger », un Français non-résident pourra déclarer une résidence d’attache. Cela exclurait donc les Français établis aujourd’hui à l’étranger.

Nous proposons donc de supprimer cette référence temporelle, afin que les Français qui, par exemple, habiteraient aujourd’hui au Sahel et vivraient dans des zones de très grand danger puissent bénéficier du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bascher, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Monsieur Le Gleut, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?

M. Ronan Le Gleut. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’article.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, le domicile social suscite chez moi un trouble obsessionnel compulsif ! J’avais déposé en commission un amendement, qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, tendant à prévoir que la résidence d’attache n’ouvrait pas droit aux prestations sociales liées à la résidence en France et aux dispositions de l’article L. 111-1 du code de la sécurité sociale.

Voilà un exemple de plus qui démontre que nous devrons un jour ou l’autre régler cette question.

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(Larticle 1er est adopté.)

Article 2

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le II de l’article 1407 ter est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Les Français établis hors de France pour le logement qu’ils ont déclaré comme constituant leur résidence d’attache au sens de l’article 1407 quater sous réserve que le bien ne produise aucun revenu locatif. » ;

2° L’article 1408 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Sont dégrevés sur réclamation présentée dans le délai prévu à l’article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et dans les formes prévues au même livre, les Français qui étaient établis hors de France et qui ont, en raison de la survenue d’un évènement extérieur à leur volonté dans leur pays d’accueil qui met en danger leur vie ou celle de leur famille ou qui y rend matériellement impossible une habitation durable, été contraints de venir résider dans leur résidence d’attache au sens de l’article 1407 quater du présent code. Le dégrèvement n’est applicable que pour l’impôt dû au titre de la résidence d’attache et sous réserve qu’elle ne produise aucun revenu locatif. Il n’est applicable que la seule année du retour du redevable en France. »

II. – (Supprimé)

III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

M. le président. L’amendement n° 16, présenté par Mme M. Vogel, MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. L’article 2 adosse au statut créé à l’article 1er un dispositif fiscal.

Dans la version initiale de l’article, il était prévu une exonération pleine et entière de la taxe d’habitation pendant toute la durée du séjour à l’étranger. L’amendement du rapporteur adopté en commission a limité le dispositif.

Créer un statut spécifique pour les résidences d’attache, pourquoi pas ? Mais associer un avantage fiscal à cette nouvelle catégorie de résidences ne permettra pas d’aider les gens qui ont besoin de rentrer en France parce qu’une guerre a éclaté, un tremblement de terre s’est produit ou une épidémie s’est déclarée dans leur pays de résidence.

Je le redis : nul ne m’a jamais dit avoir été empêché de rentrer en France parce qu’il était assujetti à la taxe d’habitation sur sa résidence secondaire. Peut-être connaissez-vous des personnes dans cette situation, mais moi non !

Créer un statut, oui ; mais y associer une exonération fiscale qui bénéficiera principalement aux personnes qui ont les revenus les plus élevés et qui sont propriétaires de logements dont la valeur locative est élevée, soit les plus chers, c’est-à-dire les personnes les plus riches, non ! En outre, une telle exonération conduirait à priver de ressources fiscales des collectivités qui en ont besoin, particulièrement dans les zones tendues.

Nous préférons prévoir d’autres mesures, comme l’aide au retour, l’aide au logement pour les Français qui rentrent, le rapatriement, mais pas un avantage fiscal sur les logements vides.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bascher, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Je comprends le point de vue soutenu par Mme Vogel et ses collègues. Toutefois, je précise que les Français vivant à l’étranger et dont la résidence en France reste vide n’ont pas le choix. C’est ce qui explique l’octroi de cet avantage.

Par ailleurs, il faut dire une chose extrêmement importante concernant la THRS. La création de cette taxe a donné lieu à une nouvelle fraude, monsieur le ministre, disons-le clairement. La majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires a conduit un certain nombre de nos compatriotes à déclarer un membre de leur famille en tant qu’occupant à titre gratuit de leur résidence secondaire afin de ne pas avoir à payer cet impôt. C’est évidemment une sorte de fraude, mais pas totalement. Nous avons créé un vice !

Comme nous essayons ici d’être justes, n’ouvrons pas la porte au vice !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Avis favorable, par cohérence avec mon avis précédent.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Je ne comprends pas Mme Vogel quand elle dit que le fait d’être assujettis à la taxe d’habitation n’empêchera pas les gens de rentrer en France lorsque leur pays de résidence traversera une crise.

La question, c’est : où vont-ils se loger ? Si leur logement est loué, où vont-ils aller ?

Pour ma part, je connais des Français qui sont dans ce cas. Ce n’est pas parce qu’on ne vit pas à l’étranger qu’on ne connaît pas des Français établis hors de France et des gens contraints de revenir en France. Si leur logement est loué, ils ne peuvent pas le récupérer : vous savez comme moi qu’il y a des baux. En outre, il arrive parfois que les locataires restent dans le logement…

Dire à des gens que, en cas de crise, ils n’auront droit à rien ne me paraît pas logique. (M. Rémy Pointereau applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

M. Jean Louis Masson. L’auteur de l’amendement est en fait contre toute mesure tendant à réduire la fiscalité. Je pense qu’il y a dans cette enceinte des forcenés de la fiscalité – plus on crée d’impôts, plus ils sont contents – et d’autres, dont je fais partie, qui souhaitent que la charge fiscale soit répartie de manière raisonnable et ne conduise pas à des situations totalement aberrantes.

C’est facile de dire qu’il ne faut pas prévoir de dégrèvement fiscal et qu’il faut privilégier des aides. Mais les aides, on les attend ! Vous n’aviez qu’à vous occuper de prévoir des aides ! Vous ne l’avez pas fait. N’empêchez donc pas ceux qui veulent instaurer des dégrèvements fiscaux, qui constituent une forme d’aide, de le faire !

M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.

Mme Mélanie Vogel. Je précise que le refus d’exonérer de la taxe d’habitation la résidence d’attache, qui est un logement vide, ne vise ni à interdire aux Françaises et aux Français qui vivent à l’étranger de garder leur résidence en France ni à les obliger à la louer.

Nous proposons simplement que les Françaises et les Français propriétaires d’une résidence secondaire vide en France soient soumis à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires. Cela permettra aux collectivités locales, en particulier dans les zones tendues, de disposer de ressources fiscales et de mener une politique d’accès au logement pour tous. Cela n’empêchera pas les Français établis hors de France de rentrer et de retrouver leur logement.

Je ne veux pas empêcher les gens d’avoir un logement vide : je souhaite juste que les propriétaires d’un logement vide vivant à l’étranger ne bénéficient pas d’un avantage fiscal que n’auraient pas les propriétaires d’une résidence secondaire vide vivant en France, lesquels sont assujettis à la taxe d’habitation.

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.

M. Pascal Savoldelli. Il faut s’en tenir au dispositif des amendements déposés ! Notre collègue Vogel a rappelé que nous étions tous attentifs – chacun l’a dit avec ses mots – à ce qu’un dispositif d’aide au retour tenant compte de la pluralité des situations soit mis en œuvre. Il ne faut pas nous faire dire autre chose que ce que nous disons !

Nous pensons que l’exonération fiscale ne peut pas être présentée comme l’unique levier. Il faut écouter ce que nous disons, monsieur Masson, et ne pas détourner nos propos pour faire valoir des valeurs qui ne sont pas éloignées du concept « patrimoine, patrie, famille » ! OK ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Voilà, c’est dit !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16.

(Lamendement nest pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 17, présenté par Mme M. Vogel, MM. Breuiller, Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :

Alinéas 2 et 3

Rédiger ainsi ces alinéas :

1° Après le III de l’article 1407, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« … – Sur réclamation présentée dans le délai prévu à l’article R. 196-2 du livre des procédures fiscales et dans les formes prévues par ce même livre, bénéficient d’un dégrèvement d’un quart de la taxe les Français établis hors de France avec un revenu imposable ne dépassant pas 40 000 euros pour le logement déclaré comme constituant leur résidence d’attache au sens de l’article 1407 quater sous réserve que le bien ne produise aucun revenu locatif. » ;

La parole est à Mme Mélanie Vogel.

Mme Mélanie Vogel. Comme nous n’avons pas supprimé l’exonération fiscale, cet amendement vise à en limiter le champ d’application.

Il tend tout d’abord à prévoir un dégrèvement qui s’appliquerait et à la majoration et au socle de la taxe d’habitation. Il ne serait pas possible de bénéficier d’une exonération totale, celle-ci serait limitée à un quart de la taxe.

Il vise ensuite à limiter le bénéfice du dégrèvement aux Françaises et aux Français dont le revenu est inférieur à 40 000 euros, soit deux fois le revenu médian, afin que les personnes ayant les revenus et le patrimoine le plus importants ne puissent en être bénéficiaires.

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié bis, présenté par MM. Féraud et Chantrel, Mme Conway-Mouret, MM. Leconte, Kanner et Raynal, Mme Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Jeansannetas, P. Joly, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

hors de France

insérer les mots :

dans un pays classé en zone rouge ou en zone orange par le ministère des affaires étrangères

La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Nous n’avons pas opté pour la suppression totale de l’article, mais je fais mien une grande partie du raisonnement de notre collègue Mélanie Vogel.

Notre amendement s’inscrit dans la logique de l’auteur de la proposition de loi lui-même, dans la présentation qu’il en a faite. Notre logique consiste à prendre en compte non pas les revenus, comme tend à le prévoir l’amendement n° 17 – non plus qu’à octroyer un avantage fiscal à l’ensemble de nos compatriotes vivant à l’étranger et possédant une résidence secondaire en France –, mais le risque que présente le pays de résidence et le besoin d’avoir une résidence d’attache qui puisse constituer un refuge.

Nous retenons évidemment un nombre très limité de pays, soit les pays en guerre ou connaissant une grave instabilité, où l’insécurité est très forte. Nous nous appuyons à cet effet sur le classement des pays en zone rouge et orange effectué par arrêté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Tout le monde peut consulter la carte de ces pays sur le site internet du ministère.

Il s’agit de permettre à nos compatriotes de rester vivre et travailler dans ces pays considérés comme dangereux tout en étant assurés de pouvoir revenir dans le logement déclaré comme résidence d’attache en France, sans avoir pour cela à payer une fiscalité supplémentaire.

Nous nous sommes inscrits dans une logique par exception, qui permet de limiter la portée de la proposition de loi de Ronan Le Gleut et de ses cosignataires au cas des Français vivant dans des pays particulièrement dangereux ou troublés par des conflits extérieurs ou intérieurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jérôme Bascher, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement de Mme Vogel, car il présente un risque pour les finances publiques françaises.

Les Français résidant à l’étranger – vous le savez mieux que moi, chère collègue – peuvent déclarer une partie de leurs revenus en France et une autre à l’étranger. Si l’on instaurait un seuil pour les revenus déclarés en France, ils auraient intérêt à déclarer la plus grande partie possible de leurs revenus à l’étranger. La base fiscale sur laquelle ils seront taxés en France s’en trouvera diminuée. En outre, ces Français auront droit à une exonération. C’est l’hommage du vice à la vertu ! C’est dommage, car je comprends parfaitement votre idée initiale.

En revanche, l’amendement n° 3 rectifié bis de M. Féraud est le bienvenu, car il est conforme à l’esprit dans lequel nous avons travaillé. Nous avons en effet cherché, il faut le dire, à rendre cette proposition de loi à la fois constitutionnelle et cohérente avec le droit de l’Union européenne.

Nous avions émis un avis défavorable sur la version initiale de cet amendement en commission, mais je vais aujourd’hui émettre un avis de sagesse bienveillante. Cet amendement est en effet totalement cohérent avec les dispositions que nous examinerons ensuite et qui visent à instaurer une résidence d’attache pour les Français expatriés qui en ont le plus besoin. En outre, la base fiscale sera ainsi raisonnable et vous connaissez, monsieur le ministre, l’attachement du Sénat à la préservation des comptes publics.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Comme je l’ai indiqué au début de l’examen de ce texte, j’invite les auteurs de ces amendements à les retirer, car ces dispositifs nécessitent d’être retravaillés. Nous partageons leur objectif, mais les enjeux juridiques et techniques sont assez complexes.

L’avis du Gouvernement sur ces amendements est donc défavorable, par cohérence, mais leur examen me permet de mettre en lumière les enjeux complexes qu’ils soulèvent.

Ainsi, Mme Vogel propose de se fonder sur le revenu fiscal de référence pour plafonner l’exonération qui fait l’objet de cet article. Or le revenu fiscal de référence en France ne comprend pas les revenus perçus à l’étranger. Cet indicateur n’est donc pas suffisant.