Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire canadienne

Mme le président. Madame la ministre, mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer dans la tribune d’honneur une délégation de parlementaires canadiens (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre de lenseignement supérieur et de la recherche, se lèvent.), conduite par Mme Marie-France Lalonde, présidente de l’association interparlementaire Canada-France. Ils sont accompagnés par notre collègue Yan Chantrel, président du groupe d’amitié France-Canada.

La délégation est arrivée en France le 1er avril pour une visite d’étude consacrée aux politiques environnementales et culturelles. Ses travaux porteront en particulier sur l’action de la France pour le développement des énergies renouvelables.

Après avoir visité ce matin le chantier du village olympique à Saint-Ouen, la délégation poursuivra sa mission en Normandie.

Le Sénat français entretient d’excellentes relations avec le Parlement du Canada. Ces rapports de confiance et d’amitié sont à l’image du partenariat d’exception qui unit nos deux pays.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues du Parlement du Canada, la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour. (Applaudissements.)

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Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

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Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme le président. J’informe également le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Ticket restaurant étudiant

Adoption définitive en deuxième lecture d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré (proposition n° 38 [2021-2022], texte de la commission n° 476, rapport n° 475).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de lenseignement supérieur et de la recherche. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner la proposition de loi du sénateur Pierre-Antoine Levi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

Dans plus de la moitié des communes dites « en zone blanche », le nombre d’étudiants n’excède pas la centaine. Le modèle des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous) est difficilement mobilisable dans ces conditions et il nous faut donc nous appuyer sur des acteurs déjà présents. C’est le sens de la restauration agréée par les Crous : plus de 170 acteurs publics comme privés ont signé une convention visant à étendre leurs services à un public étudiant.

Pour faciliter cette dynamique, j’ai souhaité renforcer les moyens qui y sont consacrés. Ainsi, dans la loi de finances initiale pour 2023, les crédits prévus pour le développement de ces conventions ont été relevés de 33 %.

C’est aussi pour cela que j’avais soutenu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, votre proposition visant à permettre aux Crous d’ouvrir leur centrale d’achat à d’autres acteurs, mesure que le Sénat a adoptée.

La contrepartie de cette ouverture était bien évidemment la facilitation de l’accès des étudiants à une restauration à tarification sociale. Cela peut constituer un bon levier pour encourager les acteurs à renforcer leur activité tout en faisant des économies d’échelle, à la fois dans leur intérêt comme dans celui du réseau des œuvres universitaires, et cela toujours au bénéfice des étudiants.

Pour autant, dans certaines communes ciblées, il apparaît qu’aucun acteur ne souhaite s’engager dans une démarche de conventionnement de ce type. Il nous faut donc trouver d’autres leviers, et je mesure bien là tout l’intérêt de la proposition de loi du sénateur Levi, telle qu’elle nous parvient à l’issue des évolutions permises par le travail parlementaire en première lecture.

Vous proposez aux étudiants un dispositif spécifique leur permettant de régler l’achat d’un repas à tarification modérée auprès d’un acteur faisant l’objet d’une forme de convention de partenariat. C’est une autre logique, qui contribue à renforcer les outils à notre disposition.

Tout comme vous, je tiens à ce que nous trouvions des solutions collectives plutôt qu’individuelles pour répondre à une ambition que nous partageons, celle de permettre à chaque étudiant de déjeuner d’un repas complet à proximité de son lieu d’études et à tarification modérée.

Toutefois, votre proposition de loi soulève des questions concernant sa mise en œuvre. Mes services sont pleinement mobilisés pour y répondre, afin de rendre le texte opérant s’il devait être adopté aujourd’hui, de manière qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible, idéalement à la rentrée prochaine.

Cela est absolument essentiel si l’on veut éviter, par exemple, une hausse des prix de la restauration étudiante à proximité des lieux d’études concernés, par un effet d’aubaine qui serait préjudiciable aux étudiants tout comme aux finances publiques.

Vous le savez, le Gouvernement est pleinement engagé aux côtés des étudiants. Cette mesure viendrait utilement compléter les nombreuses autres qui ont été mises en œuvre depuis ma prise de fonctions.

Permettez-moi de rappeler quelques éléments concourant à l’amélioration des conditions de vie étudiante, auxquelles nous sommes tous attentifs.

L’été dernier, j’ai annoncé des mesures d’urgence visant à préserver le pouvoir d’achat des étudiants.

Le 7 octobre dernier, je lançais à la demande de la Première ministre une large concertation sur la vie étudiante dans toutes ses composantes : les bourses, bien entendu, mais aussi la restauration, sujet qui nous réunit aujourd’hui, ou encore le logement, l’accès au sport, à la santé et à la culture.

Sur le sujet spécifique des bourses, le constat était clair et partagé : notre système sur critères sociaux est efficace et redistributif, mais il présente certaines limites. Conformément aux orientations du Président de la République, qui avait inscrit ce chantier dans la feuille de route de son second quinquennat, une attention particulière devait lui être accordée, afin que le coût de la vie ne barre pas l’accès aux études.

J’ai donc fixé non seulement une méthode, mais aussi un calendrier clairs, que j’ai eu l’occasion de présenter devant votre commission de la culture : dans une première étape, il s’agissait de faire des annonces pour la rentrée prochaine, la seconde devant intervenir à l’été pour donner les contours d’un modèle cible.

La semaine dernière, j’ai donc annoncé cette première étape de la réforme du système des bourses, qui représente un engagement d’un demi-milliard d’euros. Il convenait en effet de répondre aux préoccupations liées au pouvoir d’achat des étudiants et à leur accès à la restauration.

Pour la rentrée prochaine, cette première étape de la réforme cible trois objectifs principaux : aider davantage d’étudiants, les aider mieux en revalorisant toutes les bourses et neutraliser les fameux effets de seuil.

Quelque 35 000 étudiants deviendront donc boursiers, alors qu’ils ne pourraient pas bénéficier de cet accompagnement si les paramètres demeuraient inchangés. Le montant des bourses augmentera de 37 euros par mois pour tous les échelons, ce qui correspond à une augmentation de 34 % pour le premier échelon ; l’augmentation sera à hauteur de l’inflation pour l’échelon le plus élevé. Il s’agit là de la plus forte revalorisation depuis dix ans et elle concerne tous les étudiants boursiers.

Nous permettons aussi à 140 000 boursiers actuels, soit 20 % du nombre total de boursiers, de basculer à un échelon de bourse supérieur, en tenant mieux compte de leur situation familiale. Cela représente une augmentation de 66 euros à 127 euros par mois et il y aura ainsi plus de boursiers reclassés que lors de toutes les précédentes réformes.

Enfin, nous neutralisons dès cette année les effets de seuil, en attendant de les supprimer de manière pérenne. Ainsi, à la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d’un montant supérieur à l’augmentation des revenus de ses parents.

En complément, j’ai aussi annoncé la pérennisation d’une tarification très sociale des repas pour les boursiers et pour les étudiants précaires. En outre, les tarifs de la restauration seront gelés pour tous les étudiants, à la rentrée prochaine, à 3,30 euros et à 1 euro pour le tarif très social ; il en ira de même pour les loyers dans les résidences des Crous.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes tous mobilisés pour accompagner les étudiants et pour leur garantir de bonnes conditions de vie et d’études. Nous savons que les dernières années n’ont pas été faciles, en particulier pour les jeunes de notre pays.

Nous avons besoin de tous les outils et de toutes les bonnes volontés, ainsi que de toute la souplesse possible pour apporter des réponses à tous les étudiants, dans tous les territoires.

Pour toutes ces raisons et parce que nous visons le même objectif, j’émettrai un avis favorable sur votre proposition de loi, sous réserve que sa mesure principale ne soit pas dénaturée. Croyez bien que nous ferons tout notre possible pour qu’elle soit mise en œuvre au plus tôt. (Applaudissements sur des travées des groupes RDPI, INDEP, RDSE, UC, SER et CRCE, ainsi quau banc des commissions.)

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Hingray, rapporteur de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de saluer plus particulièrement Pierre-Antoine Levi, sur l’initiative duquel ce texte a été déposé en mars 2021 ; nous le défendons au Sénat avec le groupe centriste et des élus qui siègent sur d’autres travées que les nôtres, et nous avons dû faire preuve d’une grande pugnacité, dans un combat de chaque instant. En effet, cette proposition de loi s’inscrit dans le prolongement du rapport de la mission d’information menée par Laurent Lafon et notre collègue Pierre Ouzoulias, dont elle reprend une recommandation, celle de mettre en place pour les étudiants un repas à tarif modéré dans l’ensemble du territoire. Nous souhaitons donc, aujourd’hui, madame la ministre, que ce texte soit voté conforme, même si quelques modifications ont été introduites à l’Assemblée nationale.

Nous avions initialement envisagé un ticket-restaurant étudiant que l’État financerait à hauteur de 3,30 euros, somme qui viendrait s’ajouter à celle équivalente que les étudiants non boursiers devaient verser pour s’alimenter. En effet, nous avons tous été heurtés, au moment de la crise sanitaire, par ces files d’attente d’étudiants, longues parfois de plusieurs centaines de mètres, voire de kilomètres.

Nous avions alors interpellé le Gouvernement afin qu’il mette en place le repas à 1 euro pour les boursiers, chose que vous avez faite, madame la ministre, comme vous venez de le rappeler. Contrairement à ce que nous pouvons lire dans la presse, il sera maintenu.

Dans ce texte, nous vous proposons d’élargir les conventionnements qui existent déjà dans près de 200 lieux et dont la généralisation permettra aux étudiants de déjeuner pour 1 euro lorsqu’ils sont boursiers et pour 3,30 euros dans le cas contraire. Ces tarifs s’appliqueront non seulement dans des établissements publics comme les hôpitaux, les mairies ou encore des épiceries sociales et solidaires, mais aussi – nous y tenons particulièrement – dans des restaurants privés. En effet, dans certains territoires, comme vous l’avez dit, madame la ministre, et c’est l’objet de notre proposition de loi, il n’y a pas de restauration universitaire, de sorte que les étudiants ne sont pas sur un pied d’égalité : dans les territoires ruraux, les étudiants et les apprentis n’ont pas forcément accès à un mode de restauration leur permettant de se nourrir dans de bonnes conditions.

Pierre-Antoine Levi l’avait dit lors de l’examen de ce texte en première lecture : nous tenons particulièrement à l’action des Crous qu’il ne s’agit pas de remettre en cause. Les Crous font du bon travail – je le sais pour avoir été étudiant et avoir fréquenté le restaurant universitaire, il n’y a pas si longtemps de cela. Nous saluons donc, bien évidemment, toutes les personnes qui œuvrent dans la restauration universitaire et qui permettent à nos étudiants de déjeuner dignement tous les jours.

L’hypothèse de travail qui est définie dans cette proposition de loi devrait intéresser certains de nos collègues, puisqu’il s’agirait de faire en sorte que l’État finance les repas grâce à une aide sociale directe. Cette hypothèse complète celles qui l’ont précédée. Si le texte est voté conforme aujourd’hui au Sénat, il faudra attendre le décret d’application pour savoir si ces hypothèses sont confirmées ou non. Avec mes collègues Pierre-Antoine Levi et Laurent Lafon, je continuerai le combat, si vous me permettez l’expression, pour qu’elles soient toutes approfondies et qu’elles puissent aboutir, avec votre accord, madame la ministre, et avec celui de la Première ministre et du Président de la République.

Parmi les améliorations introduites à l’Assemblée nationale, un rapport annuel permettra aux parlementaires des deux chambres d’avoir accès aux conventionnements qui seront mis en place en partenariat avec les Crous. L’action des Crous est ainsi mise en avant, tout comme l’échelon territorial, qui est celui où l’action publique doit se dérouler de manière concrète.

Nous sommes particulièrement fiers et heureux de défendre cette proposition de loi. Si nos collègues votent de la même manière qu’en commission, elle devrait trouver un écho favorable dans l’ensemble des groupes du Sénat. Nous osons même espérer que certains de nos collègues pourront passer d’une abstention bienveillante à un vote favorable, car ce texte fait œuvre de justice sociale pour les étudiants de tous les territoires de notre pays.

Madame la ministre, avec mes collègues, je tenais à vous remercier de permettre cette avancée majeure. Le Sénat est bien la chambre des territoires : ses élus les défendent. Nous attendons de pied ferme la présentation de la position des différents groupes et espérons un vote conforme, malgré le dépôt de deux amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et INDEP.)

Mme le président. La parole est à M. Julien Bargeton.

M. Julien Bargeton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du texte en première lecture, il y a deux ans, le groupe RDPI s’en était tenu à une abstention bienveillante. Nous craignions en effet qu’il ne remette en cause le service public des Crous auquel nous sommes très attachés, car ce sont eux qui tout en assurant leur service repèrent en zone blanche les possibilités de conventions ou d’agréments. C’est ainsi que – vous l’avez dit, madame la ministre – quelque 180 structures ont reçu un agrément.

Nous sommes d’autant plus attachés aux Crous que, pendant la période du covid-19, ils ont joué un rôle fondamental. Lorsque le Gouvernement a créé le repas à 1 euro, ils ont pu l’assurer et ils ont ainsi servi entre janvier et septembre 2021 jusqu’à 14,5 millions de repas à 1 euro, dont ont bénéficié d’abord les boursiers, puis tous les étudiants, y compris étrangers. C’est dire la force de frappe des Crous !

Enfin, je rappelle qu’ils ont beaucoup évolué, puisqu’ils ont mis en œuvre le click and collect, la livraison et la commande, transformations qui témoignent d’une modernisation certaine.

Dans notre volonté de défendre ce service public, nous voulions donc être attentifs à ce que pourraient être les conséquences de ce texte.

Or il se trouve qu’il a beaucoup évolué depuis cette première lecture. Tout d’abord, la commission a territorialisé le dispositif en précisant qu’une solution alternative telle que celle que vous proposiez ne pouvait valoir que là où il y avait un manque. Ensuite, de nombreuses modifications ont été introduites à l’Assemblée nationale, où nos collègues députés ont rappelé l’universalité de l’accès des étudiants à la restauration universitaire, ainsi que la priorité donnée à la restauration collective assurée par les Crous, les possibilités d’agrément ou de conventionnement ne pouvant intervenir qu’en complément. Enfin, ils ont introduit le remplacement du ticket-restaurant par une aide financière qui permet de mieux cibler le dispositif.

Au regard de toutes ces évolutions, notre groupe votera ce texte, tel qu’il est issu du débat constructif entre les deux chambres. En effet, il permet de garantir un dispositif qui nous paraît clair et cohérent.

Cependant, certaines questions restent pendantes, dont la première, que vous avez mentionnée, madame la ministre, est celle de l’effet prix, un versement pouvant parfois provoquer l’inflation – le problème se pose aussi au sujet des aides personnelles au logement (APL) et nous en débattons au moment de l’examen du budget dans d’autres commissions. Or il s’agit de l’éviter.

La deuxième question est celle de la conditionnalité du versement.

Quant à la troisième, elle porte sur l’appréciation de la proximité et sur l’identification du besoin.

Des interrogations subsistent, mais il nous semble que le texte va désormais dans le bon sens et nous nous félicitons de l’accord ainsi trouvé. C’est pourquoi notre groupe votera en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et SER. – Mme Colette Mélot applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Sabine Van Heghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture la proposition de loi visant à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré. Je tiens à remercier notre rapporteur de la qualité de son travail.

L’idée initiale qui figurait dans cette proposition de loi lors de sa première lecture au Sénat, en juin 2021, était de créer un ticket-restaurant étudiant sur le modèle de ceux que les entreprises proposent aux salariés. Outre le questionnement sur son financement, sur le risque d’un repli sur soi et d’une alimentation déséquilibrée, nous avions insisté sur les dangers que ce texte faisait courir aux Crous, en les affaiblissant dans leur mission de restauration, qui représente 30 % de leur chiffre d’affaires, ainsi que dans leurs autres missions à caractère social.

L’Assemblée nationale dans sa réécriture a proposé un double système de conventionnement : l’un avec les seuls Crous pour les structures proposant directement une offre à tarif modéré similaire à celle des restos U, l’autre de conventionnement avec les Crous, les établissements ou les collectivités pour les structures dans lesquelles les étudiants pourront s’acheter un repas grâce à l’aide financière octroyée, lorsque l’offre de restauration à tarif modéré sera défaillante dans le territoire.

La réécriture par l’Assemblée nationale opère un changement total de raisonnement. Il n’est plus question de ticket-restaurant, mais la solution envisagée n’est, pour nous, pas encore tout à fait satisfaisante. En effet, cette réécriture complexifie le système en l’encadrant de façon insuffisante, selon qu’une offre de restauration à tarif dit « modéré » existe ou non localement.

Le dispositif du premier alinéa de l’article 1er pose comme postulat de départ que, dans chaque territoire, il existe une possibilité pour les étudiants de bénéficier d’une offre de restauration à tarif modéré et à proximité de leur lieu d’études : or il ne s’agit que d’une possibilité et il faudrait un meilleur encadrement des notions de « territoire », de « tarif modéré » et de « proximité du lieu d’études ».

Le dispositif du troisième alinéa de l’article 1er prévoit que, lorsque l’offre n’existe pas, une aide financière est proposée aux étudiants concernés pour permettre l’acquisition de tout ou partie du prix d’un repas consommé ou acheté auprès d’un organisme conventionné. Il n’est donc plus fait allusion au ticket-restaurant, mais on ne précise ni la forme ni le montant de l’aide accordée aux étudiants éloignés de ces territoires.

Avec sa réécriture, l’Assemblée nationale donne au service public de l’enseignement supérieur un rôle prépondérant dans le service d’aide. Mais un flou entoure encore la rédaction de ce dispositif, par ailleurs non contraignant, le texte se contentant de mentionner l’accès à une restauration « à tarif modéré » pour les étudiants sur des territoires non définis. Le double système de conventionnement selon que cette offre à tarif modéré existe ou non n’apporte donc aucune véritable garantie supplémentaire par rapport au texte adopté en première lecture par le Sénat.

Les modifications introduites à l’Assemblée nationale peuvent procurer un petit plus aux étudiants, même si le nouveau dispositif ne nous rassure pas tout à fait. Il est complexe et nous craignons qu’il ne reste inefficace pour apporter une aide concrète – dont la nécessité est pourtant impérative – à notre jeunesse étudiante, en proie à des difficultés pour satisfaire un besoin vital, celui de se nourrir. C’est pourquoi les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiennent le ticket de resto U à 1 euro pour tous les étudiants, dispositif simple et efficace.

Débattue à l’Assemblée nationale, le mois dernier, grâce à une proposition de loi des députés socialistes et apparentés, cette mesure de bon sens a, hélas ! été rejetée par les députés de la majorité et de droite sous prétexte que les fils de millionnaires pourraient profiter des repas à 1 euro. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de fils de millionnaires dans les files d’attente de distribution d’aide alimentaire.

Notre pays ne doit pas sacrifier sa jeunesse éprouvée par deux ans de covid-19. Attention à ne pas provoquer la colère ou le désespoir des jeunes qui se verraient privés d’études et d’avenir du fait de conditions d’existence trop précaires !

En tout état de cause, aucune avancée, même minime, ne pouvant être négligée, le groupe Socialistes, Écologiste et Républicain maintiendra son abstention bienveillante sur cette proposition de loi.

Mme le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les universités françaises souffrent depuis trop longtemps d’un manque chronique d’investissements. Elles ont dû accueillir toujours plus d’étudiants avec des moyens budgétaires limités. Les disparités entre les établissements les mieux dotés, situés dans les métropoles, et ceux des villes moyennes, moins bien financés, n’ont cessé de s’accroître.

Notre pays ne pourra pas affronter les défis majeurs de notre temps, comme ceux de la décarbonation, de la réindustrialisation ou de la restauration de la confiance en la science, si nous ne faisons pas de la connaissance une priorité de nos politiques publiques. Les universités doivent devenir des outils essentiels au service de « la Nation apprenante » afin de « rendre la raison populaire » pour reprendre les expressions de Condorcet.

Ce large dessein impose entre autres choses de favoriser la réussite des étudiants, mais aussi de soutenir l’accès à l’université des publics qui en sont les plus éloignés pour des raisons sociales et géographiques. Ainsi, le récent rapport de la Cour des comptes, examiné par notre commission la semaine dernière, a montré que le taux de diplomation décroît en fonction de l’éloignement par rapport aux universités.

À la suite du rapport d’information du président Lafon sur la vie étudiante, je me félicite que nous partagions aujourd’hui l’idée que l’université doit redevenir un instrument indispensable de l’aménagement du territoire. Pour des raisons budgétaires, mais aussi fonctionnelles, les politiques en faveur de l’université ne peuvent être conçues et mises en œuvre sans une collaboration active avec les collectivités. Le logement, la restauration, la santé, les transports, l’emploi sont des domaines pour lesquels les interactions avec les collectivités seront décisives pour offrir aux étudiants un environnement favorable à leur réussite pédagogique.

La proposition de loi de notre collègue Pierre-Antoine Levi pose une première pierre de cet immense chantier. Le rapport d’information du président Lafon avait préconisé un renforcement des relations entre le Centre national des œuvres universitaires et scolaires (Cnous) et les collectivités en permettant à ces dernières d’accéder à sa centrale d’achats et en relançant la politique de conventionnement entre ces partenaires.

Un amendement du Gouvernement à la loi de finances pour 2023 a satisfait le premier objectif en introduisant à l’article L. 822-1 du code de l’éducation une disposition qui permet au Cnous d’exercer les missions d’une centrale d’achat au bénéfice des collectivités et des établissements publics.

La présente proposition de loi modifiée par l’Assemblée nationale, après la levée du gage financier par le Gouvernement, complète cet article du code de l’éducation et inscrit dans la loi la possibilité d’un conventionnement entre le Cnous et les collectivités pour permettre aux étudiants l’accès à une offre de restauration publique alternative.

Il faudra, madame la ministre, donner au Cnous les moyens budgétaires pour satisfaire ce nouveau service. Notre ambition collective est maintenant que tous les étudiants puissent avoir accès à la restauration publique, dès la rentrée de septembre prochain.

Il faut redire ici combien les actions du Cnous et des Crous ont été décisives pour aider les étudiants lors de la pandémie. La capacité d’innovation de ce réseau, la façon dont il a su mobiliser des ressources supplémentaires et les répartir en fonction des particularités locales ont montré toute l’utilité d’un organisme national travaillant en bonne intelligence avec toutes les universités.

Aujourd’hui, un nouvel élan doit lui être donné par une politique ambitieuse et renouvelée de collaboration avec les collectivités. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et UC, ainsi quau banc des commissions.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions.)

M. Pierre-Antoine Levi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 3 mars 2021, il y a déjà deux ans, je déposais une proposition de loi visant à créer un ticket-restaurant étudiant.

Ce dispositif répondait à une attente forte, exprimée par de nombreux étudiants, notamment ceux qui se trouvaient dans des zones blanches, moins bien ou pas du tout desservies par les dispositifs du Crous.

Les zones blanches désignent ces régions où il n’existe aucune structure de restauration universitaire à proximité, ce qui oblige les étudiants à parcourir des distances souvent importantes pour se restaurer à un tarif abordable.

Face à la crise de la covid-19, qui a aggravé la précarité étudiante, comme nous l’avons constaté avec les images bouleversantes de jeunes faisant la queue lors de distributions alimentaires caritatives, cette proposition de loi, cosignée par quatre-vingt-deux sénateurs de trois groupes politiques différents, visait à apporter une solution concrète et rapide à un problème réel.

La pandémie a accentué les inégalités sociales et a rendu les conditions de vie des étudiants encore plus difficiles, notamment en termes de logement, d’accès à l’éducation et de santé mentale.

Je tiens à remercier mes collègues de l’Union Centriste qui ont accepté d’inscrire ce texte dans leur ordre du jour réservé.

Oui, mes chers collègues, nous avons progressé et sommes proches de notre objectif : créer un dispositif permettant à près de 500 000 étudiants de profiter d’une restauration à tarif modéré, comme c’est le cas dans les grands centres universitaires.

L’accès à une alimentation saine et abordable est essentiel pour le bien-être et la réussite académique des étudiants. Nous sommes tous d’accord sur ce principe.

Lors de son examen à l’Assemblée nationale, la présente proposition de loi a évolué. L’ancienne majorité et le Gouvernement n’ont pas souhaité conserver le dispositif initial, préférant miser sur le repas à 1 euro, mesure louable en soi.

Les étudiants ayant accès à un restaurant universitaire bénéficient certes de cette dernière disposition, mais celle-ci ne répond pas à la problématique des zones blanches. Les étudiants qui n’ont pas accès à un restaurant du Crous ne peuvent de toute façon pas profiter des repas à 1 euro, ce qui les laisse dans une situation extrêmement précaire.

J’ai interpellé à plusieurs reprises votre prédécesseur à ce sujet, madame la ministre, et lui ai demandé, malheureusement sans succès, de trouver des solutions. Aujourd’hui, je salue donc votre volontarisme, ainsi que notre dialogue commun pour aboutir à des résultats concrets.

La collaboration entre les différentes instances politiques est essentielle pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les étudiants.

La proposition de loi que nous examinons cet après-midi est différente du texte initial. Au fil de nos travaux en commission et de la navette parlementaire, celle-ci a évolué.

Certains pourraient penser qu’elle ne va pas assez loin ou que le dispositif d’origine est dénaturé.

À titre personnel, je trouvais qu’il était assez simple et facile de créer un ticket-restaurant étudiant. Cependant, mes chers collègues, il faut d’abord penser à l’intérêt de nos étudiants et éviter une nouvelle navette, qui se poursuivrait si nous ne votions pas ce texte conforme. Il faut se satisfaire des victoires, quelles qu’elles soient, lorsque nous en avons l’occasion.

Le compromis que nous avons atteint permettra d’améliorer significativement la situation des étudiants en difficulté – après tout, n’est-ce pas là notre objectif ? –, qui s’est détériorée depuis la crise de la covid-19 et, plus récemment, à cause de l’inflation.

La hausse des prix affecte tous les aspects de la vie quotidienne, y compris le coût de la nourriture, ce qui rend encore plus compliqué l’accès à une alimentation équilibrée pour les étudiants en situation de précarité.

Une partie des critiques émises par certains de nos collègues réside dans le fait qu’ils perçoivent la mise en place du ticket-restaurant étudiant comme un affaiblissement des Crous. Ils craignent que l’instauration d’un tel dispositif ne détourne les étudiants des structures existantes et n’entraîne à terme une diminution des ressources des Crous.

Bien que je ne partage pas leur inquiétude, qu’ils soient rassurés : le dispositif actuel sera organisé autour des Crous, via des conventions avec des structures de restauration, qu’elles soient publiques, comme les cuisines centrales de mairie ou d’hôpital par exemple, ou privées, comme les restaurants ou les restaurants d’entreprise.

Ces partenariats contribueront à soutenir les Crous, tout en offrant des alternatives aux étudiants résidant dans les zones blanches.

Dans l’hypothèse où il serait impossible de passer une convention, les étudiants percevront une aide financière pour se restaurer. Cette disposition permettra à près de 500 000 étudiants de manger à un tarif modéré. L’essentiel est là.

Nous ne pouvons pas dire que ce dispositif coûte cher, car il s’agit ni plus ni moins que du rétablissement d’une mesure d’égalité, d’un droit existant, qui n’est simplement pas exercé, faute de restaurants universitaires.

J’espère que le Sénat votera très largement en faveur de ce texte et l’adoptera conforme, ce qui permettra – prochaine étape – sa promulgation rapide et l’élaboration des décrets d’application. J’ai bien noté, madame la ministre, votre volonté de nous associer à ce travail, et vous en remercie très sincèrement.

Avant de conclure, je tiens à saluer tout particulièrement mon collègue et ami Jean Hingray pour son implication, Laurent Lafon, président de la commission de la culture, pour son aide et ses précieux conseils, ainsi que les services de la commission pour la qualité de leur travail.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera unanimement cette proposition de loi. Il était temps d’agir pour soutenir nos étudiants et leur offrir enfin des conditions de vie plus décentes.

Ce texte est une première étape. Il y a encore beaucoup à faire pour que nos chers étudiants n’aient plus qu’un seul objectif : se concentrer et réussir leurs études. Ils peuvent compter sur mon engagement le plus total ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi quau banc des commissions. – MM. Bruno Belin et Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 29 mars dernier, le Gouvernement a présenté les premières mesures de sa réforme des bourses avec, notamment, une revalorisation générale historique de 37 euros par mois pour tous les échelons, et une extension du système à 35 000 nouveaux bénéficiaires issus des classes moyennes.

Sur le papier, c’est bien beau, mais est-ce suffisant pour corriger les inégalités et pallier les mauvaises conditions de vie des étudiants ?

Nous nous étions promis de ne pas nous habituer aux files d’attente interminables d’étudiants devant les points de distribution d’aide alimentaire.

Payer son loyer ou manger ? Telle est souvent la question que certains se posent. Selon l’observatoire du Samu social, un quart des étudiants faisant appel à l’aide alimentaire déclarent avoir faim, que ce soit de manière modérée ou sévère, et un tiers d’entre eux souffrent d’un état dépressif majeur. Madame la ministre, comment réussir ses études quand on n’arrive même plus à se nourrir correctement ?

Aujourd’hui, nous examinons, en deuxième lecture, un texte qui facilite l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

Il prévoit, en l’absence de restaurant du Crous, qu’une aide financière soit versée en compensation. Certes, il existe de réelles disparités selon les régions, mais cette proposition de loi ne précise pas les modalités de mise en place d’une telle contribution financière. On en ignore également le montant.

Le texte souffre de certaines limites et aurait mérité d’être plus ambitieux, surtout dans un pays où il y a tant de milliardaires…