Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le nombre de panneaux d’affichage traditionnels rétroéclairés augmente dans le domaine public. À Paris, par exemple, on en recense 1 700.

Ces affiches, qui fonctionnent généralement avec des néons alimentés par un petit moteur branché sur l’éclairage public, ne sont pas moins polluantes que les panneaux numériques à technologie LED.

De plus en plus de grandes villes françaises, telles que Colmar, Rouen, Nice, et Paris interdisent complètement le déploiement d’écrans numériques dans le domaine privé, aussi bien en cœur de ville qu’en périphérie. Ces interdictions sont justifiées au titre de la pollution visuelle et environnementale.

Cependant, en parallèle, la mairie de Paris installe 180 panneaux numériques dans l’espace public, et ce au titre de la sobriété énergétique !

Aussi, le Syndicat national de la publicité numérique (SNPN) s’apprête à déposer une plainte contre la France auprès de la Commission européenne pour entrave à la liberté du commerce et de l’industrie.

La jurisprudence et le droit européen reconnaissent l’application du principe de proportionnalité dans le cadre de la réglementation de la publicité extérieure, hors mobiliers urbains. Or ce principe n’est pas appliqué en France.

Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement ?

Le ministère de la transition écologique entend-il, dans le cadre d’une modification par décret, imposer aux règlements locaux de publicité le respect du principe de proportionnalité, comme cela se fait chez grand nombre de nos voisins européens ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Madame la sénatrice Billon, le règlement national prévoit que la publicité est admise dans les agglomérations, mais qu’elle doit satisfaire à certains critères, notamment en matière d’emplacement, de densité, de surface, de hauteur, d’entretien et, pour ce qui concerne la publicité lumineuse, d’économie d’énergie et de prévention des nuisances lumineuses – ces derniers critères sont précisés par voie réglementaire.

Le règlement local de publicité permet de définir une ou plusieurs zones où s’applique une réglementation plus restrictive que les prescriptions minimales du règlement national.

En application de ce principe, les collectivités territoriales peuvent adapter la réglementation nationale en matière de publicité extérieure au regard des enjeux locaux et de la réalité des territoires. Il s’agit ainsi de trouver un équilibre entre des dispositifs ambitieux de préservation des paysages et du cadre de vie et des objectifs de développement économique des territoires.

Le principe de proportionnalité est donc naturellement un fondement sur lequel s’appuie la recherche de cet équilibre, sans qu’il soit besoin de le rappeler explicitement.

Plus généralement, tout encadrement par les collectivités d’une activité économique par voie réglementaire fait l’objet d’un examen par les services de l’État dans le cadre du contrôle de légalité et peut faire aussi l’objet d’un contrôle par les juridictions administratives afin de vérifier le bon équilibre entre les différents intérêts protégés. Il s’agit ainsi de concilier la qualité du paysage ou encore du cadre de vie avec l’activité économique.

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ces éléments de réponse. Bien entendu, les collectivités et les services de l’État travaillent ensemble.

Je veux juste rappeler que Réseau de transport d’électricité (RTE) estimait, dans un rapport publié en 2021, que la réduction de l’utilisation des écrans publicitaires lumineux, sur une année somme toute normale, c’est-à-dire hors crise sanitaire et guerre en Ukraine, influerait seulement sur 0,1 % du total de la consommation énergétique en France. Si nous reconnaissons tous qu’il est normal d’encadrer l’implantation et le fonctionnement des panneaux numériques, il convient de le faire de façon pragmatique. C’est bien le sens de votre réponse.

M. le président. La parole est à Mme Guylène Pantel.

Mme Guylène Pantel. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dans un premier temps, je tiens à remercier l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de la programmation de ce débat ô combien important.

J’ai l’honneur de m’exprimer au nom du groupe RDSE en tant que sénatrice et conseillère départementale de la Lozère, un territoire précurseur en matière de lutte contre la pollution lumineuse. En effet, le 13 août 2018, le parc national des Cévennes a obtenu le label « Réserve internationale de ciel étoilé » (RICE) – soit la plus vaste réserve d’Europe !

Vivant moi-même au cœur de la zone centrale de la réserve, où la noirceur naturelle est préservée au maximum, je peux témoigner du plaisir de pouvoir observer un ciel étoilé net et sans gêne extérieure, qui plus est lorsque l’on connaît les impacts positifs que cela peut engendrer sur la faune, la flore, la santé humaine et la baisse des dépenses énergétiques des petites communes.

Il me semble primordial de saluer le travail considérable réalisé par les acteurs impliqués comme les établissements publics, les syndicats d’électricité et, surtout, les collectivités locales en gestion directe.

Mon interrogation porte sur le calendrier d’entrée en vigueur des dispositions contenues dans l’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses.

En application de ce texte, les mises en conformité des installations existantes s’échelonnent jusqu’au 1er janvier 2025, avec des échéances intermédiaires. Or bon nombre de communes se sont engagées très tôt dans une démarche vertueuse pour une réduction drastique de la pollution lumineuse. Dès lors, madame la secrétaire d’État, avez-vous imaginé un système de bonus incitatif qui permettrait aux petites communes précurseurs d’obtenir un accompagnement technique et financier complémentaire ?

Par ailleurs, avez-vous mesuré les besoins en ingénierie des communes qui ne sont pas dans des périmètres de parcs naturels et qui peuvent être en difficulté pour appliquer cet arrêté ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Madame la sénatrice Pantel, je vous remercie de prendre l’exemple des actions mises en place dans le parc national des Cévennes, un territoire que vous connaissez bien. C’est un très bel exemple d’initiatives qui pourraient être dupliquées dans d’autres espaces protégés.

Vous avez raison, il faut que les collectivités soient incitées financièrement à mener des plans ambitieux de lutte contre la pollution lumineuse. À défaut, le risque serait que ces actions restent isolées, sans connaître de généralisation, alors que c’est bien par cette mise à l’échelle que nous réduirons réellement l’impact de la pollution lumineuse sur la consommation d’énergie et la biodiversité.

Les efforts doivent donc être récompensés. Aujourd’hui, nous avons déjà un double bonus. Pourquoi ? L’économie d’énergie recherchée par les élus locaux quand ils rénovent leur parc d’éclairage est aussi une économie financière sur la facture. On voit bien que le signal-prix apporte un réel effet levier, au-delà de la seule économie d’énergie. À cet égard, je partage l’avis de Mme Billon.

Il faut ensuite prendre en compte les subventions obtenues dans le cadre du fonds vert. Cette incitation financière, c’est tout l’objectif de ce fonds, que nous avons officiellement lancé en janvier dernier et qui connaît un réel succès. Il permet de financer 40 % d’un projet et de déclencher ainsi des investissements de la part de collectivités qui ne se seraient peut-être pas engagées sans cet accompagnement.

Ces investissements seront source, à la fois, d’économies d’énergie et d’économies financières. C’est un cercle vertueux pour les collectivités. J’aurai sans doute l’occasion de vous présenter un bilan du fonds vert dans la suite de notre débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Claude Anglars. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’émergence du problème public de la pollution lumineuse date de plus de cinquante ans. La prise de conscience de ses enjeux et de ses nombreuses conséquences, néfastes et variées, a toutefois été accélérée par l’augmentation du prix de l’énergie.

En quelques mois, de nombreuses collectivités territoriales – plusieurs milliers seraient concernées – ont ainsi fait le choix de réduire, voire de supprimer l’éclairage public la nuit. On peut se féliciter de la conciliation de la sobriété énergétique, des économies budgétaires et de la biodiversité.

Un constat ressort fortement de l’observation des cartes de la pollution lumineuse en France : il s’agit d’un phénomène avant tout urbain. Ce problème d’une France urbanisée est assez éloigné des préoccupations que nous retrouvons dans la plupart des départements les plus ruraux et des zones très peu denses. Une approche territoriale différenciée du sujet permettrait de mieux saisir des réalités distinctes et, éventuellement, d’adapter les solutions locales.

Le développement de cette réglementation pour limiter les nuisances lumineuses constitue aussi un nouvel enjeu pour le droit des collectivités territoriales et le cadre juridique des décisions des élus locaux, notamment des maires. Quid de la mise en cause de leur responsabilité en cas d’accidents ou de violences ?

Les nouvelles pratiques de l’éclairage public nécessitent ainsi, je le pense, la mise en place d’un cadre législatif et réglementaire, au-delà de la jurisprudence existante. Le droit doit évoluer avec la pratique, profondément transformée ces deux dernières années, afin de donner un cadre juridique clair aux élus locaux pour qu’ils puissent exercer leurs compétences.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement compte-t-il légiférer sur le sujet de la suppression ou de l’extinction de l’éclairage public ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le sénateur Anglars, en effet, le maire est chargé de la sûreté et de la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement et l’éclairage.

Cependant, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose aux collectivités territoriales une obligation d’éclairage de l’ensemble des voies de communication. Si le service public de l’éclairage extérieur revêt un caractère obligatoire, il n’implique pas pour autant un droit d’éclairage pour l’usager ou le riverain d’une voie publique. En revanche, le maire, chaque fois qu’il a conscience ou aurait dû avoir conscience d’un danger en vertu de son pouvoir de police, doit signaler aux usagers les risques qu’ils rencontrent.

De nuit, l’éclairage public est loin d’être la seule solution pour sécuriser un endroit dangereux. Des mesures de signalisation visibles de nuit, tels que des panneaux réfléchissants ou clignotants avertissant des dangers, ou encore les installations d’éclairage programmables ou pilotables à distance, peuvent parfaitement suppléer l’éclairage continu.

Dans les faits, on note qu’il y a davantage d’accidents ou d’agressions en plein jour ou dans des zones illuminées. Il y a, par exemple, plus de cambriolages en plein jour. Autre exemple concernant la sécurité routière : l’autoroute A15 n’est plus éclairée depuis 2010 et, pour autant, aucune augmentation d’accidents n’a été observée, bien qu’il y ait davantage de circulation sur cette voie. Le lien entre sécurité et éclairage ne se vérifie donc pas.

En tout cas, je peux vous confirmer que l’avis des maires est très important. Nous serons vigilants pour qu’ils ne soient pas en difficulté à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les astronomes ne sont pas les seuls à subir la gêne de lumières trop fortes ou bien mal orientées. Les méfaits de la pollution lumineuse ne sont plus à démontrer, tant pour la faune et la flore que pour nos concitoyens.

Toutefois, en matière d’éclairage public, les intérêts doivent être conciliés. Bien qu’il s’agisse d’une source majeure de pollution lumineuse, l’éclairage constitue également l’une des composantes de la sécurité et du confort de nos concitoyens. Des rues bien éclairées sont souvent des rues plus sûres.

À ces intérêts s’ajoute la nécessité de réduire notre consommation d’énergie, en particulier celle de nos collectivités, dans un contexte de dérèglement climatique et de hausse des prix.

Désormais, le bon sens semble prévaloir. Nous voyons les commerçants éteindre leurs vitrines aux heures auxquelles personne ne circule pour faire ses emplettes dans des boutiques de toute façon fermées. Au-delà de la réglementation, la technologie doit aussi permettre de parvenir au bon équilibre. Une expérimentation d’un éclairage intelligent et autonome a été conduite à Bordeaux. De même, à Rambouillet, la ville du président Larcher, on teste un éclairage public bioluminescent.

Dans les deux cas, il s’agit de solutions développées par des sociétés françaises très innovantes. Sur la question de la gestion de son éclairage public, entre autres, il nous semble primordial que la France reste souveraine.

Madame la secrétaire d’État, des mesures sont-elles prises ou envisagées par le Gouvernement afin de soutenir ces activités et de faire en sorte que notre pays ne développe pas de dépendances à des technologies étrangères en matière d’éclairage public et de lutte contre la pollution lumineuse ? Quels leviers comptez-vous mobiliser à cet effet ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le sénateur Menonville, les technologies d’avenir concernant l’éclairage public sont les LED. C’est sur ce secteur que l’industrie française doit consolider sa place prédominante non seulement en Europe, mais aussi dans le monde.

Les entreprises françaises ont fortement intérêt à se positionner sur le développement des technologies intelligentes comme le pilotage de l’éclairage public, en particulier au moyen de ce que l’on appelle la reconnaissance d’objets au passage, que ce soit des humains, un animal ou encore un véhicule. Le but est de passer du radar, qui ne fait que détecter un passage à proximité de l’éclairage public, à l’acquisition d’images non seulement pour savoir non seulement quel objet passe, mais également pour évaluer sa vitesse, afin de synchroniser l’allumage et l’extinction.

Si le passage à la LED permet de diviser par trois la consommation énergétique, ces nouvelles technologies aboutiraient, elles, à diviser la facture par six.

Notre industrie a également développé une compétence reconnue à l’international dans la conception quasiment clés en main d’un parc luminaire. Il s’agit de répondre à la recherche d’une signature visuelle typique de nos collectivités, mais également à une forte demande de « rétrofit », c’est-à-dire le passage de la lampe classique à la LED, sans modifier le design du luminaire.

Pour nos entreprises, l’intérêt réside dans la tête de la lampe électroluminescente, qui représente le composant le plus stratégique. En revanche, les plaques des LED, à faible valeur ajoutée, ne relèvent pas de l’innovation. En outre, le marché est déjà saturé.

Les industriels français ont aujourd’hui un vrai savoir-faire et une capacité à innover. Ils sont, par exemple, leaders mondiaux en éclairage solaire. C’est plutôt dans ce domaine que j’encouragerai les entreprises françaises à mener leurs projets.

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Joël Bigot applaudit également.)

M. Jacques Fernique. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la pollution lumineuse est encore très négligée en comparaison avec la lutte contre l’artificialisation.

Cette dernière est à raison bien engagée, mais elle touche 3 % des sols. La pollution lumineuse, elle, concerne 23 % de la surface terrestre et 85 % du territoire français. Est-ce une pollution négligeable ? Est-ce si grave que cela de ne pas pouvoir observer la Voie lactée ? Il y a une chanson enfantine qui le dit fort justement : « La nuit, c’est pas comme le jour, c’est pas vrai, tout est différent. »

D’abord, on ne voit pas. Ensuite, on réapprend l’obscurité, on tâtonne sous la voûte étoilée. C’est l’une des meilleures façons de se reconnecter à notre environnement, de profiter d’une appréhension sensorielle très riche du monde, et, comme le dit si bien la note de notre collègue Annick Jacquemet, de s’extraire d’une vision anthropocentrée.

« Insectes : s’ils disparaissent, nous disparaissons », titrait ce matin le journal Libération. Il faut savoir que la pollution lumineuse est responsable de la mort de milliers de milliards d’insectes.

Depuis le Grenelle de l’environnement, on a entamé la lutte. Progressivement les textes se complètent, mais pour quels résultats ?

L’éclairage public relève du volontarisme des collectivités. Est-ce suffisant, sachant que l’avènement de la technologie des LED réduit le gâchis énergétique, certes, mais aggrave la toxicité sur la biodiversité et la santé si elle n’est pas bien régulée ?

Il y a encore des manques. Ainsi, l’arrêté sur les seuils de luminance des publicités n’a toujours pas été publié, mais un décret sur l’extinction des publicités va entrer en vigueur. Avec le reste de nos mesures normatives, permettra-t-il de faire éteindre les dispositifs qui devraient légalement l’être ? On en est loin : le contrôle est très rare et les sanctions le sont plus encore.

Comment l’État compte-t-il assurer l’application de la loi ?

Sur la biodiversité, enfin, le cadre législatif et réglementaire reste très léger. Êtes-vous résolue, madame la secrétaire d’État, à consacrer et affermir la trame noire dans le code de l’environnement ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Monsieur le sénateur Fernique, vous avez raison, ce n’est pas une pollution anecdotique. Je vous remercie d’avoir rappelé un certain nombre de faits à cet égard. Le constat est évidemment alarmant pour la biodiversité, et particulièrement pour les insectes en France, comme s’en inquiète Libération.

Vous avez rappelé à juste titre que la publication des décrets a pris du retard. Nous sommes rattrapés par la patrouille et nous devrons nous montrer à la hauteur… (Sourires.)

Le fait d’avoir ce débat ce soir, autour d’un constat partagé, notamment avec Mme la rapporteure, est important, parce qu’il me permet justement de mesurer tout ce qu’il nous reste à faire et de prendre des engagements auprès de vous. C’est d’ailleurs ce que je me suis efforcée de faire directement dans mon propos introductif.

Le rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait mis en avant le besoin de limiter l’utilisation des groupes de risque 2 et 3, c’est-à-dire des LED qui ont une forte teneur en couleur bleue. C’est vraiment problématique dans le spectre des couleurs ; il nous faut agir là-dessus.

L’obtention de certificats d’économie d’énergie sur les luminaires d’éclairage à modules LED impose déjà des groupes de risque 0 et 1 pour bénéficier de la certification CE. Les industriels ont d’ailleurs priorisé ces deux groupes pour le luminaire destiné à l’éclairage public. La révision de l’arrêté du 27 décembre 2018 pourra être l’occasion d’entériner cette exigence.

Par ailleurs, monsieur le sénateur, vous évoquez un paradoxe entre le gain énergétique et la protection de la biodiversité. À mon sens, ce n’en est pas un. Nous pouvons satisfaire les deux et en même temps.

Enfin, je vous rejoins sur la nécessité de créer des trames noires. Des expérimentations sont en cours et un certain nombre de dispositifs seront prévus dans la prochaine stratégie nationale biodiversité 2030.

J’ai pu noter des propositions intéressantes dans le cadre d’une discussion en commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, le 29 mars dernier. Certains députés proposaient notamment que l’État puisse réglementer et restreindre les éclairages publics et privés en cœur de nuit par restriction de la puissance lumineuse ou l’extinction. Il a également été proposé que l’État mette en place des aires de protection de la faune nocturne et du ciel étoilé par la création de trames noires dans les espaces protégés, ce qui permettra donc à un certain nombre de Français de retrouver le plaisir de regarder un ciel étoilé.

Il me semble intéressant que nous travaillions autour de ces idées, qui relèvent non pas forcément de discussions législatives, mais plutôt du cadre réglementaire. Je pense que nous pouvons avancer sereinement et rapidement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet.

Mme Nadège Havet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est important que nous puissions débattre de la pollution lumineuse grâce à cette initiative de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

À la suite de vos travaux, madame la sénatrice Jacquemet, une note a été rédigée rappelant que plus de trois humains sur dix ne peuvent voir la Voie lactée la nuit. Cette proportion monte à six sur dix en Europe et à huit sur dix aux États-Unis.

En France, le nombre de points lumineux a augmenté de plus de 50 % en trente ans. Il s’agit d’un phénomène de très grande ampleur, directement imputable à l’activité humaine, mais dont on parle moins que d’autres. Il entraîne des nuisances sur les cycles de la faune et la flore, perturbés par cette illumination perpétuelle du ciel. Les oiseaux migrateurs, les insectes et les chauves-souris sont les espèces les plus touchées, alors qu’elles jouent un rôle central en matière de biodiversité.

En 2018, un arrêté relatif à la prévention, à la réduction et à la limitation des nuisances lumineuses est venu encadrer les installations d’éclairage public et privé pour réduire leurs incidences sur la biodiversité. Plus récemment, la COP 15 biodiversité de Montréal a abouti à un accord. Les cibles 2 et 7 qui y figurent traitent de la restauration des écosystèmes dégradés et de la réduction des pollutions à la source, notamment lumineuses.

Les trames noires ont été intégrées à la stratégie nationale biodiversité 2030. Ces corridors écologiques d’obscurité apportent une véritable respiration pour des écosystèmes fortement perturbés ces dernières décennies.

Madame la secrétaire d’État, quelle évaluation faites-vous de l’application de l’arrêté de 2018 et de ses effets ? Dans la stratégie nationale biodiversité (SNB), quelles sont les actions prévues dans le cadre du volet « incitation au développement des trames noires » ? Quels sont les objectifs en matière de lutte contre la pollution lumineuse ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire dÉtat auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de lécologie. Madame la sénatrice Havet, l’arrêté du 27 décembre 2018 fixe des obligations techniques à respecter dans des délais contraints. Le contrôle est du ressort du maire, sauf pour les installations communales pour lesquelles l’État est expressément compétent.

Aujourd’hui, soyons très clairs, les contrôles portant sur le respect de cette réglementation sont insuffisants. J’ai déjà eu l’occasion de le souligner, mais je tiens à y insister : il faut que nous agissions.

Dans mon discours d’introduction, je vous ai annoncé vouloir travailler sur la mise en place d’une amende forfaitaire, de type carnet de souche, pour simplifier la prise de sanction sans avoir besoin d’en passer par le parquet et le juge.

Ensuite, nous souhaitons également que les contrôles sur la pollution lumineuse réalisés par l’OFB soient ciblés dans les zones les plus sensibles pour la biodiversité. Ce point figurera dans la stratégie nationale biodiversité.

Enfin, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) travaille sur une méthodologie simple et pratique pour permettre le contrôle de la partie technique de la réglementation. Il s’agit, par exemple, de la vérification de la température, de la couleur, de la part de lumière émise au-dessus de l’horizontale, de l’intensité lumineuse… Le temps me manque pour détailler ce qui sera prévu dans le second volet de la SNB. Je prendrai plus de temps pour vous répondre précisément à la faveur de questions ultérieures.

M. le président. La parole est à M. Joël Bigot.

M. Joël Bigot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, aujourd’hui, un tiers de l’humanité ne peut plus distinguer la Voie lactée.

La faune, la flore, la fonge sont affectées par la pollution lumineuse. Les animaux diurnes et nocturnes voient leur cycle de prédation détérioré, au détriment de la chaîne alimentaire. Le suréclairage est la deuxième cause de mortalité des insectes après les pesticides. Le rythme circadien humain est également déstabilisé, entraînant de nombreux problèmes de santé pour l’homme. Le constat est alarmant !

Les progrès en matière de performance de l’éclairage sont assortis d’un effet rebond, qui conduit à un élargissement des zones éclairées, à hauteur de 2 % par an dans le monde. La technologie des LED est pourfendue par les associations, qui dénoncent l’augmentation de la lumière bleue, plus dangereuse pour la biodiversité, quand le rapport de l’Opecst relativise le bilan carbone.

De nombreuses solutions existent à droit constant. Il faut faire respecter l’arrêté du 27 décembre 2018, qui encadre l’éclairage privé, mais dont les associations relèvent la non-application de fait.

En Maine-et-Loire, France Nature Environnement et la Ligue de protection des oiseaux sont particulièrement actives. Elles recensent les lieux d’éclairage potentiellement illégaux et sensibilisent les acteurs privés, comme les collectivités.

Malgré un coût d’intervention du syndicat de l’énergie, des communes d’Anjou sont volontaires dans des politiques d’extinction. À Saumur, des rues sont équipées depuis huit ans de réverbères avec des cellules qui détectent les voitures et les piétons. Cela permet d’économiser près de 90 000 euros pour une commune de 27 000 habitants !

Dans ce même département, le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement (CPIE) Loire-Anjou accompagne les communes dans l’élaboration de trames noires, en identifiant des zones à enjeu pour la biodiversité, une bonne pratique identifiée dans le rapport de l’Opecst.

Madame la secrétaire d’État, quels engagements comptez-vous prendre pour accompagner ces initiatives locales concrètes et assurer, dans les politiques publiques de l’État et dans l’initiative réglementaire, la promotion de ces solutions partout en France pour retrouver la nuit ?