M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet. (Mme Françoise Gatel applaudit.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les casinos représentent une manne d’un peu plus d’un milliard d’euros au 31 octobre 2021, en diminution par rapport aux années précédentes.

De son côté, la filière équine suscite, selon l’Observatoire économique et social du cheval de l’Institut français du cheval et de l’équitation, brasse plus de 11 milliards d’euros de flux financiers par an.

L’idée d’utiliser ces filières pour soutenir les collectivités locales et le patrimoine n’est pas nouvelle, comme en témoigne la récente expérience du loto du patrimoine, organisée par le célèbre Stéphane Bern.

Les collectivités territoriales souffrent d’un manque de moyens pour financer les infrastructures existantes. Aussi nos collègues auteurs de cette proposition de loi ont-ils, de manière parfaitement logique et cohérente, opéré un rapprochement entre les deux activités, pour combler un désert ludique et profiter des revenus des jeux.

Comme l’ont souligné les orateurs précédents, le texte que nous examinons peut sembler simple et guidé par une certaine logique : il s’agit d’aider au financement de l’entretien des infrastructures du Cadre noir de Saumur.

Pour ce faire, la proposition de loi comprend un article unique introduisant une sixième hypothèse de dérogation au principe d’interdiction générale des jeux d’argent et de hasard, qui serait fondée sur l’existence d’infrastructures et d’activités équestres au sein de la commune. Le texte instaure donc un double critère.

La commission est revenue sur la condition cumulative tenant à l’existence du site historique du Cadre noir et d’un haras national sur le territoire d’une même commune, de manière à étendre le champ de la proposition de loi aux communes qui accueillent ou l’un, ou l’autre.

Par ailleurs, si les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur organisent annuellement de nombreux événements équestres, les événements dits « hippiques » ont lieu dans les hippodromes se trouvant sur le territoire de communes voisines. La commission a donc retenu le terme « équestre », qui renvoie à l’ensemble des activités relatives au monde du cheval et de l’équitation.

La commission a souhaité maintenir un lien étroit entre la commune, les activités hippiques ou équestres et les paris sportifs, en retenant comme critère d’implantation la présence dans la commune du siège d’une société de courses hippiques.

Avec ce texte, je suis saisie d’une double allégresse : mon département, l’Orne, comprend à la fois un haras national – le haras national du Pin –, propriété du département depuis la promulgation de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, et un casino – celui de Bagnoles de l’Orne Normandie. Me voilà donc absolument comblée !

Toutefois, la rédaction issue des travaux de la commission fragilise le texte. En effet, alors que celui-ci était assez cohérent lorsqu’il s’agissait d’implanter un casino unique à Saumur, l’extension de son champ à d’autres communes le dessert, car aucune négociation ne s’est tenue avec les autorités compétentes – j’y reviendrai.

Au sujet des auditions non publiées, le rapport indique : « Il ressort des auditions des syndicats de casinos, de l’Association nationale des élus des territoires touristiques et des services du ministère de l’intérieur, menées par M. le rapporteur, qu’il apparaît nécessaire d’envisager aujourd’hui une réflexion plus globale sur les critères permettant l’installation d’un casino dans une commune. » C’est exactement ce qu’a dit Mme la secrétaire d’État. À cet égard, la fin de l’expérimentation relative aux clubs de jeux parisiens devra donner lieu à une évaluation globale.

Par ailleurs, la facilité qui consiste à fusionner l’hippisme et l’équestre, c’est-à-dire ce qui relève des courses – donc du jeu – et ce qui relève des concours hippiques – donc du sport – n’est, selon les spécialistes, pas judicieuse. La complexité de la situation appelle une réflexion plus globale.

Malgré ses mérites, le texte qui nous est proposé est un texte de circonstance, qui devra être retravaillé. Mais son examen lance clairement un débat qui méritera d’être approfondi avec l’ensemble des acteurs de la filière cheval.

Les voies de financement de la filière provenant des paris en ligne et des courses hippiques sont déjà bien identifiées et fléchées. L’extension, dans la version de la commission, du champ de la proposition de loi complexifie le sujet et appelle d’autres réflexions, qui sont d’ailleurs engagées entre les autorités de tutelle et les syndicats d’opérateurs. Voilà ce à quoi nous devons parvenir : qu’il y ait un débat global sur le sujet, pour trouver un bon équilibre.

Un texte de circonstance peut déséquilibrer l’ensemble de la filière, comme en témoigne l’ouverture du casino de Saint-Gervais-les-Bains, qui a affaibli ceux de Megève et de Chamonix.

Il est vrai que les territoires ruraux doivent pouvoir se doter de casinos et qu’il faut opérer un rééquilibrage entre les territoires. Cette proposition de loi a le mérite d’évoquer ce sujet. Néanmoins, j’estime que sa rédaction doit être retravaillée.

Aussi, le groupe Union Centriste s’abstiendra sur cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Mme Nathalie Delattre. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’implantation des casinos pourrait sembler un sujet anecdotique ou secondaire, voire, au regard des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens, marginal. Chacun, dans cet hémicycle, conviendra que l’actualité appelle peut-être d’autres priorités.

Toutefois, j’ai la conviction que nous aurions tort de nous désintéresser de cette proposition de loi. En effet, mon département, la Gironde, comptant six casinos, je mesure l’impact positif de la présence de ces établissements sur nos territoires.

Pour prendre l’exemple particulier du casino de Bordeaux, qui a ouvert il y a une vingtaine d’années, celui-ci représente un gain significatif pour la ville, puisqu’elle prélève directement une somme sur le produit des jeux de l’établissement, qui alimente notamment les lignes budgétaires consacrées aux politiques sociales.

Aussi, sans entrer encore dans les aspects juridiques, la question de l’implantation des casinos de jeu présente un intérêt économique certain pour les communes concernées. Notre pays compte un peu plus de 200 casinos, qui emploient plusieurs dizaines de milliers de personnes et contribuent au développement économique des espaces touristiques où ils sont implantés.

De ce point de vue, chacun s’accordera sur l’opportunité de cette proposition de loi. Pour ma part, je partage néanmoins certaines remarques que j’ai déjà pu entendre au sujet de ce texte : l’implantation d’un casino ne saurait être une solution pérenne pour répondre aux difficultés financières que rencontrent nos collectivités dans leur ensemble.

Il s’agit d’un problème global, qui mérite une réponse généralisée à l’ensemble des collectivités. Nous devons nous y pencher à l’occasion de l’examen du projet de loi, mais aussi lorsque nous cherchons des solutions pour dynamiser les politiques économiques de nos collectivités.

Par ailleurs, je suis plus circonspecte sur la dimension juridique du texte, notamment lorsque je lis la rédaction de l’article L. 321-1 du code de la sécurité intérieure, qui fixe une liste de dérogations permettant l’ouverture de nouveaux casinos.

Actuellement, les communes déclarées villes d’eau, stations thermales ou balnéaires, ainsi que les villes principales d’agglomérations de plus de 500 000 habitants ayant des activités touristiques et culturelles particulières peuvent accueillir de tels établissements.

Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle catégorie, très singulièrement liée aux événements hippiques. Si je veux bien admettre le lien existant entre le monde des paris et celui des jeux, nous comprenons surtout que cela permettrait d’inclure les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur, ainsi que, par l’assouplissement des critères en commission, une dizaine d’autres communes. Je puis d’ailleurs vous proposer d’autres communes girondines à ajouter si besoin !

Plutôt que d’élargir le dispositif d’autorisation par des critères si spécifiques qu’ils ne viseraient qu’une ou deux communes déjà bien identifiées, peut-être vaudrait-il mieux le repenser dans sa globalité, de sorte qu’il soit moins contraignant d’un point de vue législatif.

En outre, sans tomber dans une forme de moralisme excessif, je refuse de faire comme si le phénomène de la dépendance aux jeux n’avait rien de préoccupant. Une proposition de loi qui élargit les possibilités d’implantation des casinos ne peut s’affranchir de toute réflexion sur la promotion et le développement d’établissements de jeux de hasard et d’argent, en particulier à une époque où les paris sportifs en ligne posent de grandes difficultés, notamment parmi les jeunes générations.

Le législateur se doit de faire preuve de vigilance pour ne pas donner le sentiment qu’il accompagne favorablement ce développement inquiétant, au moment même où les casinos français ont connu, depuis le début de l’année, des baisses de fréquentation significatives par rapport à 2019, et même s’ils sont nombreux, à l’instar du casino de Bordeaux, à prendre en charge les addictions. Il est toujours bon de le répéter, et nous devons en faire une ligne de conduite.

Même si la situation semble s’arranger en 2023, la pandémie de la covid-19 a bouleversé les habitudes : de plus en plus de joueurs préfèrent désormais les jeux d’argent en ligne, malgré l’interdiction des jeux de hasard sur internet. Cela mériterait une étude d’impact approfondie, ce que ne permet pas la présente proposition de loi – c’est fort dommage !

Cela dit, le groupe RDSE reste, dans son ensemble, favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Claude Nougein. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Claude Nougein. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nos territoires ruraux sont trop souvent abandonnés, alors qu’ils sont si dynamiques et innovants !

Plus que jamais, notre espace rural mérite que nous fassions preuve d’une véritable ambition. Il est de plus en plus perçu par les Français comme une richesse, comme un facteur d’équilibre social et comme un lieu d’épanouissement. Mais, malgré cette image positive, la vérité du monde rural reste mal connue et mal comprise.

Les besoins en infrastructures et en services publics sont souvent ignorés. De plus, de récentes lois comme la loi Climat et résilience, qui fixe un objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, vont accentuer la désertification rurale et le désengagement de l’État, ce dernier sonnant aujourd’hui comme une alerte dans l’esprit des élus qui défendent leur territoire.

La filière équine représente parfois une composante importante du développement des territoires ruraux, en cela qu’elle est créatrice d’emplois et génératrice d’activités sportives, sociales et culturelles. Elle crée du lien social, elle favorise le développement rural et elle est une alliée du développement durable.

De plus, le cheval est un acteur majeur de la culture française : l’Unesco a inscrit l’équitation de tradition française au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2011. En Corrèze, nous avons la chance, avec le haras national d’Arnac-Pompadour, de compter un site historique, véritable emblème du territoire et de la filière équestre, laquelle se délite.

La commune d’Arnac-Pompadour abrite toujours le siège administratif de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE. Or, devant une gestion toujours plus complexe, l’État souhaite se désengager de cette filière et se concentrer sur ses missions régaliennes, ce qui est peut-être normal, d’ailleurs.

Comment compenser ce désengagement ? Comment sauver cette filière équestre connue et reconnue ? Bien sûr, les territoires ruraux ont l’innovation chevillée au corps. Bien sûr, leurs élus font toujours preuve d’imagination et d’innovation pour faire vivre leurs territoires.

L’attrait touristique des départements ruraux du centre de la France repose notamment sur les activités équestres, qui, de par leur lien avec le monde du jeu et des paris, pourraient constituer un support du développement de nouvelles infrastructures telles que des casinos.

Ainsi, autoriser les villes ayant développé une activité importante en lien avec l’équitation à ouvrir des casinos pourrait viser un double objectif : remédier à l’inégale répartition de ces établissements sur le territoire et sauver la filière cheval.

La législation en vigueur profite essentiellement à des communes littorales et à des stations thermales, auxquelles nous donnons un certain monopole, alors qu’elles disposent déjà de nombreux atouts touristiques, à l’inverse de nos territoires ruraux, qui sont bien plus enclavés.

En outre, l’ouverture d’un casino dans une commune est une source importante d’emplois. Ces établissements contribuent ainsi de façon déterminante aux développements touristiques et culturels, ce qui rejaillit nécessairement sur l’ensemble des autres activités de la commune où ils sont implantés. Ils participent à l’animation et à l’attractivité des territoires concernés et comptent souvent, à la faveur de la redistribution fiscale, parmi les premiers contributeurs du budget des communes.

Aussi, mes chers collègues, cette proposition de loi va au-delà de la simple autorisation d’ouverture d’un casino. Il s’agit de maintenir en vie toute une filière de l’économie locale de communes qui comportent à la fois un stade équestre et un établissement de l’Institut français du cheval et de l’équitation, mais aussi qui ont développé une attractivité particulière et récurrente liée à l’organisation d’événements équestres de rayonnement national ou international.

Par exemple, dans la commune d’Arnac-Pompadour, plus de 160 journées équestres seront maintenues – ce n’est pas rien, c’est même la vie de ce territoire ! Seules quelques communes, dont Arnac-Pompadour et Saumur, entrent dans le cadre du dispositif. Ces communes sont des sites historiques du Cadre noir ou des haras nationaux.

Il n’y a aucun casino dans ces territoires, ni même alentour. En effet, il n’y en a pas à moins de 100 kilomètres d’Arnac-Pompadour, et je pense qu’il en va de même pour Saumur. Il s’agirait d’installer des établissements petits, mais viables, dont les taxes permettraient de sauver la filière équestre. L’économie locale et l’attractivité de tout un territoire en dépendent.

Ces ouvertures de casinos assureraient des retombées économiques aux communes dotées d’une activité équestre pluriséculaire et permettraient d’accroître leur attrait touristique et leurs ressources financières.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il s’agit de défendre non pas la multiplication des casinos, mais la survie de la filière équestre dans ces villes historiques du cheval !

Aussi, le groupe Les Républicains se prononcera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus. (M. Daniel Chasseing applaudit.)

M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les communes d’Arnac-Pompadour et de Saumur, dans mon département du Maine-et-Loire, sont deux hauts lieux de l’équitation. Leur nom est associé à une longue tradition d’élevage et d’activités équestres. Leur réputation dépasse largement nos frontières.

Saumur est le site historique du célèbre Cadre noir. Il participe, avec ses écuyers et ses chevaux, au rayonnement international de l’art équestre à la française.

Mme Nathalie Goulet. Tout à fait !

M. Emmanuel Capus. Son patrimoine, ses compétitions et ses infrastructures équestres constituent la clé de voûte de l’attractivité de la commune. Ils irriguent l’ensemble des secteurs d’activité locaux.

Le désengagement progressif du ministère de l’agriculture risque de compromettre la poursuite des activités équestres sportives à Saumur, à Arnac-Pompadour et dans les territoires ruraux avoisinants.

Ce texte introduit donc, tout simplement, une dérogation à la loi, afin de permettre l’ouverture d’un casino à Saumur et à Arnac-Pompadour. Il s’agit d’une demande de longue date des élus locaux et des parlementaires du territoire, dont je salue la mobilisation. À ce propos, je salue le maire d’Arnac-Pompadour et la députée de la circonscription de Saumur, Laetitia Saint-Paul, qui sont présents dans la tribune. Ces deux communes sont historiquement et intimement liées au monde équestre.

Par cette proposition de loi, soutenue par l’ensemble des sénateurs des départements concernés, cosignée par Daniel Chasseing et moi-même et amendée par M. le rapporteur, il s’agit de remédier au déséquilibre dans l’implantation des casinos à l’échelle du territoire national.

En France, les casinos sont concentrés, principalement, sur le littoral. Les territoires ruraux du centre du pays sont, à de rares exceptions près, totalement laissés de côté. Quand on sait à quel point ces établissements sont un atout pour leur territoire, on ne peut que le déplorer.

Comme l’a souligné Claude Nougein, l’implantation d’un casino contribue de manière déterminante au développement touristique et culturel local. Son exploitation est une source importante d’emplois à l’année et – vous l’avez reconnu, madame la secrétaire d’État – d’activité économique pour le territoire concerné.

Aussi l’implantation d’un casino dans ces deux communes serait-elle une excellente chose, d’autant plus que, pour ce qui concerne Saumur, le casino le plus proche se trouve à 106 kilomètres – il s’agit du petit casino de La Roche-Posay. Je rassure donc Nathalie Goulet : il n’y aura pas de grande concurrence avec d’autres casinos.

Ainsi, la majorité des membres du groupe Les Indépendant votera, comme Daniel Chasseing et moi-même, qui en sommes cosignataires, cette proposition de loi.

J’ajouterai un dernier argument : il s’agit peut-être de la dernière proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Deroche. C’est donc l’occasion de manifester, par notre vote positif, notre reconnaissance pour son travail, à propos de cette proposition de loi, mais aussi tout au long de ses trois mandats. (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.)

M. François Bonhomme, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre ordre du jour, à l’approche des élections sénatoriales, nous réserve, parfois, des surprises.

Cette proposition de loi comprend un article unique introduisant une sixième dérogation au principe d’interdiction générale des jeux d’argent et de hasard, qui reposerait sur l’existence d’une infrastructure et d’une activité équestre au sein d’une commune.

Une telle dérogation profiterait essentiellement à deux communes, dont l’une est située dans le département d’élection des auteurs de la proposition de loi… Outre l’opportunité de voter une telle loi six mois avant les élections sénatoriales, qui concerneront ce département, ce texte nous semble problématique sur plusieurs points.

Tout d’abord, la finalité de cette proposition de loi, par l’ajout de deux nouvelles conditions, est de permettre à deux villes d’implanter des casinos sur leur territoire. Nous le savons tous, et les auteurs de la proposition de loi le soulignent avec justesse, en raison des critères d’installation, l’implantation des casinos est très inégale sur notre territoire, avec de lourdes conséquences, car la présence d’un casino crée des emplois directs ou indirects et a des retombées touristiques positives.

Au-delà de l’argument de la création d’emplois, les communes où se trouve installé un casino bénéficient d’une manne financière certaine : ces presque 200 communes perçoivent en moyenne 1,4 million d’euros chaque année au titre d’une taxe sur les produits des jeux. Ces ressources représentent jusqu’à 30 % du budget des villes concernées. La Gironde comptant six casinos, ces derniers représentent une manne financière non négligeable pour le département.

Nous entendons les besoins de la filière équine, et singulièrement, bien entendu, les difficultés que rencontrent les communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour pour financer leurs activités et infrastructures équestres. Nous entendons aussi la petite musique issue des travaux de la commission, M. le rapporteur trouvant « nécessaire d’envisager une réflexion plus globale sur les critères permettant l’installation d’un casino dans une commune ».

Toutefois, nous ne pensons simplement pas que la solution envisagée pour remédier à ce problème, à savoir installer de nouveaux casinos, soit la bonne. Cet objectif de création d’emplois et cet espoir de revenus supplémentaires pour les communes et pour favoriser la filière équine ne sauraient cacher les problématiques liées aux casinos.

Notre groupe considère que la restriction d’implantation des casinos se justifie par des considérations de santé publique.

Les jeux d’argent et de hasard, donc les casinos, sont, comme l’a rappelé le rapporteur, régis par un principe de prohibition. Leur interdiction se justifie par des motifs d’intérêt général. Ainsi, l’article L. 320-2 du code de la sécurité intérieure dispose qu’ils « font l’objet d’un encadrement strict aux fins de prévenir les risques d’atteinte à l’ordre public et à l’ordre social, notamment en matière de protection de la santé et des mineurs ».

L’addiction aux jeux d’argent peut avoir des conséquences financières, psychologiques et familiales dramatiques pour les victimes. Selon le sociologue spécialisé Jean-Pierre Martignoni-Hutin, 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, sans tenir compte de celles qui sont inscrites dans des dispositifs de régulation du jeu.

Selon SOS Joueurs, 79 % des victimes d’addiction au jeu sont endettées. Aussi, de grâce, évitons d’ouvrir une brèche pour la multiplication de ces établissements de jeu d’argent.

À nos yeux, ce texte ne présente que l’une des solutions envisageables pour la respiration financière des communes. Nous le répétons souvent, les baisses de la dotation globale de fonctionnement (DGF), la mainmise du préfet sur de trop nombreux financements, les restrictions de levier fiscal propre et la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) asphyxient les collectivités locales.

C’est bien là le cœur du problème de nos territoires : leurs capacités d’actions sont limitées. Or ce problème ne peut et ne doit être résolu qu’au travers de mesures structurelles, pérennes et adaptées à chaque territoire.

Nous souscrivons à l’ambition de redonner aux collectivités territoriales les moyens d’une plus grande autonomie financière, celle-ci étant mise à mal depuis plusieurs années. Au reste, plusieurs groupes du Sénat y travaillent. Le véritable enjeu réside là, et non dans l’ouverture des portes de nouveaux casinos de jeu.

Ce texte facilitant les installations de casinos ne constitue en rien une solution. Nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi importante pour réduire les inégalités territoriales en matière d’ouverture de casinos.

Ce texte vise à permettre leur installation dans les terres de cheval, qui attirent chaque année un public nombreux pour des événements équestres ou des courses hippiques. Ces dernières sont d’ailleurs déjà une forme de jeu d’argent. Dès lors, l’arrivée du casino ne fait pas de différence morale majeure. Par ailleurs, passion du jeu et cheval sont liés : l’une offre la chance d’un instant, l’autre incarne la force et la beauté en mouvement. (Mme Catherine Deroche approuve.)

Permettez-moi de souligner l’importance économique du secteur des casinos en France.

Actuellement, notre pays compte 196 casinos, qui jouent un rôle majeur pour notre économie, dans 190 communes d’implantation privilégiées. Dans ces communes, la contribution financière du casino représente en moyenne près de 10 % du budget communal – jusqu’à 80 % pour certaines.

De plus, la filière française des casinos représente 50 000 emplois, notamment 18 200 emplois directs. Ces établissements sont donc des acteurs essentiels de l’animation locale et contribuent au dynamisme des régions où ils opèrent.

Ma région, la Normandie, pays de cheval, est un exemple concret de la richesse que peuvent apporter les activités équestres.

M. François Bonhomme, rapporteur. Absolument !

Mme Nicole Duranton. Les centres équestres normands, notamment le célèbre haras national du Pin dans l’Orne qu’a mentionné ma collègue précédemment et tout près duquel se trouve le casino de Bagnoles-de-l’Orne, attirent des passionnés de chevaux du monde entier. Ils offrent une multitude d’activités, allant des compétitions équestres à la vente de chevaux en passant par les concours de dressage et de saut d’obstacles.

La législation actuelle limite l’ouverture des casinos aux stations balnéaires, thermales et climatiques, ainsi qu’aux grandes agglomérations de plus de 500 000 habitants proposant des activités touristiques et culturelles spécifiques. Cette concentration des casinos dans certaines régions a pour conséquence de créer des inégalités territoriales d’ordre économique.

Lors de son examen en commission des lois, la proposition de loi a été modifiée pour garantir son opérationnalité. Un amendement a été adopté pour permettre aux communes de Saumur et d’Arnac-Pompadour d’accueillir un casino sur leur territoire. Ces villes se distinguent par leurs activités équestres prestigieuses, telles que le concours national d’Arnac-Pompadour et la compétition « Saumur complet », qui attirent des milliers de spectateurs chaque année.

Bien sûr, les jeux d’argent sont aussi un enjeu de santé publique qu’il faut considérer avec sérieux. L’ordonnance du mois d’octobre 2019 réformant la régulation des jeux d’argent et de hasard montre l’engagement du Gouvernement envers la protection des citoyens, la transparence et l’intégrité dans le domaine des jeux d’argent et de hasard. En effet, elle a créé l’Autorité nationale des jeux (ANJ), dotée de pouvoirs renforcés, encadré la privatisation de la Française des jeux (FDJ) et préservé le contrôle rigoureux sur ces activités.

Le titre II du livre III du code de la sécurité intérieure prévoit déjà le dispositif par lequel les communes peuvent demander l’ouverture d’un casino. Il comporte une possibilité d’appel de la décision préfectorale et celle d’octroyer des dérogations. Tout en étant d’accord sur le principe, on peut donc interroger le véhicule législatif choisi.

Ouvrir des casinos seulement dans les stations thermales, c’est la double peine pour les autres départements touristiques, qui méritent aussi leur part de frissons et de jackpots.

Ces territoires méritent leur tour de roulette ; ouvrons-leur les portes de la chance ! (Sourires. – Mme Nathalie Goulet sexclame.) Cette ouverture permettrait de développer davantage ces infrastructures touristiques et contribuerait à l’épanouissement économique local.

De plus, ce texte n’est pas dépourvu de garanties. Les communes éligibles devront avoir organisé au moins dix événements hippiques de rayonnement national ou international pendant une période d’au moins cinq années avant le 1er janvier 2023. L’amendement adopté en commission tend à préciser que les communes doivent disposer soit du site historique du Cadre noir, soit d’un haras national, et doivent être le siège d’une société de courses hippiques au 1er janvier 2023.

Cette proposition de loi offre une occasion unique de dynamiser Saumur et Arnac-Pompadour, en permettant à ces deux communes d’ouvrir des casinos. Cela aurait un impact positif sur l’emploi, en créant de nouvelles occasions pour les habitants de ces régions. Les casinos sont connus pour offrir une variété de postes, allant des croupiers aux serveurs, en passant par les agents de sécurité et les responsables marketing.

Ainsi, l’ouverture de casinos dans ces villes permettra de stimuler l’économie locale et l’emploi et sera l’occasion d’offrir aux habitants de ces territoires des événements culturels à thèmes, dîners-spectacles et animations, au sein de lieux uniques. Bien souvent, des offres financières spécifiques sont d’ailleurs négociées pour les locaux.

Cela aura également un impact positif sur les commerces locaux, tels que les hôtels, les restaurants, les magasins et les attractions touristiques. Les retombées économiques seront significatives, créant ainsi un cercle vertueux de développement, de prospérité et d’attractivité.

Les autres pistes d’extension des dérogations pour l’ouverture de casinos, explorées par les amendements de mes collègues Franck Menonville pour les plans d’eau et Else Joseph pour les départements frontaliers, méritent également d’être discutées ici.

En conclusion, cette proposition de loi offre l’occasion de réduire les inégalités territoriales et d’adresser un message quant à notre engagement en faveur de l’équité des territoires. Pour autant, elle peut être perçue comme un effort trop sectoriel, trop spécifique à un petit nombre de villes, sans que la nécessité d’en passer par une loi soit établie.

Les membres du groupe RDPI voteront donc chacun en toute liberté sur ce texte.