M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.)

M. Claude Malhuret. Madame la Première ministre, les violences de ces derniers jours ont été condamnées par la quasi-totalité des formations politiques. Seule une d’entre elles, une fois de plus, s’en est exemptée.

En refusant d’appeler au calme, les dirigeants de la France soumise à l’émeute confirment qu’ils sont bien les ânes de Troie du séparatisme dans notre pays. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

En demandant que l’on épargne les bibliothèques et les écoles, ils autorisent les émeutiers à brûler tout le reste : les commerces, les mairies, les maisons des élus.

Ils prétendent défendre la République, mais leur but est de la faire tomber. Depuis un an, leurs convulsions à l’Assemblée nationale les discréditent, en discréditant aussi, hélas ! le Parlement. Cette fois-ci, c’est la fois de trop. Le peuple français qu’ils prétendent à tort incarner s’en souviendra longtemps, tout comme s’en souviendront sans doute leurs plus proches alliés politiques, désormais honteux de cette alliance contre nature. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

Quant aux protestations faussement scandalisées des despotes de Turquie, d’Algérie ou d’Iran, où la répression de telles émeutes aurait sans aucun doute fait des dizaines, voire des centaines de victimes, permettez-moi de dire qu’elles donnent la nausée !

Enfin, la responsabilité des réseaux antisociaux dans la propagation des violences est telle que le Président de la République a dû les convoquer à l’Élysée. Barack Obama disait que ces réseaux sont devenus l’une des principales menaces contre nos démocraties. La preuve en est faite.

Vous avez, madame la Première ministre, condamné hier à l’Assemblée nationale l’attitude d’un parti antidémocratique, sans statuts, sans élections internes, gouverné par un satrape colérique et omnipotent traitant ses dissidents par la mise à l’écart (Sourires sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.), en affirmant qu’il était sorti du champ républicain, et vous avez eu raison.

M. Laurent Burgoa. Très bien !

M. Claude Malhuret. Pouvez-vous nous dire aujourd’hui si vous envisagez de mettre de l’ordre dans la jungle des plateformes, qu’il faut empêcher d’invoquer à tort la liberté d’expression pour se rendre complices des appels à l’émeute et de l’apologie des violences ?

Pouvez-vous aussi nous préciser si vous comptez demander à Mme la ministre des affaires étrangères de protester contre les ingérences de dictateurs qui se permettent de nous donner des leçons de démocratie ? (Vifs applaudissements sur les travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le sénateur Claude Malhuret, le drame de la mort d’un jeune homme de 17 ans ne peut justifier ou excuser aucune violence.

Comme la famille du jeune homme, comme les élus du territoire concerné, nous ne demandons qu’une chose : la justice. Or jamais la justice n’est venue de la violence.

Depuis une semaine, des actes inacceptables ont touché plusieurs centaines de communes. Les forces de l’ordre, les sapeurs-pompiers et des élus ont été pris pour cible. Des mairies, des écoles, des équipements publics ont été vandalisés, parfois incendiés. Des commerces ont été pillés.

Face à cette situation, nous avons tout mis en œuvre pour rétablir l’ordre républicain, autour d’un mot d’ordre : le refus de l’impunité. C’est ce que nous demandent les habitants des quartiers touchés, qui sont les premières victimes de ces violences. Les quelque 6 millions d’habitants des quartiers n’ont rien à voir avec quelques milliers de délinquants.

Depuis le début des violences, près de 4 000 personnes ont été interpellées. M. le garde des sceaux a demandé aux procureurs de la République une réponse rapide, ferme et systématique pour tous les auteurs de ces faits. Hier soir, près de 1 000 personnes au total avaient déjà été présentées à la justice ; plus de 350 sont déjà en détention. La réponse pénale a été forte, avec notamment des peines de prison ferme et des incarcérations.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Ajoutons que M. le garde des sceaux vient de diffuser une circulaire sur le traitement des infractions commises par des mineurs et les conditions d’engagement de la responsabilité de leurs parents.

Monsieur le sénateur Malhuret, dans cette crise, à l’évidence, les réseaux sociaux jouent un rôle important. Ils facilitent parfois l’organisation des violences et ont souvent une responsabilité dans la désinhibition des jeunes.

C’est pourquoi le Gouvernement a demandé à l’ensemble des plateformes de respecter leurs obligations de retrait des contenus illicites et d’être vigilantes sur certaines de leurs fonctionnalités, comme la géolocalisation.

Par ailleurs, nous veillons à ce que les titulaires de comptes montrant leur participation à des violences soient identifiés et poursuivis.

D’autres réponses de plus long terme devront être apportées. C’est notamment l’objet du règlement européen sur les services numériques et du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, que votre assemblée examine justement en ce moment. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP.)

mort de nahel et violences urbaines (ii)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Duffourg applaudit également.)

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, vous avez raison, une mort tragique ne peut pas servir de prétexte. Ces nuits de violences et de chaos exigent une double réponse : pour aujourd’hui, que la République serre les rangs ; pour demain, que le Gouvernement ouvre grand les yeux.

Il faut serrer les rangs, car, dans la mesure où l’ordre public n’est pas revenu, et tant qu’il ne sera pas rétabli, la seule attitude républicaine et responsable consiste à soutenir sans réserve les forces de l’ordre : les policiers nationaux et municipaux, les sapeurs-pompiers et, bien entendu, les élus ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.)

Il faut aussi laisser le Gouvernement et le ministre de l’intérieur travailler, pour rétablir l’ordre républicain en France.

Nous sommes d’accord, madame la Première ministre : comme vous, je condamne ces élus de l’extrême gauche qui ont choisi leur camp. Ce camp est celui non pas de la République, mais des émeutiers ! Ce sont des professionnels de l’excuse sociale, mais, en l’occurrence, ils n’ont strictement aucune excuse !

Ensuite, le Gouvernement devra ouvrir grand les yeux et établir le bon diagnostic. Il devra également appeler un chat un chat : un émeutier n’est pas un déshérité ; un délinquant n’est pas une victime. (Mme Marie-Noëlle Lienemann sexclame.)

Aussi, madame la Première ministre, je vous adresserai deux questions. Tout d’abord, quelles sont selon vous les causes de ces émeutes ? Ensuite, quels en sont les remèdes, sachant – vous le savez très bien – que la France tranquille n’accepte plus de passer à la caisse pour des minorités qui saccagent leur quartier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la Première ministre.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Monsieur le président Bruno Retailleau, face aux violences inexcusables qui ont touché plusieurs centaines de communes depuis une semaine, notre premier objectif a été le retour à l’ordre républicain.

Nous avons engagé des moyens exceptionnels et, grâce à la mobilisation rapide de l’État, grâce à l’action et au courage des forces de l’ordre et des sapeurs-pompiers, grâce à la mobilisation des élus locaux, notamment les maires, les violences connaissent depuis quelques jours une très forte décrue et la situation revient progressivement à la normale.

Face à la crise, nous avions un devoir d’unité. À cet égard, je veux saluer, monsieur le sénateur, l’attitude républicaine dont a fait preuve votre famille politique en dénonçant les violences et en appelant au calme.

M. Pierre Cuypers. C’est la moindre des choses !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre. Bien entendu, au-delà des réponses d’urgence, nous devons nous pencher sur les causes profondes de cette crise.

Sans procrastiner, il nous faudra prendre la mesure de la complexité de la réalité : un tiers des communes qui ont connu des violences n’ont pas de quartier prioritaire de la politique de la ville et la moitié des villes avec des grands ensembles où sont menées des opérations lourdes de rénovation urbaine n’ont pas connu de violences.

La quasi-totalité des près de six millions d’habitants des quartiers, qui sont les premières victimes de ces violences, expriment leur incompréhension et leur colère. J’ai pu le mesurer moi-même à Garges-lès-Gonesse, à Évry ou à Bezons. Ils aspirent à la sécurité, à des services publics de qualité, à être des acteurs de la République sans distinction d’origine, comme le garantit l’article 1er de notre Constitution.

Monsieur le président Retailleau, ensemble, nous devrons nous interroger sur le respect de l’autorité, sur l’exercice de l’autorité parentale, sur l’influence des réseaux sociaux, sur la désinhibition face à la violence, ou encore sur l’efficacité de nos politiques publiques.

Nous mènerons ces réflexions sans a priori, sans excès ni caricature, sans tabou ni bouc émissaire. Nous le ferons avec tous les élus qui veulent agir et partagent les valeurs de la République. C’est ensemble que nous trouverons des solutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour la réplique.

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, le temps nous est compté. Les causes, nous les connaissons, c’est la somme de tous nos renoncements, de tous les laisser-aller : la faillite de l’école ; la faillite de l’autorité parentale, le chaos migratoire, bien sûr (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.), enfin, le caractère souvent inadapté de la réponse pénale pour ce qui concerne les mineurs.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela fait trente ans que vous dites cela !

M. Bruno Retailleau. Madame la Première ministre, adoptez la politique du courage. Ayez le courage de traiter les causes, et non leurs seules conséquences par la politique du carnet de chèques. Le cas échéant, nous serons à vos côtés (Marques dimpatience sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST, où lon signale que le temps de parole de lorateur est écoulé.),…

M. le président. Il faut conclure !

M. Bruno Retailleau. … car, sans ce courage, les violences reviendront et la France brûlera de nouveau ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

politique de la ville de demain

M. le président. La parole est à Mme Amel Gacquerre, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Amel Gacquerre. Ma question s’adresse à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur le ministre, quand la violence augmente, la politique recule. Partout sur le territoire national, et singulièrement dans les quartiers, l’État a abandonné ou, en tout cas, mal assuré l’une de ses missions régaliennes : préserver la sécurité et la paix civile. Notre priorité est de rétablir cette politique, dont le succès conditionne la réussite de toutes les autres.

L’objectif de la politique de la ville est de restaurer l’égalité républicaine entre les quartiers. Malgré l’engagement remarquable des acteurs sur le terrain, notamment les élus locaux, force est de constater que cette promesse n’est plus tenue.

Le dernier plan élaboré en faveur des quartiers, celui de Jean-Louis Borloo, qui plaçait les habitants des quartiers au cœur de cette politique, a malheureusement été enterré dès sa présentation.

M. Bernard Jomier. C’est vrai !

Mme Amel Gacquerre. Depuis lors, on ne voit se dégager aucune stratégie. Certes, l’enveloppe de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) a augmenté, mais nous sommes dans le flou en ce qui concerne le plan Quartiers 2030, et le dernier comité interministériel des villes n’a accouché d’aucune annonce.

Il est urgent de faire preuve de courage politique et d’envisager enfin une politique de long terme ; cela manque cruellement à ce pays.

Pour cela, il faut commencer par regarder la vérité en face et par établir un état des lieux de la situation difficile dans laquelle se trouvent ces quartiers en matière d’éducation, d’emploi, de santé, de mobilité, de sécurité, de logement – autant d’éléments centraux dans l’intégration des plus fragiles.

Monsieur le ministre, à l’heure où ils concentrent toutes les inégalités, quelles sont vos intentions pour les quartiers prioritaires ? À court terme et concrètement, quid des contrats de ville pour la période 2024-2030 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Jacques Fernique et M. Bernard Jomier applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Gacquerre, tout d’abord, comme l’a relevé Olivier Klein précédemment, on ne peut pas se contenter de dire que des propositions ont été enterrées, sans examiner ce qui a été fait de manière concrète sur le sujet depuis quelques années.

À l’heure actuelle, quelque 350 000 élèves étudient dans des classes dédoublées dans ces quartiers et 200 cités éducatives ont été créées, de même qu’une plateforme pour les stages et des dispositifs pour lutter contre les discriminations ou les assignations à résidence. Concrètement, au-delà de l’augmentation des crédits de l’Anru de 5 milliards à 12 milliards d’euros, quelque 2,5 milliards d’euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance, et les crédits du programme 147, « Politique de la ville », ont augmenté de 30 %.

Tout en disant cela, j’ai pleinement conscience que, entre les montants que je cite et la réalité des chantiers qui ont commencé, il peut y avoir des écarts.

Par ailleurs, vous nous enjoignez d’être capables de répondre aux questions de sécurité. Or des projets de loi ont été votés à cet effet dans cette assemblée : l’un, défendu par Gérald Darmanin, prévoit le recrutement de 8 500 policiers supplémentaires ; l’autre, défendu par M. le garde des sceaux, prévoit des moyens supplémentaires pour la justice et le recrutement de 8 000 personnels supplémentaires. Ces textes viennent d’être votés, ils sont en cours de déploiement.

Alors que les 200 brigades de gendarmerie supplémentaires commencent tout juste à se déployer, il existe un décalage entre le constat et les annonces.

Vous l’avez dit, une réflexion est menée dans le cadre du plan Quartiers 2030. Je ne reprendrai ni les mots de Bruno Retailleau, ni ceux de la Première ministre, mais, sans m’élever au-dessus de ma condition (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.), j’utiliserai les miens : d’une certaine manière, c’est une chance que nous ayons pu mettre sur pause ce plan, pour nous poser la question précise du diagnostic avant de le finaliser.

En effet, je crois profondément, je vous le dis un peu en tant que ministre et beaucoup en tant qu’ancien maire d’une ville comptant sept quartiers prioritaires de la politique de la ville, que si nous signons des chèques et annonçons des plans avant d’aller au bout de l’analyse des causes, nous nous tromperons. Avant de lancer des plans qui vaudront pour des années, il nous faut être certains que nous engageons les moyens au bon endroit.

Tous ensemble, nous devons placer au cœur de nos réflexions les questions de l’école, de l’autorité, de la responsabilité parentale et de l’association de l’ensemble des acteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Salutations à une sénatrice

M. le président. Avant de lui donner la parole, je voudrais saluer celle qui est sénatrice de Paris depuis 2011 et qui a poursuivi, dans notre hémicycle et au sein de la commission des affaires économiques, l’investissement dans les questions de logement qui avait été le sien en tant que ministre de deux gouvernements : Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Je la remercie également de son engagement en tant que vice-présidente du Sénat. J’ai particulièrement apprécié de l’avoir à mes côtés et je salue son action de parlementaire. (Vifs applaudissements prolongés.)

réponse de l’état après la mort du jeune nahel

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la Première ministre, il est grand temps de prendre en compte l’exaspération de tous les Français, dont les causes sont multiples, mais sans doute avant tout sociales.

C’est également face au délitement et à l’impuissance de l’État républicain et de nos services publics que cette exaspération s’exprime avec force : impuissance à faire respecter les droits – le droit – et à assurer l’efficacité des services publics et leur présence partout, dans nos banlieues comme dans nos villages ; incapacité à faire progresser la promesse républicaine d’égalité et de justice, valeurs indispensables à la cohésion nationale. Voilà le résultat de la politique qui est menée depuis vingt ans !

Vous ne pouvez pas, comme vous l’avez fait après la crise des « gilets jaunes » ou le mouvement social contre la réforme des retraites, continuer comme avant.

La grande urgence – une urgence vitale – est de redonner force et efficacité à l’État républicain et à ses services publics. Cela suppose d’engager des moyens et de revaloriser les fonctionnaires, qui désespèrent de ne pouvoir correctement assurer leurs missions, et d’être à leur écoute.

Un exemple parmi tant d’autres est particulièrement d’actualité : l’éducation nationale. Qui ne voit aujourd’hui l’ampleur de la crise éducative que traverse notre pays ? Qui ne voit le rôle décisif de l’école publique, en particulier pour les 20 % de jeunes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté ?

Démissions massives, postes non pourvus au concours ou dans les classes… Vous ne voulez pas écouter les enseignants ! Vous faites croire que les problèmes sont en voie de résolution… Ce n’est absolument pas le cas !

Un grand plan de redressement des services publics s’impose, et vite ! Allez-vous, madame la Première ministre, l’engager dès cet été et l’inscrire dans le prochain budget ? Ne laissez pas la République en panne, agissez ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville et du logement.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, je me permets à mon tour de vous saluer. Vous êtes probablement la première ministre que j’ai rencontrée dans ma vie, alors que j’étais un jeune élu local, pour parler de copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois. Et même si c’était il y a longtemps, cette rencontre est restée gravée dans ma mémoire. (Sourires.)

Bien évidemment, la question des services publics dans les quartiers populaires est au cœur de notre réflexion. En témoignent la création des maisons France Services et celle des maisons de la justice et du droit. De même, nous avons agi sur l’éducation prioritaire : mise en place des cités éducatives, dédoublement des classes préparatoires, des CE1 et des grandes sections de maternelle…

De plus, le Président de la République a annoncé que, dans le cadre de Quartiers 2030, la scolarisation précoce dans les écoles des quartiers populaires serait mise en œuvre le plus rapidement possible et que des moyens supplémentaires seraient engagés pour les moyennes sections de maternelle. Ces sujets sont au cœur de nos priorités.

Les politiques publiques, vous le savez, madame la sénatrice, agissent dans nos quartiers, et c’est heureux. Où en serait-on si, depuis quarante ans, la politique de la ville n’avait pas fait son œuvre dans les quartiers populaires ?

Vous connaissez le travail formidable qu’accomplit l’Agence nationale pour la rénovation urbaine : 450 des 453 quartiers qui ont signé une convention Anru ont lancé des chantiers, dont 1 300 ont été livrés, parmi lesquels plus de cent écoles. De plus, l’Anru I a permis de livrer 500 écoles, pour concrétiser la priorité éducative dans nos quartiers.

Les Vacances apprenantes et les Quartiers d’été ont été lancés par le Gouvernement précédent. Désormais, un maire qui le souhaite et qui s’en donne les moyens peut faire partir de plus nombreux enfants dans des colonies de vacances, pour la moitié du prix pour lequel il le faisait auparavant.

Je puis vous assurer que cela fonctionne,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas dans toutes les villes !

M. Olivier Klein, ministre délégué. … pour y avoir recouru en tant que maire et pour avoir assisté à des activités dans plusieurs villes l’été dernier.

Mme Éliane Assassi. C’est faux !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Cela fonctionne quand les maires s’en donnent les moyens, madame la sénatrice Assassi.

Mme Sophie Primas. Cela fonctionne quand ils en ont les moyens !

M. Olivier Klein, ministre délégué. Les maires qui souhaitent recourir aux dispositifs de l’État le font. (MM. François Patriat et Alain Richard applaudissent.)

mort de nahel et violences urbaines

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre de l’intérieur, la République, comme la démocratie, est un régime fragile. Nous avons, au Parlement, voté des textes, souvent à votre demande, sur la sécurité et sur la justice, et vous en préparez de nouveaux sur l’immigration et l’intégration.

Avez-vous le sentiment, avec tout ce qui se passe en ce moment, que ces textes suffisent à conforter la démocratie et la République en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur et des outre-mer.

M. Gérald Darmanin, ministre de lintérieur et des outre-mer. Monsieur Karoutchi, je crois que, comme l’a dit la Première ministre en réponse à Bruno Retailleau, il faut essayer de comprendre ce qui s’est passé ces derniers jours.

Heureux sont ceux qui auraient des explications simples à fournir ! Quelque 4 000 personnes ont été interpellées, âgées en moyenne de 17 ans, parmi lesquelles un tiers de mineurs et moins de 10 % de personnes n’ayant pas la nationalité française. De plus, 60 % d’entre elles étaient inconnues des services de police, même pour un seul fait – usage de stupéfiants, refus d’obtempérer, etc. C’est le contraire de la délinquance habituelle.

Sur les 500 villes les plus concernées par la politique de la ville, plus de 150 n’ont pas connu d’échauffourées, alors qu’une centaine de villes qui ne comptent pas de quartier prioritaire de la politique de la ville en ont connu.

Monsieur Karoutchi, avant de répondre à votre question, si j’évite la politique politicienne et en considérant que nous devons travailler ensemble pour le bien de la République et pour le bien de notre nation, je crois qu’il faut savoir se poser quelque temps, après avoir totalement rétabli l’ordre public.

Depuis deux jours, les choses rentrent dans l’ordre, et j’en remercie les policiers, les gendarmes, les magistrats, les élus et tous ceux qui y contribuent. Mais il nous faut réfléchir, car, comme je l’ai lu dans une belle revue que je recevais lorsque j’étais adhérent au même mouvement politique que vous, « Au fond des victoires d’Alexandre, on retrouve toujours Aristote. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le ministre, Aristote n’est pas Platon ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je ne veux pas évoquer tous les sujets de fond, notamment l’échec de l’école et de la politique d’intégration, auxquelles je suis très attaché, pour des raisons multiples – nous aurons l’occasion d’y revenir.

Simplement, je le dis très tranquillement, avec l’expérience de mon département, mais aussi de tout le pays, lorsque cela va mal, lorsque nous sommes en crise, l’autorité de l’État et le rétablissement de la République reposent sur deux piliers, deux jambes : le tricolore des écharpes des élus locaux et le bleu de nos forces de l’ordre, de nos gendarmes, de nos policiers et de nos sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc applaudit également.)

Ce que nous vous demandons, ainsi qu’à la Première ministre, ce n’est pas de faire des miracles. Certes, il faut analyser les raisons de fond, mais on ne cesse de les citer depuis vingt ans ! Nous vous demandons de dire que l’on va restituer aux maires la politique locale, la politique du logement et de l’urbanisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

M. Roger Karoutchi. Nous vous demandons de dire que nous avons confiance dans nos forces de l’ordre et de ne pas tenir un discours alternatif ou du « en même temps ».

Vous devez incarner l’autorité de l’État. Sinon, il n’y aura plus de République ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

violences urbaines et responsabilité parentale

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Je souhaite partager avec mes collègues et les membres du Gouvernement le malaise que m’inspire, depuis quelques jours, le débat public.

Il y a une semaine, un jeune garçon a été tué par un policier, qui a ensuite été mis en examen pour homicide volontaire. Or, aujourd’hui, le procès qu’instruisent certains responsables politiques et les médias est celui des quartiers prioritaires et des parents qui y vivent. Nous assistons à une véritable manipulation fondée sur une part de mensonges et beaucoup d’ignorance, du moins je l’espère.

Non, les quartiers prioritaires ne sont pas inondés de subventions publiques payées par de bons Français méritants ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Ah bon ? sur des travées du groupe Les Républicains.)

Les habitants des quartiers populaires reçoivent 6 100 euros d’aides par habitant et par an, contre 6 800 euros pour les autres. Dans certains immeubles des quartiers prioritaires de la politique de la ville, 40 % des foyers sont monoparentaux. Les mères enchaînent deux ou trois boulots par jour, gardent les enfants des autres – les nôtres, souvent – et ne peuvent pas faire garder les leurs. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Vous voulez poursuivre les pères évaporés ? Je suis d’accord avec vous ! Utilisons ce qui existe, poursuivons-les pour abandon de famille, par exemple.

Dans les familles où les pères sont présents, vous intéressez-vous à la violence des enfants ? Intéressons-nous aussi aux violences que ces enfants ont subies chez eux, avec leur mère et leur père.

Madame la Première ministre, au lieu de laisser accuser les mères, je vous propose de les aider à survivre et à vivre. Soutenons leurs associations, écoutons-les, émancipons-les du clientélisme municipal. Misons sur les mères pour remettre les quartiers d’aplomb. Voilà le meilleur investissement que nous puissions faire ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Valérie Létard et M. Bernard Fialaire applaudissent également.)