Après l’article 5 tertricies
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2024
Article additionnel après l'article 5 tertricies - Amendement n° I-636

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° I-586 rectifié est présenté par MM. Szczurek, Hochart et Durox.

L’amendement n° I-908 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 5 tertricies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 117 quater est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

– le premier alinéa du 1 est complété par les mots : « , sous réserve des dispositions du 1° bis » ;

– il est ajouté un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 € et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre de l’année 2023 et de l’année 2024 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2018 et 2022 sont assujetties pour la part excédant 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et des rachats annuels à un prélèvement au taux de 17,8 %.

« Sont exclues du calcul mentionné au premier alinéa du présent 1 bis de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée.

« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417, est inférieur à 50 000 € pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et à 75 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l’article 242 quater. » ;

– au premier alinéa du 2, les mots : « au 1 » sont remplacés par les mots : « aux 1 et 1 bis » ;

b) À la première phrase du 1 du III, après la première occurrence de la référence : « 1 », sont insérés les mots : « et au premier alinéa du 1 bis » ;

2° Après le 2° ter de l’article 200 A, il est inséré un 2° … ainsi rédigé :

« 2° … Par dérogation au B du présent 1, le gain net au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code retiré par le bénéficiaire lors d’un rachat par une société émettrice de ses propres titres redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 € et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2023 et 2024 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2018 et 2022 sont assujetties pour la part excédant 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et des rachats annuels à un prélèvement au taux de 17,8 %.

« Sont exclues du calcul mentionné à l’alinéa précédent de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée. » ;

3° Le I de l’article 216 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au deuxième alinéa du présent I, la quote-part de frais et charges prévue au présent I est fixée pour les produits, crédit d’impôt compris, de participations perçus à raison d’une participation dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 € et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A au titre des années 2023 et 2024 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2018 et 2022 pour la part excédant 1,20 fois la moyenne à 10 %.

« Sont exclues du calcul mentionné à l’avant-dernier alinéa de la moyenne de la somme des revenus distribués et des rachats d’actions les années où cette somme est intérieure à trente points de pourcentage du résultat net de la société considérée. »

L’amendement n° I-586 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-908 rectifié.

M. Pascal Savoldelli. Le ministre Le Maire a estimé que la mesure que nous proposons par cet amendement était « profondément injuste ». Pourquoi ? « Elle touche les personnes physiques, par exemple un salarié qui a des actions » – je n’en connais pas beaucoup –, « et pas les personnes morales, comme les entreprises ou les holdings » – c’est donc là que les choses se réduisent considérablement.

Le dernier rapport de France Stratégie est très clair sur les ménages qui perçoivent des dividendes. Il ne s’agit pas des Français « en général », mais précisément de 0,1 % d’entre eux, soit 32 000 ménages, qui s’arrogent 62 % des plus de 37 milliards d’euros versés. Plus largement, 1 % des ménages, soit 400 000 ménages, s’arrogent, eux, 96 % des dividendes. C’est dire combien le premier argument ne tient pas.

Le second argument est également fallacieux, puisque les versements de dividendes aux personnes morales méritent également d’être taxés, mais représentent un montant inférieur à celui des dividendes accaparés par les plus riches de nos concitoyens. Les ménages perçoivent plus de 60 % des dividendes et les administrations publiques près de 10 %. Le reste, ce sont des sociétés financières qui les touchent.

Mes chers collègues, eu égard à ce qui a été décidé à l’Assemblée nationale, le Sénat se doit d’envoyer un signal fort, fût-il modeste, à nos concitoyens.

Mme la présidente. L’amendement n° I-2071 rectifié bis, présenté par MM. Lurel, Ouizille, Cozic, Kanner et Raynal, Mmes Blatrix Contat et Briquet, M. Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Jeansannetas, Mmes Artigalas, Bonnefoy, Brossel et Canalès, MM. Cardon, Chaillou et Chantrel, Mmes Conconne et Daniel, MM. Fichet et Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mme Linkenheld, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Montaugé, Mme Narassiguin, MM. Pla et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roiron, Ros, Stanzione, Temal, Tissot, M. Vallet, M. Weber, Ziane, Fagnen et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’article 5 tertricies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le I de l’article 117 quater est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : « sous réserve des dispositions du 1° bis » ;

b) Après le même 1, il est inséré un 1 bis ainsi rédigé :

« 1 bis. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du présent code qui bénéficient de revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis par les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code au titre des années 2023 et 2024 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties en 2024 à un prélèvement au taux de 17,8 %.

« Toutefois, les personnes physiques appartenant à un foyer fiscal dont le revenu fiscal de référence de l’avant-dernière année, tel que défini au 1° du IV de l’article 1417 du même code, est inférieur à 50 000 € pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et à 75 000 € pour les contribuables soumis à une imposition commune peuvent demander à être dispensées de ce prélèvement dans les conditions prévues à l’article 242 quater du même code » ;

c) Au premier alinéa du 2, les mots : « au 1 » sont remplacés par les mots : » aux 1 et 1 bis ».

2° À la première phrase du 1 du III du même article , après les mots : « du 1 », sont insérés les mots : « et au premier alinéa du 1 bis » ;

3° Après le 2 ter de l’article 200 A, il est inséré un 2 quater ainsi rédigé :

« 2 quater. Par dérogation au 1, le gain net au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code retiré par le bénéficiaire lors d’un rachat par une société émettrice de ses propres titres redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalise un chiffre d’affaires de plus de 750 000 000 euros et dont la somme des revenus distribués mentionnés aux articles 108 à 117 bis et des rachats par la société émettrice de ses propres titres au sens du 6 du II de l’article 150-0 A du présent code au titre des années 2023 et 2024 est supérieur à 1,20 fois la moyenne des revenus distribués et de ces rachats annuels entre 2017 et 2021 sont assujetties en 2024 à un prélèvement au taux de 17,8 %. »

II. – Les modifications des articles 117 quater et 200 A du code général des impôts résultant du I du présent article sont abrogées le 1er janvier 2025.

La parole est à M. Victorin Lurel.

M. Victorin Lurel. Notre collègue Savoldelli a fort bien exposé les arguments en faveur d’une taxation plus juste et d’une meilleure participation à l’effort commun.

Cet amendement devrait tous nous réunir, car il reprend une mesure proposée par la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale. Il me paraît être un très bon substitut.

Les superprofits restent à des niveaux élevés. Il s’agit donc de taxer les superdividendes et les super-rachats selon un calcul qui fait maintenant consensus. Lorsque ceux-ci dépassent 20 % sur les trois dernières années, il faudrait payer un peu plus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-908 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° I-2071 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5 tertricies - Amendements n° I-908 rectifié et n° I-2071 rectifié bis
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Article additionnel après l'article 5 tertricies - Amendement n° I-763 rectifié, n° I-914 rectifié et n° 1156 rectifié quater

Mme la présidente. L’amendement n° I-636, présenté par MM. Parigi, G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, M. Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5 tertricies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après le 1 bis de l’article 206 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1 …. Ne sont pas passibles de l’impôt sur les sociétés prévu au 1 les installations de production d’hydroélectricité d’une puissance inférieure ou égale à 10 mégawatts mentionnées au 1° de l’article L. 314-2 du code de l’énergie et ne bénéficiant pas déjà des dispositions de l’article 44 quaterdecies du code général des impôts. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La parole est à M. Paul Toussaint Parigi.

M. Paul Toussaint Parigi. L’objet de cet amendement est de renforcer les incitations à investir dans la petite hydroélectricité dans les zones non interconnectées, afin de limiter plus efficacement et plus rapidement les surcoûts de production.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je demande le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Toussaint Parigi, l’amendement n° I-636 est-il maintenu ?

M. Paul Toussaint Parigi. Non, je le retire, madame la présidente.

Article additionnel après l'article 5 tertricies - Amendement n° I-636
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Article additionnel après l'article 5 tertricies - Amendements n° I-1124 rectifié et n° I-2077 rectifié bis (début)

Mme la présidente. L’amendement n° I-636 est retiré.

Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° I-763 rectifié est présenté par M. Delcros et les membres du groupe Union Centriste.

L’amendement n° I-914 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 5 tertricies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section XX bis du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section…

« Taxe sur les programmes de rachats d’actions

« Art. 235 ter ZD… – I. – Une taxe s’applique à toute opération d’achat par la société émettrice de ses propres actions au sens du II de l’article L. 225-206 du code de commerce.

« II. – La taxe est assise sur la valeur d’acquisition des actions.

« III. – Le taux de la taxe est fixé à 2 %.

« IV. – La taxe est due par la société émettrice procédant au rachat de ses propres titres.

« V. – La taxe s’applique aux sociétés dont le siège social est situé en France, dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation selon le chapitre X du code de commerce et qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 500 000 000 €.

« VI. – La taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s’est produite l’opération d’achat de ses propres actions par la société émettrice.

« VII. – La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° I-763 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de mon collègue Bernard Delcros a été cosigné par l’ensemble des membres du groupe Union Centriste.

Afin d’améliorer le solde budgétaire et d’inciter les entreprises à adopter une allocation plus équilibrée de leur trésorerie entre rachats d’actions, versements de dividendes, mises en réserve, investissement et partage de la valeur, nous vous proposons de mettre en place une taxe sur les programmes de rachat d’actions.

Le taux serait fixé à 2 % du montant de l’opération et la taxe serait acquittée par les entreprises procédant aux rachats.

Seules les entreprises cotées dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 millions d’euros seraient soumises à cette taxe.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° I-914.

M. Pascal Savoldelli. La valeur des rachats d’actions a triplé en dix ans, pour atteindre un niveau inédit de 1 310 milliards de dollars en 2022.

Les grandes entreprises mondiales y consacrent désormais quasiment le même montant qu’aux dividendes. Ce phénomène similaire n’épargne ni l’Europe ni la France : sur le territoire national, 425 des plus grosses entreprises cotées ont racheté pour 161 milliards d’euros d’actions ; ce montant est de 27 milliards d’euros pour les sociétés cotées au SBF 120.

Cet amendement a donc pour objet de taxer à 2 % – il restera donc 98 % – les rachats d’actions auxquels procèdent les entreprises réalisant plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Monsieur le ministre, cela vous permettrait de générer au moins 3,2 milliards d’euros de recettes. Voilà donc une proposition responsable. Nous espérons donc a minima un avis de sagesse de la part du Gouvernement.

Mme la présidente. L’amendement n° I-1156 rectifié quater, présenté par Mme Guhl, MM. G. Blanc et Dossus, Mme Senée, MM. Benarroche, Dantec, Fernique, Gontard et Jadot, Mme de Marco, M. Mellouli, Mme Ollivier, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :

Après l’article 5 tertricies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – La section XX ter du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi rétablie :

« Section XX ter

« Taxe sur les programmes de rachats d’actions

« Art. 235 ter ZD ter. – I. – Une taxe s’applique à toute opération d’achat par la société émettrice de ses propres actions au sens du II de l’article L. 225-206 du code de commerce.

« II. – La taxe est assise sur la valeur d’acquisition des actions.

« III. – Le taux de la taxe est fixé à 1 %.

« IV. – La taxe est due par la société émettrice procédant au rachat de ses propres titres.

« V. – La taxe s’applique aux sociétés dont le siège social est situé en France, dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation selon le chapitre X du code de commerce et qui réalisent un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros.

« VI. – La taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s’est produite l’opération d’achat de ses propres actions par la société émettrice.

« VII. – La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes. »

La parole est à Mme Ghislaine Senée.

Mme Ghislaine Senée. Cet amendement de ma collègue Antoinette Guhl vise à mettre en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions dont le taux serait fixé à 1 % du montant de l’opération.

Les rachats d’actions, opérations par lesquelles les entreprises rachètent leurs propres actions sur le marché, ont considérablement augmenté en France et dans le monde ces dernières années. Le bilan de l’année 2022 est, à ce titre, exceptionnel : les rachats d’action ont presque doublé en un an, passant de 84 milliards d’euros en 2021 à 161 milliards d’euros en 2022, selon les données compilées par Exane BNP Paribas pour 425 sociétés membres de onze indices boursiers de référence.

Dans les faits, ces opérations servent en grande partie des objectifs de court terme – rémunérer les actionnaires en complément du versement de dividendes, soutenir le cours de la bourse, ou encore augmenter le bénéfice par action – et se font au détriment d’objectifs de long terme, en diminuant les ressources disponibles pour les investissements en recherche et développement, ou encore pour la formation des employés.

En octobre 2023, Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, rappelait d’ailleurs, au micro de BFM Business, que « quand une entreprise a de quoi racheter des actions », elle a les moyens « de rouvrir les accords d’intéressement et de participation et de donner plus aux salariés ».

Par conséquent, monsieur le ministre, vous ne vous opposerez certainement pas à ce que, afin d’inciter les entreprises à adopter une allocation plus équilibrée de leur trésorerie entre rachats d’actions, versements de dividendes, mises en réserve, investissement et partage de la valeur, soit mise en place une taxe sur les programmes de rachats d’actions à un taux de 1 % du montant de l’opération.

Cette taxe serait payée par les entreprises procédant à ces rachats. Seules les entreprises cotées dont le chiffre d’affaires excéderait 1 milliard d’euros seraient concernées par cette taxe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Merci de votre confiance, monsieur le rapporteur général ! (Sourires.)

Certes, il peut y avoir des comportements excessifs en matière de rachat d’actions. Quel objectif visons-nous ? Tout de suite, chez certains, le réflexe de la taxe surgit pour remplir les caisses de l’État. Mais le Gouvernement n’a pas pris le problème sous cet angle. Notre souci est avant tout le partage de la valeur. Les rachats d’actions se font-ils au détriment des salariés et du partage de la valeur ?

Mieux vaudrait, selon moi, concentrer notre action sur la répartition de la valeur au sein de l’entreprise plutôt que de se dire : « Voilà un objet nouveau à taxer ! » En cas de rachat d’actions avec annulation, l’article 5 tertricies, que vous avez, hélas ! supprimé il y a quelques minutes, prévoyait justement le partage obligatoire des bénéfices avec les salariés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. C’est dans le projet de loi sur le partage de la valeur !

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est plus direct qu’une taxe. Voilà la disposition que je défends, car elle permet aux salariés d’en bénéficier directement.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est par conséquent l’avis de la commission ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Grégory Blanc, pour explication de vote.

M. Grégory Blanc. Je ne comprends pas bien votre réponse, monsieur le ministre. Pourquoi assistons-nous à cette vague importante de rachats d’actions ? On est passé d’environ 9 milliards d’euros en 2017 à quasiment 30 milliards aujourd’hui.

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. C’est la mode…

M. Grégory Blanc. C’est sans doute un peu dû au « quoi qu’il en coûte », mais surtout au fait que les banques centrales ont injecté de manière massive des liquidités au cours des quinze dernières années, et encore plus pendant la période récente. Certaines entreprises disposent aujourd’hui dans leurs coffres de liquidités massives, mais ne s’en servent pas pour investir. Une TPE ou une PME ne procède pas à des rachats d’actions. Pourquoi ? Parce qu’elle a besoin de maintenir son capital social afin de garantir ses emprunts auprès des banques.

Ce sont les entreprises cotées qui procèdent à des rachats d’actions. Est-il moral que l’État, après avoir œuvré pour ces entreprises, puisse récupérer une partie de cette somme ? Oui !

Taxer à hauteur de 1 % ou de 2 % ces entreprises, dans ce moment conjoncturel où elles ont ces liquidités en stock, les empêchera-t-il de procéder à des rachats d’actions ? Non !

En revanche, cette imposition serait utile pour les caisses de l’État. Elle permettrait notamment de financer les investissements dont nous avons tant besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Cozic, pour explication de vote.

M. Thierry Cozic. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutiendra l’ensemble de ces amendements.

Cela fait quelques semaines que la commission des finances étudie ce texte. La majorité sénatoriale n’arrête pas de dénoncer les déficits ; c’est un de ses totems. Or nous tenons là une occasion d’avoir de nouvelles recettes complémentaires pour le budget de l’État. Il est également important que chacun participe à l’effort national. Vous avez parlé, monsieur le ministre, de comportements excessifs. Ces amendements nous offrent l’occasion d’améliorer le déficit budgétaire en taxant ce type de comportements.

Je profite de cette intervention pour rappeler que ce week-end est celui de la collecte nationale de la Banque alimentaire. On a pu souligner, notamment dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion, que les problèmes étaient réels, avec un nombre de bénéficiaires de plus en plus important. Ces populations en difficulté ne comprennent plus que l’État continue à soutenir ces comportements excessifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.

M. Thomas Dossus. Depuis le début de nos échanges, monsieur le ministre, notamment au mois de septembre, au moment des dialogues de Bercy, vous nous dites qu’il est possible de travailler tous ensemble sur les rachats d’actions. Ne vous braquez pas si le Sénat a supprimé le dispositif qui avait votre préférence !

Nous avons là un amendement du groupe Union Centriste, un amendement du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky et un amendement du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. Avançons vers un compromis parlementaire, en cohérence avec les propos du Président de la République qui dénonçait le rachat de leurs propres actions par les entreprises réalisant des profits exceptionnels. Vous aviez envie de faire un pas vers le Parlement, nous vous en offrons aujourd’hui l’occasion. Nous voterons donc, sans exception, ces amendements.