M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos.

Mme Laure Darcos. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020 a suscité la consternation des parents d’enfants en situation de handicap.

Comment, à l’heure où l’école inclusive est devenue une réalité tangible, peut-on refuser à un enfant handicapé le bénéfice d’un AESH lors de la pause du déjeuner ?

Comment ne pas être indigné d’une telle rupture de l’accompagnement, au seul motif que la pause méridienne n’est pas considérée comme du temps scolaire ?

Dans l’urgence, les familles ont dû s’organiser et, parfois, mettre leur vie professionnelle entre parenthèses.

Les collectivités territoriales ont été placées dans une situation intenable, avec le devoir moral de trouver des solutions pour que ces enfants fragiles n’aient pas à supporter le poids d’une décision, certes fondée juridiquement, mais humainement inacceptable.

Plusieurs communes de mon département, l’Essonne, ont ainsi dû se résoudre à prendre financièrement en charge l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps de la pause méridienne : une charge supplémentaire bien malvenue à l’heure où elles se débattent dans des difficultés sans nom pour équilibrer leur budget et garantir la qualité et la pérennité de leurs services.

Certains établissements scolaires, ceux de l’enseignement privé sous contrat, ont dû prendre la responsabilité de trouver les financements nécessaires ou de laisser les familles assumer un coût bien trop lourd pour elles.

Il ne faut pas oublier les AESH, qui constituent un capital humain fort précieux ; leurs emplois du temps et leurs conditions de travail, tellement difficiles et si peu reconnues, ont été bouleversés au sein des Pial.

La proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, à laquelle je me suis bien entendu associée, est donc particulièrement bienvenue. Son adoption assurera la continuité de la prise en charge des enfants handicapés.

Sur 478 000 élèves scolarisés en milieu ordinaire à la rentrée 2023, entre 20 000 et 25 000 ont besoin d’un accompagnement humain durant le temps périscolaire.

Ce texte met fin à la pluralité d’employeurs, qui est devenue la règle pour les AESH. Il renforce le droit des enfants en situation de handicap à un parcours continu et adapté en milieu ordinaire, dans l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Il met fin, surtout, à une forme de mesquinerie – celle qui découle de la décision du Conseil d’État, non de l’action du Gouvernement, madame la ministre ! –, en prévoyant que la solidarité nationale incombe à l’État et qu’il lui appartient, en conséquence, de financer l’intégralité du salaire de l’AESH, quelle que soit la nature – scolaire ou périscolaire – des activités durant lesquelles ce dernier intervient.

Alors qu’il finance actuellement 86 500 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT), je ne doute pas un instant qu’il soit capable de rémunérer l’intervention des AESH auprès des enfants concernés durant le temps méridien.

J’ajoute que cette proposition de loi traduit l’une des recommandations issues du rapport d’information de la commission de la culture, Modalités de gestion des AESH pour une école inclusive.

Enfin, je ne voudrais pas conclure sans indiquer qu’une réflexion globale sur l’accompagnement du handicap à l’école est nécessaire.

L’école inclusive, nous le savons, est au bord de la rupture. Nous avons certes beaucoup progressé sur le chemin de l’égalité, l’abolition des discriminations et la banalisation du handicap. Notre regard sur ce dernier a changé, et nous voyons bien que les différences s’estompent dans les consciences.

Toutefois, si l’inclusion en milieu ordinaire est acquise, les injonctions et les incantations ne sont pas bonnes conseillères. Nous devons imaginer dès aujourd’hui l’école inclusive de demain.

L’école ne peut pas accueillir tous les handicaps, et nous avons le devoir moral d’accélérer les créations de place dans les établissements médico-sociaux, notamment dans les IME.

Il nous faudra également, très vite, mener une réforme structurelle des conditions d’emploi et de travail des AESH. Nous sommes en effet bien conscients que la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation ne peut s’envisager que comme une première étape et qu’un acte II de l’école inclusive est indispensable.

C’est donc avec conviction que le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte, qui est essentiel, non seulement sur le plan juridique, mais aussi et surtout sur le plan humain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Annick Billon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’éducation nationale croule sous les sujets importants, qui sont tous plus urgents les uns que les autres.

Je tiens donc à saluer nos collègues qui ont réalisé un travail d’ampleur sur cette proposition de loi : son auteur, Cédric Vial, et notre rapporteure, Anne Ventalon, que je remercie de la qualité et du nombre des auditions que nous avons pu mener.

Quel est le constat ? Depuis la loi pour l’égalité des chances, promulguée voilà dix-huit ans, la question de la prise en charge des élèves par les AESH sur le temps méridien et périscolaire n’a jamais été traitée de façon satisfaisante et définitive.

L’arrêt du Conseil d’État du 20 novembre 2020 dispense l’État de prendre en charge l’accompagnement des élèves sur le temps périscolaire. Depuis trois ans, il incombe donc aux collectivités territoriales de supporter financièrement le coût des AESH mobilisés sur le temps méridien.

D’après la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco), entre 20 000 et 25 000 élèves en situation de handicap seraient concernés par un dispositif d’accompagnement durant la pause méridienne. À la suite de la décision du Conseil d’État, ces élèves, leurs familles et leurs établissements scolaires sont en grande difficulté. Des dizaines d’enfants, d’ailleurs, ont été déscolarisés.

Le recrutement des AESH est complexe. La circulaire du 4 janvier 2023, qui rappelle les trois types de conventionnement possibles, ne remédie pas à leur lourdeur administrative.

En conséquence, dans le premier et le second degré, les parents et les établissements doivent mettre en œuvre des solutions souvent bricolées.

Les difficultés de financement par les collectivités territoriales varient d’un département à l’autre. Dans sept régions, aucune prise en charge effective des élèves pendant la pause méridienne dans le second degré n’est prévue.

Au cours des auditions, nous avons également constaté les inégalités entre les établissements publics et les établissements privés sous contrat. Dans ces derniers, la seule solution pour financer les AESH pendant le temps périscolaire est souvent de faire payer les familles. Que leurs enfants soient dans le public ou dans le privé, les parents qui embauchent eux-mêmes un accompagnant pour la pause méridienne doivent débourser 400 euros.

Toutes les familles n’ont pas la possibilité de dépenser un tel montant. En Loire-Atlantique, une mère a ainsi lancé un appel au secours dans les médias après avoir dû arrêter de travailler pour pouvoir déjeuner avec son enfant dans sa voiture… À l’heure de l’école inclusive, une telle situation est inconcevable !

Une autre conséquence inacceptable de la décision du Conseil d’État est la mise en danger des enfants.

La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté a donné aux collectivités territoriales la possibilité de consulter le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles et violentes (Fijais). Or les parents qui embauchent un AESH, en utilisant par exemple le chèque emploi service universel (Cesu), n’ont évidemment pas la possibilité de consulter et de procéder à ces vérifications.

Pour toutes ces raisons, des familles sont contraintes de renoncer à leurs droits.

Bien que l’on ne dispose pas de données chiffrées consolidées, comme cela a souvent été répété au cours de nos auditions, il est apparu durant ces dernières que le nombre des non-recours est supérieur à celui des demandes d’embauche.

Depuis trois ans, tous les acteurs attendent une solution pour clarifier et sécuriser la prise en charge des élèves. C’est donc avec enthousiasme que je salue la proposition de loi de notre collègue Cédric Vial, qui entend remédier à ces difficultés, en apportant une première réponse.

Pour ce qui concerne le personnel, le rapport d’information sénatorial sur les modalités de gestion des AESH indique que 288 000 élèves en situation de handicap ont besoin d’un accompagnement : 140 000 AESH devraient en effet exercer à la fin de l’année 2024, soit environ un pour deux élèves.

Néanmoins, deux points sont à prendre en considération : d’une part, les AESH ne sont pas répartis de façon égale sur le territoire ; d’autre part, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés continue d’augmenter chaque année, comme vous l’avez souligné, madame la ministre.

Je rappelle que l’on compte en moyenne deux à trois contrats d’AESH par élève, pour couvrir le temps scolaire, le temps périscolaire et le temps méridien. La qualité de cet accompagnement, fortement saccadé, n’est assurément pas optimale.

Je m’interroge par ailleurs sur le temps de travail. Légalement, l’employeur a l’obligation d’accorder au salarié un temps de pause à l’occasion du déjeuner. Qu’en sera-t-il pour un AESH travaillant sans discontinuer entre huit heures et dix-huit heures, en enchaînant le suivi en classe et l’accompagnement de la pause méridienne ?

Je tiens enfin à souligner que ce métier, qui est exercé à 93 % par des femmes, demeure précaire et peu attractif.

Les travaux parlementaires ont permis d’apporter une première amélioration grâce à l’adoption, en 2022, de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (AED). Celle-ci constitue un premier pas qui en appelle d’autres, à l’image, par exemple, de la récente augmentation, le 1er septembre 2023, de la prise en charge des frais de transport. Il s’agit d’une mesure positive, mais je déplore le manque de solutions pérennes pour les AESH et les AED exerçant milieu rural, qui sont lésés par ces dispositifs.

Je m’interroge également sur la formation. Accompagner un élève durant le temps méridien ne requiert probablement pas les mêmes compétences que pour suivre son apprentissage en classe. La formation initiale de soixante heures mérite d’être musclée.

Le sujet de la formation est d’autant plus important que le Gouvernement entend fusionner les métiers d’AESH et d’AED pour créer le métier d’accompagnement à la réussite éducative.

L’accompagnement des élèves en situation de handicap est un métier à part entière, tout comme celui de l’animation durant les temps périscolaires. Les missions des uns et des autres ne peuvent pas forcément fusionner ni être interchangeables.

En conclusion, ce texte apporte une première amélioration incontestable et nécessaire. Une réflexion devra être menée sur le temps périscolaire dans sa globalité. Je suis convaincue que le renforcement et le développement de l’école inclusive passent par l’attractivité et la stabilité de la loi.

Dans certains départements, les chiffres sont déjà encourageants. En Vendée, 90 % des enfants ayant fait l’objet d’une notification de la MDPH seraient accompagnés, selon la directrice académique des services de l’éducation nationale (Dasen). Mais, comme l’a souligné Michel Canévet, le coût est important : il s’élève à 500 000 euros pour le département du Finistère, rien que pour les écoles publiques. On comprend aisément que tous les départements n’en aient pas les moyens !

Nous ne devons pas détruire les fondations déjà construites ; il convient au contraire d’y ajouter de nouvelles briques. Nous avions voté contre l’article 53 du projet de loi de finances, qui visait à transformer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) en pôles d’appui à la scolarité (PAS).

M. Max Brisson. Très bon rappel ! (Sourires.)

Mme Annick Billon. Je me réjouis que cet article ait finalement été censuré par le Conseil constitutionnel. Nous devrons poursuivre nos travaux, tout en restant à l’écoute des acteurs du terrain.

Je déplore – permettez-moi cette impertinence, madame la ministre – que Mme la ministre Oudéa-Castéra ne soit pas présente parmi nous, alors qu’il s’agit du premier texte relatif à l’éducation nationale que nous examinons depuis sa nomination.

M. Max Brisson. Très bien !

Mme Annick Billon. L’éducation nationale a besoin d’une ministre et d’un ministère pleinement engagés et entièrement mobilisés.

Qu’elle ait délégué la discussion d’un texte sur l’éducation à vous, madame la ministre de la santé et du travail, est bien la preuve que l’école est malade.

En conclusion, le groupe Union Centriste votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – M. Bernard Fialaire et Mme Laure Darcos applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco.

Mme Monique de Marco. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant même la création d’un ministère éléphantesque de l’éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, ainsi que les rebondissements successifs de l’affaire de l’établissement Stanislas, la majorité présidentielle avait déjà essuyé un échec concernant l’éducation nationale.

Je pense à la tentative de réforme de l’école inclusive et à la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre dernier sur la loi de finances pour 2024. Par cette décision, les sages ont censuré l’article 53 de la loi, dont l’objet était de remplacer les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) par des pôles d’appui à la scolarité (PAS).

Nous l’avions tous dit à votre prédécesseur, madame la ministre, sur toutes les travées de cette assemblée : cette réforme était dépourvue de lien direct avec l’objet de la loi de finances. Elle aurait nécessité un projet de loi à part entière, une étude d’impact spécifique ; il aurait fallu que les parlementaires puissent mener des auditions. Mais l’article a été réintroduit par le Gouvernement par le biais du 49.3 à l’Assemblée nationale…

Quelle est la situation aujourd’hui ?

Dans tous les territoires, la mise en œuvre chaotique de l’école inclusive a suscité d’énormes frustrations : frustration des enseignants, qui sont privés d’une formation approfondie qui leur permettrait d’acquérir les outils pédagogiques nécessaires pour accueillir en classe des élèves ayant un besoin éducatif particulier ; frustration des parents d’élèves, qui constatent les difficultés à faire respecter les décisions de relatives aux besoins d’accompagnement des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ; frustration des collectivités territoriales, qui se sont vues obligées, par une décision du Conseil d’État, de prendre en charge cette politique nationale depuis 2020 ; et, bien sûr, frustration des accompagnantes et des accompagnants, qui sont recrutés dans des conditions extrêmement précaires, même si une loi d’origine parlementaire a apporté, en 2022, quelques améliorations à leur statut, pour leur permettre d’obtenir plus rapidement un CDI.

Des progrès restent à faire. À la rentrée dernière, seulement un accompagnant sur deux était protégé par un contrat à durée indéterminée.

Ce métier, qui est devenu le deuxième de l’éducation nationale, ne dispose pas de statut. Les emplois ne donnent souvent pas lieu à une fiche de poste. Une formation spécifique et une revalorisation des taux horaires seraient nécessaires.

Dans certaines collectivités, des élus ont pris le sujet à bras-le-corps et proposent aujourd’hui des formations et de meilleures rémunérations pour cette mission d’accompagnement humain.

On peut ainsi résumer les choses : en matière d’école inclusive, le Gouvernement a lancé de grandes idées en l’air, et nous, parlementaires, devons recoller les morceaux !

C’est ce que nous faisons avec cette proposition de loi de Cédric Vial et du groupe Les Républicains, qui vise à pallier les incertitudes d’un système de financement flou concernant l’accompagnement durant le temps périscolaire.

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un problème de pilotage de la politique d’inclusion ni que les moyens humains soient surabondants. Au contraire, les besoins nécessaires à la mise en œuvre de cette politique ont été, dès sa conception, sous-estimés. Or ils sont essentiellement humains, dans la mesure où il s’agit de politiques éducatives.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le Gouvernement tente de faire supporter le coût de son orthodoxie budgétaire aux collectivités territoriales. Or celles-ci n’ont pas à porter la responsabilité d’une politique nationale ni, encore moins, à se voir imposer des compétences nouvelles par un ministre qui contractualise avec les écoles catholiques. N’était-ce pas le sens du protocole d’accord sur la mixité signée en mai 2023 ?

Les collectivités doivent, en revanche, garder la liberté de participer à l’amélioration des conditions de travail des accompagnants et des accompagnantes. Nous avions déposé des amendements dans ce sens.

En dépit de cette réserve, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour ce texte.

M. le président. La parole est à M. Christian Bruyen. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Christian Bruyen. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Cédric Vial est de bon sens. Elle s’impose même, tant les conséquences négatives de la décision du Conseil d’État sont de plus en plus perceptibles, graves, voire inacceptables.

Il faut en effet souligner qu’il existe localement des inégalités d’accompagnement, en raison de l’absence, plus ou moins prononcée, de capacité à gérer ces situations, notamment, mais pas seulement, sur le plan budgétaire. Il est nécessaire de revenir à un dispositif dans lequel l’État témoignera de sa sincère volonté de considérer les collectivités locales comme des partenaires, en tenant compte de leurs difficultés, particulièrement dans la ruralité.

L’examen de cette proposition de loi ne constitue qu’un début. Elle ne réglera pas tout et elle nous invite au contraire à réfléchir au plus vite, comme on l’attend de nous, à l’évolution du statut et des conditions de travail des AESH, pour rendre leur métier plus attractif ou pour renforcer leur formation, par exemple en matière d’aide au repas, qu’il convient d’appréhender, dans certains cas, sous un angle presque médical. Nous devons aussi nous intéresser à nombre d’autres sujets relatifs à l’école inclusive dans sa globalité.

En ce qui concerne la pause méridienne, particulièrement pour ces enfants qui ont un handicap, les acteurs de l’éducation sur le terrain affirment qu’elle fait bien partie intégrante de la scolarité dans un système qui se veut inclusif.

Depuis septembre 2020, certaines collectivités ont adopté des conventions, lorsqu’elles disposent de l’ingénierie permettant de recourir à cette formule. Mais comme l’a souligné notre rapporteure, Anne Ventalon, l’expérience montre que cette solution peut faire peser un vrai risque sur les élus locaux, car le transfert de l’autorité de gestion peut entraîner celui de la responsabilité en cas d’accident.

Oui, depuis 2020, progressivement, la situation devient anxiogène.

L’angoisse pèse sur les familles : celles-ci n’activent pas toujours la possibilité offerte par la notification de la MDPH de bénéficier de l’accompagnement d’un AESH durant le temps méridien, tant elles mesurent que l’équation est impossible à résoudre pour leur commune.

L’angoisse pèse aussi sur les élus locaux : il est bien douloureux pour eux de ne pas pouvoir participer à cet élan pour une école plus inclusive. Reconnaissons toutefois qu’ils apportent déjà une part importante et essentielle dans cette perspective, lorsqu’ils engagent de lourds travaux pour améliorer l’accessibilité des établissements.

L’angoisse pèse enfin sur les enfants eux-mêmes : déjà fragilisés, ils ne peuvent pas comprendre le mécanisme qui leur interdit de bénéficier de ce qui pourrait sensiblement améliorer leur bien-être.

C’est bien pourquoi il convient que l’État joue le rôle d’un facilitateur, pour que ces enfants, qui sont trop souvent en souffrance, bénéficient d’un accompagnement à la hauteur de la belle ambition d’une école toujours plus inclusive.

En ce qui concerne l’aspect budgétaire, qui est au cœur du problème, je veux aussi souligner que cette dépense ne peut ni ne doit incomber aux départements par le biais de la prestation de compensation du handicap (PCH).

Elle ne peut leur incomber, parce que, au-delà de l’aide à l’enfant dans les gestes du quotidien, qui correspond, c’est vrai, aux raisons d’être de la PCH, c’est bien plus d’éducation qu’il est question, au même titre que pour l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).

Elle ne doit pas leur incomber, dans la mesure où les enfants qui bénéficient de l’aide d’un AESH ne remplissent pas tous les critères d’admission à la PCH. En outre, cette dernière ne constitue pas une aide pour le domicile.

Enfin, si la compensation aux départements des dépenses relatives aux allocations individuelles de solidarité (AIS) est globalement très insuffisante, c’est dans le domaine du handicap qu’elle est la plus basse, de l’ordre de 30 % seulement.

Cette charge ne relève donc pas des départements. On pourra juger que mon alerte est sans fondement, mais je sais d’expérience qu’il sera important de rester, dans la durée, très vigilant sur ce point.

J’en reviens à l’essentiel, pour réaffirmer qu’il est impératif de corriger une approche que l’on peut qualifier de négative sur ce sujet fondamental, celui de la constitution d’un parcours scolaire véritablement inclusif. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions. – Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Else Joseph. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons un texte important. Il peut sembler convenu au regard de son contenu, mais il est essentiel au regard du nombre, qui ne cesse d’augmenter, des élèves en situation de handicap qui sont scolarisés.

Cette proposition de loi est bienvenue pour les familles, les professionnels, les accompagnants des élèves en situation de handicap et les collectivités locales, bref pour la société dans son ensemble.

Ce texte est destiné à apporter une avancée capitale dans la vie scolaire.

Le handicap reste évidemment une épreuve. Je veux saluer toutes les familles où un ou plusieurs enfants sont en situation de handicap : elles font beaucoup d’efforts et déploient des sacrifices considérables dans leur vie. Il appartient à notre société de les aider et de les accompagner. Cet investissement humain fait honneur à l’exigence d’humanité qui continue à nous habiter.

Le handicap est, en effet, un domaine où la solidarité nationale est naturellement appelée à s’exercer. Il revient à l’État d’appuyer celles et ceux qui sont confrontés à cette situation, car ce sont des charges et des exigences qui excèdent celles d’une vie ordinaire.

Dans une décision du 20 novembre 2020, le Conseil d’État a estimé que le financement des emplois relatifs à l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps méridien ne relevait pas de la responsabilité de l’éducation nationale.

Cette jurisprudence a eu pour conséquence de compliquer la vie des parents, mais aussi celle des collectivités locales, qui se sont retrouvées confrontées à la nécessité d’assurer ce financement. Elle a aussi entraîné des ruptures dans les parcours de ces jeunes.

Les collectivités locales ont dû intervenir financièrement, alors que leurs ressources sont déjà limitées et qu’elles sont abondamment sollicitées, comme on l’a encore vu récemment.

Il s’agit donc d’un goulot d’étranglement supplémentaire. Et je ne parle pas des modalités d’application, qui varient selon les écoles : certaines doivent en effet supporter des charges plus lourdes que d’autres. Finalement, cette inégalité pèse sur des milliers de familles en plein désarroi.

Je veux rappeler les difficultés de nos collectivités locales, sur lesquelles on se décharge un peu trop facilement quand il s’agit du soin, de la santé ou de l’accompagnement.

Je n’oublie pas les problèmes que cela suscite dans la pratique, notamment, mais pas seulement, pour les établissements privés sous contrat : il faut réorganiser les emplois du temps, faire appel à des volontaires, gérer de multiples contrats de travail, tandis que la multiplication du nombre des accompagnants, parfois pour un même élève, est source d’inconfort et d’angoisse pour les enfants.

Pour cette raison, je me réjouis que soit reconnu, dans le code de l’éducation, le principe de la rémunération à la charge de l’État du personnel affecté à l’accompagnement des élèves en situation de handicap sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne.

Je me réjouis aussi pour les accompagnants, qui seront rémunérés sur le temps scolaire et sur le temps de la pause méridienne. C’est aussi une clarification importante pour les familles.

La proposition de loi apporte ainsi une clarification, qui s’inscrit dans l’esprit de la loi sur le handicap du 11 février 2005 – je salue, à cet égard, le travail de Philippe Bas, qui était, à l’époque, ministre des affaires sociales. En effet, ce texte majeur mettait à la charge de l’État l’organisation de la scolarisation des élèves en milieu ordinaire.

Or la jurisprudence du Conseil d’État crée une certaine dissonance dans ce cadre cohérent. Il nous importait de la corriger.

Je ne jette pas la pierre au juge administratif – il a voulu appliquer le droit existant –, mais cette affaire est l’occasion de rappeler que c’est au législateur, parce qu’il a la légitimité pour s’exprimer au nom des citoyens, qu’il revient d’agir pour corriger les effets d’une jurisprudence problématique. Voilà peut-être une démarche que nous serons appelés à renouveler, lorsque des décisions de justice nous paraîtront insatisfaisantes ou inadaptées. (Mme Frédérique Puissat acquiesce.)

Je rends hommage également à la commission de la culture, qui a joué son rôle. Elle a signalé le problème et rappelé les complications soulevées par notre cadre législatif, dont l’effet est de compromettre l’exercice des missions de l’État.

Je salue à cet égard mon collègue Cédric Vial, qui, dans son rapport du 3 mai 2023, avait rappelé la difficulté pour l’éducation nationale de répondre aux enjeux liés à la massification de l’aide humaine et à l’accessibilité de nos écoles. Ces dernières doivent être inclusives, dans le bon sens du terme.

Ce constat a débouché sur une proposition de loi qui a été largement cosignée, ce qui montre une nouvelle fois que le Sénat est la chambre des territoires et qu’il peut relayer avec réactivité les demandes de nos concitoyens, en l’occurrence celles des parents en difficulté. Notre assemblée n’est pas une maison opaque dont les sujets de préoccupation seraient déconnectés de ceux des Français.

Je remercie Anne Ventalon de son travail au sein de notre commission. Elle a défendu le texte qui nous est soumis et que nous avons adopté à l’unanimité.

Mes chers collègues, la problématique en jeu n’est pas seulement financière ou matérielle : elle touche à l’humain, à la place que nous accordons aux plus fragiles. C’est au fond une part de nous-mêmes qui révèle ce que nous sommes.

Comment ne pas se souvenir des propos du général de Gaulle à l’égard de sa fille, qui était atteinte de trisomie ? « Anne m’a aidé à dépasser tous les échecs et tous les hommes », disait-il. Le fondateur de nos institutions nous rappelle ainsi que la Ve République, c’est aussi ce devoir permanent d’humanité.

Ce texte, qui fait consensus, constitue un pas important. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi quau banc des commissions. – M. Ludovic Haye applaudit également.)