M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous penchons de nouveau aujourd’hui sur les principes fixés par la loi organique du 5 juillet 2019 relative à la répartition des compétences et au régime d’applicabilité du droit domanial en Polynésie française.

Cette fois-ci, il est question de l’ordonnance du 24 mai 2023 qui consolide les principes émis par la loi organique en modifiant le code général de la propriété des personnes publiques.

Avant toute chose, je tiens à saluer le travail dense, riche et efficace du Parlement qui a scellé, par la loi organique de 2019, un pacte de confiance entre l’Hexagone et les collectivités d’outre-mer. Ce travail a été rendu possible grâce aux efforts de coopération entre notre assemblée et le gouvernement de l’époque, par l’entremise d’Annick Girardin, alors ministre des outre-mer.

L’ordonnance du 24 mai 2023, très attendue par les Polynésiens, tend à clarifier le régime du droit domanial de la Polynésie française, ce lointain et magnifique territoire aux indiscutables spécificités géographiques et géologiques avec ses 118 îles volcaniques et coralliennes. Ces caractéristiques appellent naturellement à la mise en place d’un régime juridique exigeant, qui permette aux usagers de mieux s’en prévaloir.

Ce texte met donc fin au régime de spécialité législative qui prévalait pour l’application des dispositions relatives au domaine public des établissements de l’État. Il aligne enfin le régime polynésien sur celui de l’applicabilité de plein droit pour ce qui relève du domaine public de l’État.

Pour ce territoire, qui s’étend sur une superficie comparable à celle de l’Europe, une telle clarification était nécessaire. La multiplicité des régimes applicables rendait le droit patrimonial illisible.

Le groupe RDSE appelle toutefois à la prudence, car il ne faudrait pas dénaturer le caractère sacré du rapport entre le Polynésien et sa terre. Avant d’être une simple propriété foncière, il est avant tout un symbole affectif, social et culturel.

Pour concilier ces exigences culturelles avec les spécificités de l’archipel, nous appelons le Gouvernement à se saisir de nouveau du projet de codification du régime de la propriété publique en Polynésie, abandonné en 2011. Le groupe RDSE s’est toujours prononcé en faveur de tels projets de codification.

J’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à se remémorer le travail réalisé par notre collègue Nathalie Delattre lors de l’examen de la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit applicable aux collectivités territoriales ; cette démarche visait à améliorer la clarté et l’intelligibilité du droit au sein des collectivités.

Parce qu’il répond aux mêmes exigences, nous voterons unanimement en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton. (M. le rapporteur applaudit.)

Mme Nicole Duranton. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de ratification de l’ordonnance du 24 mai 2023 est marqué du sceau de la clarification et de la cohérence.

Je salue l’excellent travail de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois, qui s’est beaucoup impliqué sur ce texte.

Avant 2019, de multiples régimes applicables et différentes catégories de domaines rendaient le droit domanial applicable à la Polynésie française illisible.

Le Parlement a voté la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française pour remédier à cette situation.

Ce texte harmonise les règles applicables aux collectivités d’outre-mer et délègue à l’État la compétence en matière d’établissement des règles relatives à son domaine privé et aux domaines privé et public de ses établissements publics en Polynésie française, comme c’était déjà le cas dans toutes les autres collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.

Cette évolution, pour positive qu’elle soit, restait incomplète en l’absence de mise en cohérence du code général de la propriété des personnes publiques. Ce sera chose faite avec la ratification de l’ordonnance du 24 mai 2023, qui intervient plus de quatre ans après la promulgation de la loi organique de 2019.

Cette ordonnance, que nous devons ratifier avant le mois de novembre prochain, vise à remettre de l’ordre dans le code général de la propriété des personnes publiques, en donnant davantage de lisibilité au droit domanial en Polynésie française, sans bien entendu empiéter sur les compétences de la collectivité.

Je sais que, récemment, cette ordonnance a pu susciter quelques interrogations parmi les élus polynésiens, notamment concernant l’appréhension par l’État de la notion de « biens culturels maritimes » situés dans son domaine public maritime.

Je souhaite remercier mon collègue Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française, qui a travaillé sur ce texte au sein de notre groupe RDPI. Il a tenu à clarifier cette disposition précise auprès de l’assemblée de la Polynésie française qui l’avait interpellé. Je salue également notre collègue Lana Tetuanui sur ce dossier. Tous deux ont réalisé un travail remarquable dans l’intérêt de la Polynésie française.

En l’occurrence, la référence dans le code général de la propriété des personnes publiques à la notion de « gisement », issue du code du patrimoine, ne concerne pas les ressources naturelles présentes dans les fonds marins polynésiens, la zone maritime polynésienne relevant par ailleurs quasi exclusivement de la Polynésie française.

Je tiens également à souligner que l’assemblée de la Polynésie française a émis un avis favorable sur la loi organique de 2019 ; en outre, son avis était réputé favorable sur l’ordonnance du 24 mai 2023, même si le rapporteur de la commission des lois a souhaité auditionner le président de cette assemblée, M. Antony Géros.

En outre, un comité interministériel des outre-mer (Ciom) devait se tenir avant le remaniement ministériel pour évoquer la situation des collectivités du Pacifique. Les sénateurs Teva Rohfritsch et Mikaele Kulimoetoke, comme l’ensemble des membres du groupe RDPI, attendent que la nouvelle ministre déléguée chargée des outre-mer, Mme Marie Guévenoux, fixe un nouveau rendez-vous, qui sera l’occasion de proposer des mesures adaptées à cette géographie de l’immense océan Pacifique, au bénéfice de nos collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et des 550 000 citoyens français qui y résident.

Pour toutes ces raisons et avec en tête l’intérêt premier de nos concitoyens de la Polynésie française, le groupe RDPI votera ce texte. (M. le rapporteur et M. Louis Vogel applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Roiron. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Pierre-Alain Roiron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous convaincus ici des atouts et de la grandeur du territoire polynésien. Ce constat est partagé sur toutes les travées de cet hémicycle.

Nos textes rendent hommage à la place à part entière qu’accorde à l’archipel l’article 74 de la Constitution qui, en respect de l’identité polynésienne, lui confère par ailleurs un statut d’autonomie.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2023-389 du 24 mai 2023 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française.

Cette évolution concerne l’utilisation des biens appartenant à l’État, aux collectivités territoriales et aux organismes publics.

L’ensemble des modifications apportées au code général de la propriété des personnes publiques résulte de la loi organique du 5 juillet 2019 portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française ; le texte dont nous débattons vise donc à parachever ce mouvement.

La loi organique de 2019 a permis de clarifier et de préciser les précédentes législations. Ainsi, en accord avec les élus du territoire polynésien, le Gouvernement a élaboré un texte contribuant à une mise à jour du statut d’autonomie de la Polynésie, créé en 2004.

Les deux principaux enjeux, simples dans leur énoncé, sont toutefois complexes à atteindre : simplification juridique et respect des spécificités locales.

À nos yeux, les modifications envisagées sont fructueuses et bénéfiques, car elles contribueront à favoriser la conciliation entre le droit positif métropolitain et le droit spécifique à la Polynésie française quant à la gestion des biens publics. L’objectif est tout simplement d’améliorer la lisibilité de la répartition des compétences et le régime d’applicabilité du droit domanial en Polynésie française.

La loi organique de 2004 prévoyait que l’État et la Polynésie française détenaient respectivement un droit de propriété sur leurs domaines public et privé.

Cependant, cela ne permettait pas à l’État de disposer d’une compétence normative sur son propre domaine. Il était donc essentiel de mettre fin aux incertitudes qui entouraient les compétences de l’État et qui avaient pu freiner certaines initiatives des autorités polynésiennes.

En application de la loi organique de 2004, l’État ne pouvait pas céder ses immeubles par exemple. Comme le rappelle le rapport de la commission des lois, il faut savoir que le domaine privé de l’État représente tout de même près de 12,5 kilomètres carrés sur place. On comprend donc tout l’intérêt pour l’État de disposer d’un droit de regard en la matière.

L’ordonnance du 24 mai 2023 révise le chapitre du code général de la propriété des personnes publiques consacré à la Polynésie française.

En application de l’article 1er de l’ordonnance, l’article L. 5611-1 dudit code énonce désormais que les dispositions du code « sont applicables de plein droit en Polynésie française au domaine public et privé de l’État et de ses établissements publics ». Cette modification met fin à toute ambiguïté.

En parallèle de la mise en œuvre d’un régime d’applicabilité de plein droit, les articles 2, 3 et 4 de l’ordonnance définissent le cadre administratif et juridique de la Polynésie française relatif aux règles de droit commun applicables en matière d’acquisition, de gestion et de cession des biens du domaine de l’État.

A priori, la ratification de cette ordonnance devrait assurer à la population polynésienne un meilleur développement du parc locatif social et une meilleure gestion des terrains publics sur le territoire. En effet, la réforme du code général de la propriété des personnes publiques contribue à la mise en place de nouvelles règles qui doivent permettre à l’État de vendre des terrains appartenant à son domaine privé à prix réduit, et ce pour construire les logements sociaux tant attendus sur place.

En ce qui concerne le respect des spécificités locales, le rapporteur nous a rassurés : il a témoigné de sa vigilance sur le sujet en commission. L’épisode regrettable de la non-consultation de l’assemblée de la Polynésie française semble désormais derrière nous. Nous approuvons par ailleurs l’opinion du rapporteur lorsqu’il minimise l’incidence des dispositions permettant l’achat de biens culturels maritimes, strictement limité au domaine maritime public de l’État.

En définitive, l’ordonnance du 24 mai 2023 nous semble clarifier la législation en vigueur, garantir le développement de certaines constructions essentielles et favoriser – du moins, nous l’espérons – le développement économique et social de l’archipel polynésien.

À ce stade, le groupe SER soutient donc ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Di Folco. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Di Folco. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous soumet aujourd’hui le Gouvernement s’inscrit dans la continuité des travaux antérieurs du Parlement relatifs à la Polynésie française, en particulier des ajustements au statut de cette collectivité opérés par une loi organique de 2019, dont le rapporteur, au Sénat, était notre collègue Mathieu Darnaud.

L’ordonnance qu’il nous est proposé de ratifier concerne la question juridiquement complexe du domaine public de l’État.

Cette thématique acquiert une acuité particulière dans les collectivités françaises du Pacifique, sujettes à des règles souvent fortement dérogatoires au droit commun. Il en va ainsi de la Polynésie française, territoire doté d’un immense domaine maritime, dont l’autonomie est régie par l’article 74 de la Constitution.

L’actuelle répartition du domaine public fut historiquement structurée par un transfert graduel, à partir de 1977, de tronçons du domaine public de l’État à la collectivité polynésienne. La cohabitation des domaines y fut ensuite consacrée par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, dont l’article 46 prévoit l’exercice par l’État, la Polynésie et les communes de leurs droits de propriété sur leurs domaines respectifs.

Toutefois, le droit applicable à la domanialité de l’État en Polynésie n’était pas dénué d’ambiguïtés. En effet, si le domaine de la collectivité a été défini en détail à l’article 47 du texte organique, il n’en a pas été ainsi de celui de l’État. Jusqu’en 2019, cette loi ne rangeait pas le domaine privé de l’État parmi les compétences de ce dernier.

Or la Polynésie française dispose de la compétence par principe sur son territoire ; cette omission revenait donc implicitement à laisser la compétence relative à l’encadrement du domaine privé de l’État à la collectivité, contrairement à ce qui existe dans d’autres collectivités ultramarines. Bien que la Polynésie n’en ait pas in fine fait usage, cet état du droit a engendré une complexité inutile et endommagé la sécurité juridique du domaine privé de l’État et de ses établissements publics.

En 2019, la loi organique portant modification du statut d’autonomie de la Polynésie française a utilement entamé le travail de correction de ce qui s’apparentait clairement à une anomalie et à un oubli. L’applicabilité de plein droit des dispositions nationales relatives aux deux domaines de l’État, public et privé, est donc formellement la norme dans ce territoire depuis cinq ans.

Cette modification de la loi organique relative à la Polynésie nécessitait cependant une répercussion au niveau de la loi ordinaire, en particulier au livre VI de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques. Tel est l’objet de l’ordonnance du 24 mai 2023, que l’on nous demande aujourd’hui de ratifier.

Je ne reviens pas sur le détail, souvent technique, du contenu de l’ordonnance, dont il suffit de dire qu’elle tire les conséquences de la loi organique et procède à un certain nombre d’adaptations, de clarifications et de simplifications rédactionnelles du code, qui amélioreront la lisibilité du droit.

À cette occasion, je salue le travail d’analyse accompli par notre rapporteur Thani Mohamed Soilihi, notamment sur la question du domaine public maritime en Polynésie.

Enfin, nous considérons que le délai de quatre ans entre la loi organique et l’ordonnance est regrettable. Même si c’est dans une moindre mesure, le délai entre la publication de l’ordonnance et le début de l’examen du projet de loi de ratification est également perfectible, puisque la caducité de l’ordonnance ne serait intervenue que dans neuf mois à peine, en application de l’article 74-1 de notre Constitution.

En conclusion, pour l’ensemble des raisons précédemment évoquées, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Vincent Louault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue les présentations qui viennent de nous être faites.

La loi organique de 2019, qui a modifié le statut de la Polynésie française, a comblé une lacune en mentionnant explicitement la compétence de l’État dans son domaine privé et a étendu le régime applicable de plein droit à toutes les dispositions relatives aux domaines public et privé de l’État.

Pour autant, depuis, aucune disposition du code général de la propriété des personnes publiques, applicable en Polynésie, n’a été actualisée. Cette actualisation est l’objet de l’ordonnance du 24 mai 2023, qu’il nous est proposé de ratifier aujourd’hui.

Je constate que, entre l’omission de la compétence de l’État sur son domaine privé et la correction de cette omission par cette ordonnance, il se sera écoulé vingt ans !

À cet égard, je remercie M. Brun, de la direction de l’immobilier de l’État, de clore ce dossier ancien avant son départ à la retraite…

Parce qu’il est urgent et nécessaire d’améliorer la lisibilité du droit applicable en Polynésie française, le groupe Les Indépendants votera pour la ratification de cette ordonnance. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, GEST et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Lana Tetuanui. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme on dit en Polynésie, ia ora na ! (Sourires.)

Je commencerai par rappeler que la Polynésie française a envoyé au Sénat, en 2020, deux sénateurs, M. Teva Rohfritsch et moi-même, Mme Lana Tetuanui.

Conformément à l’article 74-1 de la Constitution, le Sénat est appelé à examiner, sous peine de caducité, le projet de loi ratifiant l’ordonnance modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques relatives à la Polynésie française, prise en conseil des ministres le 24 mai 2023 et publiée au Journal officiel de la République française le 25 mai 2023.

Cette ordonnance reprend essentiellement des dispositifs existant en métropole, au bénéfice de la gestion domaniale de l’État. Son esprit est celui d’une meilleure lisibilité du droit.

À l’origine, en vertu du partage des compétences entre l’État et la Polynésie, il appartenait à la collectivité d’outre-mer de fixer les règles relatives au domaine privé de toutes ses collectivités publiques. L’État a ensuite préféré reprendre cette compétence.

Cependant, pour que les dispositions législatives relatives au domaine privé de l’État soient applicables, encore fallait-il que le texte normatif soit étendu par une mention d’applicabilité. C’est la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, modifiée en 2019, qui a permis de réformer les conditions d’applicabilité du droit domanial de l’État.

Or, après analyse, on note que la rédaction de l’ordonnance du 24 mai 2023 diffère de celle du projet de ratification soumis à notre examen.

En effet, le deuxième alinéa de son article 2 prévoit de ne pas étendre à la Polynésie les articles relatifs à certaines modalités d’acquisition – dation en paiement, droit de préemption, successions en déshérence, etc. Cette disposition paraît justifiée, puisque la Polynésie dispose d’une compétence en la matière.

Néanmoins, monsieur le ministre, le dernier alinéa de l’article 2, qui introduit l’acquisition de biens culturels maritimes par l’État, en tant qu’ils sont situés dans son domaine public maritime, appelle une certaine réserve.

Le domaine public maritime de l’État en Polynésie française doit être clairement identifié, réserve faite des éventuelles emprises relevant de la compétence liée à la défense nationale.

Il convient aussi de rappeler la compétence de la Polynésie en matière de culture, telle qu’elle résulte de la combinaison des articles 13 et 14 de la loi organique statutaire. Or il semblerait que le dernier alinéa de l’article 2 intervienne dans le domaine de compétence de la Polynésie, puisqu’il vise les biens culturels maritimes dont les éléments sont énoncés par l’article L. 532-1 du code du patrimoine : « Constituent des biens culturels maritimes les gisements, épaves, vestiges ou généralement tout bien présentant un intérêt préhistorique, archéologique ou historique qui sont situés dans le domaine public maritime ou au fond de la mer dans la zone contiguë. »

Toutefois, si une épave ou un vestige pouvant présenter un intérêt préhistorique, archéologique ou historique ne soulève pas de difficultés d’interprétation, il pourrait en être autrement d’un gisement, qui pourrait s’entendre au sens géologique du terme !

À cet égard, pour éviter toute ambiguïté sur l’interprétation de cette disposition ainsi qu’un enchevêtrement des compétences entre l’État et la Polynésie, j’ai déposé un amendement visant à abroger l’article L. 5621-2 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel rend applicable l’acquisition par l’État de biens culturels maritimes situés dans son domaine public maritime.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que cet amendement est soutenu par le président de l’assemblée de la Polynésie française, Antony Géros, comme celui-ci l’a exprimé dans un courrier daté du 11 mars dernier – soit il y a trois jours – qu’il a envoyé au président de la commission des lois du Sénat et à la ministre déléguée chargée des outre-mer.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, cette ordonnance est emblématique des difficultés juridiques auxquelles sont confrontées les collectivités d’outre-mer et de la difficile appréhension par l’État du droit applicable, souvent peu lisible et accessible.

Ainsi, nous devons toujours rester vigilants à l’égard de situations souvent complexes à sécuriser, dans le respect des identités foncières et des évolutions institutionnelles propres à chaque collectivité ultramarine.

Pour conclure, je veux remercier M. le rapporteur, mon cher collègue Thani Mohamed Soilihi, de l’excellent travail qu’il a fourni pour la commission des lois.

Bien évidemment, sous réserve de l’adoption de cet amendement, le groupe Union Centriste votera favorablement ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et GEST.)

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Guy Benarroche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes la chambre des territoires. J’ai tendance à le répéter, même si c’est une évidence, car l’attention que nous portons aux situations de nos territoires est singulière et nous caractérise.

La Polynésie française est une collectivité d’outre-mer régie par l’article 74 de la Constitution. Son statut lui confère une autonomie renforcée et le pouvoir d’édicter des normes relevant du domaine de la loi.

Ce statut encadre strictement le domaine d’intervention de l’État, qui conserve des compétences d’attribution limitativement énumérées, tandis que la Polynésie détient la compétence normative de droit commun.

Jusqu’en 2019 et depuis le statut de 2004, l’État disposait d’une compétence normative expresse sur son seul domaine public, et non sur son domaine privé, qui représente pourtant 12,5 kilomètres carrés.

Cette répartition des compétences entre territoires et État présentait un caractère inhabituel, au regard des régimes en vigueur dans les autres collectivités d’outre-mer.

La compétence sur le domaine privé revenait donc, par défaut, aux institutions de la Polynésie, qui n’ont d’ailleurs jamais usé de cette faculté.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, dont je salue le travail, la loi organique de 2019 a précisé que l’État était compétent pour fixer les règles relatives à son domaine privé et à celui de ses établissements publics.

Le principe de cette extension a, par ailleurs, été approuvé par un avis de l’assemblée de la Polynésie française en date du 15 novembre 2018.

Cependant, pour produire pleinement ses effets juridiques et devenir pleinement applicable, cette réforme impliquait une mise en cohérence globale des dispositions du livre VI de la cinquième partie du code général de la propriété des personnes publiques.

C’est ce qu’a fait l’ordonnance dont nous examinons la ratification aujourd’hui.

Nous nous associons aux regrets de la commission sur la prise tardive d’une ordonnance en ce sens, au mois de mai 2023. Encore plus que ce retard, nous regrettons le manque d’égards du Gouvernement vis-à-vis de cette collectivité d’outre-mer, qui, certes, a été saisie du projet d’ordonnance, mais dans des conditions compliquées, en plein milieu des élections territoriales.

Nous sommes rassurés que notre assemblée ait pleinement joué son rôle et ait pu échanger avec les acteurs locaux, qui ont été écoutés et, surtout, entendus – j’ai été attentif à ce que vient de dire Lana Tetuanui.

Je profite de l’examen de ce texte pour rappeler l’État à son devoir.

Monsieur le ministre, près de soixante ans après les premiers essais nucléaires français dans le Pacifique, les questions des réparations et des compensations pour les dommages causés par ces tests ne sont toujours pas résolues.

Alors que près de 170 000 personnes ont été exposées à des radiations, les avancées de 2010 ne répondent toujours pas à la triste réalité, sur laquelle j’ai discuté avec plusieurs représentants du territoire polynésien.

Mes chers collègues, au-delà de cette digression liée aux dangers du nucléaire subis par la Polynésie, notre groupe soutiendra l’amendement de Lana Tetuanui et votera cette ratification, synonyme de clarification nécessaire et de sécurisation juridique plus que bienvenue. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et SER.)

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la complexité du droit domanial outre-mer est un phénomène largement documenté. Dès 2015, le Sénat a alerté sur cette situation, née du « morcèlement » du droit de la domanialité et d’un « éparpillement des normes applicables dans un grand nombre de textes différents qui interagissent entre eux ».

La Polynésie française n’échappe pas à cette situation. En effet, les compétences de l’État en Polynésie sont régies par le principe d’attribution : la compétence de principe appartient à la Polynésie sur son territoire, tandis que les compétences de l’État lui sont spécifiquement attribuées.

La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française précise, en son article 14, que l’État est compétent pour fixer les règles relatives à son domaine public. Or, comme le précise l’étude d’impact, une lecture stricte de cette disposition pouvait laisser entendre que l’État n’était pas compétent en Polynésie pour fixer les règles relatives à son domaine privé ou au domaine, public ou privé, de ses établissements publics.

C’est pourquoi, afin de lever toute difficulté d’interprétation, l’article 3 de la loi organique de 2019 a modifié la loi de 2004 pour conférer explicitement à l’État la compétence relative à ces domaines.

Comme le souligne le rapport de la commission des lois, l’assemblée de la Polynésie française, consultée sur le projet de loi organique en 2019, avait émis un avis favorable sur cette évolution.

La commission des lois du Sénat jugeait cette clarification de nature à « parfaire la coordination entre l’État et le pays ».

L’ordonnance soumise à la ratification du Sénat est la traduction de cette clarification.

Les difficultés juridiques auxquelles sont confrontés les outre-mer, avec un droit applicable souvent peu lisible et accessible, rendaient cette clarification nécessaire. Cependant, il faut surtout rappeler que cette clarification ne doit pas empêcher l’adaptation et la prise en compte des spécificités locales et du statut particulier de la collectivité !

Par ailleurs, la question du domaine public maritime de l’État, soulevée par l’amendement déposé par notre collègue Mme Lana Tetuanui, nous interroge. Le sujet est particulièrement sensible, la Polynésie française étant constituée de 118 îles, réparties en cinq archipels, s’étendant sur une superficie comparable à celle de l’Europe, avec une surface émergée de 4 200 kilomètres carrés.

Si la quasi-totalité du domaine public maritime en Polynésie appartient à la collectivité et que le domaine public maritime de l’État est très résiduel – quelques installations portuaires affectées à la marine nationale –, il ne faudrait pas que, sous couvert de clarification, ce dernier puisse empiéter sur les compétences de la collectivité.