Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Cécile Brulin.

Procès-verbal

Hommage aux victimes de drames récents

Questions d'actualité au Gouvernement

scrutin proportionnel

épidémie de chikungunya

situation d'arcelormittal (i)

situation des praticiens à diplôme hors union européenne

assassinat d'aboubakar cissé

situation d'arcelormittal (ii)

situation d'arcelormittal (iii)

assassinat d'aboubakar cissé et réaction des pouvoirs publics

protection des familles et des biens des agents pénitentiaires

situation d'arcelormittal (iv)

situation du professeur balanche

possibilité de travailler le 1er mai (i)

relations franco-algériennes

fiscalité locale (i)

possibilité de travailler le 1er mai (ii)

fiscalité locale (ii)

(À suivre)

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Jean-Michel Arnaud,

Mme Cécile Brulin.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Hommage aux victimes de drames récents

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'ouvrir notre séance de questions d'actualité au Gouvernement, je souhaiterais évoquer les événements graves qui ont frappé les consciences au cours des derniers jours.

Le meurtre d'une jeune fille de 15 ans, poignardée, jeudi dernier, et les blessures occasionnées à trois de ses camarades dans un lycée à Nantes par un élève de cet établissement.

Le meurtre non moins odieux, dans le Gard, d'un jeune fidèle de la mosquée de La Grand-Combe, poignardé dans un lieu consacré à la prière. Le Sénat exprime toute sa solidarité à la communauté musulmane.

L'agression d'un rabbin, à Orléans, devant son jeune fils à la sortie d'une synagogue. Le combat contre l'antisémitisme est une grande cause nationale.

Ces faits illustrent l'état de fracturation de notre société. Au nom du Sénat tout entier, j'assure les familles des victimes de notre compassion et de notre solidarité.

Ces crimes qui s'ajoutent à ceux qui sont commis tous les jours dans un monde toujours plus violent, notamment en raison des conflits de tous ordres qui le parcourent, nous interpellent.

Chacun doit pouvoir pratiquer, s'il le souhaite, son culte en toute liberté et en toute sécurité. Ce principe est d'ailleurs au fondement de notre République.

Notre pays a besoin de retrouver le vivre ensemble qui fait une communauté nationale. Chacun doit y prendre sa part et assumer ses responsabilités. Il n'y a pas de combat plus noble que celui qui est mené contre le racisme et pour la laïcité.

En ces temps difficiles, nous avons aussi accueilli le message de paix légué par le pape François. Sa vie durant, il fut un homme de dialogue qui n'a cessé d'appeler à la fraternité.

Je vous appelle, mes chers collègues, mesdames, messieurs les ministres, à observer pendant quelques secondes un moment de réflexion collective et de recueillement ; compte tenu de l'ensemble de ces événements, cela me semble extrêmement important. (Mmes et M. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement, se lèvent et se recueillent en silence.)

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

La présente séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Au nom du bureau du Sénat, j'appelle chacun d'entre vous au respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres au cours de nos échanges ou de celui du temps de parole.

scrutin proportionnel

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, vous avez ouvert, lundi dernier, une série de concertations sur l'introduction du scrutin proportionnel. Si nous saluons toujours la concertation, pourquoi cet empressement ? Pourquoi vouloir de ce poison électoral, dans une période où les tensions géopolitiques exacerbent les difficultés et où les Français s'inquiètent pour leur avenir ?

On peut reconnaître votre constance sur le sujet, mais force est de constater que, sous la Ve République, et bien avant, la proportionnelle n'a engendré que de l'instabilité gouvernementale et un régime des partis politiques. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

Et puis, de quelle proportionnelle parlez-vous ? S'agit-il d'une proportionnelle intégrale ou d'une proportionnelle départementale ? Selon le mode de scrutin retenu, on peut s'inquiéter pour la représentation des Français qui vivent dans la ruralité ou en outre-mer.

Le vrai sujet n'est-il pas de se concentrer sur l'essentiel, à savoir préparer un budget sans hausses d'impôts, s'attacher à défendre le pouvoir d'achat des Français, donner plus de liberté à nos entreprises et assurer la sécurité pour tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Darnaud, vous savez que la réponse que je m'apprête à vous livrer est amicale. (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un sénateur du groupe Les Républicains. Ça commence bien !

M. Yannick Jadot. C'est sûrement parce que vous faites partie de la même majorité !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je viens d'entendre votre charge contre le scrutin proportionnel : vous affirmez qu'il est un poison pour la démocratie et la cause de toute instabilité. Ai-je besoin de rappeler que le scrutin proportionnel est celui par lequel sont élus 75 % des sénateurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes SER et UC.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Pas par le même corps électoral !

M. François Bayrou, Premier ministre. Pour ma part, je n'ai pas le sentiment que ce mode d'élection ait été un poison destructeur de la société démocratique ou qu'il ait suscité de l'instabilité. Il suffit de regarder les travées de cet hémicycle pour mesurer, au contraire, qu'il est un facteur de stabilité.

Mme Cécile Cukierman. Rien à voir !

M. François Bayrou, Premier ministre. Bien sûr que si, madame ! C'est une règle absolument démocratique. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Je veux rappeler que tous les pays de l'Union européenne, sans exception, ont adopté ce mode de scrutin. (Applaudissements sur des travées du groupe GEST.)

Je vais vous dire pourquoi j'ai décidé d'ouvrir des concertations très larges sur ce sujet. Premièrement, au-delà de la constance que vous avez bien voulu me reconnaître – en effet, au cours de ma vie politique, j'ai passé beaucoup de temps à militer pour changer les règles concernant le mode d'élection –, je pense que la proportionnelle est le scrutin du pluralisme.

Vu la société dans laquelle nous vivons – le président du Sénat a rappelé à quel point elle était fragmentée, éclatée, opposée, archipélisée –, Dieu sait que nous avons besoin d'apaiser la réalité du pluralisme.

Deuxièmement, le scrutin majoritaire obéit à une règle simple : on est soit pour, soit contre. Or les problèmes que nous avons à régler exigent des prises de conscience plus élaborées et concertées, plutôt que l'affrontement systématique.

Enfin, la proportionnelle est la garantie pour tous les grands courants politiques du pays, c'est-à-dire pour tous les citoyens, d'être représentés à mesure de leur engagement et de leur vote.

Je rappellerai à votre groupe que, au moment de la Libération, le général de Gaulle, alors à la tête des institutions du pays, a choisi la proportionnelle comme mode de scrutin. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Peut-être pourrions-nous réfléchir à tous ces facteurs ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique.

M. Mathieu Darnaud. Force est de constater que le scrutin proportionnel n'a pas été concluant puisque, en 1958, le même général de Gaulle est revenu sur ce choix ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Franck Menonville et Jean-François Longeot applaudissent également.)

Je vous rappelle de façon tout aussi amicale que, pour l'élection des sénateurs, la proportionnelle est un mode de scrutin départemental et que les plus petits départements ont un mode de scrutin majoritaire.

Puisque vous aimez les grands auteurs, permettez-moi de conclure en citant Alain : « La proportionnelle est un système éminemment raisonnable et évidemment juste ; seulement, partout où on l'a essayée, elle a produit des effets imprévus et tout à fait funestes, par la formation d'une poussière de partis, dont chacun est sans force pour gouverner, mais très puissant pour empêcher. C'est ainsi que la politique devient un jeu des politiques. » (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

épidémie de chikungunya

M. le président. La parole est à M. Stéphane Fouassin, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

M. Stéphane Fouassin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, Viviane Malet et moi-même souhaitons appeler l'attention du Gouvernement sur l'aggravation de la situation sanitaire à La Réunion.

Depuis plusieurs mois, l'île traverse une crise sanitaire préoccupante, marquée par une recrudescence rapide de l'épidémie de chikungunya. Chaque jour, le nombre de cas graves augmente, ce qui alimente l'inquiétude de la population et met en péril un système de santé déjà fragilisé.

Samedi dernier, le décès d'une personne récemment vaccinée a conduit à suspendre la vaccination pour les plus de 65 ans. Cette décision a ravivé une méfiance déjà forte contre ce vaccin, compliquant davantage la mise en œuvre d'une réponse de santé publique efficace.

Pourtant, des stratégies alternatives, éprouvées ailleurs, offrent des perspectives concrètes. Fondées sur des approches biologiques innovantes, ces méthodes mériteraient d'être sérieusement étudiées et surtout soutenues par le Gouvernement.

C'est notamment le cas du programme Wolbachia, qui pourrait être utilisé aux Antilles et en Guyane. Déployé avec succès en Nouvelle-Calédonie en 2019, il a démontré son efficacité dans la lutte contre la dengue en agissant sur les moustiques Aedes aegypti.

Parallèlement, la technique de l'insecte stérile (TIS), qui cible les moustiques tigres Aedes albopictus, représente une autre solution prometteuse pour des territoires comme La Réunion et Mayotte.

Dans l'immédiat, des mesures simples mais fortes peuvent être engagées sans délai. La distribution gratuite de répulsifs antimoustiques dans les zones à risque, la fabrication de moustiquaires, en associant les communes et les centres communaux d'action sociale (CCAS), et la suspension des jours de carence pour les personnes contaminées relèveraient du bon sens et traduiraient un engagement en faveur de l'équité sanitaire.

Au-delà de la réponse d'urgence, il est impératif de renforcer durablement nos infrastructures de santé, qui sont aujourd'hui au bord de la rupture.

Quelles mesures concrètes, à court, à moyen et à long terme, le Gouvernement entend-il prendre pour prévenir la progression de cette épidémie et soutenir nos concitoyens dans cette épreuve ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Fouassin, la lutte contre l'épidémie de chikungunya est un combat partagé par tous : les élus de La Réunion, naturellement, mais aussi les élus nationaux et le Gouvernement. Vous l'avez rappelé, cette épidémie nous oblige à mener une lutte antivectorielle de chaque instant. Nous mobilisons ainsi près de 200 agents de l'agence régionale de santé (ARS), 250 militaires et 800 parcours emploi compétences (PEC).

Par ailleurs, nous avons intégré dans le bouclier qualité prix (BQP) des répulsifs afin d'assurer la protection de la population, en particulier des personnes les plus vulnérables. Je pense aux jeunes mères et aux nouveau-nés ; en effet, c'est au cours des trois premiers mois de vie que les bébés sont particulièrement fragiles. C'est avant tout pour eux que nous distribuons des moustiquaires.

Enfin, nous menons des campagnes de vaccination, sans ignorer les risques que ces dernières impliquent. J'ai une pensée pour l'ensemble des victimes du chikungunya et le patient qui est récemment décédé.

Son décès étant éventuellement imputable au vaccin, nous avons pris des mesures de précaution, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), qui nous permettront de protéger au mieux la population.

Lorsque j'ai visité le Cyclotron Réunion Océan Indien (Cyroi), j'ai constaté que les moustiques stériles pouvaient contribuer de façon importante à la lutte contre l'épidémie de chikungunya. Nous pourrons envisager de les commercialiser dès le mois de juillet prochain.

Bpifrance et l'Agence de l'innovation en santé (AIS) sont également mobilisées, dans l'espoir de ne pas avoir à enregistrer un plus grand nombre de décès dans la deuxième année de l'épidémie, comme ce fut malheureusement le cas en 2005 et en 2006.

Vous le voyez, le Gouvernement est engagé dans une mobilisation de tous les instants pour soulager notre système de santé et prendre soin de nos compatriotes de La Réunion, fortement affectés par l'épidémie de chikungunya et le cyclone Garance. (M. Jean-Baptiste Lemoyne applaudit.)

situation d'arcelormittal (i)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissement sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Marie-Claude Lermytte. Monsieur le ministre de l'industrie et de l'énergie, ce qui se passe au sein de l'entreprise ArcelorMittal dans le Nord, à Dunkerque et sur les autres sites, est une véritable gifle : des centaines d'emplois supprimés, des fonctions délocalisées, des salariés et leurs familles plongés dans l'angoisse de l'incertitude. Ces pratiques sont brutales et inacceptables.

Je veux témoigner aux salariés tout mon soutien. Je suis également convaincue d'un large soutien de la part de tous les élus du territoire, qui n'oublient pas que l'implantation de ce fleuron de l'industrie, de ses salariés et de leurs familles a permis le développement de nombreuses communes.

L'entreprise ArcelorMittal a été et est encore soutenue, accompagnée et défendue par l'État, la région et les élus locaux, qui sont très investis. Or elle procède aujourd'hui à des licenciements massifs avec peu de scrupules.

Ce n'est pas seulement une trahison locale. Ce qui se joue ici est l'avenir de l'acier en Europe, un secteur stratégique que l'on veut soutenir, rendre compétitif, décarboner, moderniser et renforcer. Pendant que les États-Unis, la Chine ou l'Inde protègent leurs industries, en Europe, nous payons et nous subissons !

Monsieur le ministre, hier, en réponse à une question d'actualité posée par le député Julien Gokel, vous avez affirmé que « plusieurs conditions étaient nécessaires au maintien des investissements dans la décarbonation ». Mais qui fixe réellement ces conditions et, surtout, quelles sont-elles ? Les salariés ont le droit de savoir, et nous aussi !

Les salariés d'ArcelorMittal sont toujours aussi volontaires et prêts à se battre non seulement pour leur outil de travail, qui fait leur fierté, mais aussi pour leur industrie verte, forte et compétitive. Toutefois, ils veulent des engagements clairs et réciproques.

Compte tenu de ces éléments, quelles nouvelles garanties de l'usage efficace de l'argent public pouvons-nous exiger ? Quel cap clair définir pour l'acier, nos usines et nos emplois ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Franck Dhersin et Rachid Temal applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice Marie-Claude Lermytte, l'annonce par ArcelorMittal d'une restructuration qui conduira à la suppression de plus de 600 emplois sur sept sites en France, dont celui de Dunkerque, est évidemment une mauvaise nouvelle. Mes pensées vont aux salariés et à leurs familles ; je sais l'angoisse que fait naître ce type d'annonce.

L'État et l'ensemble des services concernés seront mobilisés pour accompagner socialement le reclassement de ses salariés. (Mme Cathy Apourceau-Poly s'exclame.)

Vous avez raison de le mentionner, c'est l'avenir de la filière sidérurgique en France et en Europe qui se joue, alors qu'elle est actuellement soumise à des tensions très fortes.

La production d'acier en Europe a baissé de 20 % entre 2018 et 2023. On le sait, cette production fait l'objet d'une concurrence féroce et souvent déloyale, notamment de la part de la Chine, qui subventionne massivement ses producteurs d'acier, comme elle le fait d'ailleurs pour beaucoup d'autres filières industrielles. (M. Pascal Savoldelli s'exclame.)

Dans ces conditions, nous devons apporter des réponses à l'échelon tant français qu'européen.

M. Rachid Temal. Quelles réponses ?

M. Marc Ferracci, ministre. Ainsi, le Gouvernement a formulé des propositions qui ont été reprises par la Commission européenne, il y a quelques semaines déjà. Il s'agit d'assurer une meilleure protection commerciale de notre industrie sidérurgique via des clauses de sauvegarde, c'est-à-dire des quotas à l'importation renforcés, qui entreront en vigueur dans quelque temps.

Vous me demandez ce qui détermine les investissements en faveur de la décarbonation, en particulier ceux qui ont été réalisés à Dunkerque. Il se trouve que j'ai rencontré hier la direction d'ArcelorMittal, à Bercy ; je me suis également entretenu avec les cadres de la direction Europe de l'entreprise par visioconférence.

Nous en sommes tous d'accord, des investissements sont nécessaires pour maintenir l'emploi. Or les représentants d'ArcelorMittal m'ont clairement dit que, pour investir, il fallait plus de protection commerciale et des coûts de l'énergie compétitifs. Ce sont des éléments auxquels nous veillons dans le cadre des négociations qui ont lieu avec EDF.

L'État est prêt à soutenir tous les investissements, mais seulement une fois que les dépenses auront été effectivement engagées.

M. Rachid Temal. Ce n'est pas une réponse !

M. Marc Ferracci, ministre. Encore une fois, nous sommes convaincus de l'absolue nécessité de soutenir l'acier sur notre territoire, car c'est une industrie de souveraineté. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Lermytte, pour la réplique.

Mme Marie-Claude Lermytte. Permettez-moi de vous rappeler l'idée qui a été émise de réunir tous les protagonistes concernés autour de la table. Vous savez pouvoir compter sur l'engagement et le soutien de tous les élus du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Franck Dhersin applaudit également.)

situation des praticiens à diplôme hors union européenne

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre de la santé, notre pays affronte une crise sanitaire silencieuse mais profonde : celle de la pénurie médicale. Dans un contexte de multiplication des déserts médicaux, nous disposons aujourd'hui d'une solution concrète et immédiate : les praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).

Ces médecins, présents depuis des années dans nos hôpitaux et nos cabinets médicaux, sont pleinement engagés. Ils exercent avec compétence, dans des conditions souvent difficiles.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que beaucoup de nos services tiennent aujourd'hui grâce aux Padhue, qui sont reconnus par leurs chefs de service et leurs chefs de pôle.

En 2024, à l'occasion des épreuves de vérification des connaissances (EVC), seuls 3 044 postes ont été finalement ouverts sur les 4 000 initialement annoncés. Ainsi, de nombreux candidats, pourtant brillamment admis aux épreuves, se retrouvent aujourd'hui écartés et 20 % des postes ouverts restent vacants.

Nous faisons un constat alarmant, qui souligne l'absurdité de la situation : des médecins compétents et indispensables restent sur la touche, alors que les déserts médicaux s'étendent chaque jour davantage.

Monsieur le ministre, vous avez promis une simplification du parcours des Padhue, mais pourquoi attendre 2026 ? Pourquoi reporter une réforme, alors que ces praticiens compétents sont disponibles immédiatement ?

Compte tenu de l'urgence sanitaire à laquelle nous faisons face, pourquoi ne pas valider sans délai, par voie réglementaire, l'intégration de ces médecins indispensables à nos territoires ?

J'associe à ma question mon collègue Jean-Yves Roux, qui est très engagé sur les sujets de santé dans les territoires. Je veux remercier chaleureusement les médecins présents aujourd'hui dans les tribunes. (Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.) Leur engagement mérite notre reconnaissance, mais surtout notre action ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SER et GEST.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Monsieur le sénateur Laouedj, je partage largement vos propos. En effet, les déserts médicaux sont l'une des principales préoccupations de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre, dans le Cantal, a fait un certain nombre de déclarations. Il propose de mener une réflexion dans un délai assez court, afin que nous puissions présenter des solutions d'ici au mois de septembre prochain.

Il n'y a pas une solution, monsieur le sénateur, mais des solutions ; c'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord. (M. Rachid Temal s'exclame.)

La situation pourra être améliorée grâce à une formation initiale augmentée et au rapatriement des étudiants français partis étudier à l'étranger, comme en Roumanie, en Espagne ou en Belgique. Nous veillerons à ce que nos docteurs juniors s'installent dans de bonnes conditions.

M. Rachid Temal. Il faut surtout intégrer les Padhue !

M. Yannick Neuder, ministre. Concernant les Padhue, ne soyons pas hypocrites et reconnaissons leur travail. Ils représentent 30 % à 40 % des effectifs dans certains de nos hôpitaux et assurent une grande partie de l'offre de soins sur notre territoire.

Nous agirons dès cette année en leur faveur puisque nous allons simplifier, par voie réglementaire, la voie interne. Ainsi, il reviendra aux médecins, aux chefs de service, aux chefs de pôle et aux présidents des commissions médicales d'établissement (CME) de mesurer les connaissances et les compétences localement, dans un souci de simplification.

Ensuite, pour passer d'un mode de concours à un mode d'examen, dans le but d'éviter les écueils qui existent toujours à l'heure actuelle, nous avons besoin d'un support législatif.

Naturellement, je compte sur la commission des affaires sociales du Sénat pour présenter de futures propositions de loi. Nous travaillons avec Philippe Mouiller pour trouver le véhicule législatif qui nous permettra d'accomplir cette simplification attendue par tous les Français pour se faire soigner.

M. le président. La parole est à M. Ahmed Laouedj, pour la réplique.

M. Ahmed Laouedj. Monsieur le ministre, vous parlez de simplification des concours, mais le problème est immédiat et concret. Permettez-moi de vous citer l'exemple d'un chirurgien urologue en poste à l'hôpital Cochin, qui a obtenu 18 de moyenne aux EVC et a reçu le soutien du président de l'association française d'urologie.

Allons-nous sérieusement demander à un médecin de ce niveau, déjà en fonction, de repasser son concours ? Ce n'est pas de simplification future que nous avons besoin, mais d'un décret immédiat permettant à ceux qui ont réussi leur concours d'occuper dès maintenant les postes vacants dans les déserts médicaux. La santé des Français ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées des groupes SER et GEST. – M. Pierre Barros applaudit également.)

assassinat d'aboubakar cissé

M. le président. La parole est à M. Alexandre Ouizille, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Alexandre Ouizille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je prends la parole aujourd'hui, au nom du groupe socialiste, pour vous dire notre douleur face à l'assassinat d'Aboubakar Cissé. Nous saluons le changement de position du président du Sénat, qui, ce matin encore, affirmait qu'une minute de recueillement constituait une hystérisation du débat.

Monsieur le président, vous avez eu raison : une minute de recueillement est toujours un baume appliqué sur les cœurs et sur les âmes.

Nous sommes pris d'un vertige face à la barbarie. Ce dernier s'est propagé dans tout le pays, comme en témoignent les rassemblements républicains et citoyens qui sont venus dire « non » à la fois au crime commis et à ce qui était pressenti sous ce crime.

S'il y a toujours un mystère du mal de celui qui assassine, on ne peut ignorer le contexte dans lequel ce mal se produit. Ce contexte, aujourd'hui, est celui du conditionnement progressif de la société française à la détestation des musulmans. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)

Il est des éditorialistes qui, tous les jours, affirment que l'islam est incompatible avec la République…

M. Olivier Paccaud. L'islamisme !

M. Alexandre Ouizille. Il est des influenceurs qui, tous les jours, encore la semaine dernière, dans l'Oise, affirment sur les réseaux sociaux que le nom et le prénom des médecins qui nous soignent sont trop arabo-musulmans.

Il est des essayistes qui dissertent sur une idée empoisonnée, celle selon laquelle il existerait désormais deux peuples sur le territoire de la République.

Et, hélas, il est des ministres de l'intérieur qui se sont laissés aller à des propos d'estrade (Huées et protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC. M. Roger Karoutchi frappe son pupitre. – Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.), en disant qu'il faut mettre à bas la pratique cultuelle de centaines de milliers de femmes musulmanes dans notre pays, sans distinguer celles qui exercent leur liberté de conscience et celles qui sont forcées de le faire. (Protestations continues sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. C'est fini, vos deux minutes sont écoulées !

M. Alexandre Ouizille. Ma question est simple : monsieur le ministre, peut-on enfin compter sur vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

MM. Michel Savin et Roger Karoutchi. Quelle honte !

M. le président. La parole est à M. le ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je connais trop cette maison pour savoir que le propos doit être mesuré. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Il est absolument nécessaire, singulièrement au Sénat, que chacun mesure les enjeux qui sont devant nous et l'importance des mots qui sont utilisés.

Le meurtre d'Aboubakar Cissé, qui a été commis dans le Gard la semaine dernière, est un crime barbare inacceptable. Je ne reviendrai pas sur les faits, chacun les connaît et nous avons tous bien conscience de cette abominable situation.

Voici la seule information que je peux vous livrer cet après-midi : l'auteur s'est rendu à la police italienne, accompagné d'un parent et d'un conseil, et a accepté de revenir en France ; son retour est prévu pour la mi-mai. Il sera naturellement jugé.

M. Michel Savin. Très bien !

M. François-Noël Buffet, ministre. Le procureur de la République compétent a indiqué qu'il percevait dans ce dossier des signes d'acte raciste. L'enquête judiciaire qui est ouverte nous permettra d'en savoir plus.

Du reste, la position du Gouvernement – j'espère qu'elle n'est pas différente de celle de l'ensemble des sénateurs – est d'opter pour la modération dans le propos, car nous sommes sur un chemin glissant.

Nombreux sont les élus nationaux et locaux et les personnalités, de quelque nature que ce soit, qui jettent dans notre pays le poison de la division et d'un communautarisme insupportable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.) J'espérais ne pas entrer dans la polémique, mais tout de même ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.) Ces manœuvres sont souvent faites à des fins électoralistes, dans le mauvais sens du terme.

M. le président. Il faut conclure !

M. François-Noël Buffet, ministre. L'unité nationale, absolue, qui nous rassemble autour de nos valeurs, peu importe le courant politique dont nous sommes issus, est ce qu'il y a de plus important aujourd'hui. Le Gouvernement veillera à ce qu'elle soit parfaitement défendue. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)

situation d'arcelormittal (ii)

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'automne dernier, ArcelorMittal annonçait la fermeture de ses sites de Reims et de Denain. En février, la direction française du groupe confirmait la délocalisation de 150 emplois support vers l'Inde. Les syndicats, lucides, y ont vu le signal d'une restructuration plus lourde, et ils avaient raison.

Aujourd'hui, c'est une véritable saignée industrielle qui s'engage : 636 emplois supprimés dans les cokeries et aciéries du groupe, à Dunkerque, à Mardyck, à Desvres, à Basse-Indre, à Mouzon, à Montataire et à Florange.

Pendant ce temps-là, ArcelorMittal engrange les profits : 36 milliards d'euros cumulés depuis 2019, près de 12 milliards d'euros consacrés à des rachats d'actions pour satisfaire ses actionnaires, et 298 millions d'euros d'aides publiques pour la seule année 2023.

Cette situation apparaît d'autant plus indécente que l'acier est au cœur de toutes les transitions : dans le secteur ferroviaire, les énergies renouvelables, la construction et les équipements industriels, partout où l'on veut produire, transformer ou bâtir, le métal est là.

Monsieur le ministre, à ces suppressions directes d'emplois s'ajoutent encore des victimes collatérales, comme les travailleurs de la centrale DK6 à Dunkerque. Au total, 15 000 salariés en France s'inquiètent pour leur avenir, comme de l'horizon de la taxation de l'acier carboné prévue en 2030.

Afin de garantir la pérennité des emplois et des savoir-faire, quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre ArcelorMittal à engager la décarbonation de ses sites, quitte à envisager une évolution législative permettant d'imposer au groupe le remboursement des aides publiques perçues ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice Silvani, vous avez raison de rappeler que l'acier, que la sidérurgie est une industrie absolument essentielle à notre souveraineté, parce qu'elle intervient en amont de nombreuses autres filières industrielles.

À ce titre, maintenir une production d'acier sur notre sol, sur le sol français, représente une absolue nécessité. Je tiens à le dire et à le rappeler.

Je souhaite également exprimer mon soutien aux salariés concernés par cette restructuration, au nombre de plus de 600, qui vivent aujourd'hui dans l'angoisse. Je leur assure que les services de l'État se tiendront évidemment à leurs côtés pour accompagner cette évolution.

Nous devons agir afin d'assurer la pérennité de la production et de la fabrication d'acier sur notre territoire.

Comment atteindre cet objectif ? Il nous faut tout d'abord travailler collectivement avec l'ensemble des acteurs concernés. J'ai ainsi eu l'occasion d'échanger avec les élus directement touchés par les restructurations annoncées par ArcelorMittal sur les sept sites concernés ainsi qu'avec les directions française et européenne du groupe ArcelorMittal.

Pour répondre précisément à votre question, madame la sénatrice, il ressort clairement de ces échanges que, pour engager les investissements absolument nécessaires à la pérennité de nos emplois, nous devons mobiliser plusieurs leviers d'action.

Le premier est celui de la protection commerciale.

Le deuxième concerne les coûts de l'énergie, auxquels nous sommes extrêmement sensibles, notamment dans le cadre des négociations actuellement menées avec EDF.

Le troisième, enfin, porte sur les aides destinées à accompagner la décarbonation. Je souhaite le souligner, madame la sénatrice : aucune aide n'est versée, à ArcelorMittal ou à toute autre entreprise, sans contrepartie. (Vives protestations sur les travées du groupe CRCE-K.)

Mme Cécile Cukierman. Vous mentez devant les parlementaires !

M. Marc Ferracci, ministre. Les aides publiques ne sont versées qu'en échange de la réalisation effective d'investissements ou de dépenses précises. En l'absence de ces éléments, ces aides sont reprises par l'État.

C'est précisément pour cette raison que les 850 millions d'euros d'aides publiques mis sur la table par l'État dans le cadre des investissements d'ArcelorMittal à Dunkerque n'ont pas été versés à ce jour, ces investissements n'ayant pas été réalisés.

Je vous confirme donc notre intention d'agir simultanément sur l'ensemble de ces leviers. Notre ambition demeure la pérennisation de tous ces sites industriels, afin d'éviter toute fermeture en France.

Mme Cécile Cukierman. Vous n'avez pas répondu à la question !

M. le président. La parole est à Mme Silvana Silvani, pour la réplique.

Mme Silvana Silvani. Monsieur le ministre, l'Italie et le Royaume-Uni ont repris le contrôle de leurs aciéries, tandis que vous persistez à croire au mythe du marché autorégulateur.

Il ne s'agit nullement de nationaliser dans la débâcle pour revendre ensuite en période de prospérité, mais bien de faire de la propriété publique un véritable outil de planification, de transition et de souveraineté.

Prises de participation, fonds souverain, livret dédié à la réindustrialisation, baisse drastique des quotas européens d'importation d'acier asiatique : les outils existent ; ce qui manque, c'est la volonté de rompre avec cette impuissance organisée ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ainsi que sur des travées des groupes SER et GEST.)

situation d'arcelormittal (iii)

M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Christine Herzog. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

Monsieur le ministre, croyez-vous en la fatalité ?

ArcelorMittal vient d'annoncer un plan national de suppression de 600 emplois en France, dont 200 à Florange, en Moselle. La délocalisation déjà entamée des fonctions support vers l'Inde et la Pologne, ainsi que l'arrêt par le groupe sidérurgique de ses investissements dans l'outil productif, laissent craindre un désintérêt de sa part pour la production d'acier en France.

Et pour cause : ArcelorMittal a retardé son projet d'acier décarboné à l'usine de Dunkerque, pourtant inscrit dans un contrat passé avec l'État. De même, le groupe a cessé tout investissement dans le train à chaud de Florange, son outil de production d'acier.

Au contraire, il investit massivement en Inde et au Brésil dans des usines modernes, soumises à un cahier des charges environnemental moins contraignant que celui qu'imposent les normes européennes, afin de préserver sa compétitivité dans l'économie mondiale.

Nous nous sommes félicités de la transition énergétique opérée à la centrale de Saint-Avold du charbon vers le biogaz, mais, au même moment, l'Inde se réjouit d'avoir atteint un record de production d'électricité issue du charbon.

Alors que l'acier français traverse une crise profonde, que le coût de la main-d'œuvre demeure élevé, que le prix de l'énergie atteint des niveaux très importants et que les objectifs environnementaux sont très contraignants pour nos entreprises, l'État doit agir et engager des négociations afin de convaincre ArcelorMittal de rester en France et d'avoir connaissance de ses projets.

Monsieur le ministre, allons-nous sacrifier notre souveraineté sidérurgique, dire adieu à nos savoir-faire et laisser fatalement la France perdre son industrie ? Si tel devait être le cas, la nationalisation de l'entreprise serait-elle sur la table ?

Quelle est la vision stratégique précise de l'État pour sauver notre souveraineté sidérurgique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice Herzog, non, il n'y a pas de fatalité, pas même pour des filières en difficulté, comme notre filière sidérurgique ; il n'y en a pas eu lorsque nous avons sauvé les Aciéries Hachette et Driout, à Saint-Dizier en Haute-Marne ; pas davantage lorsque nous défendions les Fonderies de Bretagne, il y a encore quelques jours, à Caudan dans le Morbihan.

Je reste profondément convaincu qu'en mobilisant les leviers appropriés, en menant un combat collectif avec l'ensemble des élus concernés, nous pouvons obtenir des résultats concrets, et ainsi garantir ce que vous appelez de vos vœux, et que nous souhaitons également : le maintien de notre souveraineté industrielle dans cette filière absolument essentielle.

La sidérurgie, l'acier, est en effet indispensable à beaucoup d'activités en aval, telles que l'automobile ou la défense.

Les négociations avec ArcelorMittal ont déjà commencé. Comme je viens de l'indiquer, j'ai échangé hier avec la direction du groupe afin de mieux comprendre les raisons de cette décision, et surtout afin de saisir précisément les perspectives et la stratégie qu'ArcelorMittal entend poursuivre en France et en Europe.

Vous le savez, les difficultés de la filière sidérurgique ne concernent pas uniquement la France. En Allemagne, ThyssenKrupp a annoncé, il y a quelques semaines à peine, la suppression de 11 000 emplois ainsi que la fermeture de plusieurs sites industriels.

En France, aujourd'hui, aucun site ne ferme. Notre responsabilité consiste précisément à faire en sorte que cet objectif demeure inchangé à l'avenir. Pour ce faire, nous devons agir simultanément dans plusieurs directions, comme vous l'avez souligné.

En premier lieu, cela implique de mieux protéger nos industries. Nous avons fixé des objectifs ambitieux en matière de décarbonation, lesquels doivent également devenir des contraintes imposées aux exportateurs chinois qui écoulent leur acier sur le marché européen. Tel est précisément le sens de la révision du mécanisme de taxation du carbone aux frontières que nous défendons, et que la Commission européenne, par la voix du commissaire Séjourné, a intégrée dans son plan d'urgence pour l'acier, présenté le 19 mars dernier.

Nous devons également agir sur les coûts de l'énergie. Nous espérons que, à compter du 1er janvier 2026, avec la fin du dispositif de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), un certain nombre de contrats actuellement en négociation entre EDF et les industriels électro-intensifs, parmi lesquels figure ArcelorMittal, pourront aboutir favorablement. Je suis, pour ma part, confiant dans notre capacité à lever cette contrainte.

M. le président. Il faut conclure !

M. Marc Ferracci, ministre. Notre stratégie s'appuie donc sur plusieurs leviers : la compétitivité et la protection. Il nous faut sortir d'une certaine forme de naïveté à cet égard. (M. François Patriat applaudit.)

assassinat d'aboubakar cissé et réaction des pouvoirs publics

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Guillaume Gontard. Monsieur le Premier ministre, vendredi 25 avril, Aboubakar Cissé, fidèle musulman, était mortellement poignardé à quarante reprises dans une mosquée, alors qu'il croyait transmettre le rite de la prière à son infâme assassin.

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir changé d'avis et d'avoir concédé un moment de recueillement : cela était important.

Car, de la profanation d'un sanctuaire maculé du sang d'un innocent jusqu'à la duperie haineuse de l'assassin, tout dans cet acte est profondément révoltant. À la famille et aux proches d'Aboubakar Cissé, nous adressons nos condoléances les plus émues.

Monsieur le Premier ministre, vous avez choisi des mots justes pour qualifier l'assassinat islamophobe d'Aboubakar Cissé ; vous avez également entendu la souffrance, la peur et le sentiment de relégation exprimés par nos compatriotes musulmans depuis vendredi ; ce sentiment, partagé sur nos travées, que les plus hautes autorités de l'État, à commencer par le ministre de l'intérieur et des cultes, n'ont pas exprimé une émotion à la hauteur du supplément de violence symbolique que représente l'assassinat d'un fidèle dans une mosquée (Huées et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Akli Mellouli applaudit.) ; que les plus hautes autorités de l'État n'ont pas pris toute la mesure de la gravité inouïe de cet attentat.

L'histoire de France, tout comme l'histoire du monde, enseigne pourtant qu'aucune guerre de religion n'a jamais produit autre chose que de la haine et de la désolation. La France en a tiré la conclusion la plus exemplaire qui soit en inventant la laïcité, définie par la loi de tolérance et de liberté de 1905.

Monsieur le Premier ministre, vous avez justement rappelé hier à l'Assemblée nationale un principe fondamental : « la loi protège la foi ».

Dès lors, qu'allez-vous faire afin que cesse, notamment au sein du Gouvernement et des hémicycles parlementaires, cette instrumentalisation incessante de la laïcité visant à stigmatiser l'islam et les musulmans ?

Qu'allez-vous faire pour lutter concrètement contre la montée de l'islamophobie, avant que d'autres drames ne surviennent ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. Roger Karoutchi. Ils osent tout, c'est insupportable !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Gontard, je puis vous assurer que l'ensemble des responsables publics, au sein de l'exécutif comme, je le crois, au sein de nos assemblées, partage la même certitude, celle que vous venez d'exprimer et que j'ai moi-même défendue dans plusieurs ouvrages sur les guerres de religion : là se trouve un démon jamais endormi, un danger perpétuel qui ne cesse de se réveiller, en temps de crise, singulièrement. Son expression se résume très simplement et très clairement : « l'autre est un ennemi. »

Or nous partageons tous cette maxime que vous avez rappelée et que je cite souvent : « La loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. »

Nous partageons l'idée, non seulement de la tolérance – et j'ai écrit sur l'édit de Nantes, comme vous le savez –, mais, au-delà même, de la compréhension mutuelle ; nous avons la certitude que nous ne sommes pas des étrangers les uns aux autres, que nous avons à construire ensemble.

Tous nos compatriotes musulmans, tous nos compatriotes juifs, tous nos compatriotes chrétiens, tous nos compatriotes agnostiques, tous nos compatriotes athées, et ceux d'autres sensibilités encore, ont droit de cité. J'ai même ajouté hier que nous devrions approfondir l'idée d'un devoir de cité. Nous avons, collectivement, le devoir de bâtir une citoyenneté et un destin partagés.

Le drame survenu dans le Gard est épouvantable précisément parce qu'il est entaché, comme vous l'avez relevé, de tous les symptômes de ce que nous cherchons à combattre et que nous devons dénoncer.

Je suis heureux de sentir l'unanimité qui prévaut en réalité sur ces travées quant à notre détermination commune à mener ce combat et à édifier ensemble une cité différente. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et RDPI.)

protection des familles et des biens des agents pénitentiaires

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Somon. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur. « La seule réelle prison est la peur et la seule vraie liberté est de se libérer de la peur », affirmait Aung San Suu Kyi. Les agents de l'administration pénitentiaire deviendront-ils les prisonniers de la peur que souhaitent instaurer les terroristes, sous l'étendard fallacieux de la défense des droits des prisonniers ?

Parmi les faits concernant les agents de l'administration pénitentiaire, on recense 66 agressions graves perpétrées en 2023 à l'intérieur même des établissements, contre lesquelles le ministère de la justice agit déjà.

Cependant, depuis le 13 avril dernier, comme à Saint-Quentin-Fallavier ou à Villefontaine, en Isère, ainsi que dans trente et un départements, plus de 60 faits criminels ont été relevés à l'encontre d'établissements pénitentiaires. Plus grave encore, ces actes ciblent également les véhicules et les domiciles d'agents pénitentiaires, à l'image de deux attaques menées à Amiens contre la même surveillante.

Il s'agit de faits d'intimidation, de nuisances, de destructions, de tirs sur des domiciles, d'incendies, de tags portant la signature « défense des droits des prisonniers », ou encore de messages cryptés adressés aux personnels ou à leurs familles.

Ce terrorisme constitue un défi lancé à notre République et à l'État de droit sous couvert de grotesques revendications de défense des droits de l'homme, qui ne saurait être toléré.

Nous avons tous le devoir de le condamner. Comment prétendre défendre les droits de l'homme en s'attaquant aux biens et en menaçant directement les personnels de l'administration pénitentiaire ?

Les résultats de la lutte engagée au sein des établissements contre la circulation de produits illicites et d'armes ou contre les moyens permettant de commanditer des exactions hors les murs apportent la démonstration que les mesures concernant les fouilles, ainsi que les dispositions adoptées par le Parlement au sein de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, dérangent une organisation mafieuse, lucrative et meurtrière.

Monsieur le ministre, quelles consignes avez-vous transmises aux préfets afin de garantir la sécurité des biens et des familles des agents pénitentiaires ? Quelles mesures engagez-vous afin de débusquer ces terroristes, et ainsi redonner confiance et sérénité à nos fonctionnaires dans l'exercice de leurs missions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur Somon, le problème que vous soulevez constitue évidemment une préoccupation majeure et le Gouvernement demeure pleinement déterminé à empêcher qu'il ne perdure.

Vous avez raison de rappeler que, depuis le 14 avril dernier, plus de 150 actions ont été commises à l'encontre des établissements pénitentiaires ou de leurs personnels sur l'ensemble du territoire national : jets de cocktail Molotov sur le parking de l'École nationale d'administration pénitentiaire d'Agen ; incendies volontaires devant la maison d'arrêt de Villepinte ; rafales de kalachnikov tirées sur la prison de Toulon ; véhicules d'agents pénitentiaires brûlés ; surveillants directement menacés, notamment à Amiens.

Ces faits – menaces, intimidations, tirs de mortiers – constituent manifestement une riposte au texte récemment voté, désormais adopté définitivement par le Parlement. Je tiens d'ailleurs à vous en remercier, car celui-ci permet au Gouvernement de poursuivre sa lutte contre le narcotrafic et ses effets néfastes.

Le Gouvernement a immédiatement pris des dispositions afin de soutenir et de protéger les agents pénitentiaires, dans le cadre d'un plan de mobilisation conjoint du garde des sceaux et du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Dans la nuit du 15 avril dernier, nous avons enjoint à l'ensemble des préfets, ainsi qu'aux services de police et de gendarmerie placés sous leur autorité, de renforcer sans délai les mesures de protection des personnes et des biens relevant de l'administration pénitentiaire.

Le même jour, les préfets de zone, les représentants des services de police et de gendarmerie, les services de renseignement ainsi que l'administration pénitentiaire ont été réunis afin de conforter et de préciser ces instructions.

Le 17 avril, enfin, une instruction commune a été diffusée : elle définit précisément les modalités de renforcement de la sécurisation des sites et des personnels concernés, exigeant une mobilisation forte et coordonnée.

Les services du ministère de l'intérieur ont considérablement renforcé la protection des agents pénitentiaires et de leurs lieux de travail. Il s'agit là d'une priorité absolue, et il convient de saluer à cet égard l'engagement remarquable de ces agents ainsi que celui des policiers qui assurent leur protection.

Je souhaite enfin préciser que le parquet national antiterroriste (Pnat) coordonne désormais l'ensemble des investigations relatives à ces faits criminels. Des moyens importants ont été déployés afin d'identifier, de rechercher et d'interpeller leurs auteurs. À ce jour, plus de 30 interpellations ont déjà été effectuées sur l'ensemble du territoire national et des gardes à vue sont en cours.

Je conclurai en réaffirmant que le Gouvernement mobilise pleinement ses moyens afin d'assurer la protection de nos établissements pénitentiaires, des personnels et, bien évidemment, de leurs familles. Il ne saurait en être autrement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Somon, pour la réplique.

M. Laurent Somon. Messieurs les ministres, la peur doit changer de camp. « La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent », affirmait Montesquieu. Il convient désormais d'accorder aux personnels pénitentiaires la libération de cette peur, afin qu'ils puissent exercer sereinement et en toute sécurité leur métier. À cet égard, l'application effective de l'anonymisation de leur identité dans les procédures constitue une mesure cardinale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

situation d'arcelormittal (iv)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, demain, 1er mai, la mobilisation sociale sera particulièrement forte sur les sites concernés par les 600 suppressions de postes annoncées par ArcelorMittal il y a quelques jours, dont 300 ont été confirmées ce matin même dans le Nord.

À Dunkerque, à Mardyck, comme à Desvres, à Montataire, à Florange, à Basse-Indre ou à Mouzon, nous serons nombreux à défiler afin de témoigner notre solidarité aux salariés et aux élus, qui s'inquiètent.

Quelle est la raison de ces suppressions d'emplois touchant directement l'outil de production, qui s'ajoutent aux plans sociaux déjà engagés sur les fonctions support ? Comment expliquer la suspension des investissements censés pérenniser l'activité industrielle, sur lesquels l'État s'est déjà financièrement engagé ? Pourquoi un tel manque de transparence de la part d'un industriel aux résultats loin d'être mauvais et qui est toujours prompt à solliciter l'aide publique ?

Certes, le marché européen de l'acier souffre depuis longtemps. Toutefois, la filière acier demeure essentielle et, à ce titre, bénéficie d'un large soutien au niveau tant national qu'européen. Nos hauts fourneaux français et européens doivent donc être non pas sacrifiés, mais, au contraire, plus que jamais électrifiés afin de répondre aux défis énergétiques, économiques et écologiques, et ainsi préserver notre souveraineté autant que nos emplois.

Si la décarbonation et la modernisation ne sont pas rapidement et directement mises en œuvre par ArcelorMittal, la France et l'Union européenne devront impérativement adopter de nouvelles mesures fortes afin de garantir la production locale d'acier bas-carbone par d'autres moyens, y compris, le cas échéant, par une entrée au capital ou par la nationalisation temporaire des aciéries.

Monsieur le ministre, en ce joli mois de mai célébrant le travail, mais également une Europe née précisément d'une communauté fondée autour de l'acier, pouvez-vous prendre ici, devant les salariés et devant nos territoires, l'engagement que la France aura l'audace d'agir pleinement, en concertation avec ses partenaires, afin que l'acier constitue non seulement notre histoire, mais également notre avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie et de l'énergie.

M. Marc Ferracci, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie. Madame la sénatrice Linkenheld, la France est mobilisée, elle a pris l'initiative au niveau européen afin de soutenir un plan d'urgence destiné à la sidérurgie.

Ainsi, j'ai convoqué à Paris, le 17 février dernier, un sommet réunissant l'ensemble des ministres concernés par la production sidérurgique, les représentants des filières industrielles, les organisations syndicales ainsi que la Commission européenne, afin de mettre sur la table un ensemble de propositions visant à nous défendre.

Je dis bien « nous défendre », car il s'agit précisément d'une question de défense, face à une concurrence déloyale, en particulier celle de l'acier chinois, massivement subventionné et dont le processus de production est très fortement carboné. Or, vous l'avez souligné, la décarbonation demeure un enjeu majeur.

Nous agissons donc, et notre action ne se limite pas au cadre européen.

Vous serez mobilisés demain, et je connais votre détermination ainsi que l'engagement de l'ensemble des élus concernés, notamment du maire de Dunkerque, Patrice Vergriete, du président de la région, Xavier Bertrand, et de l'ensemble des parlementaires. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de répondre à plusieurs questions sur ce sujet hier et aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Ce travail ne peut être que collectif.

Nous devons résoudre la question de la protection commerciale et nous montrer particulièrement ambitieux à cet égard. Nous ferons pression sur la Commission européenne ; ainsi, après avoir rencontré hier la direction d'ArcelorMittal, je m'entretiendrai dans les prochains jours avec le commissaire européen Stéphane Séjourné afin de porter à sa connaissance l'ensemble des leviers que nous proposons d'activer, de manière que les investissements dans la décarbonation, que nous appelons ensemble de nos vœux, soient effectivement réalisés.

Pour cela, nous devons agir simultanément sur la protection commerciale et sur la taxation carbone aux frontières, laquelle entrera progressivement en vigueur à compter de 2026. Nous avons le souci constant qu'elle soit réellement efficace, et nous formulons en ce sens des propositions précises.

Nous devons également agir sur le coût de l'électricité et sur l'ensemble des questions relatives à la compétitivité. À ce titre, l'État soutient activement l'investissement de la filière sidérurgique comme de l'ensemble des industriels dans leur processus de décarbonation.

Pour cela, toutefois, les industriels doivent prendre des décisions ; nous entendons créer les conditions pour qu'ils le fassent, en concertation avec l'ensemble des élus.

Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre propre engagement sur ce sujet. (M. François Patriat applaudit.)

situation du professeur balanche

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, le 1er avril dernier, un maître de conférences a dû interrompre son cours à l'université Lyon II, sous les huées et les injures de militants cagoulés et masqués.

Cette intrusion, revendiquée par un groupuscule autoproclamé anti-France, constitue une triple agression : contre la liberté académique, contre la démocratie et, naturellement, contre la laïcité.

Vous-même, monsieur le ministre, conjointement avec la ministre d'État, avez alors exprimé publiquement votre soutien total au professeur Balanche.

Or, depuis cet événement, qu'avons-nous observé concrètement ? Une présidente d'université prenant ouvertement ses distances avec l'enseignant, dénonçant ses propos prétendument « complotistes » et « délétères » ; des collègues universitaires qui préfèrent chipoter, malgré l'évidence des faits, en évoquant un prétendu fantasme d'islamo-gauchisme ; et, comme toujours, les sempiternels appels au calme, dignes du tristement célèbre « pas de vagues ».

Certes, l'indépendance des universités demeure précieuse. Pour autant, les autorités universitaires ne sont pas au-dessus des lois, et les universités ne constituent pas des zones de non-droit, monsieur le ministre. Dès lors, nous attendons une prise de position sans ambiguïté du Gouvernement sur ce sujet.

Ma question est donc très simple : quelles sanctions ont été engagées contre ces militants qui ont ouvertement défié les lois de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Philippe Baptiste, ministre auprès de la ministre d'État, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame la sénatrice Evren, je vous remercie de votre question.

Je confirme les faits : le 1er avril dernier, un maître de conférences de l'université Lyon II a été contraint d'interrompre son cours, perturbé par des individus masqués. Cette intrusion est parfaitement scandaleuse, il s'agit d'une situation honteuse qui n'aurait jamais dû se produire. Nous avons immédiatement apporté à l'enseignant concerné un soutien total et complet.

Je tiens à préciser également que la présidente de l'université a pris dès ce moment-là toutes les mesures nécessaires, de la protection fonctionnelle jusqu'au dépôt de plainte. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Certes, elle a tenu des propos malheureux (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.), qu'elle a par la suite publiquement clarifiés.

À son tour, elle a subi un acharnement également injustifiable. En liaison avec le ministre de l'intérieur, M. Bruno Retailleau, je me suis assuré qu'elle bénéficie, au même titre que M. Fabrice Balanche, le maître de conférences initialement visé, de toutes les protections nécessaires.

Il est absolument intolérable que le maître de conférences comme la présidente d'université aient reçu des menaces de mort. Ce qui s'est passé au sein de cette université est proprement scandaleux.

Je le souligne avec force : il ne s'agit nullement ici d'un « pas de vagues », mais d'un appel à la retenue. L'université est un lieu de dialogue, de confrontation intellectuelle, un lieu où la liberté académique doit s'exercer pleinement, dans le respect de la loi, de toute la loi. Cela implique notamment une vigilance absolue face à tout débordement, par exemple de nature antisémite.

Nous travaillons avec efficacité sur les sanctions susceptibles d'être prises contre les étudiants ou contre les personnels qui auraient commis de tels débordements ; nous agissons également en étroite coordination avec le garde des sceaux afin que tous les signalements effectués au titre de l'article 40 du code de procédure pénale sur ces faits soient systématiquement traités.

M. le président. Il faut conclure !

M. Philippe Baptiste, ministre. Enfin, je souhaite rappeler que le cadre disciplinaire applicable est en cours de simplification et d'amélioration grâce à une proposition de loi votée unanimement par le Sénat.

M. Max Brisson. Quelles sanctions ? Répondez à la question posée !

M. le président. La parole est à Mme Agnès Evren, pour la réplique.

Mme Agnès Evren. Je n'ai pas entendu la réponse à ma question, pourtant très précise, sur les sanctions engagées. (Mme Béatrice Gosselin applaudit.)

Ce qui s'est produit à Lyon ne constitue pas un incident mineur provoqué par quelques jeunes exaltés, mais une affaire extrêmement grave. Il s'agit là d'une offensive concertée menée par une extrême gauche intolérante alliée à un islamisme qui teste quotidiennement nos limites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Agnès Evren. Monsieur le ministre, je vous le dis en vous regardant droit dans les yeux, il convient désormais d'en finir avec cet équilibrisme et de réagir avec célérité, avec clarté et avec force. Nous avons trop longtemps commenté ces événements la tête baissée, cela suffit !

M. le président. Il faut conclure !

Mme Agnès Evren. Il est désormais urgent d'agir contre ce nouvel obscurantisme qui menace les fondements mêmes de notre université et, au-delà, notre cohésion nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

possibilité de travailler le 1er mai (i)

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Annick Billon. Demain, 1er mai, de nombreux artisans boulangers et fleuristes garderont leur rideau baissé, non par choix, mais par crainte d'être verbalisés.

L'an dernier, cinq artisans vendéens ont ainsi été poursuivis pour avoir pétri leur pâte un jour férié. Le 25 avril 2025, le tribunal de police de La Roche-sur-Yon les a finalement relaxés. Cette décision constitue certes un soulagement, mais ne dissipe pas le flou juridique persistant pour l'ensemble de la profession.

Face à cette incertitude, le groupe Union Centriste s'est mobilisé sans attendre. Dès le mois de mars, nous avons alerté la ministre du travail, puis à nouveau le 18 avril, afin d'y associer les fleuristes, également concernés par cette difficulté.

Pendant vingt ans, ces professionnels ont exercé leur métier le 1er mai sans rencontrer la moindre difficulté. Aujourd'hui, la situation est devenue ubuesque : un particulier pourrait vendre du muguet sur le trottoir quand le fleuriste serait quant à lui contraint de garder boutique close.

C'est pourquoi, avec le président Hervé Marseille, j'ai déposé une proposition de loi visant à préciser les établissements pouvant bénéficier d'une dérogation leur permettant d'ouvrir le 1er mai. Ce texte ne remet nullement en cause le caractère férié et chômé de cette journée ; il ne tend pas à ouvrir une brèche, mais simplement à combler un vide juridique ; il ne banalise pas, il clarifie.

La procédure accélérée a été engagée par votre gouvernement, et je remercie Mme la ministre Catherine Vautrin de son soutien. Toutefois, les professionnels demeurent dans l'attente.

J'ai donc deux questions précises : la jurisprudence du tribunal de La Roche-sur-Yon sécurise-t-elle les ouvertures pour demain ? Quel calendrier imaginez-vous afin de permettre à notre texte d'aboutir ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Billon, vous m'interrogez sur la possibilité de travailler le 1er mai. Permettez-moi de vous rappeler, même si vous le savez parfaitement, car c'est la tradition française, que le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré.

On peut difficilement déroger à cette règle, prévue par le code du travail, sauf à respecter un certain nombre de conditions que nous connaissons tous, notamment le nécessaire maintien des services publics ou au public, comme c'est le cas de l'hôpital, des Ehpad et de tout un ensemble d'établissements dont l'activité est considérée comme essentielle.

Cependant, à travers votre question, vous m'interrogez aussi sur la possible évolution du travail dans notre société. À cet égard, votre étonnement est relativement compréhensible. En effet, nous avons tous été sollicités dans nos circonscriptions par des fleuristes et des boulangers qui souhaitent travailler le 1er mai.

La législation en vigueur permet déjà à chaque artisan boulanger de travailler ce jour férié, mais elle ne permet pas à ses salariés de le faire. Il faut peut-être envisager – après tout, nous vivons dans une société qui favorise le travail – de faciliter cette évolution législative, sur la base du volontariat, afin de permettre aux boulangers, aux fleuristes et à ceux de leurs salariés qui le souhaitent de travailler ce jour-là.

Tel est d'ailleurs le sens de la proposition de loi que vous avez déposée avec le sénateur Hervé Marseille, et qui sera naturellement à l'étude prochainement.

Nous ne réglerons certainement pas le problème qui se posera demain, 1er mai, d'ici quelques heures. En revanche, je vous informe que les ministres Panosyan-Bouvet et Vautrin ont invité les artisans boulangers à se rapprocher de leurs organisations professionnelles, qui pourront à leur tour s'adresser aux services de l'État pour éviter la situation que vous venez de décrire.

Mme Évelyne Perrot. Et les fleuristes ?

M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.

Mme Annick Billon. Je remercie le Gouvernement de son soutien. Je remercie également les artisans qui animent nos centres-villes et nos centres-bourgs. J'espère que de nombreux Français et de nombreuses Françaises pourront acheter leur pain et leur muguet demain, 1er mai ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains.)

relations franco-algériennes

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Allizard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les relations avec l'Algérie restent passionnelles, mais, depuis plusieurs mois, elles se sont aussi considérablement dégradées.

Il ne faut pas se le cacher, si le régime algérien se raidit à l'égard de la France, c'est bien parce qu'il nous sent impuissants et divisés.

Comme nombre de Français, j'avais cru comprendre de l'engagement du Président de la République et du Gouvernement que les choses s'étaient apaisées, que la coopération reprenait et qu'allait s'« enclencher une nouvelle phase de la relation bilatérale ».

La réalité est en fait bien différente : placement en détention d'un agent consulaire algérien pour enlèvement et séquestration, expulsions réciproques, rappel de notre ambassadeur…

Monsieur le ministre, face aux blocages et à la désinformation orchestrée ou encouragée, le Gouvernement fera-t-il enfin preuve de davantage de fermeté ? Les accords franco-algériens dans le domaine de l'immigration sont un des leviers, il en existe d'autres. Cette fébrilité prendra-t-elle fin ? Dénoncerez-vous l'accord de 1968 ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé de l'Europe. Monsieur le sénateur Allizard, je vous remercie de votre question. Vous le savez, sur ce sujet comme sur tant d'autres, notre seule boussole est la défense des intérêts de la France et des Français.

Nous avons souhaité avoir un dialogue exigeant avec l'Algérie, un partenariat d'égal à égal, pour défendre nos intérêts, c'est-à-dire pour faire en sorte que l'Algérie respecte ses engagements au regard du droit international et reprenne ses ressortissants expulsés, pour rétablir une coopération dans les domaines de la défense, de la sécurité ou encore du renseignement et, bien sûr, pour obtenir la libération de notre compatriote, l'écrivain Boualem Sansal, injustement condamné et emprisonné aujourd'hui en Algérie.

Tel était le sens de l'échange téléphonique entre le Président de la République et le président Tebboune. Tel était aussi, bien entendu, le sens de la visite du ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à Alger.

Mais, pour nouer un dialogue, il faut être deux. Notre justice, qui est indépendante, a pris la décision – vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur – d'arrêter des ressortissants algériens en raison de leurs activités en France. En réponse, l'Algérie a réagi de façon totalement disproportionnée, injustifiée et brutale en choisissant d'expulser douze de nos ressortissants, douze agents auxquels je tiens d'ailleurs à rendre hommage ici. En réplique, la réponse de la France a été extrêmement ferme : nous avons expulsé douze diplomates algériens et rappelé notre ambassadeur.

Sur ce sujet, notre position est très claire. Si l'Algérie décide de reprendre le dialogue et si nous pouvons défendre ensemble nos intérêts, nous y sommes ouverts. Mais si l'Algérie fait le choix d'une relation dégradée, de l'escalade et de la crise, nous saurons y répondre ; nous disposons d'une palette d'outils pour assumer un éventuel rapport de force et nous défendre. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Allizard, pour la réplique.

M. Pascal Allizard. Monsieur le ministre, merci de votre réponse, un peu incomplète cependant, puisque vous ne m'avez pas répondu sur l'accord de 1968. J'en prends acte.

Je souhaite rappeler – car c'est un de nos points de désaccord avec l'Algérie – que le rapprochement entre Paris et Rabat sur la question du Sahara occidental n'est qu'un prétexte, dans la mesure où celui-ci est davantage la conséquence qu'une cause de la dégradation de nos relations et qu'il s'inscrit dans un plus vaste mouvement international.

Je note aussi que l'Algérie est un partenaire important de la Russie en Méditerranée. Elle pourrait le devenir davantage encore en raison de la perte d'influence russe au Levant. En Afrique francophone, la Russie a déjà montré son savoir-faire, et, à chaque fois, l'Algérie n'était pas très loin…

Monsieur le ministre, compte tenu de l'attitude de plus en plus exigeante et intransigeante d'Alger, des actions menées sur notre territoire, d'un contexte international qui repose trop souvent sur les rapports de force,…

M. le président. Il faut conclure !

M. Pascal Allizard. … le temps est vraiment venu de faire passer des messages politiques sans ambiguïté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

fiscalité locale (i)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Monsieur le ministre, il y a huit ans, la majorité promettait monts et merveilles avec la suppression de la taxe d'habitation : plus de pouvoir d'achat pour les Français, pas de pertes pour les collectivités, et des finances publiques sous contrôle.

Mais, aujourd'hui, les faits sont têtus : le déficit public atteint 5,8 % du PIB ; la dette publique dépasse 113 % du PIB ; les collectivités locales sont privées de leviers fiscaux et dépendent des dotations de l'État ; le financement des services publics locaux est déséquilibré. Le constat est sans appel.

Les collectivités locales, injustement accusées de dégrader les comptes publics, ne sauraient être des variables d'ajustement budgétaire ni être cantonnées à un simple rôle de guichet de l'État.

Et pourtant, le Président de la République continue d'exclure toute remise en cause d'une décision déjà injustifiée en 2017, devenue totalement irresponsable en 2025.

Monsieur le ministre, vous avez récemment évoqué l'idée d'une contribution des citoyens au financement des services publics locaux. Cette proposition a le mérite d'ouvrir le débat sur la fiscalité locale et, plus largement, sur les ressources des collectivités. Vous êtes donc assez lucide pour mesurer l'impasse dans laquelle nous sommes.

Allez-vous continuer de défendre la suppression de la taxe d'habitation, réforme qu'au fond vous savez mauvaise, ou choisirez-vous de redonner aux élus locaux l'autonomie financière dont ils ont besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

M. François Rebsamen, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. Madame la sénatrice Isabelle Briquet, votre question me permet de faire le point sur trois questions essentielles.

Premièrement, la taxe d'habitation a été supprimée, conformément à l'annonce faite par le Président de la République pendant sa campagne électorale. Celui-ci a tenu ses engagements : dont acte. (Murmures désapprobateurs sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. François Patriat. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. Aujourd'hui, beaucoup de parlementaires envisagent de la rétablir, mais je n'ai vu aucune proposition de loi déposée sur le sujet…

Deuxièmement, je veux aborder la question de nos finances publiques. Actuellement, nous sommes en train, sous l'autorité du Premier ministre, de faire la pédagogie de l'état de ces finances publiques, c'est-à-dire du grave déficit que connaît notre pays. Je voudrais dire à cet égard que rien n'est arbitré, mais que le travail de pédagogie continue.

Ainsi, je recevrai mardi prochain l'ensemble des associations d'élus connues et reconnues, lesquelles sont au nombre de sept. Nous débattrons ensemble d'un certain nombre de réflexions et des propositions qui pourraient en résulter. Mais j'y insiste, rien n'est arbitré en matière budgétaire.

Troisièmement, je le dis depuis longtemps – et je vais continuer à le dire, comme je l'ai encore fait récemment devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat que préside le sénateur Bernard Delcros –, cette situation, qui veut que seul un certain nombre de personnes, en l'occurrence les propriétaires, financent les communes, ne pourra pas durer longtemps. Sachez que, dans certaines communes, il n'y a que 30 % de propriétaires ; il y a donc 70 % de personnes qui ne paient pas l'impôt local…

Mon idée – mais ce n'est pas la seule ! –, qui est bien souvent reprise par la collectivité, consiste à créer à terme une contribution, afin que chacun mesure les efforts réalisés par les communes en matière de services publics ; cette contribution permettrait de recréer un lien citoyen entre le consommateur-habitant et la municipalité, laquelle est responsable des services publics communaux. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. Patrick Kanner. Ce n'est pas ce que dit Mme de Montchalin !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Vous le voyez bien, monsieur le ministre, la suppression de la taxe d'habitation n'a pas été seulement une erreur budgétaire, elle est aussi une faute politique ! C'est une faute pour les collectivités privées d'une grande part de leur autonomie fiscale et financière, une faute pour l'État qui perd chaque année plus de 20 milliards d'euros de compensation – je pense que l'État n'a pas besoin de cela ! – et, enfin, comme vous venez de le préciser, une faute pour les contribuables locaux.

J'entends votre proposition, mais encore faudrait-il que cette contribution soit calculée en fonction des revenus, ce qui n'est absolument pas le cas. Aujourd'hui, cette situation nourrit, vous le savez, le ressentiment.

M. le président. Il faut conclure !

Mme Isabelle Briquet. Refuser de reconnaître cet échec, c'est condamner un peu plus nos collectivités. Il faut donc agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

possibilité de travailler le 1er mai (ii)

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, c'est la quatrième fois que la question vous est posée depuis hier, preuve de la ferveur des parlementaires à défendre nos artisans !

En cette veille de 1er mai, à l'instar de ma collègue Annick Billon, il est difficile de faire l'impasse sur la polémique qui gronde dans nos territoires. Demain, nos boulangers, nos fleuristes ne pourront pas laisser travailler leurs salariés lors d'une journée, par définition, fleurissante pour ces secteurs ! Mieux encore, le ministère va, lui, ordonner à ses agents de travailler, afin de surveiller l'absence de travail ! On marche sur la tête !

Encore plus détonnant, chacun pourra installer un étal pour vendre quelques brins de muguet, alors que nos commerçants feront grise mine…

À l'heure où l'État invite les Français à travailler plus pour soutenir notre économie en berne et garantir notre système de retraite, voici que l'État lui-même empêche nos travailleurs d'exercer leur activité, privant ainsi les salariés, bien souvent volontaires, d'une rémunération bonifiée en ce jour férié, chômé et payé. Si le code du travail doit être respecté, je m'interroge sur la façon dont nous avons vécu cette fête du travail depuis 1948…

Monsieur le ministre, sans attendre l'adoption d'un texte consensuel proposé par nos collègues, pourrions-nous envisager que vos inspecteurs profitent de cette journée ensoleillée pour acheter fleurs et baguettes sans contrôle ni verbalisation ? (Sourires. – Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l'accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de l'accès aux soins. Madame la sénatrice Martin, vous avez mis beaucoup d'enthousiasme dans votre question. Je vais tâcher d'en mettre tout autant dans ma réponse. (Sourires.)

En réalité, nous sommes totalement d'accord avec vos propos. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

Le 1er mai est un jour férié, chômé et rémunéré. Mais cette disposition du code du travail ne date pas d'aujourd'hui : si nous souhaitons tous collectivement faire évoluer la situation pour faciliter les initiatives locales que vous saluez – j'ai les mêmes boulangers et les mêmes fleuristes que vous dans ma circonscription –, il faudra donc modifier ce code.

J'ai vu que votre collègue Annick Billon avait déposé une proposition de loi en ce sens. J'imagine que vous-même, madame la sénatrice, le ferez également. Ce sera au Sénat d'examiner ces textes, afin d'encourager le travail.

Je pense que nous partageons tous cette valeur du travail et que nous sommes nombreux, finalement, à saluer l'engagement de ceux qui se lèvent tôt le matin et qui veulent pouvoir contribuer à la croissance du pays.

M. Olivier Paccaud. C'est une question de liberté !

M. Yannick Neuder, ministre. Cependant, vous savez qu'il existe déjà des situations dérogatoires. J'ai parlé tout à l'heure des hôpitaux et des Ehpad ; j'aurais pu évidemment citer l'exemple des sapeurs-pompiers. Vous aurez en tout cas noté que je n'ai pas parlé des agents du ministère du travail, de la santé, de la solidarité et des familles…

C'est dans la perspective que je viens de rappeler qu'Astrid Panosyan-Bouvet a demandé à la fédération des entreprises de boulangerie de prendre l'attache des services des préfectures pour éviter les situations ubuesques que vous venez de très bien décrire.

Personnellement, je crois en la sagesse du Sénat et en sa capacité à trouver une voie de passage, pour permettre à nos artisans de travailler plus, sur la base du volontariat, et à la société française de s'adapter et de se simplifier la vie, comme le souhaite le Premier ministre. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Pauline Martin, pour la réplique.

Mme Pauline Martin. Monsieur le ministre, vous l'avez compris, avant de compter sur nous, nous comptons sur vous ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

fiscalité locale (ii)

M. le président. La parole est à M. Éric Dumoulin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Éric Dumoulin. Madame la ministre de Montchalin, on vient de l'évoquer, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation vient de lancer ce que l'on pourrait appeler un ballon d'essai sur la création d'une sorte de nouvel impôt local, une contribution modeste demandée à tous les ménages pour le financement des services publics des communes.

Au-delà du buzz médiatique, cette annonce s'apparente en réalité au rattrapage d'un péché originel, celui de la suppression de la taxe d'habitation. (C'est vrai ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Mal réfléchie, mal financée, cette réforme a profondément déstabilisé tout l'édifice déjà fragile des finances locales.

Par ce jeu de bonneteau fiscal, les communes et, par ricochet, les départements ont perdu tout ou partie de leur autonomie. Profondément déstabilisées et pourtant incomparablement plus vertueuses que l'État, elles souffrent !

Accessoirement, on l'a vu, cette réforme aura coûté environ 20 milliards d'euros au budget de l'État, ce qui n'aide pas celui-ci à combler son déficit abyssal.

La fiscalité locale repose donc désormais sur les seuls propriétaires. Les locataires ne financent plus les services publics de proximité, dont ils sont pourtant bénéficiaires au quotidien. Cette distorsion contribue à créer un fossé entre les citoyens d'une même ville.

Faut-il également rappeler que les collectivités locales représentent 70 % de l'investissement public et que, dans un contexte de crise et de très faible croissance, elles constituent pour le tissu économique et les entreprises une ressource absolument vitale ?

Il convient donc de les protéger, de les accompagner, plutôt que de les ponctionner à l'aveugle. S'il est compréhensible qu'elles participent à l'effort national de redressement des comptes publics, elles ne peuvent devenir la variable d'ajustement trop facile des comptes ou, plutôt, des mécomptes de l'État.

Les collectivités sont à ce jour profondément inquiètes de ce que l'État leur concocte pour le budget 2026. Les chiffres d'un doublement, voire d'un triplement de l'effort demandé en 2025, hantent les couloirs.

Madame la ministre, dans l'attente d'une grande réforme et d'une indispensable remise à plat de tout le système de financement des collectivités locales, je n'aurai qu'une seule question : que pouvez-vous leur dire pour les rassurer et nous rassurer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe INDEP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des comptes publics.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. Monsieur le sénateur, pour vous rassurer, d'abord, je serai très claire : ce gouvernement ne souhaite pas instituer de nouveaux impôts dans le prochain budget.

M. Patrick Kanner. Ce n'est pas ce que dit M. Rebsamen !

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous sommes déjà le pays recordman du monde des impôts, et ce gouvernement est, je crois, très fier d'avoir pu rendre 700 euros en moyenne aux Français grâce à la suppression de la taxe d'habitation.

M. Olivier Paccaud. Et la dette ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je tiens également à vous dire que, à moyen terme, comme le ministre Rebsamen vient de l'indiquer, nous voulons donner davantage de visibilité et clarifier le lien entre les contribuables et leurs services publics, ainsi que celui entre le citoyen et son maire, dans l'ensemble du pays. C'est d'ailleurs dans ce sens que je travaille au niveau national : je veux que les Français comprennent mieux, voient mieux où vont leurs impôts.

Que prévoyons-nous pour les collectivités dans la perspective du projet de loi de finances pour 2026 ? Mardi prochain, le Premier ministre, Éric Lombard, François Rebsamen et moi-même allons lancer la conférence de financement des territoires qui a pour objectif de redonner de la prévisibilité aux collectivités.

Certes, les collectivités ne sont pas les filiales de l'État, mais il existe aujourd'hui un grand malentendu qui s'est installé à la faveur de la dichotomie ou de la désynchronisation entre les agendas des maires, qui sont élus pour six ans, et des ministres des comptes publics successifs, dont l'objectif est de bâtir un budget sur l'année.

En réalité, les maires veulent savoir où ils vont quand l'État est, lui, le garant d'un retour à 3 % de déficit d'ici 2029. Nous y parviendrons par le dialogue, par la remise en cause des normes trop nombreuses qui créent des dépenses inutiles, par une réflexion sur nos ressources humaines, la fonction publique territoriale, et le pilotage par les maires eux-mêmes et les collectivités de leurs dépenses.

Il nous faut coconstruire une trajectoire pluriannuelle de nos comptes et un cadre de prévisibilité. Cette réponse, qui passe par le dialogue, me semble mature : il s'agit de réfléchir collectivement à la meilleure manière de revenir, tout en étant solidaires des finances de la Nation, à une situation qui ne laissera pas de dettes supplémentaires à nos enfants.

M. François Bayrou, Premier ministre. Très bien !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 7 mai, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants. Je vous souhaite un très bon 1er mai. N'oubliez ni les baguettes ni le muguet !

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt,

(À suivre)