Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Cyril Pellevat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos concitoyens ne supportent plus de voir l’insécurité se répandre dans notre pays et nous demandent plus de fermeté pour mieux les protéger. Nous avons répondu à cet appel en adoptant définitivement la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic. C’est encore ce que nous avons fait en adoptant des mesures destinées à endiguer la délinquance de notre jeunesse.

Les défis sont immenses, et nous ne devons pas relâcher nos efforts. La violence n’a pas sa place dans notre société ; elle est contraire à nos principes démocratiques. Brisant la vie des victimes, elle met à mal notre pacte républicain.

C’est d’autant plus vrai lorsqu’elle prend pour cible les piliers de notre société. Au contact de nos territoires et de nos élus, nous savons à quel point ces derniers peuvent être visés par des attaques intolérables. Agresser un élu, c’est porter atteinte à son mandat et, finalement, à notre démocratie.

Les professionnels de la justice, tout comme les membres des forces de l’ordre, protègent nos concitoyens et nos institutions. Ils risquent parfois leur vie pour accomplir leur mission.

Je veux redire ici tout le soutien du groupe Les Indépendants – République et Territoires aux agents pénitentiaires ainsi qu’à leurs familles. Il y a quelques semaines, ils ont subi des dégradations et des menaces inacceptables. Force doit rester à la loi : les coupables devront être sévèrement punis.

La protection de ces personnels passe notamment par une aggravation des peines encourues par ceux qui les agressent.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à mieux protéger les professionnels de santé.

Alors que les personnels de santé ont tout mis en œuvre pour protéger nos concitoyens durant la pandémie de covid, alors que notre pays fait face à un manque chronique de médecins et que nous étudions toutes les solutions pour résoudre le problème des déserts médicaux, force est de constater que les soignants sont la cible d’agressions de plus en plus nombreuses.

Ils subissent le plus souvent des atteintes à l’intégrité physique ainsi que des menaces avec arme. Les injures sont également très fréquentes. Les métiers du soin sont en train de devenir des métiers à risque.

Il ne s’agit malheureusement pas de cas isolés. Les témoignages de professionnels agressés dans l’exercice de leurs fonctions se multiplient, que ce soit dans les hôpitaux, les cabinets médicaux ou lors d’interventions à domicile. Ces violences touchent aussi bien les médecins que les infirmiers, les aides-soignants ou les agents d’accueil. Certains en viennent à modifier leurs horaires, voire à renoncer à exercer dans certains territoires.

Cette situation renforce une autre difficulté majeure : plus les conditions de travail se détériorent, plus l’attractivité des métiers de santé recule, ce qui aggrave encore la pénurie que nous connaissons.

Il est donc impératif d’agir vite et fort. L’État ne peut pas rester spectateur face à cette dérive. Nous devons affirmer clairement que toute agression contre un soignant est une attaque contre notre pacte social.

Nous ne pouvons pas accepter que celles et ceux qui nous soignent ne soient pas mieux protégés. Il nous faut sanctuariser la santé des Français. C’est tout l’objet de la proposition de loi que nous examinons et que la ministre Agnès Firmin-Le Bodo a soutenue l’année dernière.

Grâce à ce texte, les infractions de violences volontaires, mais aussi de vol, seront punies plus sévèrement en cas de commission au sein d’établissements de santé ou à l’encontre de leurs employés.

La violence psychologique n’est pas davantage acceptable ; nous n’acceptons pas sa banalisation. Le délit d’injure sera donc, lui aussi, plus lourdement puni.

Cependant, aggraver les peines ne suffit pas si nous ne facilitons pas les poursuites. Le texte ouvre ainsi à l’employeur la faculté de déposer plainte, à condition toutefois de recueillir l’accord de l’employé victime. Il nous semble que cette mesure permettra des poursuites plus systématiques, sans pour autant méconnaître les droits de la partie civile.

Nous devons afficher la plus grande fermeté en la matière.

Je veux, à cet égard, saluer le travail de la justice. Le taux de réponse pénale s’agissant de ces affaires est excellent, puisqu’il dépasse les 90 %.

Ainsi, je me félicite de la condamnation à trois mois et six mois de prison ferme prononcée par le tribunal de Thonon-les-Bains à l’encontre des auteurs de l’agression commise à l’encontre de plusieurs soignants aux urgences de l’hôpital privé d’Annemasse. Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de vous être rendu sur place pour soutenir les personnels en ces moments difficiles.

En revanche, les victimes sont encore trop peu nombreuses – moins d’un tiers – à donner des suites judiciaires à leur agression. Nous souhaitons que cela devienne plus systématique : la peur doit changer de camp.

Notre collègue Daniel Chasseing, médecin, a déposé deux amendements que nous vous proposons d’adopter. Il s’agit de permettre aux professionnels de santé de conserver l’anonymat lorsqu’ils effectuent un signalement de violences intrafamiliales. De même, un tel dispositif serait utile concernant les violences sur mineurs.

Voilà qui permettrait de lever les obstacles à ces signalements qui constituent, bien souvent, l’une des rares possibilités de faire cesser le calvaire des victimes. En effet, par crainte de représailles, de nombreux cas de violences ne font pas l’objet de signalement. Nous avons l’occasion de changer cela.

Ce texte traduit une prise de conscience, mais il envoie aussi un message : la République soutient et protège les personnels soignants, elle ne tolérera aucune agression à leur encontre.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera à l’unanimité en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Khalifé Khalifé. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Khalifé Khalifé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne pensais pas, quand je suivais mes études médicales, et encore moins lorsque j’effectuais ma longue carrière hospitalière, que les parlementaires seraient un jour obligés de légiférer pour renforcer la sécurité des professionnels de santé.

Je n’imaginais pas non plus que le respect accordé à celles et à ceux qui, par leur dévouement, leur éthique et leur présence, souvent dans les moments les plus difficiles de la vie, serait un jour remplacé par des actes de violence, comme ceux que nous rencontrons de plus en plus aujourd’hui.

Oui, mes chers collègues, la défiance envers l’autorité sous toutes ses formes est non seulement davantage assumée, mais elle s’attaque à ce que l’on considérait encore récemment comme « l’autorité médicale ».

Comme cela a été rappelé, toutes les données statistiques montrent clairement une augmentation importante des coups et blessures volontaires, ainsi que des violences de type sexuel envers les soignants, qui sont deux fois plus touchés par ces phénomènes que le reste de la population.

Malgré les politiques de prévention mises en œuvre depuis une quinzaine d’années, l’Observatoire national des violences en milieu de santé recense plusieurs dizaines de milliers d’atteintes aux personnes et plus de 5 000 atteintes aux biens chaque année. Et encore, ces chiffres ne reflètent malheureusement pas la réalité, car les faits restent encore trop souvent tus.

Ces violences ne sont plus des actes isolés, mais elles sont devenues une réalité quotidienne pour nombre de nos concitoyens engagés dans le soin et concernent tous nos soignants, quels que soient leurs lieu et mode d’exercice.

Les conséquences de ces violences sont majeures et constituent, à l’échelle de la victime, un traumatisme profond. À l’échelle d’une équipe soignante, elles affectent durablement la dynamique collective. Lutter efficacement contre ces agressions relève donc d’un enjeu crucial, à la fois pour la santé des professionnels, mais aussi pour l’attractivité de ces métiers, déjà frappés par une crise profonde. Elles sont souvent une cause d’abandon des études, de reconversion professionnelle, d’éloignement du territoire concerné et, par la suite, stigmatisé, et enfin, de départ anticipé à la retraite.

Face à ce constat, il devient urgent de créer les conditions nécessaires pour garantir la santé physique et psychique des soignants, afin qu’ils puissent exercer leur mission dans une atmosphère apaisée et sécurisée, et dans un environnement adapté et protégé.

Jamais je n’aurais imaginé, disais-je, devoir prononcer de tels propos. Mais face à la violence sans limite que nous connaissons dans notre société, il ne peut y avoir de résignation, et encore moins d’indifférence. C’est pourquoi cette proposition de loi, dont je salue l’auteur, ainsi que la rapporteure pour son excellent travail, traduit une ambition claire : réaffirmer la protection de celles et de ceux qui protègent les autres.

Le texte que nous examinons aujourd’hui contient trois volets d’avancées concrètes, dont je tiens à souligner l’importance. Le premier concerne la prévention sous toutes ses formes : celle de la violence proprement dite, l’apprentissage de la manière dont on peut y faire face et la gérer et l’accompagnement des victimes, afin de leur permettre de se reconstruire.

À ce propos, monsieur le ministre, je souhaitais insister sur l’importance croissante des maisons des soignants, disséminées sur le territoire, qui nous aident à affronter toutes ces difficultés.

Le deuxième volet est celui de la sécurisation des lieux de soins. Ainsi, des moyens seront destinés aux établissements, pour la mise en œuvre de mesures concrètes : entre autres, renforcement des moyens de sécurité, réaménagement des espaces et surtout, afin de fluidifier les rapports, coordination avec les forces locales de la justice et de la police.

J’insiste monsieur le ministre, sur un point particulier. Ainsi, outre les cabinets libéraux et l’hôpital, que vous avez mentionnés, j’attire votre attention sur la sécurisation des pharmacies, de plus en plus vandalisées, comme les événements récents le montrent encore. Je souhaitais également vous sensibiliser à la fragilité de nos hôpitaux psychiatriques, intrinsèquement vulnérables, et au sein desquels l’on retrouve énormément de deal et de narcotrafic, sources de violence et de difficultés, tant avec les personnels que les patients. Nous présenterons un amendement sur ce sujet.

Enfin, le troisième volet est celui de la fermeté pénale, déjà mentionnée.

Ce texte, mes chers collègues, apporte non seulement une réponse technique, mais aussi la confirmation que la République se tient aux côtés de ses soignants. Monsieur le ministre, je m’associe à vous pour saluer ce travail et l’ensemble des personnes qui y ont contribué.

Mes chers collègues, en votant ce texte, nous manifestons notre volonté de réduire toute forme de violence. En effet, la grandeur d’une société se mesure aussi à la manière dont elle prend soin de ceux qui la soignent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains. – Mmes Véronique Guillotin et Corinne Bourcier applaudissent également.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé

Discussion générale
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé
Après l’article 1er

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° A Au 4° bis des articles 222-8 et 222-10, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou un membre du personnel exerçant au sein d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, d’une officine de pharmacie, d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un établissement ou d’un service social ou médico-social » ;

1° Les articles 222-12 et 222-13 sont ainsi modifiés :

a) Au 4° bis, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou un membre du personnel exerçant au sein d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, d’une officine de pharmacie, d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un établissement ou d’un service social ou médico-social » ;

b) (Supprimé)

c) Après le 11°, il est inséré un 11° bis ainsi rédigé :

« 11° bis Dans un établissement de santé, un centre de santé, une maison de santé, une maison de naissance, un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, une officine de pharmacie, un laboratoire de biologie médicale ou un établissement ou un service social ou médico-social ; »

2° À la fin du 5° de l’article 311-4, les mots : « destiné à prodiguer des soins de premiers secours » sont remplacés par les mots : « médical ou paramédical ou lorsqu’il est commis dans un établissement de santé ».

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 15 rectifié ter est présenté par Mme Bourcier, M. Capus, Mme L. Darcos et MM. A. Marc, Chasseing, Rochette, Brault et Chevalier.

L’amendement n° 32 rectifié bis est présenté par Mme Imbert.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéas 2 et 4

Remplacer les mots :

d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’une maison de santé, d’une maison de naissance, d’un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, d’une officine de pharmacie, d’un laboratoire de biologie médicale ou d’un établissement ou d’un service social ou médico-social

par les mots :

d’un lieu d’exercice d’un professionnel de santé

II. – Alinéa 7

Remplacer les mots

établissement de santé, un centre de santé, une maison de santé, une maison de naissance, un cabinet d’exercice libéral d’une profession de santé, une officine de pharmacie, un laboratoire de biologie médicale ou un établissement ou un service social ou médico-social

par les mots :

lieu d’exercice d’un professionnel de santé

La parole est à Mme Corinne Bourcier, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié ter.

Mme Corinne Bourcier. La rédaction retenue, qui comprend une liste établie à l’article 1er, peut présenter le risque de la non-prise en compte de certaines structures. Pour la pharmacie, c’est par exemple le cas des établissements de distribution en gros ou des locaux des prestataires dispensateurs d’oxygène à domicile. Une notion plus globale, telle que celle des lieux d’exercice des professionnels de santé, semble présenter moins de risques qu’une liste limitative.

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.

Mme Corinne Imbert. Il est défendu.

Mme la présidente. Les trois amendements suivants sont également identiques.

L’amendement n° 1 rectifié octies est présenté par Mme Aeschlimann, M. Panunzi, Mmes Noël et Josende, MM. Daubresse, Somon et Burgoa, Mmes Lavarde, Estrosi Sassone, Gosselin, Belrhiti, Bellurot, Ventalon, Garnier, Billon, Joseph, Muller-Bronn et Drexler, MM. Bouchet et Margueritte, Mmes Dumont, Berthet, Canayer et Romagny, M. Genet et Mme Gruny.

L’amendement n° 4 rectifié octies est présenté par Mme Jacquemet, M. Laugier, Mmes Morin-Desailly, Guidez et de La Provôté, MM. J.M. Arnaud et Duffourg, Mmes Saint-Pé et Herzog, M. Canévet, Mmes Loisier et Housseau, MM. S. Demilly, Fargeot, Delcros et Parigi, Mme Florennes, MM. Levi, Pillefer, Henno, Dhersin et L. Hervé, Mmes Perrot et Devésa, MM. Longeot et Menonville, Mme Vermeillet et MM. Chauvet et Courtial.

L’amendement n° 25 est présenté par Mmes Schillinger et Ramia, MM. Rohfritsch, Patriat, Buis et Buval, Mmes Cazebonne et Duranton, M. Fouassin, Mme Havet, MM. Iacovelli, Kulimoetoke, Lemoyne et Lévrier, Mme Nadille, M. Patient, Mme Phinera-Horth, MM. Rambaud, Théophile et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 2 et 4

Après le mot :

pharmacie,

insérer les mots :

d’un prestataire de santé à domicile,

La parole est à Mme Marie-Do Aeschlimann, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié octies.

Mme Marie-Do Aeschlimann. Il s’agit, par cet amendement, de prendre en compte, en élargissant le champ d’application du texte, un certain nombre de professionnels et d’auxiliaires de santé qui interviennent au domicile des patients. Plus de 20 000 personnes sont concernées.

Il serait dommage de les tenir à l’écart de la protection particulière que cet excellent texte reconnaît aux professionnels de santé intervenant dans un établissement de santé. Elle a d’ailleurs été étendue, grâce au travail remarquable de la rapporteure de la commission des lois, à d’autres lieux d’exercice de la santé.

Nous entendons ainsi couvrir tous les professionnels intervenant à domicile. En outre, nous savons que, avec le vieillissement de la population, un nombre croissant de personnes seront appelées à recevoir des soins chez elles. Il convient donc de protéger ces professionnels, d’autant que l’isolement dû à l’éloignement d’une structure collective aggrave leur vulnérabilité. Ils sont parfois en vis-à-vis direct avec des patients présentant des troubles divers et des difficultés de comportement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Jacquemet, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié octies.

Mme Annick Jacquemet. Si la présente proposition de loi vise à répondre à la montée des violences physiques et verbales à l’encontre des professionnels de santé, le personnel des prestataires de santé à domicile (PSAD) n’est pas mentionné à l’article 1er, dans sa formulation actuelle. Pourtant, ce dernier est souvent en première ligne face à la montée des violences.

D’ailleurs, le dernier rapport de l’Observatoire national des violences en milieu de santé recense de nombreux signalements de violences subies par des professionnels intervenant au domicile des patients. Il y est notamment mentionné que « l’appréhension [des soignants] est d’autant plus forte lorsque les soins sont dispensés au domicile du patient, le soignant étant à la fois dans un contexte isolé, et par ailleurs le patient/accompagnant pouvant se sentir en situation de force, étant à son domicile ».

Voilà pourquoi, à l’instar des autres acteurs de la santé à domicile, il importe de prévoir la protection du personnel des prestataires de santé à domicile face aux violences qu’ils peuvent subir dans l’exercice de leur métier.

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 25.

Mme Patricia Schillinger. Il est défendu.

Mme la présidente. L’amendement n° 27, présenté par Mme Florennes, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ou d’un dispositif d’appui à la coordination (DAC) des parcours de santé complexes mentionnés à l’article L. 6327-1 du code de la santé publique

La parole est à Mme Isabelle Florennes.

Mme Isabelle Florennes. Cet amendement vise à étendre le dispositif de l’article 1er aux agents travaillant dans les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), créés par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. En raison de leur mission, ils font face à des personnes cumulant diverses difficultés et aux besoins de santé complexes. Dans ce contexte, ils sont susceptibles d’être victimes de violences verbales et physiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. Les auteurs des amendements identiques nos 15 rectifié ter et 32 rectifié bis, qui tendent au remplacement de l’énumération des lieux d’exercice par une formulation unique, ont le mérite de tenter de surmonter les difficultés liées à l’énumération.

Cependant, la formulation retenue, à savoir le « lieu d’exercice d’un professionnel de santé », est en pratique imprécise. Elle est particulièrement large, puisqu’il suffit qu’un professionnel de santé exerce à un moment donné dans un lieu, même ponctuellement, pour que les peines soient aggravées. En outre, la notion même de lieu est floue : s’agit-il d’une pièce, de plusieurs pièces, comme l’infirmerie d’une école, ou d’un bâtiment entier ?

À l’inverse, cette rédaction ne protégera pas les personnels non soignants qui mettent en place les dispositifs médicaux des PSAD. Ainsi, l’imprécision de la formulation pose un problème au regard du principe de légalité des délits et des peines. En effet, selon qu’un professionnel de santé est appelé ou non à exercer dans un lieu qui peut avoir une autre vocation principale que le soin, les peines seront différentes.

Dès lors, même si nous souscrivons à l’objectif d’une rédaction plus satisfaisante, celle qui est proposée ne peut être retenue. La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 15 rectifié ter et 32 rectifié bis.

Sur l’ajout des prestataires de santé à domicile à l’énumération des personnes protégées, la rédaction des amendements identiques nos 1 rectifié octies, 4 rectifié octies et 25 montre, elle aussi, la difficulté à trouver la formulation juridiquement adéquate pour protéger l’ensemble des personnels qui ne sont pas soignants, mais qui interviennent dans les structures ou services de soins, ce qui est bien l’objet de la proposition de loi.

Je rappelle que c’est depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qu’il existe des sanctions renforcées punissant les violences à l’encontre des professionnels de santé. Ceux-ci sont donc déjà protégés, et c’est des autres professionnels qu’il est question dans cet article 1er. Au regard de cette difficulté, la commission demande l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements.

Enfin, sur l’amendement n° 27, nous demandons également l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yannick Neuder, ministre. Nous demandons le retrait des amendements identiques nos 15 rectifié ter et 32 rectifié bis et, à défaut, émettrons un avis défavorable. En effet, avec l’extension de la cible, on risque de créer une rupture d’égalité, ce qui crée une fragilité juridique.

Sur les amendements identiques nos 1 rectifié octies, 4 rectifié octies et 25, l’avis est favorable. J’entends les arguments de leurs auteures, qui souhaitent protéger l’ensemble des professionnels de santé. En effet, pour nombre de ces derniers, le domicile est un lieu d’exercice, sans qu’il soit question d’opposer les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social. Tous les inclure serait donc une bonne mesure, puisqu’ils exercent dans un lieu où ils peuvent être particulièrement exposés.

Quant à l’amendement n° 27, j’en demande le retrait ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. En effet, il est important de poser une limite au champ de l’aggravation des sanctions pénales prévues par l’article 1er. Or si les dispositifs d’appui à la coordination étaient inscrits dans la loi, cela soulèverait la question de la prise en compte de tous les professionnels exerçant dans des services publics se rattachant à la prise en charge sanitaire, voire à l’accompagnement social des usagers. La cible s’en trouverait grandement élargie, au risque, là encore, d’une fragilité juridique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Florennes, pour explication de vote.

Mme Isabelle Florennes. Monsieur le ministre, vous évoquez un champ trop large par rapport aux services publics. Je souhaitais confirmer cette précision relative aux dispositifs d’appui à la coordination.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Yannick Neuder, ministre. Chaque professionnel de santé intervenant au sein d’un DAC est déjà protégé aux termes de la proposition de loi que nous sommes en train d’examiner, de manière individuelle. De même, on ne protège pas un hôpital ou une clinique, une structure ou un lieu d’exercice, mais bien les professionnels de santé.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié ter et 32 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié octies, 4 rectifié octies et 25.

(Les amendements sont adoptés.)

Mme la présidente. Madame Florennes, l’amendement n° 27 est-il maintenu ?

Mme Isabelle Florennes. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 27 est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. V. Louault, Chasseing, Chevalier et Rochette, Mme Bourcier et MM. Laménie, A. Marc et Capus, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 3° de l’article 222-28 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’elle est commise par ou sur un professionnel de santé durant son exercice ; »

La parole est à Mme Corinne Bourcier.

Mme Corinne Bourcier. Les professionnels de santé, dont la mission est de soigner, sont majoritairement des femmes. Ces soignantes sont plus exposées aux agressions que leurs confrères.

Par ailleurs, les patients relèvent de la position de particulière vulnérabilité définie au 3° de l’article 222-24 du code pénal, laquelle aggrave le viol. Cependant, le délit d’agression sexuelle n’est pas explicitement concerné. Cela justifie une aggravation du délit d’agression sexuelle commis dans le cadre de la relation entre le soignant et le soigné.

Mme la présidente. L’amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Bourgi et Durain, Mmes de La Gontrie et Harribey, M. Chaillou, Mmes Narassiguin et Linkenheld, MM. Kerrouche, Roiron, Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le 3° de l’article 222-28 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« …° Lorsqu’elle est commise sur un professionnel de santé durant son exercice ; »

La parole est à M. Hussein Bourgi.

M. Hussein Bourgi. Dans le prolongement des propos de notre collègue, je souhaite mentionner deux tabous qui se superposent.

Le premier tabou, c’est celui de la violence dont nous parlons aujourd’hui, depuis le milieu de l’après-midi. Le second tabou, c’est celui des violences à connotation sexuelle qui surviennent dans le milieu hospitalier.

En effet, ces dernières ne sont pas souvent évoquées. Bien souvent, ce sont des jeunes femmes, des internes, parfois des agents de catégorie C qui se posent la question du poids de leur parole : seront-elles crues lorsqu’elles expliqueront qu’un patient s’est livré à une agression sexuelle ? Voilà la raison pour laquelle cette réalité est insuffisamment documentée et connue.

Il suffit de siéger dans les conseils de surveillance des hôpitaux, comme le font nombre de nos collègues ici présents, d’écouter ce que nous disent les syndicats, de circuler dans ces services pour que la parole se libère. C’est notamment le cas à l’occasion des journées du 8 mars ou du 25 novembre, au cours desquelles sont mises en avant les violences faites aux femmes et la manière de les prévenir et de les combattre.

Voilà la raison pour laquelle nous vous proposons, par cet amendement, de nommer les choses et d’aggraver les sanctions. Personne, fût-il un patient, n’a le droit de toucher le corps d’une femme qui est là pour le soigner, n’a le droit de toucher le corps d’une femme qui est là pour lui changer ses pansements, n’a le droit, tout simplement, de commettre ces agressions sexuelles. Il y va du respect de la dignité de chaque soignant et de chaque femme, car les victimes sont souvent, malheureusement, des femmes.

En effet, selon certaines études, 54 % des femmes qui interviennent dans le domaine de la santé, dans les secteurs hospitalier ou médico-social, sont confrontées au moins une fois pendant leur carrière à ce genre d’infraction, qu’il faut absolument nommer et sanctionner plus gravement qu’actuellement.