Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. François Bonhomme, M. Mickaël Vallet.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

problématiques liées aux sargasses en guadeloupe

M. Dominique Théophile ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.

commande publique dans le numérique

Mme Vanina Paoli-Gagin ; M. Laurent Marcangeli, ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification ; Mme Vanina Paoli-Gagin.

situation des prisons en france

M. Michel Masset ; M. Gérald Darmanin, ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Masset.

cacophonie au sein de l’exécutif

M. Patrick Kanner ; M. François Bayrou, Premier ministre ; M. Patrick Kanner.

situation sanitaire à la réunion

Mme Evelyne Corbière Naminzo ; M. Yannick Neuder, ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

visite du président syrien

M. Loïc Hervé ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; M. Loïc Hervé.

initiative choose france for science et moyens alloués à la recherche

Mme Anne Souyris ; M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

référendum sur les finances publiques

M. Jean-François Husson ; M. François Bayrou, Premier ministre ; M. Jean-François Husson.

désindustrialisation et conséquences pour l’emploi

Mme Marie-Claire Carrère-Gée ; M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

annonce par israël de nouvelles opérations militaires

Mme Corinne Narassiguin ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; Mme Corinne Narassiguin.

agression d’un élu en gironde

Mme Florence Lassarade ; M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur ; Mme Florence Lassarade.

financement de l’islam politique par l’union européenne

Mme Nathalie Goulet ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe ; Mme Nathalie Goulet.

carte de l’éducation prioritaire

M. Olivier Paccaud ; M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; M. Olivier Paccaud.

situation des universités et de la recherche

M. David Ros ; M. Patrick Mignola, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement ; M. David Ros.

partenariats internationaux avec la syrie et le gabon

M. Jean-Luc Ruelle ; M. Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l’Europe.

avenir de la filière hydrogène

M. Michel Canévet ; Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du tourisme ; M. Michel Canévet.

3. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. François Bonhomme,

M. Mickaël Vallet.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

problématiques liées aux sargasses en guadeloupe

M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Dominique Théophile. En préambule, le groupe RDPI tient à rappeler les conditions inhumaines dans lesquelles sont maintenus Cécile Kohler et Jacques Paris, qui entament leur quatrième année de détention arbitraire en Iran. Nous leur adressons, ainsi qu’à leurs proches, une pensée sincère et tout notre soutien. (Applaudissements.)

J’en viens à ma question, qui s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

Madame la ministre, en 2018, Nicolas Hulot s’était rendu en Guadeloupe pour constater les ravages causés par les sargasses. Face à la gravité de la situation, il avait pris, au nom de l’État, un engagement clair : les algues seraient ramassées dans un délai maximal de quarante-huit heures après échouement. Sept ans plus tard, cet engagement n’a jamais été respecté, et le phénomène s’aggrave.

En 2025, nos côtes sont submergées. Les sargasses s’accumulent, fermentent et libèrent de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac en concentrations alarmantes, provoquant des troubles respiratoires et des lésions oculaires. Ce n’est plus une nuisance, madame la ministre : c’est un empoisonnement à ciel ouvert.

À Capesterre-de-Marie-Galante, le collège Nelson-Mandela a dû être évacué, les riverains désertent leur logement et les commerces ferment. Les moyens déployés sont dérisoires face à l’ampleur du sinistre. Madame la ministre, vous connaissez bien ce dossier : nous avons échangé à ce sujet. Depuis lors, la situation a empiré.

Nos communes, particulièrement les plus petites d’entre elles, ainsi que les Saintes et La Désirade, n’ont ni les bras ni les camions nécessaires pour gérer des échouements de plusieurs centaines de tonnes par semaine. Le préfet ne dispose pas non plus des moyens suffisants pour agir efficacement. Il faut une véritable stratégie nationale d’intervention.

Le ramassage sous quarante-huit heures doit être respecté : c’est une exigence sanitaire vitale, pas une option. Face à l’ampleur de la menace, une réponse interministérielle concrète et efficace est indispensable.

Ne reproduisons pas l’erreur du chlordécone. Ce serait commettre une seconde faute historique face à une pollution chronique, invisible depuis Paris, mais bien réelle et toxique pour les Antilles.

Madame la ministre, quand aurons-nous une réponse à la hauteur des discours ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur Théophile, permettez-moi tout d’abord d’avoir comme vous une pensée pour nos deux compatriotes retenus en Iran depuis plusieurs années dans des conditions intolérables. J’imagine que nous y reviendrons au cours de cette séance.

Je mesure pleinement l’ampleur du problème des sargasses, qui frappe nos territoires ultramarins, notamment la Guadeloupe, et je connais votre engagement dans ce combat contre ce fléau. Je rappelle que vous avez mené une mission d’étude régionale et organisé une conférence internationale en 2019, qui ont permis d’aligner les positions d’un certain nombre de pays et de prendre différentes mesures.

Ce fléau est amplifié par le dérèglement climatique, mais il n’est pas seulement une question environnementale. Vous l’avez très bien dit, il est un enjeu économique, social et sanitaire, qui touche directement nos concitoyens et qui est dévastateur pour le tourisme, la pêche et la santé des habitants.

C’est pourquoi nous agissons avec des moyens techniques, humains et financiers. Le plan national de prévention et de lutte contre les sargasses 2022-2025, dit plan Sargasses II, vise à gérer les sargasses, de leur détection en amont jusqu’à leur traitement final une fois qu’elles se sont échouées sur les côtes.

Des expérimentations de relargage en mer sont également en cours. Elles sont suivies avec attention, pour éviter de potentiels effets sur la biodiversité ou leur échouement sur des territoires voisins.

Cette question sera également discutée lors du prochain comité interministériel de la mer, pour donner une suite au plan Sargasses II. Mon objectif est de disposer d’un plan de lutte et de gestion post-2025 doté de moyens et de mettre l’accent sur l’identification et le soutien aux filières de valorisation, ainsi que sur le déploiement élargi de la collecte en mer et du relargage, sous réserve d’un retour d’expérience positif.

Monsieur le sénateur, nous prendrons en compte vos travaux, ainsi que ceux de vos collègues parlementaires Mickaël Cosson et Olivier Serva, qui viennent de remettre les conclusions de leur mission d’information flash sur la valorisation des algues en réponse à leur prolifération.

Vous pouvez compter sur mon engagement pour porter ce sujet. La protection de nos concitoyens est l’une de mes priorités.

M. le président. Je profite de cette question pour remercier Dominique Théophile de la vice-présidence du Sénat qu’il a assumée pendant dix-huit mois, en se montrant toujours soucieux de la qualité de nos débats, à la grande satisfaction de nos collègues. (Applaudissements.)

commande publique dans le numérique

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur des travées des groupes INDEP, UC et Les Républicains.)

Mme Vanina Paoli-Gagin. Monsieur le ministre, l’École polytechnique, le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), l’éducation nationale, les ministères régaliens, voire des opérateurs d’importance vitale, ont récemment choisi des solutions numériques américaines portant sur de gros volumes de données sensibles, y compris de santé, pour des centaines de millions d’euros. Ainsi se multiplient nos dépendances à des prestataires technologiques extraeuropéens.

Lundi dernier, j’ai assisté à la conférence Choose Europe for science. Le Président de la République y a rappelé que l’absence de cloud souverain européen a été une erreur stratégique majeure participant de notre vassalité.

À la mi-mars, j’ai alerté les ministres Amélie de Montchalin et Clara Chappaz. Votre courrier conjoint à toutes les tutelles, monsieur le ministre, ainsi que le contrat stratégique de filière Logiciels et solutions numériques de confiance vont dans le bon sens. Mais, de grâce, passons du mode observatoire au mode exécutoire !

Monsieur le ministre, le décalage entre les paroles et les actes vous a précédé, mais des chiffres fiables et consolidés de l’achat public numérique via l’Union des groupements d’achats publics (Ugap) ou autres font toujours défaut. Cela suscite des interrogations sur l’appropriation de l’article 31 de la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (Sren). J’avais entrevu ce problème lors d’un récent contrôle sur la commande publique des universités.

Cela interroge d’autant plus que la donnée est duale par nature. En outre, le contexte géopolitique rend vitale notre protection, car les solutions américaines embarquent l’extraterritorialité de la législation FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), y compris en Europe. Or 82 % des requêtes sont exploitées à des fins d’intelligence économique. Cessons d’être naïfs !

Dans le triple objectif d’assurer la bonne gestion de nos données publiques, de gagner la confiance de nos concitoyens et de protéger nos données, quand allez-vous procéder, monsieur le ministre, à un audit de la chaîne de la commande publique numérique ? À quand une obligation de justifier objectivement du choix de toute solution non européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC. – Mme Marie-Claire Carrère-Gée applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action publique, de la fonction publique et de la simplification.

M. Laurent Marcangeli, ministre de laction publique, de la fonction publique et de la simplification. Madame la sénatrice Paoli-Gagin, vous avez raison : la commande publique n’est pas seulement un sujet technique ; c’est avant tout un levier stratégique de souveraineté et de résilience.

La commande publique est stratégique, parce qu’elle représente 170 milliards d’euros de dépenses publiques par an et cache des enjeux majeurs de souveraineté et d’indépendance, notamment en matière de défense et de numérique.

Le Gouvernement suit avec un grand intérêt les travaux de la commission d’enquête du Sénat sur les coûts et les modalités effectifs de la commande publique et la mesure de leur effet d’entraînement sur l’économie française. Une mission de l’inspection générale des finances a également été lancée en novembre dernier sur les pratiques des centrales d’achat public ; elle devrait venir nourrir notre réflexion d’ici au mois de juin.

Comme vous, je suis convaincu que nous devons cesser d’être les grands naïfs de la mondialisation. L’argent public doit être mis en priorité au service de notre souveraineté économique. Avec les ministres Amélie de Montchalin et Clara Chappaz, j’assume un pilotage plus exigeant de notre doctrine d’achat public, pour en faire un véritable levier de transformation stratégique.

Près de 145 millions d’euros ont déjà été engagés par les administrations dans les solutions cloud, sur les recommandations de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) et conformément à la doctrine cloud de l’État et à son label « cloud de confiance ». Les acteurs français ont réussi à capter près de 65 % de ces marchés pour un montant d’environ 90 millions d’euros. Pour l’État central, cette part atteint même 95 %, preuve que nous pouvons y arriver.

Pour renforcer notre résilience et notre indépendance, la loi Sren impose désormais le recours au label SecNumCloud ou à un équivalent européen pour toute utilisation de données sensibles dans l’administration. Ces résultats sont le fruit d’un engagement clair en faveur de notre souveraineté.

Enfin, nous devons simplifier l’accès à notre commande publique grâce au projet de loi de simplification de la vie économique. Les seuils de marché public seront modifiés, vous le savez. Ils seront également relevés pour les entreprises du secteur de la défense.

Vous pouvez en tout cas compter sur mon action, madame la sénatrice, ainsi que sur celle du Gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe INDEP. – M. François Patriat applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Vanina Paoli-Gagin, pour la réplique.

Mme Vanina Paoli-Gagin. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Nous comptons sur votre action dans le réel. Nos données et nos euros doivent autant que possible rester à la maison ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

M. Emmanuel Capus. Bravo !

situation des prisons en france

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. Michel Masset. Monsieur le garde des sceaux, nous avons récemment salué les nouvelles recrues et les agents de l’École nationale d’administration pénitentiaire d’Agen, en rendant hommage à leur engagement. Je tiens à rappeler ici que toutes les violences à l’égard de ces agents sont inacceptables. Elles constituent un nouveau défi pour l’administration pénitentiaire et pour la société tout entière.

Je m’inquiète des conditions dans lesquelles ces personnels exercent leur mission. À Gradignan, où le taux d’occupation de la prison s’élève à 210 %, on manque non pas de cellules, mais de quelques mètres carrés pour placer un nouveau matelas. Et faire payer les frais d’hébergement aux détenus, comme vous le proposez, n’est pas la solution !

La surpopulation stresse l’ensemble de l’écosystème de la détention, particulièrement les agents au quotidien. Elle fait perdre son sens à la peine carcérale.

Si l’emprisonnement est une sanction légitime, car il écarte les individus dangereux, il doit également préparer la réinsertion des détenus dans la société, grâce notamment aux collectivités, aux associations et à France Travail.

Au lendemain d’une forte mobilisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation, monsieur le garde des sceaux, les chantiers sont immenses. Je sais l’énergie que vous déployez pour faire construire de nouvelles prisons, mais n’oubliez pas la rénovation des structures existantes, dans lesquelles s’entassent nos concitoyens détenus.

Avez-vous un plan pluriannuel de rénovation ? Et que prévoyez-vous face au défi cardinal de la santé mentale et physique, compte tenu du manque de psychiatres et de soignants ? La réhabilitation ne doit pas devenir le parent pauvre de la détention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérald Darmanin, ministre dÉtat, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je connais votre implication sur les questions liées aux prisons et votre attachement aux agents pénitentiaires. Nous nous sommes d’ailleurs rencontrés à plusieurs reprises sur ce sujet, notamment à l’École nationale d’administration pénitentiaire, qui se trouve dans votre département, à Agen.

Aujourd’hui, notre administration pénitentiaire est attaquée par des voyous, par des narcotrafiquants, à la suite du travail collectif que nous avons effectué dans le cadre de la loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, que vous venez d’adopter, mesdames, messieurs les sénateurs. Cette loi extrêmement importante empêchera, je l’espère, de manière définitive, d’autres affaires Amra. Le 14 mai prochain, le Président de la République rendra d’ailleurs hommage aux deux agents pénitentiaires qui ont été lâchement assassinés au péage d’Incarville.

Le régime carcéral extrêmement sévère, inspiré du modèle italien, que nous avons mis en place fait réagir les narcotrafiquants, qui attaquent les domiciles des agents pénitentiaires et les prisons. Nous devons faire preuve de courage collectif et changer les choses.

Vous m’interrogez sur les constructions de prison. Sur les 15 000 places de prison annoncées en 2017, quelque 5 000 ont été construites, 5 000 sont en cours de réalisation et 5 000 restent à construire. J’ai annoncé, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, la construction deux fois moins chère et trois fois plus rapide de prisons modulaires, afin de réduire la surpopulation carcérale, qui nuit gravement au travail des agents pénitentiaires et, bien sûr, à la réinsertion des détenus. Je sais que votre département est candidat pour obtenir des lieux pénitentiaires supplémentaires.

Par ailleurs, nous procéderons à l’intégralité des rénovations pénitentiaires prévues. Les crédits votés à cet effet par le Parlement, à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros, sont préservés. Je remercie d’ailleurs le Premier ministre de son arbitrage dans un contexte budgétaire difficile.

Nous avons donc un plan et nous résoudrons les grandes difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Surtout, nous soutenons les agents pénitentiaires, qui accomplissent un travail formidable et qui, je le sais, ont également votre appui. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Masset, pour la réplique.

M. Michel Masset. Monsieur le garde des sceaux, gardons en mémoire les propos de Robert Badinter : « Sauf à tourner le dos à l’idéal républicain, la conception de la prison doit être, bien sûr, la sanction, mais aussi l’amendement et la réinsertion. » (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

cacophonie au sein de l’exécutif

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, entre l’Élysée et Matignon, c’est à qui dégainera le premier ! Après avoir évoqué un budget d’austérité prévoyant 40 milliards d’euros de coupes, une contribution des retraités et un nouveau mode de scrutin législatif, vous brandissez à présent l’arme référendaire comme un joker politique à chaque blocage, comme un aveu d’impuissance de l’exécutif.

Alors que le Président de la République veut consulter sur l’organisation du temps scolaire – compétence gouvernementale – et que vous annoncez, monsieur le Premier ministre, des référendums sans avoir le pouvoir constitutionnel d’en convoquer, une question se pose : qui gouverne ? Et surtout, gouvernez-vous encore ensemble ?

O tempora, o mores ! Hier , on parlait de couac, aujourd’hui, on parle de polyphonie, mais il faut bien appeler les choses par leur nom : c’est de la cacophonie ! Pis, il s’agit d’une cacophonie politique érigée en méthode de gouvernement – un gouvernement d’autoentrepreneurs. (Sourires sur les travées du groupe SER.) Ce ballet institutionnel donne le sentiment d’un pouvoir à court d’idées, à court de majorités, à bout de souffle, déjà.

Pendant ce temps, les Français, eux, ne demandent pas de référendum sur le budget ou sur l’organisation territoriale du pays. Ils veulent savoir s’ils pourront finir le mois, se loger, se soigner, accéder à l’éducation pour leurs enfants, vivre en sécurité – se projeter, tout simplement.

Par deux fois, en responsabilité, nous n’avons pas censuré. Mais soyons clairs, monsieur le Premier ministre, vous n’êtes pas là pour durer ; vous êtes là pour agir, et cela contre l’anxiété sociale qui ronge notre pays.

Aussi, monsieur le Premier ministre, votre objectif est-il de tenir le plus longtemps possible à Matignon ou bien de répondre enfin aux véritables attentes des Français ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le président Patrick Kanner, je trouve votre question extrêmement éclairante sur un certain nombre de faiblesses françaises. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Mme Laurence Rossignol. Nous aimerions que la réponse aussi soit éclairante !

M. François Bayrou, Premier ministre. Je vais y répondre très simplement : le constat que vous dressez – la photographie que vous présentez – est gravement fautif.

Quand vous dites que le Gouvernement a pour responsabilité de fournir des moyens à tous les acteurs de la société, vous oubliez de dire que, tous courants politiques confondus, nous avons créé la situation dans laquelle se trouve notre pays. Nous sommes tous responsables de l’état des finances du pays et de l’état du patrimoine du pays. (Protestations sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.) Et cela ne sert à rien d’agiter les bras dans tous les sens !

Notre pays a accumulé 3 300 milliards – soit 3 300 fois 1 000 millions ! – d’euros de dettes et s’achemine, si nous ne faisons rien,…

M. Rachid Temal. Mais vous ne faites rien !

M. François Bayrou, Premier ministre. … vers une charge annuelle de la dette de 100 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale additionné à celui de la défense nationale. Ceux qui laissent faire cela sont des irresponsables. (Protestations sur les mêmes travées.) Ceux qui, chaque fois qu’ils montent à la tribune, demandent des crédits nouveaux et de nouvelles dépenses de l’État, ceux-là trahissent l’intérêt du pays.

M. Rachid Temal. Et la réponse ?

M. François Bayrou, Premier ministre. Le Premier ministre et le Président de la République travaillent ensemble, monsieur Kanner, et je vais d’ailleurs vous en donner la preuve très simplement, même si je ne doute pas que vous connaissiez la Constitution par cœur.

L’article 11 de la Constitution prévoit que les référendums sont décidés par le Président de la République sur proposition du Gouvernement. Chacun est donc dans son rôle lorsqu’il évoque des consultations sur un sujet aussi crucial que le budget.

Mme Silvana Silvani. Ce n’est pas clair…

M. François Bayrou, Premier ministre. Que nous manque-t-il ? Je vais vous le dire en toute sincérité et, si vous me le permettez, en toute amitié : c’est que les Français, que l’opinion publique française, que l’opinion civique française prenne conscience de la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

M. Olivier Paccaud. Elle n’est tout de même pas de leur faute !

Mme Dominique Estrosi Sassone. Ce n’est pas la faute des Français !

M. François Bayrou, Premier ministre. Si nous n’y parvenons pas, nous échouerons à coup sûr – non seulement ce gouvernement, mais aussi tous les gouvernements suivants.

C’est la raison pour laquelle nous avons l’intention et de tenir les engagements budgétaires et de préparer pour les années à venir le scénario d’un atterrissage, afin de permettre à la France de se débarrasser enfin de la charge excessive de la dette et de ne plus être le dernier pays de l’Union européenne en la matière. C’est une responsabilité du Gouvernement, et le Gouvernement l’assumera ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour la réplique.

M. Patrick Kanner. Monsieur le Premier ministre, vous êtes à Matignon depuis cinq mois, mais vous soutenez Emmanuel Macron depuis quatre-vingt-seize mois.

M. François Patriat. Moi aussi !

M. Patrick Kanner. Connaissant comme vous la Constitution, j’ai le regret de vous dire que l’on ne peut pas la tordre comme vous souhaitez le faire en prenant à témoin les Français.

L’article 47 de la Constitution prévoit que l’élaboration budgétaire relève exclusivement du Parlement en France. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K., ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

Ce n’est pas par un référendum que vous pourrez évacuer votre propre responsabilité dans l’incurie budgétaire que nous connaissons depuis maintenant sept ans.

Je voulais simplement le dire : il ne faut pas brutaliser le Parlement dans ses compétences constitutionnelles. Ce référendum sur la situation des finances publiques est une ineptie ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K.)

situation sanitaire à la réunion

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ma question s’adresse au ministre de la santé, M. Yannick Neuder.

Monsieur le ministre, La Réunion connaît actuellement une grave épidémie de chikungunya. Depuis le début de l’année 2025, plus de 100 000 personnes ont été infectées. Cependant, ni l’État ni les autorités sanitaires n’ont tiré de leçon de la dernière épidémie, il y a vingt ans. Les alertes que nous lançons depuis des mois ont été accueillies avec indifférence par le Gouvernement.

La gestion de cette épidémie par les autorités sanitaires laisse apparaître des failles à différents niveaux de responsabilité. Je rappelle que le chikungunya provoque des douleurs incapacitantes pendant plusieurs jours, lesquelles peuvent même revenir après des mois.

Le 20 avril dernier, un bébé d’un mois ayant contracté le virus est décédé. La transmission du virus de la mère à l’enfant entraîne des pathologies cardiaques ou neurologiques sévères chez la moitié des nourrissons. Les bébés atteints chez nous sont placés sous morphine. Les autorités sanitaires d’aujourd’hui portent la lourde responsabilité des séquelles, parfois irréversibles, qui se révéleront chez nos bébés actuellement victimes du virus.

Le vaccin a provoqué des formes graves chez trois personnes vaccinées, ce qui a conduit la Haute Autorité de santé à retirer les personnes âgées de plus de 65 ans du programme de vaccination. Comment se fait-il que la dangerosité de ce vaccin n’ait pas été mieux évaluée ?

Monsieur le ministre, les Réunionnais souffrent, mais ils ne sont pas des sujets d’expérimentation. Rien n’est fait pour lutter contre les ruptures de stocks de produits répulsifs ni pour contrôler leur prix. De nombreux Réunionnais subissent une perte de revenus liée aux jours de carence. Quand le Gouvernement suspendra-t-il les jours de carence, une mesure qu’il avait prise pendant la crise de la covid, pour ne pas pénaliser les malades et pour lutter contre la propagation du virus ?

Les moyens d’action efficaces, nous les connaissons : c’est la prévention, l’information et la lutte systématique contre les gîtes larvaires. Qu’attend le Gouvernement pour les mettre en place ? Monsieur le ministre, quand allez-vous prendre au sérieux la santé des Réunionnais ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins.

M. Yannick Neuder, ministre auprès de la ministre du travail, de la santé, de la solidarité et des familles, chargé de la santé et de laccès aux soins. Madame la sénatrice Corbière Naminzo, je ne sais pas si j’aurai assez de deux minutes pour répondre à toutes vos attaques démagogiques !

Je me suis rendu à deux reprises à La Réunion. Je vous ai d’ailleurs invité à participer à l’ensemble des séquences de mon déplacement.

La lutte antivectorielle consiste à supprimer tous les gîtes larvaires. Pour ce faire, nous avons mobilisé l’armée, 150 militaires, 800 personnes en parcours emploi compétences et 200 agents de l’agence régionale de santé. Les répulsifs ont été intégrés au bouclier qualité prix (BQP). Des campagnes d’information mobilisant les maires, le département, la région, l’ensemble des présidents d’intercommunalités ont été mises en œuvre. Je me suis rendu à l’hôpital, au service de réanimation. J’ai rencontré la mère du bébé décédé.

Oui, nous avons été l’un des premiers pays au monde à proposer le vaccin contre le chikungunya. Si nous ne l’avions pas fait, vous nous l’auriez reproché !

Il faut agir avec mesure et avec précision, en pratiquant une médecine fondée sur des preuves. Toutes les études de sécurité ont été faites concernant ce vaccin. Et je ne peux pas vous laisser dire que nous utilisons la population de La Réunion comme cobaye !

En revanche, vous, vous utilisez la maladie de manière tout à fait démagogique. Or la situation difficile que connaît La Réunion, où l’on dénombre 175 000 cas de chikungunya, nous oblige tous.

La solidarité nationale avec les soignants, que je remercie de nouveau et dont je salue l’engagement, tout comme celui des élus, doit être exemplaire. Sachez que nous faisons notre maximum pour soulager la douleur des Réunionnais. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)

visite du président syrien

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Loïc Hervé. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, la France reçoit aujourd’hui le président syrien, Ahmad al-Charaa, pour sa première visite en Europe depuis sa prise du pouvoir en décembre dernier.

Chacun en a bien conscience, il ne s’agit pas de la visite de n’importe quel chef d’État. Ahmad al-Charaa est un ancien d’Al-Qaïda et de Daesh. Néanmoins, depuis la chute de Bachar el-Assad et l’accession au pouvoir de sa coalition islamiste, il ne cesse de donner des gages de respectabilité à la communauté internationale.

Je ne remets pas en cause la nécessité de discuter avec le nouveau pouvoir à Damas, que ce soit dans le cadre des organisations internationales ou en rouvrant notre représentation diplomatique dans la capitale syrienne. En revanche, en recevant Ahmad al-Charaa en visite officielle en tant que chef d’État, la France a décidé de franchir un pas. C’est un énorme cadeau offert au nouveau régime syrien, que l’on l’institutionnalise et notabilise.

M. Pierre Ouzoulias. Exactement !

M. Loïc Hervé. Ma question se déploie dans deux directions.

Premièrement, quels éléments concrets sur le terrain ont convaincu la France, en amont de cette visite, de la bonne foi de ses interlocuteurs syriens ? À la mi-mars, notre collègue Nathalie Goulet vous demandait s’il fallait faire confiance à Ahmad al-Charaa, alors que des populations alaouites et chrétiennes étaient victimes d’exactions. Les choses ont-elles fondamentalement changé depuis lors, sachant que des ONG ont fait état d’infractions graves aux droits de l’homme et que des combats contre les Druzes ont eu lieu ?

Deuxièmement, en aval de cette visite, qu’attend-on précisément de ce régime ? Qu’en attendons-nous éventuellement aussi en termes économiques, par exemple dans le cadre de la reconstruction de la Syrie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Loïc Hervé, je vous remercie de votre question. Sur ce sujet, je puis vous assurer que nous défendons nos intérêts et la sécurité des Français avec la plus grande lucidité.

Engager un dialogue, parler, faire de la diplomatie, c’est non pas donner un chèque en blanc, mais juger sur les actes et pouvoir dresser la liste de nos demandes et de nos exigences.

Il y a quelques mois déjà, lors de la visite à Damas de Jean-Noël Barrot, ministre des affaires étrangères, nous avons engagé un dialogue avec les autorités de transition en Syrie et formulé certaines demandes.

Nous leur avons ainsi demandé de lutter contre la dissémination des armes chimiques sur le terrain en Syrie. Cela a été partiellement fait. Nous leur avons demandé d’engager un dialogue avec nos alliés indéfectibles dans la lutte contre le terrorisme que sont les Kurdes. Cela a été fait. Enfin, nous avons demandé que leur gouvernement s’ouvre davantage aux forces politiques et sociales qui composent la Syrie, pour devenir plus représentatif. Là aussi, l’engagement pris a été tenu.

Aujourd’hui, si le Président de la République choisit d’inviter le président de l’Autorité de transition syrienne, Ahmed al-Charaa, c’est pour aller plus loin.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, il est essentiel que les responsables des massacres inacceptables qui ont été perpétrés sur la côte occidentale de la Syrie, notamment contre les communautés alaouites et druzes, soient identifiés et traduits devant la justice.

C’est aussi pour renforcer notre coopération contre Daech que ce dialogue est engagé. Depuis dix ans, la France est présente dans cette lutte, et c’est un enjeu vital pour notre sécurité. Car si la Syrie venait à s’effondrer, un tapis rouge serait déroulé, nous le savons, au retour de Daech.

Notre seule boussole, dans cette démarche, ce sont les intérêts de la France. C’est la responsabilité historique de la France que d’être présente en Syrie et d’avoir un dialogue avec les autorités syriennes. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.

M. Loïc Hervé. Monsieur le ministre, avec plusieurs de mes collègues sénateurs, je reviens tout juste d’un déplacement en Jordanie et au Liban. Les attentes à l’égard de la France y sont très importantes, et elles sont formulées très clairement, notamment en ce qui concerne la protection des minorités, c’est-à-dire – soyons clairs – des chrétiens, des alaouites, des druzes, des yézidies, etc.

C’est un élément fondamental, qui doit être appelé aujourd’hui au président syrien. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE-K.)

initiative choose france for science et moyens alloués à la recherche

M. le président. La parole est à Mme Anne Souyris, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Anne Souyris. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Perspectives en santé environnementale, Santé et pollution et Obstétrique et gynécologie : voilà trois revues universitaires reconnues qui subissent la politique de l’administration Trump.

En réponse à cette guerre contre les sciences, le Président de la République a lancé l’initiative Choose Europe for Science, pour accueillir des chercheurs américains dans les universités françaises et européennes. Franchement, c’est formidable ! La France, à en croire le Président de la République, va rendre une place centrale à la recherche et, surtout, ouvrir ses portes à celles et ceux qui ne permettent rien de moins que la démocratie par la science et la circulation des idées, sans parler du combat contre l’obscurantisme et les fake news ou de l’innovation et du partage scientifique…

Mais il y a un « mais » – et même plusieurs. Tout d’abord, ce silence assourdissant sur les sciences sociales. Le Président de la République n’en a rien dit lors de son intervention. Seront-elles les grandes oubliées de cet accueil humaniste ? Ce sont pourtant elles qui, touchant aux plus fragiles, sont particulièrement mises en danger par M. Trump. Les chercheurs en sciences humaines et sociales qui travaillent sur les personnes racisées, les pollutions, le genre et l’histoire LGBT+ seront-ils accueillis ? Seront-ils même une priorité ?

Pouvons-nous être assurés que la liberté académique continuera d’être défendue face à toute chasse aux sorcières, que ce soit contre les prétendus tenants du wokisme, contre les désobéissants au genre originel ou contre celles et ceux qui se mobilisent pour que les Gazaouis survivent ?

Pouvons-nous être assurés que l’indépendance de la science continuera d’être garantie par le biais, par exemple, du maintien des agences scientifiques de l’État comme l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et Santé publique France ?

Oui, la promesse est belle. Mais nous souhaitons aujourd’hui vous entendre sur ce point : est-ce un engagement ferme, sans grands oubliés et avec un plan d’investissement à la hauteur ? Comment faire, monsieur le ministre, avec seulement 100 millions d’euros ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Émilienne Poumirol et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Anne Souyris, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre Philippe Baptiste, retenu à l’Assemblée nationale par l’examen de la proposition de loi relative à la lutte contre l’antisémitisme dans l’enseignement supérieur, qui a été adoptée par votre assemblée il y a quelques mois.

Vous avez raison, le programme Choose Europe for Science qui a été annoncé lundi dernier constitue une véritable chance pour la France et pour l’Europe, compte tenu de toutes les menaces qui pèsent sur les chercheurs sur le continent américain, en particulier aux États-Unis.

Ceux-ci auront demain la possibilité de venir travailler dans notre pays et de renforcer notre potentiel de connaissance et de recherche, ce qui nous permettra de bâtir un avenir économique et industriel et d’avancer sur le chemin de la reconstruction de la souveraineté économique et industrielle française et européenne.

L’Union européenne s’est engagée à mobiliser 500 millions d’euros entre 2025 et 2027. Et comme vous l’avez souligné, le Président de la République a confirmé l’ajout de 100 millions d’euros de la part de la France, afin de cofinancer l’accueil de ces chercheurs dans notre pays.

Depuis le lancement de la plateforme Choose France, les premiers résultats sont très encourageants : on compte déjà 40 000 connexions, et 770 comptes ont été créés.

Je puis vous assurer que la promesse formulée par la France est bien celle de la liberté académique, et qu’elle sera tenue. Il s’agit d’assurer aux chercheurs américains dont nous souhaitons favoriser l’accueil qu’ils pourront travailler dans des conditions de liberté totale.

Concernant le budget national, je tiens à rappeler l’effort considérable engagé grâce à la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur : 6 milliards d’euros ont d’ores et déjà été injectés dans les laboratoires, avec à la clé des augmentations salariales importantes, qui étaient nécessaires. Et d’ici à 2030, ce sont 19 milliards d’euros qui seront consacrés à la recherche.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Patrick Mignola, ministre délégué. Les 100 millions d’euros que vous évoquiez, madame la sénatrice, correspondent à l’augmentation de cette année, mais ce sont bien 19 milliards d’euros qui sont programmés d’ici à 2030. (M. François Patriat applaudit.)

référendum sur les finances publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, comme tous les Français, j’ai découvert ce week-end votre idée consistant à consulter nos compatriotes par la voie du référendum sur – je cite la presse – « un plan d’ensemble avec un objectif clair : être moins dépendant de la dette dès cette année et, à l’horizon de quatre ans, revenir sous le seuil des 3 % de déficit public. »

Cette notion de plan d’ensemble me semble mériter d’être précisée, car son explication dans l’article en question est famélique. C’est le moment de le faire !

Par ailleurs, l’article 47 de notre Constitution prévoit que « le Parlement vote les projets de loi de finances ». C’est même l’une de ses prérogatives essentielles, à laquelle il est particulièrement attaché. Il me semble donc que votre proposition mérite d’être précisée. Pouvez-vous nous éclairer ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Bayrou, Premier ministre. Monsieur le sénateur Jean-François Husson, je veux tout d’abord souligner que vous n’avez jamais cessé, ces dernières années, d’exprimer votre préoccupation quant à l’équilibre des finances publiques en France.

Or cette situation, nous en conviendrons aisément, est profondément dégradée, et cela depuis plusieurs décennies. Ce qui est frappant, c’est que depuis le début du XXIe siècle, toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont été peu ou prou associées au gouvernement. Et toutes les familles politiques présentes sur ces travées ont éludé la question, en considérant qu’il était plus facile de faire un budget avec des déficits que de prendre des décisions drastiques.

Ceux qui se succédaient à la tribune demandaient en général des dépenses, ou en tout cas la préservation absolue du budget consacré à tel département ministériel ou à tel sujet qui leur était cher. C’est bien la cause de la situation dans laquelle nous nous trouvons. (Murmures sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

Ma conviction est donc que c’est du côté des citoyens français que se trouve la clé du retour à l’équilibre que nous appelons de nos vœux.

M. Hussein Bourgi. N’importe quoi !

M. Yannick Jadot. Ce sont les vacances ! (Sourires sur les travées des groupes GEST et SER.)

M. François Bayrou, Premier ministre. Je le dis clairement : il ne s’agit pas de faire adopter le budget par référendum. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

M. Hussein Bourgi. Merveilleux !

M. Bernard Jomier. Encore heureux !

M. François Bayrou, Premier ministre. Ce serait impossible dans nos institutions. Toutefois, il est tout à fait possible d’imaginer – nous n’en sommes pas encore là – un texte-cadre, qui permette aux Français de prendre la pleine mesure de la situation.

M. Hussein Bourgi. Ils la connaissent déjà ! Ils font leurs courses !

M. François Bayrou, Premier ministre. Non, ils ne la connaissent pas, car vous la leur dissimulez sans cesse ! (Protestations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Voilà des années, et même des décennies, que toutes vos prises de parole visent à expliquer que les gouvernements successifs sont méchants, parce qu’ils ne donnent pas assez d’argent aux causes qui vous intéressent. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Je suis prêt, monsieur Husson, à envisager, avec vous et avec ceux de vos collègues qui le souhaiteront, quel genre de consultation nous pouvons mettre en place. La décision reviendrait au Président de la République : comme le précise l’article 11 de la Constitution pour un texte portant norme, la proposition est formulée par le Gouvernement, mais la décision est prise par le Président de la République.

En tout cas, je suis persuadé que, si nous ne sortons pas des sentiers battus, nous n’arriverons jamais à apporter une réponse à cette question. S’il n’y a pas une prise de conscience profonde de nos concitoyens, de leurs familles, de leurs associations et de leurs entreprises, s’ils ne sentent pas à quel point ils sont engagés dans ce drame, nous n’y arriverons pas.

La mécanique habituelle, en effet – nous l’avons encore vu lors de la discussion du budget que nous avons réussi in fine à faire adopter –, c’est de constamment baisser les prélèvements et de dépenser toujours plus, ce qui suscite des déficits.

Mme Laurence Rossignol. Nous sommes pour la justice fiscale !

M. François Bayrou, Premier ministre. Les déficits, nous pouvons en faire si nous n’avons pas de dette ; on reporte dans le temps et, ma foi, la situation peut se redresser. De la dette, nous pouvons en faire si nous n’avons pas de déficit, parce que le temps nous sert.

Toutefois, si nous avons une masse jamais atteinte à la fois de dette et de déficit, nous sommes dans une impasse dont nous ne pouvons pas nous sortir. Et il n’y a que la prise de conscience des citoyens français qui nous permettra de trouver un chemin. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDPI et INDEP. – M. Bruno Sido applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le Premier ministre, vous dites qu’il faut sortir des sentiers battus. Mais, ici, nous sommes sortis de la tranchée il y a deux ans en proposant 7 milliards d’euros d’économies, ce que l’on n’avait encore jamais vu sous la Ve République de la part de l’opposition. Le gouvernement de l’époque, que vous souteniez, les a balayées d’un revers de la main.

M. Michel Savin. Tout à fait !

M. Jean-François Husson. Par ailleurs, vous affirmez que cette situation budgétaire est le résultat de plusieurs décennies. Certes ! Mais, en sept ans, la dette a augmenté de 1 000 milliards d’euros, soit le tiers du stock actuel, et ce sont bien les gouvernements qui étaient en place alors qui en sont responsables ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)

Ce qui irrite les Français par-dessus tout, c’est que certains refusent de le reconnaître…

Un sénateur du groupe Les Républicains. Bruno Le Maire !

M. Jean-François Husson. … et d’admettre leur part de responsabilité. (M. le Premier ministre désigne de la main la partie droite de lhémicycle.)

Non, monsieur le Premier ministre ! Je ne puis accepter pas que vous pointiez du doigt ainsi notre majorité, qui a été audacieuse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-François Husson. Je continuerai à me montrer aussi loyal qu’exigeant. Mais, monsieur le Premier ministre, je vous demande de respecter le Parlement et, en particulier, de travailler en bonne intelligence avec la majorité sénatoriale. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Michel Arnaud et Franck Menonville applaudissent également.)

désindustrialisation et conséquences pour l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claire Carrère-Gée, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Ma question s’adresse à M. Éric Lombard, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Nous comptons près de 400 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, le chômage des jeunes explose – il est en hausse de 44 % – et l’économie française a perdu 70 000 postes en un an. Pis, il existe des signes avant-coureurs d’une dégradation plus forte encore : de mauvais chiffres pour l’emploi intérimaire, des plans sociaux qui se multiplient et des enseignes de la distribution qui tombent une à une.

Pour faire en sorte que l’emploi ne connaisse pas des années noires, pour éviter que ne se multiplient les familles basculant dans la précarité et les jeunes perdant espoir, il faut arrêter net l’hémorragie et se donner les moyens de la réindustrialisation du pays.

Premièrement, ce n’est pas vous faire offense, monsieur le ministre, que de redouter que la hiérarchie affichée des priorités du Gouvernement ne soit en décalage avec les urgences pour les Français et le pays.

Au Parlement, plutôt que de disserter sur la proportionnelle, nous voudrions débattre d’une loi spéciale pour la réindustrialisation, qui supprimerait des boulets normatifs ne pesant que sur nos entreprises, notamment dans l’automobile. Nous souhaiterions que la proposition de loi du sénateur Daniel Gremillet soit adoptée, pour replacer l’énergie au rang de nos avantages compétitifs. Nous aimerions que la France se dote, à nouveau, d’une politique de l’emploi.

Deuxièmement, ce n’est pas vous faire offense non plus que de constater qu’il y a urgence à passer des paroles aux actes. Nous approuvons sans réserve les discours gouvernementaux sur l’effort massif pour notre défense. Puis, malheureusement, nous découvrons le constat réoccupant dressé par le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) : les commandes passées à l’industrie en 2024 dans l’aéronautique militaire ont reculé de 33 %.

Troisièmement, et enfin, ce n’est pas vous faire offense que de constater que, face aux urgences, nous ne sommes pas dans le bon tempo, ni en France ni au niveau européen. Nous ne pouvons sérieusement attendre 2028 pour imposer des droits de douane aux petits colis de Shein ou Temu, ni 2026 pour fixer des frais de gestion douanière…

Nous ne pouvons pas davantage enquêter des années durant sur des pratiques commerciales orthogonales au droit de la consommation avant de sévir.

M. le président. Il faut poser votre question, ma chère collègue.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. L’urgence d’une vision avec de bonnes priorités, un changement radical de braquet et de tempo pour agir : voilà ce que nous attendons de vous. Nous serons là pour vous soutenir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

M. Éric Lombard, ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Madame la sénatrice Carrère-Gée, je tiens à le dire devant vous : notre économie résiste bien dans un environnement difficile. Toutefois, je vous rejoins pleinement pour estimer que notre priorité est la réindustrialisation.

C’est pourquoi le Gouvernement, sous l’autorité du Premier ministre, a fait de l’amélioration de la compétitivité et de l’attractivité de la France une ambition fondamentale.

Lundi dernier, avec ma collègue chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, j’étais aux Émirats arabes unis pour prolonger les engagements pris à la suite du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle voulu par le Président de la République. Nous avons sécurisé 109 milliards d’euros d’investissements.

En ce qui concerne l’énergie, la proposition de loi portée par votre collègue Daniel Gremillet poursuivra son parcours législatif cet été, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Ce matin même, le nouveau président-directeur général d’EDF a été nommé en Conseil des ministres. Il aura pour mission de conclure des accords avec nos grands industriels électro-intensifs, afin de leur garantir un approvisionnement compétitif. Il portera également le projet ambitieux de construction de six nouveaux réacteurs pressurisés européens (EPR), qui participera de notre compétitivité énergétique.

S’agissant de la défense, l’évolution est tout aussi significative : en 2017, les engagements du ministère s’élevaient à 10 milliards d’euros. En 2025, les ordres passés par le ministère des armées atteindront 40 milliards d’euros. Ce quadruplement illustre notre détermination à assurer notre sécurité.

S’agissant des plateformes numériques, vous avez raison : nous devons aller plus vite.

Enfin, je veux dire un mot des secteurs de l’acier, de l’aluminium et de l’automobile. Aux côtés de mon collègue Marc Ferracci, et en lien avec l’Union européenne, je mène la bataille pour instaurer des mécanismes de protection au profit de ces industries d’avenir essentielles.

Nous sommes donc pleinement mobilisés, et nous allons continuer ce combat, car il est déterminant pour l’avenir de notre économie. (M. François Patriat applaudit.)

annonce par israël de nouvelles opérations militaires

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Fabien Gay applaudit également.)

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, l’État d’Israël n’a plus qu’un seul objectif : raser Gaza et éradiquer tout un peuple. Ce qui se passe à Gaza depuis des mois est insoutenable. Il s’agit d’un massacre qui met à mal les fondements mêmes de notre humanité.

Avec l’annonce de son projet de conquête du territoire palestinien, avec une attaque de grande envergure et le déplacement de la plupart de la population de la bande de Gaza, le gouvernement israélien franchit une nouvelle étape dans sa volonté d’effacer purement et simplement la Palestine, avec un réel risque génocidaire.

Après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, nous avons toujours défendu le droit d’Israël à assurer sa sécurité.

M. Roger Karoutchi. Oh, très modérément !

Mme Corinne Narassiguin. Toutefois, le choix du gouvernement de Netanyahou de piétiner de manière délibérée et répétée le droit international met en danger sa propre population et sacrifie définitivement ses otages. Les milliers d’Israéliens qui manifestent chaque soir contre leur gouvernement le savent.

De plus, et surtout, les civils palestiniens n’ont pas à payer pour les crimes du Hamas. L’aide humanitaire à destination de la bande de Gaza est bloquée depuis deux mois, ce qui affame des hommes, des femmes et des enfants. Les Nations unies et les associations présentes sur place ne cessent de dénoncer le massacre d’innocents et les violations constantes du droit international.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas rester silencieux face à ce massacre. Mais au-delà des mots et des incantations, quelles sont les actions de la France ? Quand allons-nous enfin reconnaître l’État palestinien ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Allez-vous demander une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour prendre des sanctions, imposer un cessez-le-feu et lever le blocus à Gaza ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et CRCE-K. – M. Philippe Grosvalet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Narassiguin, vous le savez, depuis l’attaque barbare du 7 octobre, la France et sa diplomatie n’ont cessé d’œuvrer pour trouver la voie d’un cessez-le-feu permanent à Gaza, pour la libération inconditionnelle de tous les otages, pour la défense du droit international humanitaire et pour la relance d’un dialogue politique susceptible de mener à deux États : un État palestinien souverain, vivant côte à côte avec l’État d’Israël, en toute sécurité.

Nous l’avons dit, la rupture du cessez-le-feu intervenue à Gaza représente un retour en arrière dramatique pour toutes les populations de la région. C’est pourquoi nous travaillons, avec les médiateurs américains, égyptiens et qataris, à remettre les parties autour de la table de négociation et à assurer l’entrée de l’aide humanitaire, que vous avez évoquée.

Nous soutenons également l’initiative des pays arabes pour reconstruire la bande de Gaza, ainsi qu’une gouvernance qui, bien évidemment, ne pourra que se faire sans le Hamas, qui est un groupe terroriste.

Je veux le redire, comme l’ont rappelé le Premier ministre et le Président de la République, le plan présenté par le gouvernement israélien, visant à la conquête de Gaza et au déplacement des populations, constitue une impasse absolue, que ce soit pour la paix, pour la sécurité d’Israël ou pour la sûreté de toutes les populations de la région.

C’est pourquoi nous continuerons de travailler avec nos partenaires. Vous le savez, une conférence se tiendra au mois de juin prochain avec l’Arabie saoudite. Elle visera précisément à avancer vers la reconnaissance de l’État palestinien et à enclencher une dynamique de reconnaissance mutuelle : celle d’Israël par ses voisins et celle de l’État palestinien.

Vous pourrez compter sur la mobilisation de la France, qui est l’un des pays d’Europe, et même du monde, les plus engagés pour trouver les voies de la paix dans la région. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Non, en Europe, c’est l’Espagne !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour la réplique.

Mme Corinne Narassiguin. Monsieur le ministre, après cette nouvelle provocation d’Israël, juin, c’est trop tard !

C’est maintenant que la France doit reconnaître l’État palestinien, sans contrepartie et sans condition. C’est maintenant que le droit international doit s’imposer. Les criminels de guerre doivent être jugés par la Cour pénale internationale. C’est maintenant que nous devons agir. Sinon, c’est tout un peuple qui disparaîtra, dans notre silence coupable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

agression d’un élu en gironde

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Ma question s’adresse à M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Samedi dernier, Anthony Rolland, conseiller municipal à Gauriaguet, en Haute Gironde, a été violemment agressé alors qu’il tentait d’intervenir pour mettre fin à un rodéo urbain impliquant une quinzaine de jeunes âgés de 15 à 18 ans.

L’élu, qui s’était rendu sur le terrain de ball-trap de la commune après avoir failli être percuté par l’une de ces motos, a été pris à partie. Selon le parquet, il a d’abord été frappé à l’aide d’un objet métallique, puis roué de coups au sol jusqu’à perdre connaissance. Face à cette agression d’une violence inouïe, je tiens à réaffirmer tout mon soutien à Anthony Rolland, ainsi qu’au maire de Gauriaguet.

Ce drame relance le débat sur la sécurité des élus locaux. En mars 2024, le Parlement a adopté une proposition de loi renforçant la sécurité des élus locaux et la protection des maires, que vous aviez déposée et soutenue avec détermination à l’époque où vous siégiez encore sur les travées du Sénat. Ce texte visait à renforcer la protection des élus en alignant les sanctions encourues en cas de violence sur celles qui sont prévues pour les atteintes contre les dépositaires de l’autorité publique, comme les forces de l’ordre.

Ce contexte préoccupant s’inscrit dans une tendance plus large : selon une enquête du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), 28 % des maires envisagent de ne pas se représenter en 2026 et 30 % restent indécis.

Qu’un élu de la République soit pris pour cible par un groupe de jeunes est inacceptable. Face à la multiplication de ces actes, les élus expriment de plus en plus le besoin d’un accompagnement renforcé et réclament la reconnaissance d’un véritable statut de l’élu local. Il est essentiel que les agressions dont ils sont victimes fassent l’objet de sanctions exemplaires, y compris à l’encontre de mineurs.

Monsieur le ministre, quelles sont les mesures que vous envisagez de mettre en œuvre pour enrayer ces violences et combattre le sentiment d’impunité de ces adolescents ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

M. François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre dÉtat, ministre de lintérieur. Madame la sénatrice Lassarade, vous avez cité le conseiller municipal Anthony Rolland, mais je souhaite également rappeler que Philippe Buisson, maire de Libourne, a été lui aussi victime d’une agression très récemment.

En moyenne, 2 000 plaintes ou signalements d’élus pour violences sont recensés chaque année, et leur nombre est malheureusement en augmentation. S’agissant de l’agression de M. Anthony Rolland, quatre individus ont été identifiés, dont deux mineurs ; deux d’entre eux sont actuellement en garde à vue. Pour ce qui concerne M. Philippe Buisson, le maire de Libourne, je tiens à souligner la gravité des faits : l’auteur présumé a menacé de « mettre une balle dans la tête du maire »… Il a été interpellé et des perquisitions sont en cours.

Concernant le phénomène des rodéos urbains, qui est en lien avec l’agression de M. Rolland, 4 295 opérations de lutte ont été menées depuis le début de l’année, soit une hausse de 12 %.

Pour répondre à votre question précise, des avancées ont déjà été engagées. La création en 2023 du Centre d’analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calaé) a permis la mise en œuvre de plusieurs mesures supplémentaires. En 2024, un texte visant à protéger les élus – vous avez eu la gentillesse de rappeler que j’en étais l’auteur – est venu renforcer ce dispositif.

Toutefois, ce n’est pas tout. Un travail est en cours sur un texte relatif au statut de l’élu, qui sera prochainement débattu au Parlement. Celui-ci viendra compléter les protections existantes, notamment pour les élus locaux, et répondre à vos préoccupations.

Enfin, je tiens à mentionner la stratégie nationale de prévention de la délinquance, qui sera prochainement publiée. Elle vise à répondre à une donnée préoccupante : 51 % des auteurs de violences sont aujourd’hui des mineurs. Cette stratégie est élaborée en lien avec la politique de continuité de sécurité que je mène avec le ministre d’État.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. François-Noël Buffet, ministre. Notre objectif est d’intervenir au plus tôt, afin de mieux identifier les profils à risque et de les réorienter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.

Mme Florence Lassarade. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Le sujet, c’est l’autorité. Les jeunes mineurs cherchent, par la provocation, à voir celle-ci émerger. Il faut en tenir compte. Et les élus, surtout, doivent comprendre qu’ils ne doivent pas se rendre seuls sur ce type de terrains, car cela aggrave le risque : ils doivent y aller à plusieurs.

financement de l’islam politique par l’union européenne

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez aimé quand la Commission européenne a délégué les programmes Erasmus à l’association Al Sharq, directement liée aux Frères musulmans et aux deux universités islamiques de Skopje et de Gaziantep, qui ont applaudi aux massacres du 7 octobre.

Vous avez aimé les financements par centaines de milliers d’euros à l’association Enar (European Network Against Racism, ou Réseau européen contre le racisme), qui a touché plus de 12 millions d’euros ces dernières années, et à Islamic Relief, qui a reçu 6,4 millions d’euros.

Vous allez adorer la nouvelle production européenne, le Coran européen (Loratrice brandit un exemplaire de louvrage.) : 10 millions d’euros, soit 60 000 euros la page, pour nous montrer que le Coran était indispensable à l’Europe des Lumières… Cette magnifique publication est complétée par un accord, signé en novembre 2024, qui prévoit 10 millions d’euros supplémentaires de financement, cette fois pour les sciences occultes dans l’islam.

Monsieur le ministre chargé de l’Europe, rien n’y fait, ni les questions écrites, ni les questions orales, ni les rappels au règlement, ni les interventions lors de la discussion du projet de loi de finances… Je n’arrive pas à obtenir que vous diminuiez les subventions à l’Union européenne pour éviter ces dérives. Pourtant, la Cour des comptes européenne s’interroge toujours sur 7,5 milliards d’euros de subventions, dont elle considère qu’elles sont versées à des projets dépourvus de lien avec les valeurs de l’Union européenne.

Monsieur le ministre, allons-nous enfin faire en sorte que les contribuables français et européens cessent d’entretenir ces associations proches des Frères musulmans ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Madame la sénatrice Goulet, je veux tout d’abord vous remercier de votre engagement et de votre mobilisation constante en la matière. Vous le savez, je partage votre combat. Nous avons eu l’occasion d’échanger à de nombreuses reprises.

Je veux le dire de façon très claire, l’Union européenne est une union de valeurs : la démocratie, l’État de droit, la liberté et, bien entendu, la laïcité. Pas un euro d’argent du contribuable français ou européen ne doit aller à quelque forme de promotion de l’islam radical, des Frères musulmans ou de l’islam politique. C’est précisément le combat que nous menons à Bruxelles. (Marques de scepticisme sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je voudrais vous faire part des quelques initiatives que nous avons prises, même s’il faut aller plus loin, puisque – vous l’avez souligné à juste titre – la Commission européenne continue de manquer de vigilance sur la transparence des fonds européens. (Exclamations ironiques sur les mêmes travées.)

L’an dernier, nous avons obtenu l’inclusion d’un article dans le règlement financier de l’Union européenne qui permet de suspendre l’attribution de fonds européens aux bénéficiaires incitant à la discrimination, à la haine ou à la violence. Mais, comme vous l’avez indiqué, ce n’est pas suffisant, puisque le règlement est encore largement inappliqué, faute de rigueur dans le contrôle par la Commission européenne ou certaines agences décentralisées. C’est le cas, par exemple, d’Erasmus+, que vous avez évoqué.

C’est pourquoi je défends, avec des partenaires européens, une initiative pour exiger de la Commission un meilleur contrôle des financements européens. Nous vous y associerons étroitement.

La Commission européenne doit impérativement mettre en place une procédure de filtrage rigoureuse et faire respecter un engagement de l’ensemble des bénéficiaires à respecter nos valeurs, à l’image du contrat d’engagement républicain qui existe aujourd’hui en France.

Madame la sénatrice, vous le savez, vous pouvez compter sur mon engagement. J’ai fait du combat pour nos valeurs européennes et contre l’islam politique une priorité depuis que je suis ministre des affaires européennes. Je continuerai de le mener et de faire preuve de la plus grande vigilance. (MM. François Patriat et Loïc Hervé applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour la réplique.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je vous remercie. Le rapport de la Cour des comptes européenne est absolument accablant.

À ce propos, où est donc passé le rapport sur la dangerosité des Frères musulmans de l’ambassadeur Gouyette et du préfet Courtade, qui avait été demandé par Gérald Darmanin et qui a été remis à Bruno Retailleau ? Il serait bon que nous puissions en prendre connaissance.

En ce qui concerne les Frères musulmans, je pense que le très récent exemple jordanien doit nous appeler à une vigilance absolue. Cessons d’être naïfs ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

carte de l’éducation prioritaire

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à Mme la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

L’école est « la mère des batailles », avait dit un ancien Premier ministre. Or cette école, où se façonne la France de demain, se porte mal : raréfaction des enseignants par manque d’attractivité, baisse de niveau, violences, harcèlement… Que de maux !

Hier, à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a rendu un rapport sur lequel je vous invite à méditer. Son titre est évocateur : LÉducation prioritaire, une politique publique à repenser.

L’éducation prioritaire, c’est 21 % des élèves français, 25 % des enseignants et 2,6 milliards d’euros de budget spécifique, avec d’importants efforts récents, comme le dédoublement des classes ou la hausse notable des primes pour les personnels concernés. Mais les résultats sont très mitigés.

Ainsi, le déterminisme social en matière de réussite scolaire reste malheureusement beaucoup plus fort en France que chez nos voisins, et 70 % des enfants issus de milieux défavorisés sont hors éducation prioritaire.

Plus que l’égalité des droits, la République, c’est l’égalité des chances. Or l’éducation prioritaire est censée la renforcer – en vain.

Alors que, depuis dix ans, les prédécesseurs de Mme la ministre d’État, aujourd’hui absente, doivent réformer la carte de l’éducation prioritaire, n’est-il pas temps de s’y atteler, de remettre le système à plat, de revoir concrètement les critères de classement, qui excluent aujourd’hui la ruralité, d’introduire de la progressivité dans l’allocation des aides et, last but not least (Exclamations amusées.),…

M. le président. C’est du vieux français ! (Sourires.)

M. Olivier Paccaud. … de passer à une logique d’écoles ou d’établissements prioritaires, et non plus de réseaux d’éducation prioritaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Max Brisson. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Paccaud, je vous prie d’excuser l’absence de Mme la ministre d’État, qui aurait voulu vous remercier d’avoir mis votre puissance rhétorique, parfois dans la langue de Shakespeare,…

M. Olivier Paccaud. Yes ! (Sourires.)

M. Patrick Mignola, ministre délégué. … au service du plus beau combat, le plus grand qui vaille dans la République. Pour reprendre une phrase que répète régulièrement le Premier ministre : « La naissance ne peut pas être un verdict. »

Que l’on soit né en zone d’éducation prioritaire, donc en zone urbaine dense, ou en zone rurale, le rôle de l’éducation prioritaire et des 2,6 milliards d’euros qui sont consacrés à cette politique publique doit en effet être revisité, sur la base à la fois de ce que la Cour des comptes a constaté et du travail qui est actuellement réalisé – je puis vous le confirmer – au sein du ministère de l’éducation nationale.

En effet, nous pouvons relever que le dédoublement des classes de grande section de CP et CE1 a été réalisé et qu’il a commencé à produire des effets positifs à certains endroits. Pour autant, les politiques d’évaluation doivent être approfondies, et il faut effectivement mettre à l’ordre du jour la révision de la carte de l’éducation prioritaire, qui date de 2014.

C’est bien le travail qui est actuellement mené au sein du ministère de l’éducation nationale. Il sera partagé – je peux en prendre l’engagement ici au nom de Mme la ministre d’État, sous l’autorité du Premier ministre – avec les parlementaires et les élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique.

M. Olivier Paccaud. Je me félicite de cette nouvelle.

La procrastination n’est jamais la solution. Vous connaissez, je pense, la célèbre formule du docteur Henri Queuille, qui a siégé dans cet hémicycle : « Il n’est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. » Puisse-t-elle ne pas être la devise du ministère de l’éducation nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

situation des universités et de la recherche

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. David Ros. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Lundi dernier, le Président de la République, dans le cadre de son discours à la Sorbonne Choisir lEurope, Choisir la France pour la Science, a annoncé la levée d’une enveloppe budgétaire dédiée de 100 millions d’euros. Si l’on doit saluer la mobilisation de la communauté politique et scientifique française pour accueillir des chercheurs étrangers et, plus particulièrement, américains, des précisions et des engagements s’imposent.

Certes, cette annonce à la Sorbonne, dans l’une des plus anciennes universités européennes, traduit l’ambition d’une renaissance, celle d’une Europe des Lumières, du savoir et de la connaissance. Elle s’inscrit dans la continuité de la démarche impulsée sous la présidence de François Hollande, avec l’instauration du programme d’accueil en urgence des scientifiques en exil (Pause) et vient compléter ce qui est en mis en œuvre par le CNRS, les organismes de recherche et plusieurs universités françaises de premier rang.

Néanmoins, elle se heurte à d’autres annonces récentes nettement moins enthousiasmantes. Je pense à l’annulation de près de 500 millions d’euros de crédits pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », alors même que le nombre d’étudiants continue d’augmenter, ou encore à celle des 225 millions d’euros du programme France 2030. Et voilà que l’on apprend la capacité du Gouvernement à mobiliser 100 millions d’euros sur ce même programme, mais sur des crédits non encore fléchés !

Monsieur le ministre, le Gouvernement peut-il nous éclairer quant à cette mobilisation de 100 millions d’euros ? Quelles années budgétaires de rattachement ? Quelles répercussions sur le programme France 2030 ? Quelles conditions de sélection des scientifiques et des thématiques retenues ? Quel statut et quels salaires pour les scientifiques accueillis ? Quelle pérennité du dispositif ?

Enfin, compte tenu de la situation de nos universités, qui en majorité connaissent de grandes tensions, voire une précarité financière, comme vous le savez, qu’est-il envisagé pour que cette terre d’accueil ne se transforme pas en terre de lamentations pour nos chercheurs et enseignants-chercheurs actuellement en poste ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)

M. Pierre Ouzoulias. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Patrick Mignola, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur Ros, dans le droit fil de ce que j’ai indiqué tout à l’heure à la sénatrice Souyris – je vous prie une nouvelle fois de bien vouloir excuser l’absence du ministre Philippe Baptiste –, je ne puis que vous donner raison sur la chance formidable que représente pour nos universités l’éventuel accueil de chercheurs venus du monde entier, notamment du continent américain.

Ces chercheurs sont menacés à la fois dans leur liberté académique et en raison de la baisse des moyens mis à leur disposition par l’administration américaine. C’est le sens du programme Choose Europe for Science, que vous avez cité, à juste titre, dans la langue de Molière… (Sourires.)

M. Mickaël Vallet. Il n’y a pas de quoi rire, monsieur le ministre !

M. Patrick Mignola, ministre délégué. L’annonce de cette semaine a été une surprise, mais elle représente aussi une chance formidable.

Je tiens à vous rassurer sur l’aspect budgétaire. Une augmentation de 300 millions d’euros du budget des universités a été décidée par l’ensemble des groupes parlementaires, à la suite, notamment, des discussions avec le vôtre dans la perspective du projet de loi de finances pour 2025. Ces 300 millions d’euros supplémentaires sont bien confirmés.

Outre les 6 milliards d’euros que j’évoquais tout à l’heure, les 19 milliards d’euros dont fait partie le programme France 2030 sont également confirmés jusqu’en 2030.

Le Gouvernement est donc animé des mêmes intentions que vous : si d’autres veulent éteindre les lumières, l’Europe et la France sont là pour éclairer des leurs une partie du monde, voire le monde entier. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Ros, pour la réplique.

M. David Ros. Avec la volonté affichée du Président de la République, et comme le Premier ministre a indiqué que le Gouvernement n’était pas méchant, je ne doute pas que les crédits envisagés dans le projet de loi de finances pour 2026 seront à la hauteur des besoins des universités ! (Sourires sur les travées du groupe SER.)

Après le dispositif Pause, il faut maintenant accélérer ! (Sourires et applaudissements sur les mêmes travées.)

partenariats internationaux avec la syrie et le gabon

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Ruelle, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Luc Ruelle. Faut-il recevoir des terroristes à l’Élysée ? Pour le Président de la République, la réponse est manifestement oui. Emmanuel Macron reçoit en effet aujourd’hui Ahmed al-Charaa, nouvel homme fort de Damas. Cela nous renvoie à la tente bédouine de Kadhafi dans les jardins de l’hôtel Marigny en 2007.

M. Rachid Temal. Sous Sarkozy !

M. Jean-Luc Ruelle. Rappelons simplement les faits d’armes de celui qui s’est autoproclamé président à titre transitoire de la République arabe syrienne. Il est l’un des chefs militaires de l’État islamique d’Irak, futur Daech, fondateur du front Al-Nosra, qui a prêté allégeance à Al-Qaïda, et le commandant en chef du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham, tombeur du régime de Bachar el-Assad.

Tel est le pedigree sulfureux d’une véritable star du djihadisme mondial, présent sur ses listes de sanctions pour terrorisme et pour qui Emmanuel Macron a dû demander exceptionnellement à l’ONU une exemption de quelques heures pour lui permettre de se déplacer à Paris.

Ahmed al-Charaa dit avoir remisé son turban de djihadiste. On ne peut que douter de ce soudain repentir : persécutions et massacres de minorités alaouites et druzes tolérés ou encouragés par ses milices ; nomination de proches à des postes de pouvoir, contrairement à la promesse d’ouverture de son gouvernement ; distribution de passeports syriens aux « anciens » djihadistes étrangers.

Ahmed al-Charaa n’a rien d’un modéré. Il incarne l’islamisme radical qui ensanglante notre pays. Le recevoir, c’est légitimer ce pouvoir violent ; c’est trahir les morts, les minorités et tous ceux qui espéraient un autre avenir pour le Levant.

Par ailleurs, je souhaiterais vous faire part d’un regret plus personnel. Samedi dernier s’est tenu à Libreville l’investiture de Brice Oligui, élu président pour deux années d’une transition réussie, marquant le rétablissement de l’ordre constitutionnel et le retour du Gabon dans le concert des nations.

Des liens avaient été noués ici même, au Sénat. Dès 2024, le président Larcher, précurseur dans la reprise du dialogue avec le Gabon, avait reçu la présidente du Sénat gabonais, Paulette Missambo. Le Président de la République était donc grandement attendu à Libreville. Il y a brillé par son absence.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Luc Ruelle. Je ne puis m’empêcher de remettre en perspective ce rendez-vous manqué et la réception ce jour d’Ahmed al-Charaa.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’Europe.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de lEurope et des affaires étrangères, chargé de lEurope. Monsieur le sénateur Ruelle, vous m’interrogez sur deux sujets différents. Je vous répondrai donc de manière distincte.

Tout d’abord, j’ai eu l’honneur de représenter la France et le Président de la République à l’investiture du président Oligui ce week-end au Gabon. J’ai transmis personnellement les félicitations et un message d’amitié et de respect du Président de la République au président Oligui.

Vous l’avez rappelé, la transition est réussie, et les liens d’amitié entre nos deux pays sont forts. Nous souhaitons approfondir la coopération avec le Gabon. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République a adressé une invitation au président Oligui, qui se rendra en visite officielle à Paris dans les prochains mois.

Nous sommes donc clairement aux côtés du peuple gabonais dans cette transition réussie.

Ensuite, j’ai déjà évoqué la Syrie en réponse à la question du sénateur Hervé. Sur ce sujet, nous n’avons qu’une seule boussole : la défense de nos intérêts, en particulier la sécurité des Français.

À la suite de la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères à Damas, nous avons obtenu de la part du gouvernement de transition syrien un certain nombre d’engagements, par exemple sur la lutte contre la dissémination des armes chimiques, ce qui a été partiellement fait. Le dialogue avec nos alliés kurdes dans la lutte contre le terrorisme a été engagé. Et la promesse d’intégrer les différents groupes ou communautés qui composent la Syrie au sein d’un gouvernement représentatif a été tenue.

À présent, il s’agit d’aller plus loin. Le dialogue est extrêmement exigeant. Nous le menons sans aucune naïveté, avec réalisme et lucidité, pour défendre nos intérêts.

Si M. Ahmed al-Charaa est reçu aujourd’hui à Paris, c’est d’abord pour s’assurer que les responsables des massacres qui ont été commis sur la côte occidentale de la Syrie – vous y avez fait référence – contre les communautés chrétiennes, alaouites ou druzes soient traduits devant la justice. C’est aussi pour continuer et approfondir notre coopération dans la lutte contre le terrorisme de Daech, qui est notre priorité depuis dix ans.

M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre délégué.

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. En effet, si la Syrie se fracturait et s’effondrait, un tapis rouge serait déroulé au retour de Daech.

M. le président. Il faut vraiment conclure !

M. Benjamin Haddad, ministre délégué. C’est notre seule boussole. Notre pays a une responsabilité dans ce dialogue.

avenir de la filière hydrogène

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Michel Canévet. En 2018 et, surtout, en 2020, les gouvernements avaient présenté une stratégie nationale ambitieuse pour l’hydrogène décarboné, voulant faire de la France le leader européen en matière d’hydrogène décarboné et d’énergies renouvelables.

Les objectifs quantitatifs ont été accrus en 2023, et de nombreux acteurs économiques se sont lancés dans la production d’énergie d’hydrogène décarbonée. Je pourrais ainsi évoquer, dans le Finistère, l’entreprise H2X Ecosystems, ou, à l’échelle nationale, Forvia, Symbio ou McPhy, qui ont engagé des travaux de production extrêmement significatifs dans la mobilité, un secteur dans lequel la décarbonation, nous le voyons, est particulièrement difficile.

Le gouvernement allemand vient de présenter l’ambition d’une autoroute hydrogène, investissant environ 19 milliards d’euros. En Espagne et en Suède, l’ambition est de produire de l’hydrogène à des conditions particulièrement compétitives.

Dans notre pays des inquiétudes s’expriment actuellement. En effet, on ne sent pas dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie une volonté de soutenir cette filière, qui pourrait pourtant devenir une filière d’excellence pour la France.

Quelle est la position effective du Gouvernement en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du tourisme.

Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée du tourisme. Monsieur le sénateur Michel Canévet, je vous remercie de votre question, à laquelle je réponds au nom de mon collègue Marc Ferracci.

Comme vous l’avez rappelé, la France s’est dotée en 2020 d’une première stratégie nationale d’hydrogène, qui a défini des objectifs de développement de l’hydrogène bas carbone au service des souverainetés énergétique et industrielle de notre territoire.

Cinq ans après son lancement, l’État a soutenu plus de 150 projets concernant l’hydrogène, notamment dans le cadre du plan France 2030. C’est le cas, par exemple, pour l’installation d’usines de production d’hydrogène à Fos-sur-Mer, dans la vallée de la chimie et autour du Havre.

Concrètement, l’application de la stratégie nationale hydrogène, c’est la création de 8 000 emplois directs dans les cinq prochaines années. Si les premiers résultats sont prometteurs, la mise en œuvre prend du temps et la filière est confrontée à la concurrence internationale et aux avancées rapides d’autres modes de décarbonation.

Cependant, nous devons poursuivre l’innovation et produire notre hydrogène en France. Pour cela, le ministre Ferracci a présenté le 16 avril dernier une révision de la stratégie hydrogène fondée sur quatre nouvelles orientations.

Il s’agit, premièrement, de l’installation d’électrolyseurs, avec 4,5 gigawatts produits pour 2030 et 8 gigawatts pour 2035 ; deuxièmement, de la maîtrise de l’ensemble des équipements de l’hydrogène sur toute la chaîne de valeur ; troisièmement, du déploiement d’infrastructures françaises de transport de l’hydrogène bas carbone pour connecter les producteurs et les consommateurs ; quatrièmement, de la garantie d’accès aux conditions nécessaires au développement de la filière hydrogène en France, notamment par le volet formation.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’hydrogène n’est pas passé au second plan dans la stratégie énergétique de l’État. Il répond aux enjeux de décarbonation, de création d’emplois et de souveraineté énergétique. C’est une occasion que nous ne laisserons pas passer. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet, pour la réplique.

M. Michel Canévet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.

En Bretagne, de nombreux acteurs se sont engagés dans la filière. Il convient de les soutenir. Je suis heureux que le Gouvernement ait réaffirmé à l’instant son ambition de faire de la France un leader en la matière. C’est important, car nous avons connu une production excédentaire d’électricité l’année dernière. Il faudra bien trouver des moyens de stockage, et l’hydrogène en est un.

Soyons donc actifs en faveur de l’hydrogène. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Notre prochaine séance de questions au Gouvernement aura lieu le mercredi 14 mai 2025, à quinze heures.

3

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 mai 2025 :

À quinze heures, le soir et la nuit :

Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à l’organisation et aux missions des professionnels de santé, vétérinaires, psychothérapeutes et psychologues professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours (texte de la commission n° 579, 2024-2025) ;

Proposition de loi tendant à confier à l’Office français de l’immigration et de l’intégration certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues, présentée par Mme Marie-Carole Ciuntu (texte de la commission n° 594, 2024-2025) ;

Proposition de loi visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, présentée par M. Philippe Mouiller et plusieurs de ses collègues (procédure accélérée ; texte de la commission n° 577, 2024-2025).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures vingt.)

Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

FRANÇOIS WICKER