Mme Mélanie Vogel. Il est aujourd'hui inscrit à l'agenda du Sénat dans les tout derniers jours de la session extraordinaire, avec des délais d'examen et de dépôt d'amendements absolument impossibles à tenir. Si ce texte était aussi sérieux et aussi fondamental, il aurait fallu un calendrier à la hauteur de ses ambitions.
J'aimerais également vous alerter sur le rôle qu'a joué la concentration de l'audiovisuel public dans les processus de démantèlement de l'État de droit que nous avons pu observer ailleurs en Europe. Ce n'est pas un hasard si Viktor Orban, peu après son arrivée au pouvoir en Hongrie, a choisi de concentrer l'audiovisuel public dans une structure de type holding.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Justement, non !
Mme Mélanie Vogel. Il a ensuite étendu cette concentration en agrégeant des médias privés, jusqu'à parvenir à contrôler, directement ou indirectement, au bout de quelques années, près de 90 % des médias. Cela lui a permis de supprimer la pluralité et l'indépendance de la presse, c'est-à-dire les contre-pouvoirs qui font vivre la démocratie.
Mais Viktor Orban est arrivé au pouvoir avec cette stratégie, et il lui a fallu près d'une décennie pour la mettre en œuvre.
Ce que nous nous apprêtons à faire aujourd'hui, c'est finalement réaliser, avant même qu'un pouvoir autoritaire n'advienne, les réformes qu'il mettrait du temps à imposer. Ce serait lui faire gagner des années pour dérouler un projet qui est, je l'espère, l'exact contraire de celui que les démocrates et les républicains de cette assemblée doivent défendre. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, sur l'article.
Mme Annie Le Houerou. Je reviendrai sur les risques qui pèsent sur nos antennes régionales.
Dans sa note intitulée Réforme de la gouvernance de l'audiovisuel public : évaluation de sa mise en œuvre, la direction générale des médias et des industries culturelles affirme que la création de la holding aurait un coût nul. Ce n'est pas crédible, comme cela a déjà été souligné.
À titre d'exemple, avant 2009, la holding qui chapeautait France 2 et France 3 comptait plus de 200 salariés pour un coût de 190 millions d'euros. Par la suite, la fusion des entreprises créant France Télévisions a entraîné des surcoûts, puis des économies drastiques ont été réalisées, au détriment du journalisme de terrain et de la fabrication des programmes.
Depuis ce rapprochement, 15 % des effectifs ont disparu à France Télévisions. La proportion est encore plus importante sur le réseau régional de France 3, auquel appartient l'antenne de Bretagne. Une compression des effectifs est encore en cours actuellement. Quel est donc le sens réel de cette réforme, hormis de faire toujours plus d'économies au risque de fragiliser irrémédiablement l'audiovisuel public, notamment l'audiovisuel en région ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mes chers collègues, depuis trois heures et demie, j'entends dire que ce texte serait attentatoire à la liberté éditoriale, notamment celle de l'audiovisuel public.
Je rappelle à mes collègues de gauche que, lorsque je signais avec eux le recours devant le Conseil constitutionnel pour contester la suppression de la redevance audiovisuelle, ils ne me qualifiaient pas à l'époque de grand opposant à l'audiovisuel public.
M. Roger Karoutchi. Aucune reconnaissance !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Pas plus que lorsque, avec David Assouline, j'essayais de produire un rapport sur la concentration des médias, ils ne m'ont considéré comme tel.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous avez changé !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. J'ai toute la légitimité – et mes décisions l'ont montré – pour dire aujourd'hui que mon texte défend l'audiovisuel public, tout autant que vous, qui en venez désormais à m'insulter (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Ce texte ne serait pas la « PPL Lafon ». Cela tombe bien, nous sommes à l'article 1er, qui est mot pour mot et à la virgule près, le texte que j'ai rédigé. Rien n'a été changé. C'est pourtant l'article fondamental : c'est lui qui définit les missions de la holding, celle dont vous parlez depuis trois heures et demie.
Quelles sont les missions de cette holding ? Définir les orientations stratégiques des entités, veiller à la cohérence et à la complémentarité des offres de programmes, conduire des actions communes et définir les projets de développement intégrant les nouvelles techniques de diffusion et de production.
Selon vous, les lignes éditoriales des différentes chaînes seraient menacées. Je vais vous lire tout simplement l'avis du Conseil d'État, car ce que je vous dirais, vous ne le croiriez pas : « La rédaction de la proposition de loi traduit les intentions des auteurs du texte, qui n'entendent pas que la société France Médias se substitue aux sociétés éditrices, lesquelles conservent leur responsabilité éditoriale et le choix de leurs programmes. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Bernard Fialaire applaudit également.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 61 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 220 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Pierre Ouzoulias. Merci, monsieur le président Lafon, de votre précision. En effet, lorsque j'ai entendu le panégyrique que M. Hugonet a composé pour Mme la ministre, j'ai eu le sentiment que nous ne parlions plus de la proposition de loi Lafon, mais bien du projet de loi Dati. Votre mise au point arrive donc à point nommé, mais il faudra tout de même que la droite sénatoriale nous éclaire : se situe-t-elle du côté du rapporteur et du président de la commission, ou bien du côté de Mme Dati ? Pour l'heure, c'est incertain…
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas à la hauteur !
M. Pierre Ouzoulias. En matière de numérique, l'audiovisuel public a accompli des efforts fantastiques, prodigieux, qui en font aujourd'hui un véritable modèle pour l'audiovisuel privé. Ce sont les médias publics qui, incontestablement, sont à la pointe. Il faut savoir le reconnaître.
Je suis un grand consommateur de médias publics. Je n'écoute plus la radio en ligne, je l'écoute sur mon téléphone, comme beaucoup d'entre nous, ce qui ne signifie évidemment pas que je me désintéresse de l'audiovisuel. La manière de consommer les contenus a changé et sur les plateformes, c'est bien l'audiovisuel public qui est moteur.
Arte, notamment, va sans doute constituer la plateforme majeure pour tous les contenus européens. C'est une réussite que nous devons célébrer.
Mme Rachida Dati, ministre. Là je suis d'accord !
M. Pierre Ouzoulias. L'audiovisuel public a su réaliser tout cela en dépit d'une perte de moyens. Mme Ernotte indiquait encore avant-hier que France Télévisions dispose aujourd'hui des mêmes ressources qu'en 2012 : c'est bien là que réside le problème.
Je regrette, à ce titre, que cette proposition de loi ne traite pas du cadrage budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l'amendement n° 61.
Mme Sylvie Robert. Lorsque j'entends M. le président Lafon affirmer que ce texte correspond, dans son inspiration du moins, à celui que nous avons voté il y a deux ans sur la holding, pardon, mais permettez-moi de vous dire que les débats que nous avons aujourd'hui démontrent qu'il ne s'agit pas du tout du même texte. L'intervention de notre collègue Pierre Ouzoulias vient de le confirmer.
Ce texte vise à créer une holding exécutive : ce n'est pas ce que nous avions voté il y a deux ans !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Mais si !
Mme Sylvie Robert. Exit les directeurs généraux des différentes sociétés ! Le fameux PDG qui sera nommé présidera lui-même le conseil d'administration de chacune d'entre elles. La holding deviendra affectataire des ressources budgétaires, et les sociétés ne feront plus l'objet de programmes budgétaires dédiés – c'est tout de même grave – ni de fléchage précis. On ne va pas me faire croire qu'il y a deux ans, nous avons voté cela. Enfin, soyons sérieux !
M. Max Brisson. Nous, si ! Vous avez voté contre le texte.
Mme Sylvie Robert. En outre, les sociétés se verront imposer leurs orientations stratégiques et autres projets de développement. Si cela ne s'appelle pas une concentration du pouvoir, des orientations et des moyens dans les mains d'un PDG unique, alors, démontrez-nous le contraire !
J'ajoute que ce mode de financement des sociétés nous dérange profondément. Il ne sera plus du tout transparent : nous ne saurons plus, in fine, qui est affectataire de tel ou tel budget.
Lorsque nous aborderons le débat sur France Médias Monde, j'anticipe d'ores et déjà ma position : je comprendrai et je soutiendrai son retrait. Il s'agit d'un « Petit Poucet » à l'organisation singulière. Imaginez-le dans une telle superstructure ! Non seulement il se fragilisera, mais il finira par disparaître complètement. C'est aussi pour cela que nous sommes en désaccord avec ce projet.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l'amendement n° 220.
Mme Monique de Marco. Je l'ai souligné lors de la discussion générale, les clés de l'indépendance du service audiovisuel reposent essentiellement sur deux piliers : l'indépendance politique, par une gouvernance plurielle ; l'indépendance financière, par un financement autonome, stable et à la hauteur des besoins.
Alors que la suppression de la redevance audiovisuelle a porté une forte atteinte à l'indépendance financière, le projet de groupement des entités de l'audiovisuel public portera une atteinte considérable à l'indépendance par rapport au pouvoir politique.
En concentrant les moyens d'information des entreprises publiques au sein d'une seule entité dirigée par une personne unique, ce projet de réforme porte atteinte à l'objectif de protection par la loi des expressions pluralistes des opinions publiques, protégées par l'article 4 de la Constitution.
Par ailleurs, la création d'une telle holding vise en réalité – soyons réalistes – à faire des économies, comme l'exprimait très clairement le rapport Gattolin-Leleux de 2015, et ce au détriment du pluralisme et d'une offre audiovisuelle de qualité. Elle risque également de constituer une charge supplémentaire inutile et non évaluée de façon transparente à ce jour.
L'existence de services audiovisuels publics de qualité est une exigence démocratique première qui concourt à la liberté de communication. Nous nous opposons donc à la création d'une telle holding et proposons plutôt un renforcement des instances de coordination et de coopération entre les entreprises publiques.
M. Max Brisson. Ça ne fonctionne pas !
Mme Monique de Marco. Si vous pouvez me le démontrer, j'en serai ravie !
M. Max Brisson. C'est la situation actuelle !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Je vais tenter de répondre à Mme de Marco.
Imaginons deux points de vue opposés, deux entités qui ne sont pas d'accord. À droite de l'hémicycle, France Télévisions ; à gauche, Radio France. Entre les deux, un sujet sur lequel subsiste un désaccord. Que faisons-nous ? Nous débattons, nous confrontons les arguments, et, à la fin, une majorité tranche. Ce sera peut-être samedi, ce sera peut-être dimanche, mais il y aura un vote et une décision.
Imaginons à présent la même configuration, mais cette fois sans aucun mécanisme de décision ni processus de vote. Que se passe-t-il alors ? Rien. Le désaccord demeure, et il n'y a ni arbitrage ni avancée possible. C'est cela, la deuxième option : deux positions opposées, mais aucune capacité de décider, donc aucune possibilité d'agir.
Mme Sylvie Robert. C'est ça la pluralité !
Mme Mélanie Vogel. Et c'est très bien !
M. Cédric Vial, rapporteur. Troisième solution : on met en place un processus dans lequel une stratégie est décidée par une personne qui, bien évidemment, s'appuie sur un conseil d'administration et organise des concertations, comme peut le faire un élu local. En tant qu'élus locaux, nous consultons tout le monde ! Ce n'est pas parce qu'un élu local décide qu'il décide seul. Nous tenons compte des avis de chacun, puis nous prenons une décision. Et, quand la décision est prise, nous avançons.
Avancer, c'est ce que nous proposons aujourd'hui de faire, au travers de la holding. Vous, ce que vous demandez, c'est le statu quo. Or le statu quo ne permet pas d'avancer. Tous les rapports – celui de l'inspection générale des finances (IGF), celui de Mme Bloch, etc. – le disent depuis des années : ce que l'on appelle les coopérations « par le bas », c'est-à-dire les coopérations volontaires, par lesquelles on invite les acteurs à collaborer spontanément, ne fonctionnent pas. C'est pour cette raison que nous voulons avancer, et la holding permettra de prendre des décisions.
Nous l'avons dit : voilà dix ans que l'on essaie de faire avancer les choses et cela ne fonctionne pas. Cet article du texte permet justement que des décisions soient prises et qu'une stratégie claire soit discutée puis définie.
Notre rôle de parlementaire est de fixer un cadre, non de prendre les décisions nécessaires à la place des dirigeants ; c'est tout le sens de l'indépendance que nous voulons leur donner.
C'est ce que permet cet article 1er, raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est reparti…
M. Roger Karoutchi. Il y en aura bien une dizaine…
Mme Colombe Brossel. Il peut y en avoir plus ; ne nous tentez pas, monsieur Karoutchi…
Finalement, la question posée est de savoir qui défend quoi.
Monsieur le rapporteur, vous venez de défendre – avec conviction, d'ailleurs – un projet qui n'est pas celui de la proposition de loi du président Lafon (M. Claude Kern s'exclame.), et, sans vouloir vous offenser, monsieur le président de la commission, le texte que nous allons examiner n'est plus non plus la proposition de loi que vous aviez déposée, à laquelle nous étions d'ailleurs déjà opposés ; notre cohérence, à cet égard, est intacte.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. L'article 1er est exactement le même !
Mme Colombe Brossel. L'analogie avec nos exécutifs locaux est intéressante, car, en fin de compte, le maire ne décide pas seul : il y a, à ses côtés, un exécutif et c'est le conseil municipal, majorité et opposition, qui vote.
M. Cédric Vial, rapporteur. C'est pareil ici !
Mme Colombe Brossel. Ce que nous dénonçons, c'est précisément le fait que, aujourd'hui, alors que l'on ne sait plus de quel texte on parle,…
Mme Rachida Dati, ministre. Il y a eu un vote du Sénat !
Mme Colombe Brossel. … vous proposiez de concentrer toutes les décisions entre les mains d'une seule personne pour faire bouger les choses, sans parler même de la question du pluralisme. Nous dénonçons cette concentration, parce qu'elle est antinomique avec la démocratie et avec le fait que le service public de l'audiovisuel est la propriété de tous les Français et qu'il doit, à ce titre, les servir dans leur ensemble.
C'est pour cette raison que nous sommes profondément opposés à des regroupements et encore plus à cette holding exécutive, qui bénéficierait d'une concentration des pouvoirs et de la prise de décision qui serait un facteur de fragilisation du service public de l'audiovisuel.
Nous sommes totalement opposés à cette concentration des pouvoirs.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Je soutiens ces amendements de suppression de l'article qui crée la holding France Médias, qui est un peu le cœur du réacteur de la bombe à retardement que représente cette proposition de loi.
Monsieur le rapporteur, comme l'a bien dit ma collègue Colombe Brossel, vous avez clairement illustré, par vos propos, ce que vous souhaitiez, à savoir l'uniformisation de l'information et non la diversité des points de vue.
D'ailleurs, tout le monde s'accorde à dire que le rapprochement est une mauvaise idée, car faire de la radio et faire de la télévision, ce n'est pas le même métier ! Je suis désolé de vous le dire, mais ne pas le comprendre, c'est manifester une forme d'indifférence et de mépris à l'égard de tous ceux dont le travail quotidien – et l'expertise – est de nous informer, de nous divertir, de nous cultiver.
À Radio France, on fait de la production intégrée, avec une qualité reconnue par tous ; j'en veux pour preuve le succès de ses programmes en podcasts. Au contraire, à France Télévisions, on n'a quasiment recours qu'à de la production externalisée – qu'on le regrette ou non –, qui est un modèle différent de celui de Radio France. Quant à l'INA, il n'assume pas de mission de diffusion : son cœur de métier est la gestion de patrimoine, la conservation et la formation ; encore une fois, ce n'est pas la même chose. Enfin, France Médias Monde – parlons-en pour que le débat soit parfaitement éclairé – vise un public et des objectifs complètement différents des autres médias.
Ainsi, s'il y a quatre entreprises actuellement, c'est bien parce qu'il y a quatre métiers différents ! Les regrouper n'a pas de sens ; au contraire, cela les affaiblirait toutes les quatre.
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. L'intervention de M. le rapporteur est, au fond, un aveu assez éloquent sur les conséquences de la création de la holding.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit qu'il serait terrible que France Télévisions et Radio France aient des avis différents sur la manière de gérer une situation, qu'elles expriment deux points de vue différents. C'est là toute la différence entre nous dans ce débat ! Pour notre part, nous voulons que Radio France et France Télévisions puissent avoir des analyses différentes, prendre des décisions différentes ; cela s'appelle le pluralisme !
En réalité, vous venez de nous expliquer que la réforme vise à un affaiblissement du pluralisme dans l'audiovisuel public, puisque la pire chose qui pourrait arriver, selon vous, serait que deux entités ne soient pas d'accord entre elles et que ce désaccord aboutisse à deux traitements différents de l'information. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n'est pas le sujet !
Mme Mélanie Vogel. Le pluralisme, c'est exactement ce que nous cherchons à protéger en préservant la différence organisationnelle de ces entités !
En mettant des entités différentes dans une même holding, qui plus est exécutive, vous conduirez à une uniformisation progressive. Ce n'est pas ce que nous voulons. Oui, nous pouvons supporter que Radio France et France Télévisions aient des avis différents. Cela ne nous fait pas peur. C'est ce qui se passe depuis très longtemps.
Ce modèle reste globalement relativement salué, et nous ne voyons aucun intérêt à détruire.
Mme Rachida Dati, ministre. Par qui est-il salué ?
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. J'apprécie l'utilisation du terme « holding » : en général, quand on utilise un vocable anglo-saxon, on a l'impression d'être plus efficace…
En français, une holding se traduit par « compagnie financière » ou « société de portefeuille ». Or je ne vois pour ma part rien de très éclairant, dans cette proposition de loi, sur les enjeux budgétaires et financiers de cette « compagnie financière », de cette « société de portefeuille » !
En réalité, nos débats ne sont pas complètement hors sol, déconnectés de tout contexte budgétaire : après notre pause estivale, bien méritée, nous aurons une discussion âpre sur le budget de notre nation. Or y a-t-il, dans cette proposition de loi, le moindre élément, le moindre éclairage, sur ce que seront les liens financiers entre la structure mère et les sociétés filiales au sein de cette compagnie financière, de cette société de portefeuille ?
C'est un peu embêtant, car, nous le savons très bien, au-delà de la gouvernance, la priorité accordée à telle ou telle filiale, à tel ou tel enjeu, sera bien évidemment décidée par le prisme budgétaire. C'est parce que nous n'avons aucun éclairage sur les enjeux financiers de cette réforme et de la création de cette holding que nous nous opposons à cet examen précipité, à la hussarde, du présent texte. Dans le contexte budgétaire qui nous attend, c'est un véritable enjeu, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je ferai une remarque de forme.
Nous débattons de l'article 1er, l'article central de cette proposition de loi puisqu'il porte sur la « société tête » – je préfère au mot « holding » cette expression utilisée par notre rapporteur, d'autant qu'elle me rappelle le « fromage de tête », que j'affectionne (Sourires.) –, et, alors que trois amendements de suppression de cet article ont été présentés, vous n'avez prononcé, madame la ministre, que deux mots : « Avis défavorable ».
M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas rien !
M. Pierre Ouzoulias. Je me demande si vous défendez encore cette proposition de loi ! Et, si vous ne la défendez pas, pourquoi l'avoir inscrite à l'ordre du jour des deux derniers jours de la session extraordinaire ? Il y a là un mystère. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Rachida Dati, ministre. C'était pour être avec vous !
M. Pierre Ouzoulias. Vous vous dites profondément engagée derrière la proposition de loi, mais nous vous sentons en retrait par rapport à ce texte ; vous avez d'ailleurs parlé de la proposition de loi « dite Lafon ».
Mme Rachida Dati, ministre. C'est parce que j'ai du respect pour M. Lafon !
M. Pierre Ouzoulias. Pourquoi ne la défendez-vous pas ? Pourquoi ne nous répondez-vous pas ? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.
M. Yan Chantrel. Parce qu'elle n'a pas d'argument !
M. Pierre Ouzoulias. Depuis le début, je sens qu'il y a quelque chose de flou, et vous connaissez la fameuse expression : quand c'est flou…
Je veux répondre à M. Brisson et à M. le rapporteur sur la question de la mutualisation. Vous nous dites, messieurs, que la mutualisation par le bas n'a pas fonctionné. Je suis d'accord avec vous : elle est déjà allée trop loin ! (On s'esclaffe sur les travées du groupe Les Républicains.) En effet, quand j'écoute les radios du service public, il m'est insupportable d'entendre le même reportage sur France Info et sur France Culture. Or nous en sommes là aujourd'hui ! On sent que l'identité même des différentes composantes de Radio France est en train de s'amenuiser.
Mme Sylvie Robert. Oui, les spécificités sont gommées !
Mme Rachida Dati, ministre. C'est vrai pour une petite catégorie !
M. Pierre Ouzoulias. Je souhaite vivement que nous réaffirmions la spécificité des différentes branches de Radio France. On doit sentir la différence lorsqu'on les écoute !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Tout l'intérêt du débat est de prendre le temps de discuter. Lorsque j'entends M. le rapporteur s'exprimer sur ces amendements de suppression de l'article 1er, qui crée la « société de tête » – je préfère moi aussi ce terme à celui de « holding » –, je m'interroge.
En effet, sa description de ce que serait cette société de tête, de ce qu'elle devrait faire, son souhait de tout mettre dans un même paquet et, surtout, de confier la direction centrale et la prise de décision à un seul homme ou à une seule femme, comme il l'a dit lui-même, pose problème, car c'est exactement l'inverse de notre vision du service public, de la pluralité que nous souhaitons.
Pierre Ouzoulias vient de le dire, il s'agit d'aller dans le sens de l'uniformisation qui est déjà en marche dans le système actuel.
M. Pierre Ouzoulias. Bien sûr !
M. Guillaume Gontard. On veut niveler, avoir la même information partout. Les propos de M. le rapporteur m'inquiètent donc.
En réalité, je suis doublement inquiet, car, si Mme la ministre ne s'est pas encore beaucoup exprimée pour défendre sa réforme aujourd'hui,…
Mme Rachida Dati, ministre. Il faudrait savoir !
M. Guillaume Gontard. … les seuls mots qu'elle a pu prononcer ne m'ont pas rassuré : ils ont été pour regretter que le service public n'ait invité personne pour s'exprimer en faveur de sa réforme ! (Mme la ministre s'exclame.) Il est vrai que, pour votre part, vous avez choisi Le Journal du dimanche pour vous exprimer (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'esclaffe.), mais, en ce qui me concerne, j'ai l'impression que le service public a bien traité cette réforme.
Dès lors, madame la ministre, que critiquez-vous dans le système actuel ? Pourquoi voulez-vous cette holding ? Est-ce justement pour pouvoir décider qui l'on doit inviter, pour décider de la pluralité ? Vous voyez bien tout le danger d'une holding dirigée par une seule personne quand nous aurons des gouvernements moins républicains.
M. Max Brisson. Avec Mélenchon, par exemple ?
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. L'article 1er, article essentiel du texte, est le même que celui que nous avions examiné en 2023.
Or, à l'époque, les débats avaient été très différents. Certes, l'opposition entre nous était évidente, chers collègues, puisque vous ne vouliez pas d'un outil de synergie, de mutualisation, de réorganisation. Mais la tonalité de nos discussions était très différente : Laurent Lafon n'avait pas été traité de « liberticide » ! Il n'y avait pas eu de comparaison avec Trump et Orban ! Le débat avait été apaisé.
Que s'est-il passé depuis lors (Mme Marie-Pierre de La Gontrie désigne Mme la ministre d'un geste de la main.), sinon peut-être la volonté de transposer ici les mauvaises habitudes prises à l'Assemblée nationale ? (Exclamations sur les travées des groupes SER et CRCE-K.) Vous semblez vouloir que le débat soit de même nature ici que là-bas.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ne nous tentez pas !
Mme Colombe Brossel. À l'Assemblée nationale, il n'y a pas eu du tout de débat !
M. Max Brisson. Quand nous soutenons un texte face à de l'obstruction, comme nous l'avons fait en 2023, nous avons plutôt tendance à nous taire, mais, face à une imagination aussi débordante, qui fait de cette holding ce qu'elle n'est pas – un outil liberticide et caporaliste –, nous sommes tentés de prendre la parole pour vous modérer !
Nous ne sommes pas d'accord sur le fond ; Pierre Ouzoulias l'a parfaitement démontré et nous l'avions nous-mêmes dit en 2023. Cela étant posé, nous pourrions tout de même avoir un débat un peu plus apaisé. Pierre Ouzoulias nous a expliqué que vous ne souscriviez pas à la création de cet outil, qui vise, sans leur faire perdre leur identité, à permettre aux sociétés de davantage travailler ensemble. Vous n'en voulez pas ; nous en voulons. Le constat est clair.
Tenons-nous-en au fond : tout le reste n'est qu'imagination débordante destinée à faire de l'obstruction.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Absolument !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Que la ministre s'explique !
Mme Rachida Dati, ministre. Est-ce un ordre ?
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Monsieur Brisson, je ne réagirai pas à tous les propos de nature anecdotique que vous avez tenus et qui, du reste, ne correspondent pas à la réalité.
Toutefois, je souhaite répondre à l'une de vos remarques : en effet, nous ne voulons pas d'un audiovisuel bâillonné, uniformisé, verticalisé, y compris, pour être clair, parce qu'il pourrait être aux mains de M. Mélenchon. (Sourires sur des travées du groupe SER.) Nous n'en voulons pas !
Cependant, l'adoption de l'article 1er de cette proposition de loi et la création de cette holding, telle que l'a très bien décrite Sylvie Robert, pourraient justement amener n'importe quel pouvoir, qu'il soit d'extrême droite, de gauche, écologiste ou autre, à uniformiser, diriger et bâillonner l'audiovisuel !
M. le rapporteur nous a expliqué en quoi le pluralisme le gênait et a indiqué qu'il préférait un chef capable de guider les troupes là où il le souhaite. Cette vision n'est pas la nôtre ; nous ne voulons pas d'un tel chef pour l'audiovisuel public.
Je ferai d'ailleurs remarquer que, dans la presse quotidienne régionale (PQR) – je songe, par exemple, dans ma région, à La Provence –, les lignes éditoriales défendues par les uns et par les autres ne sont pas les mêmes ! Les titres peuvent s'exprimer différemment. Le directeur de la publication n'a pas la possibilité de tout gérer et de tout diriger.
La preuve, lorsque l'on a voulu démettre de ses fonctions le directeur de la publication de ce journal, qui avait donné la parole, à propos de la loi sur le narcotrafic, au procureur général et au président du tribunal judiciaire de Marseille, ce qui n'allait pas dans le sens de ce que souhaitait le groupe propriétaire de cette publication, cela n'a heureusement pas été possible : le combat a été difficile, mais il a pu être gagné, grâce aux journalistes, à leur diversité, à la liberté d'opinion.
Nous ne voulons pas d'un audiovisuel bâillonné par l'État, quel que s'en soit le chef. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Allez…
M. le président. La parole est à M. Yannick Jadot, pour explication de vote.
M. Yannick Jadot. Nous parlons toujours des études d'impact lorsque l'on examine une proposition de loi.
En l'occurrence, nous n'avons aucune évaluation du rapprochement entre France Bleu et France 3.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Si ! Nous l'avons !
M. Roger Karoutchi. Oui !
M. Yannick Jadot. Ceux qui, comme vous, se rendent dans les territoires ont pu constater que, partout, la suppression du 19/20 a été un traumatisme.
Mme Monique de Marco. Oui !
M. Yannick Jadot. Le 19/20, c'était l'information à côté de chez soi ; rien à voir avec les chaînes d'information en continu ! Sa suppression a été le premier coup porté à une information en lien avec chacun, quelle que soit son origine sociale ou géographique. Il y a ensuite eu le rapprochement.
Malgré ce que vous sous-entendez, nous constatons que France Inter se porte très bien ; Radio France n'a jamais autant écrasé la concurrence !
M. Pierre Ouzoulias. Oui !
M. Yannick Jadot. Les audiences sont dynamiques ; cela fonctionne bien.
En revanche, les audiences d'ICI sont catastrophiques : elles sont en train de plonger, alors même que tout le monde se plaint de la perte d'identité de France 3 et de France Bleu, de la perte de qualité de l'information locale. Je pense que nous pouvons nous retrouver autour de ce constat.
Il aurait tout de même été extrêmement intéressant, dans le cadre de ce débat, que nous disposions du bilan de ce rapprochement, pour l'instant raté, entre France Bleu et France 3, qui va à l'encontre de l'affiliation démocratique dans nos territoires. (Applaudissements sur des travées des groupes GEST et SER.)
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Antoine Levi, pour explication de vote.
M. Pierre-Antoine Levi. Voilà maintenant cinq heures et demie que nous discutons de ce texte.
Mme Sylvie Robert. C'est bien !
M. Pierre-Antoine Levi. Déjà ! Le temps passe vite.
Je ferai un bref rappel historique : il y a deux ans, les 13 et 14 juin 2023, 103 amendements avaient été déposés sur ce texte, dont seulement 4 sur l'article 1er. Et, à l'époque, nous avions, avec David Assouline, un orateur redoutable… Pourtant, nous avions eu des débats d'une autre nature, apaisés. L'article 1er avait pu être discuté.
Il n'y a pas eu de changement sur les articles 1er et 2 ; comme l'a dit le président Lafon, les rédactions sont les mêmes, au mot près. De fait, le rapporteur n'a pas déposé d'amendement avant l'article 3 du texte. Autrement dit, les deux premiers articles de cette loi sont totalement identiques à ceux qui ont été votés en juin 2023. Vous pouvez, chers collègues, vous amuser à les comparer : il n'y a absolument aucune modification.
Par ailleurs, on ne peut pas laisser dire que le texte nous soit revenu de l'Assemblée nationale parce que personne ne voulait qu'il soit voté ! Je rappelle que 1 300 amendements ont été déposés à des fins d'obstruction. Le texte a été rejeté à la suite du vote d'une motion du groupe écologiste, afin qu'il revienne au Sénat, où nous devions en débattre sereinement.
Or nous n'avons examiné qu'un seul amendement en exactement cinq heures et demie ! Alors que nous allons suspendre nos travaux dans quelques minutes, il nous restera 332 amendements à examiner à la reprise du soir, ou 329 si nous parvenons à statuer sur les amendements en cours de discussion, ce que j'espère.
Je veux dire que nous sommes tous ici respectueux de l'audiovisuel public. Max Brisson l'a dit, ainsi que tous ceux qui se sont exprimés. Il y a deux ans, nous avons pu débattre du texte, mais aujourd'hui, cela ne paraît pas possible. Pourquoi ne pouvons-nous pas discuter paisiblement aujourd'hui ? (Parce que les choses ont changé ! sur les travées des groupes SER et GEST.)
Vous multipliez les prises de parole sur chaque amendement, mais cette obstruction n'est pas utile, car, en définitive, nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour explication de vote.
M. Christian Redon-Sarrazy. J'espère que je pourrai parler dans une ambiance apaisée !
Je veux revenir sur le volet financier, qui a été évoqué par mes collègues Sylvie Robert et Karine Daniel.
Je suis circonspect sur l'affectation, par France Médias, des recettes et des moyens qui lui seront alloués aux sociétés qu'elle aura sous sa coupe. Une telle centralisation n'a jamais été très bonne.
Pour ma part, je n'ai jamais connu de remontée de budget à un niveau N+1 qui ne se traduise pas par un affaiblissement des moyens et des budgets précédemment alloués aux différentes structures !
J'ai dirigé une structure universitaire qui a eu la chance, à une époque, de bénéficier de budgets fléchés au sein de l'université. Le jour où ces budgets ont été « défléchés », la baisse de ses moyens a été systématique.
Mme Sylvie Robert. Il en va toujours ainsi !
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous pouvons donc légitimement être inquiets quant aux moyens qui seront à la disposition des radios et des télévisions pour assurer une mission de service public de proximité auprès des territoires.
Mme Rachida Dati, ministre. La holding n'y change rien !
M. Christian Redon-Sarrazy. Aujourd'hui, les inquiétudes des élus sont réelles. Une pétition circule. Dans mon département, les élus qui l'ont signée ne sont pas tous de gauche ! Comme cela a été dit, des élus de tous bords politiques s'inquiètent de ce qui se passe, du rapprochement actuel entre France 3 et France Bleu. Ils ne s'y retrouvent plus.
Peut-être écoute-t-on davantage de musique que d'informations durant la période estivale, mais, à la rentrée, nous aurons une véritable prise de conscience de ce que nous sommes en train de perdre !
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.
M. David Ros. Tout d'abord, cher collègue, je vous rappelle que le débat a duré non pas cinq heures et demie, mais quatre heures et demie, puisque, comme vous le savez, il y a eu une heure de suspension dans les débats… (Sourires sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
M. Pierre-Antoine Levi. Tout de même !
M. David Ros. Au reste, comme ne l'aurait pas renié Jean Jaurès, « de la discussion jaillit la lumière » !
Je remercie Max Brisson et M. le rapporteur : si l'article est le même, la vraie question n'est pas tant l'objet que l'usage que l'on en fait. (M. le président de la commission s'exclame.) De fait, les débats révèlent les intentions et les arrière-pensées, totalement assumées par ceux qui prennent la parole et qui permettent de mieux éclairer le risque lié à la création de cette holding.
Un premier aspect a été évoqué par mon collègue Christian Redon-Sarrazy : l'impact sur les territoires. Je vous invite tous, chers collègues, à regarder les incidences de la création d'une holding sur l'emploi, sur l'activité et sur l'information dans vos propres territoires de province.
Je rappelle que, en toile de fond, la presse, y compris privée, réduit énormément ses effectifs et taille dans l'information locale.
Le travail remarquable accompli depuis plusieurs années au Sénat mérite d'être réactualisé à l'aune des enjeux et de la réalité sur nos territoires de France. Nous aurions eu besoin d'un temps suffisant pour réexaminer sereinement cet article et essayer de l'améliorer, mais nous n'en avons pas disposé, car l'examen du texte à marche forcée nous a été imposé par le Gouvernement.
Le Rassemblement national, qui y est favorable, a voté la motion de rejet à l'Assemblée nationale pour que la discussion se poursuive au Sénat. Par conséquent, ce qui a changé, cher Pierre-Antoine Levi, c'est le cadre dans lequel nous examinons cette proposition de loi : elle ne bénéficie pas de la sérénité qu'elle mériterait.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Si je comprends bien, les rédactions de Radio France et de France Télévisions seraient, à l'heure actuelle, indépendantes et ne seraient pas soumises à des pressions du pouvoir politique. C'est bien ce que j'ai entendu, n'est-ce pas ? En tout état de cause, pour ma part, je le crois. (Mme Sylvie Robert s'exclame.)
Qu'est-ce que Radio France et France Télévisions aujourd'hui ? Des sociétés détenues à 100 % par l'État, financées quasi exclusivement par la ressource publique et dont le président ou la présidente est nommé par l'Arcom.
Qu'est-ce que France Médias, que nous voulons créer ? Une société détenue à 100 % par l'État, financée quasi exclusivement par de la ressource publique et dont le président ou la présidente sera nommé par l'Arcom.
Dès lors, en quoi changeons-nous la relation entre le pouvoir exécutif et les sociétés éditoriales en créant France Médias ? En rien ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe UC.)
C'est d'autant plus vrai que la « holding » France Médias – je vous prie de m'excuser de ne pas trouver de terme français – n'a pas de pouvoir éditorial, et c'est pour cela que je citais l'avis du Conseil d'État. Elle n'est pas une société éditrice de services.
Il est clairement dit, dans le schéma de la holding France Médias tel que le définit le texte de loi que nous sommes en train d'écrire – et non dans ce que vous entendez ici ou là –, que seules les entités Radio France et France Télévisions auront la capacité de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio. C'est là la différence avec la fusion.
En somme, nous ne changeons absolument rien à la situation actuelle ! Nous favorisons les synergies, parce que, M. le rapporteur l'a bien expliqué, les synergies par le bas ne fonctionnent pas.
Chers collègues, tous les risques que vous avez pu décrire pour le respect des équipes éditoriales, du travail et de l'indépendance des médias ne trouvent aucun écho dans la rédaction de l'article 1er tel qu'il a été écrit il y a deux ans et tel qu'il est préservé, à l'identique, dans la version du texte qui nous est soumise aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8, 61 et 220.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 358 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Pour l'adoption | 103 |
Contre | 225 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze,
est reprise à vingt et une heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Lors du scrutin public n° 335 de la séance du 2 juillet 2025 portant sur l'ensemble du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, M. Olivier Cadic souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle figurera dans l'analyse politique du scrutin.
7
Réforme de l'audiovisuel public
Suite de la discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier, l'examen de l'article 1er.
Article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 298 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, E. Blanc, Dossus, Dantec, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 44-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 44-... ainsi rédigé :
« Art. 44-…. – La société France Médias est chargée d'assurer la coordination en matière de valorisation numérique et de création de nouveaux contenus exclusivement destinés à la diffusion numérique, de négocier les conditions de diffusion numérique de l'ensemble des programmes produits, d'assurer la protection juridique des personnels et collaborateurs, de produire des études prospectives destinées à anticiper les besoins de formation et d'investissement et d'équipement des sociétés France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'établissement dénommé Institut national de l'audiovisuel, qui en détiennent la totalité du capital, qui conservent la mission de définir leurs identités éditoriales. Pour l'accomplissement de ses missions, elle bénéficie des moyens mis à disposition par ces sociétés et établissement, au prorata de leur participation, pour conduire ces actions communes. »
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. L'article 1er de la proposition de loi prévoit la création d'une holding dont les missions sont aujourd'hui insuffisamment claires et entachent le texte d'une incompétence négative du législateur. Les dispositions du nouvel article 44 A, inséré dans la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication par l'article 1er du présent texte, entrent en contradiction avec les missions décrites à l'article 44 de cette même loi.
Ces imprécisions résultent du double langage et de l'idéologie qui président à cette réforme. L'auteur de la proposition de loi et la ministre de la culture, qui soutient ce texte, justifient la création d'une holding sous le prétexte de renforcer les synergies.
En réalité, les synergies restant à développer et les doublons restant à supprimer sont peu nombreux au regard des réformes déjà imposées. Sur le terrain, les fusions précédentes au sein de France Médias Monde, et à présent au sein d'ICI, ont conduit à la réduction de programmes de radio – média auquel la ministre se dit attachée – et à la disparition d'identités éditoriales, auxquelles les Français sont attachés, ce qui renforce le sentiment d'invisibilisation des territoires dans le débat public.
Cet amendement, constructif, vise à renforcer les sociétés audiovisuelles publiques. Il s'agit, si la création d'une nouvelle entité baptisée France Médias était maintenue, d'en faire un outil réel de coordination dans le contexte d'un bouleversement profond du paysage numérique, caractérisé par l'émergence de plateformes, comme l'a souligné la ministre elle-même.
Il tend à clarifier les missions attribuées à France Médias en lui conférant un rôle de coordination de ce qui peut être réellement coordonné, par exemple la production de nouveaux contenus spécialement créés pour la diffusion numérique.
Il vise enfin à inscrire clairement dans la loi que la définition des identités éditoriales continue de relever de la compétence des sociétés et des établissements historiques, et non de celle de France Médias.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. Je vous l'accorde, ma chère collègue, votre amendement est constructif. Pour autant, il ne s'inscrit pas dans l'esprit de ce que nous souhaitons faire. En effet, il vise à conférer une mission de coordination à la holding. Or, pour notre part, nous voulons que celle-ci ait un rôle exécutif et de définition stratégique plus important.
Ainsi, tout en reconnaissant votre état d'esprit constructif et la qualité rédactionnelle de votre amendement, j'émets un avis défavorable à son sujet.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre de la culture. Cet amendement est effectivement constructif, mais, pour le motif que vient d'invoquer M. le rapporteur, j'y suis également défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Voyez dans quel moment nous nous trouvons…
M. Lafon et Max Brisson nous ont reproché très élégamment, avant la suspension de séance, de ne pas vouloir voter l'article 1er.
M. Roger Karoutchi. Ça recommence…
Mme Colombe Brossel. Ils arguaient que le débat avait déjà eu lieu il y a deux ans, que le cadre était exactement le même et que l'article 1er était demeuré inchangé.
Au passage, c'est la première fois que j'entends dire, alors que je connais David Assouline depuis plus de trente ans, que les débats étaient plus apaisés en sa présence… (Rires sur diverses travées. – M. Jean-Raymond Hugonet applaudit.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Vous le connaissez bien !
Mme Colombe Brossel. S'il nous écoute, cela lui fera plaisir, mais je ne suis pas certaine que tel était vraiment le cas… On lui transmettra !
En tout état de cause, on le voit bien, l'article 1er n'est plus du tout le même,…
M. Claude Kern. C'est exactement le même !
M. Max Brisson. C'est vous qui avez changé !
Mme Colombe Brossel. … non plus d'ailleurs que l'ensemble de la proposition de loi ; Cédric Vial vient d'ailleurs lui-même de le dire. Nos débats de 2023 ne s'étaient absolument pas déroulés dans le même cadre.
En effet, si la rédaction de l'article 1er est bien la même qu'il y a deux ans, tant que les amendements du Gouvernement n'ont pas été adoptés, le projet prévu est, en revanche, bien différent. C'est la raison pour laquelle nous nous y opposons. Il s'agit en effet non plus d'une holding de coordination, mais d'une holding exécutive.
Or ce projet, que nous dénonçons, est la porte ouverte à la centralisation des pouvoirs : une personne seule décidera et imposera ses décisions à des chaînes de radio et de télévision ayant une identité propre. Pourtant, nous avons besoin de cette complémentarité d'identités.
C'est cette holding exécutive que nous dénonçons. Je remercie donc Cédric Vial d'avoir dit clairement que nous n'examinions pas le même projet qu'il y a deux ans, que nous ne débattions pas de la même proposition de loi. (M. Roger Karoutchi s'exclame.)
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Nous allons voter, bien sûr, cet amendement de bon sens.
Vous voulez procéder par étapes, mes chers collègues : la holding serait la première étape de la fusion, cela a été dit précédemment. Nous voudrions, pour notre part, que soit prévue une étape encore antérieure, afin que nous puissions avoir une idée plus claire des champs possibles de meilleure coordination, d'économies et de synergies entre les différents opérateurs ; autant de points sur lesquels nous n'avons pas obtenu de réponses.
Nous souhaitons que l'on s'oriente vers une plus grande coordination, afin que nous puissions évaluer le projet et que vous nous présentiez ces champs de coopération renforcée, sachant que la télévision et la radio ne recouvrent pas les mêmes métiers ; on l'a dit au sujet d'ICI et de France 3.
Une fois encore, nous vous demandons de mieux expliquer quels sont les champs de coordination et de coopération ciblés.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Tout d'abord, le débat d'il y a deux ans n'était pas apaisé ! Pour autant, il était resté technique ; aujourd'hui, il est devenu politique, parce qu'il porte sur la transformation de la holding de coordination, que le président Lafon nous avait présentée mais qui ne figure pas à l'article 1er – celui-ci traite en effet de l'objet social –, en holding exécutive.
Ce sujet est au cœur de notre débat sur l'audiovisuel public. On ne peut donc pas dire que l'article 1er concerne seulement l'objet social et l'Institut national de l'audiovisuel (INA), en niant le reste !
Ce projet de holding, M. le rapporteur vient de l'évoquer : donnant son avis sur cet amendement de Mme de Marco visant à conférer une mission de coordination à France Médias, il nous a dit que cela ne correspondait pas au projet, lequel projet consiste à créer une holding pour faire en sorte que les quatre maisons de l'audiovisuel public soient dirigées non plus par des PDG mais par des directeurs généraux délégués, selon un modèle très éloigné de celui qui était au cœur de nos discussions il y a deux ans.
Soyons tout de même sincères entre nous. (M. Roger Karoutchi rit.) M. Levi a eu raison de dire que nous n'allions pas retrouver la holding qui était envisagée initialement dans les articles de la proposition de loi. Pour autant, nous pouvons débattre de ce projet. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Je vois que vous discutez, mes chers collègues ; cela tombe bien, nous adorons parler… Mais, soyons sincères, ne nous faites pas croire que le projet qui nous est présenté et celui que nous avions examiné voilà deux ans sont les mêmes !
M. Max Brisson. Le disque commence à être rayé !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Mme Monique de Marco. C'est de l'obstruction ! (Rires.)
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 359 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 341 |
Pour l'adoption | 113 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 72, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
chargée
insérer les mots :
, en concertation avec les directeurs généraux délégués des filiales,
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Mme Annie Le Houerou. Cet amendement de repli vise à réduire le caractère exécutif de la holding de l'audiovisuel public et à donner davantage d'autonomie aux sociétés dans la conduite de leur mission de service public en associant, dans chaque société, les directeurs généraux à la politique globale menée par la holding.
Ces directeurs généraux, qui étaient prévus dans la version adoptée en première lecture par le Sénat, ont été rayés d'un trait de plume lors du passage en commission à l'Assemblée nationale. (M. le président de la commission le conteste.) Pourquoi ?
Il est à craindre que la réforme de l'audiovisuel public ne fragilise leur indépendance à l'égard du pouvoir politique. À moins d'un an des élections municipales et à deux ans de l'élection présidentielle de 2027, elle risque de perturber le débat démocratique en affaiblissant l'audiovisuel public. En effet, cette réforme de structure est guidée par un seul objectif : réaliser des économies budgétaires.
L'audiovisuel public français remplirait encore mieux ses missions de service public et réaliserait de meilleures audiences s'il n'avait été amputé de 32 % de son budget depuis 2008, en tenant compte de l'inflation, dont 776 millions d'euros constants depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron.
La présence de directeurs généraux au sein de chaque société permettrait de tempérer un peu l'omnipotence du PDG exécutif et assurerait une marche optimale des sociétés ainsi que leur gestion au quotidien. Eux seuls seraient à même de négocier le fléchage des budgets au sein de la holding.
Madame la ministre, vous nous avez parlé de regroupement des forces. Vous avez l'occasion de le mettre en œuvre en émettant un avis favorable sur cet amendement !
Une « supergouvernance » par la holding dissimule en réalité une véritable menace sur l'indépendance de l'audiovisuel public, notamment par rapport au pouvoir politique. Les garanties de neutralité sont en effet remises en cause, pour ne pas dire plus, par la concentration de l'information dans une seule structure. La présence des directeurs généraux dans les instances de définition des orientations stratégiques est donc une nécessité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Mêmes causes, mêmes effets : avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Nous défendons cet amendement parce que la réforme prévue pour la gouvernance de l'audiovisuel public soulève de sérieuses inquiétudes, qui portent sur l'indépendance éditoriale et les principes démocratiques.
La présente réforme vise à attribuer des prérogatives exécutives au président-directeur général de la holding, lui octroyant ainsi des pouvoirs de décision et d'action sans précédent. La concentration du pouvoir entre les mains d'une seule personne se ferait au détriment des 16 000 employés, et transformerait les anciennes entreprises ainsi que leurs directeurs en simples exécutants. Cette nouvelle organisation, que nous dénonçons, les priverait de leur autonomie décisionnelle tout en complexifiant les procédures administratives.
Dans son rapport, Laurence Bloch propose d'aller encore plus loin en créant un poste unique de directeur de l'information, qui superviserait l'ensemble des journalistes de la holding, une centralisation du pouvoir inacceptable dans un secteur particulièrement sensible. Confier le contrôle de l'information de tous les médias publics à une seule personne augmenterait considérablement les risques d'ingérence étatique, d'immixtion d'intérêts privés ou de pressions extérieures. En cas d'intervention du pouvoir exécutif, un simple effet de cascade hiérarchique vers les rédactions transformerait l'audiovisuel public en audiovisuel d'État. (M. Roger Karoutchi s'impatiente.)
C'est justement pour mettre fin aux radios et télévisions d'État et à l'emprise politique de l'ère gaulliste que l'audiovisuel public fut divisé en plusieurs sociétés après 1974, sous l'impulsion de Valéry Giscard d'Estaing, à la suite de plusieurs années de vives contestations tant internes qu'externes à l'entreprise.
Plusieurs incidents survenus au cours des dernières années ont déjà mis en lumière la porosité des médias publics aux pressions des groupes conservateurs, au travers de la déprogrammation d'humoristes ou de programmes citoyens. On peut légitimement craindre qu'une centralisation accrue empire cette situation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
de définir les orientations stratégiques des
par les mots :
d'organiser la définition des orientations stratégiques du groupe en concertation avec les
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement de repli vise à assurer l'équilibre des pouvoirs au sein de la future société France Médias. À défaut de supprimer celle-ci, nous souhaitons limiter le plus possible les effets néfastes de la réforme pour les sociétés et le personnel de l'audiovisuel public.
Il a été répété à l'envi depuis des mois que cette société serait le chef d'orchestre des sociétés de l'audiovisuel public.
M. Max Brisson. C'est vrai !
Mme Colombe Brossel. L'objet de notre amendement – très constructif, là encore – est donc justement d'organiser une véritable « codéfinition » des orientations du groupe et de ses différentes unités.
Notre attachement à la liberté éditoriale et aux caractéristiques propres de chaque groupe de l'audiovisuel public nous fait adopter cette position d'équilibre. La société France Médias serait alors instituée comme une véritable médiatrice entre les différentes composantes de l'audiovisuel public, et non comme une entité qui en chapeauterait les différentes parties. Une telle codétermination des orientations stratégiques nous semble bien plus indiquée pour la gestion du service public de l'audiovisuel que l'introduction d'un mode d'administration managériale qui vise à se rapprocher de la gestion d'une société privée.
Nous craignons qu'une direction exécutive unifiée entraîne une dilution de ce qui fait aujourd'hui la spécificité de notre audiovisuel public, sa diversité et les différentes nuances qui la composent.
Le premier objectif affiché par la ministre et par les rapporteurs depuis le début de l'examen de cette proposition de loi en première lecture est la massification : massification des entités, des audiences et, en réalité, bien que ce motif n'ait pas été avoué officiellement, massification des économies.
Les défenseurs de cette proposition de loi se trompent lourdement sur la vocation du service public de l'audiovisuel. Cette vocation est non pas obligatoirement d'être le plus fort, le plus gros, le plus regardé, le plus massif, mais d'abord d'être le plus pluraliste possible. Or ce pluralisme nous semble mieux assuré dans la situation actuelle de l'audiovisuel public que par les termes de la présente proposition de loi.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
définir
insérer les mots :
et de réviser tous les cinq ans
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement a pour objectif d'instaurer une révision quinquennale des orientations stratégiques de la holding de l'audiovisuel public. Il s'agit d'un ajustement essentiel pour garantir une vision cohérente de l'audiovisuel public dans la durée et répondre ainsi aux défis de transformation auxquels sont confrontés les médias publics.
Comme l'a noté récemment la Cour des comptes dans différents rapports relatifs à l'audiovisuel public, le pilotage stratégique du service public audiovisuel souffre aujourd'hui d'un manque de lisibilité, de cohérence et de réactivité, faute d'un État actionnaire stable dans ses orientations et ses arbitrages.
Il faut rappeler que les orientations stratégiques sont certes définies par la holding, mais qu'elles figurent également dans les conventions stratégiques pluriannuelles, définies à l'article 3 – nous y reviendrons –, signées avec l'État. En d'autres termes, l'État est naturellement partie prenante à ces orientations stratégiques.
Or le schéma actuel ne doit pas être amené à se reproduire. Le rejet des derniers contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) par les commissions de la culture des deux assemblées, parce qu'ils ne respectaient nullement la trajectoire fixée, permet de souligner à quel point l'État actionnaire doit redevenir un État stratège en soutien réel de l'audiovisuel public, lequel est devenu un actif stratégique dans le contexte géopolitique actuel.
En prévoyant une révision stratégique tous les cinq ans, notre objectif est aussi d'adapter les médias publics aux mutations numériques, à la révolution induite par l'intelligence artificielle (IA) et à l'évolution des usages. L'accélération des transformations est aujourd'hui radicale. Il est fondamental d'instaurer des « clauses » de revoyure, pour s'assurer de leur alignement avec les priorités de l'État et celles des citoyens.
Enfin, cette révision régulière constituerait, pour le Parlement et les citoyens, un point d'étape démocratique. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) Elle créerait un rendez-vous régulier de réflexion, de débat et d'analyse sur les orientations stratégiques de l'audiovisuel public, renforçant ainsi son appropriation par les citoyens.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
des
par les mots :
de la holding qui sont validées par les
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Cet amendement vise à prévoir que les orientations stratégiques de la holding de l'audiovisuel public seront validées par les conseils d'administration des diverses sociétés qui la composent. À nos yeux, c'est un garde-fou démocratique supplémentaire dans le cadre d'une réforme qui, rappelons-le, suscite de fortes inquiétudes.
Pour notre part, si nous contestons la pertinence même de la création d'une holding, nous considérons, puisqu'il faut en débattre, qu'il convient d'en limiter les effets les plus nocifs pour le pluralisme, l'indépendance et la liberté de programmation des entités existantes.
Toute réforme organisationnelle du service public audiovisuel doit éviter un pilotage trop centralisé qui nuirait à la souplesse des opérateurs et à leur capacité à répondre aux spécificités de leur mission et de leur public. Radio France n'est pas France Télévisions et France Médias Monde n'est pas l'INA !
L'homogénéisation des orientations imposée d'en haut serait une erreur stratégique. Nous ne souhaitons pas que les sociétés de l'audiovisuel public deviennent les filiales passives d'une holding toute puissante qui caporaliserait les médias qui en dépendent. Elles doivent notamment demeurer maîtresses de leur ligne éditoriale et de leur stratégie numérique, même si une coordination peut exister entre les différentes entités pour atteindre des objectifs communs. C'est pourquoi nous souhaitons rééquilibrer les pouvoirs au sein de la holding, en soumettant les orientations stratégiques à l'aval des entreprises qui en relèvent.
D'ailleurs, dans son rapport, Laurence Bloch invite à un dialogue entre le PDG de la holding et les autres entités. Selon elle, la holding doit rester « une ombrelle juridique dans laquelle doit s'inscrire un dialogue permanent entre le PDG responsable des grands axes de la stratégie et les directeurs généraux délégués, professionnels du secteur en mesure de trouver les meilleurs chemins éditoriaux pour mettre en œuvre les principes stratégiques ». Or la structuration de ce dialogue est inexistante dans le présent texte. La gouvernance, telle qu'elle est matérialisée,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Karine Daniel. … est extrêmement verticale et centralisatrice, à rebours de cet espace de dialogue impératif.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer la première occurrence du mot :
des
par les mots :
du groupe après avis des
La parole est à M. David Ros.
M. David Ros. Nous sommes toujours plus constructifs et toujours plus souples, puisqu'il s'agit d'un amendement de repli du repli... (Sourires.)
Il s'agit de prévoir que, à tout le moins, les sociétés appartenant à la holding puissent rendre un avis sur les orientations stratégiques qui auront un impact décisif sur leurs missions, leurs priorités, leurs modalités d'action et surtout leur budget.
La présente proposition est d'ailleurs indissociable d'une analyse de l'article 3, sur lequel nous reviendrons, qui définit la composition du conseil d'administration de la holding.
En l'état, sauf erreur de notre part, France Télévisions, Radio France et l'INA ne seraient aucunement représentés au sein du conseil d'administration de la holding, sauf par le PDG de celle-ci, ce qui est clairement insuffisant.
Le choix de ce modèle de gouvernance est révélateur et déroutant : alors même qu'il était possible d'associer plus finement les directions des différents médias publics, le choix a été fait de les écarter. Cet arbitrage témoigne de la vision extrêmement verticale et centralisatrice qui préside à ce modèle de gouvernance, comme si, au fond, il fallait mettre au pas un audiovisuel jugé turbulent.
Pourtant, il était tout à fait possible de choisir d'autres formes de gouvernance. À titre d'exemple, puisque l'on a parlé de neutralité, le modèle suisse est particulièrement intéressant. La Société suisse de radiodiffusion et de télévision publique (SSR) est composée d'un conseil d'administration qui chapeaute quatre entités régionales auxquelles il soumet ses orientations stratégiques, afin de garantir une coordination entre les différentes entités et de préserver leur autonomie. Ce système coopératif et décentralisé n'a strictement rien à voir avec ce qui est proposé dans la proposition de loi. C'est un facteur de confiance et de fluidité entre la holding et les différents médias publics qui la composent.
Enfin, à notre sens, il y va des conditions d'un dialogue sain. Chaque média doit pouvoir défendre ses projets et ses priorités dans le respect de sa ligne éditoriale. L'expression de cette défiance n'est clairement pas le meilleur moyen d'enclencher une nouvelle dynamique et de favoriser l'acceptabilité de ce projet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Mes chers collègues, j'ai le sentiment que vous n'êtes pas tout à fait favorables à cet article 1er ni au principe de la création de la holding… (Sourires.)
Si j'ai bien compris, vous cherchez, au travers de ces quatre amendements, à contourner le principe de la holding. Il est donc légitime de ne pas y être favorable, aussi intéressants soient-ils intellectuellement, car leur objet est incompatible avec l'article 1er. Par conséquent, l'avis de la commission ne peut qu'être défavorable.
Par ailleurs, notre collègue Ros a cité l'exemple de la SSR et de la Radio Télévision suisse (RTS) ; je signale que ces sociétés ont fusionné en 2010 et que, aujourd'hui, la télévision et la radio suisses fonctionnent très bien ensemble !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Vive la Suisse !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 62 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 221 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
France Télévisions,
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour présenter l'amendement n° 22.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Vous l'aurez compris, nous nous opposons à ce projet de holding. Pour autant, au travers de cet amendement de repli, nous proposons d'exclure France Télévisions de cette holding.
France Télévisions est déjà un modèle de performance au sein du service public. L'intégrer à une structure globale, conçue comme un facteur de mutualisation forcée, risque non seulement de nuire aux autres entités, mais encore de fragiliser ce qui fonctionne bien aujourd'hui.
France Télévisions, c'est aussi l'audiovisuel public en outre-mer. Outre-mer La Première réunit toutes les chaînes des outre-mer. Je vais d'ailleurs profiter de cette occasion pour citer ces territoires, puisque l'on a beaucoup cité Paris, car il est possible que, du fait de cette réforme, on n'en entende plus parler ensuite : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna.
Dans nos territoires, l'audiovisuel public manque déjà de moyens. En 2025, France Télévisions consacre 440 millions d'euros à la création audiovisuelle et 80 millions d'euros au cinéma. C'est plus que Netflix, Disney Channel ou TF1. Elle est le premier pilier du soutien à la création en France et, en 2018, elle commandait plus de 405 millions d'euros d'œuvres patrimoniales, contre 256 millions pour TF1 et M6 réunis.
Comment pouvez-vous prétendre qu'une plus grande mutualisation soit profitable aux territoires éloignés de l'Hexagone ? Et puis, nos compatriotes hexagonaux ignorent encore tant de nos territoires, cette France de tous les océans du monde…
Comment, avec cette holding, pourra-t-on encore valoriser nos paysages, nos talents et nos cultures, aux côtés des collectivités territoriales ultramarines, comme c'est le cas aujourd'hui ? Comment maintenir les territoires ultramarins comme des terres de tournage si l'on persiste dans cette réforme ?
Ce projet de holding, tel qu'il est présenté aujourd'hui, ne renforce pas le service public ; bien au contraire, il menace son équilibre. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Votez cet amendement, mes chers collègues, ne revenons pas à un contrôle colonial de l'information ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour présenter l'amendement n° 62.
Mme Karine Daniel. Cet amendement de repli vise à sortir France Télévisions du projet de holding France Médias.
Cette société a vu ses moyens diminuer drastiquement au cours des dernières années ; elle sera encore davantage fragilisée par son intégration dans une holding.
Les moyens budgétaires octroyés par l'État en 2025 devaient s'élever à 2 618 millions d'euros, dont 45 millions au titre du programme de transformation. Ils ont été ramenés à 2 567 millions d'euros lors de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2025, puis à 2 531 millions à la suite d'un arbitrage gouvernemental, à 2 520 millions lors du vote de la première partie du PLF, et finalement à 2 505 millions d'euros lors de l'adoption de la loi de finances. Ils sont ainsi inférieurs à ceux qui avaient été octroyés en 2019, sans compter l'inflation.
Comme si la baisse de la subvention publique ne suffisait pas, le texte que nous examinons prévoit en outre de plafonner les recettes commerciales – publicités et parrainages – sur la durée des futures conventions stratégiques pluriannuelles, soit entre trois et cinq ans.
Par ailleurs, le groupe France Télévisions est déjà constitué lui-même en interne sous forme de holding depuis la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, qui a procédé à un regroupement des sociétés publiques de télévision.
France Télévisions est ainsi le premier groupe audiovisuel de notre pays, notamment en termes d'audience. Il regroupe plusieurs chaînes, dont France 2, France 3, France 4, France 5, France Info, la plateforme France TV, ainsi que les chaînes de l'outre-mer et le réseau La Première.
Le groupe détient également des participations dans plusieurs chaînes thématiques internationales. Il exploite par ailleurs, depuis la suppression de France O, voulue par le Gouvernement lors du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, un réseau de radios en outre-mer et possède plusieurs plateformes et sites web, dont le site france.tv. Toutes ces activités ne sauraient être mélangées à celles de la radio, de l'archivage ou de médias diffusant à l'international.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l'amendement n° 221.
Mme Monique de Marco. Je vais essayer de convaincre le Sénat de voter cet amendement de repli, qui vise à exclure France Télévisions du regroupement des sociétés de l'audiovisuel public français au sein de la holding France Médias.
L'an dernier, France Télévisions a pleinement démontré le rôle central qu'elle joue dans notre vie démocratique et dans la cohésion nationale. En diffusant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, elle a permis à des millions de Français de vivre un moment de fierté collective. En organisant plus de 300 débats locaux pendant les élections législatives, elle a incarné une télévision de service public ancrée dans les territoires, accessible à tous et soucieuse de nourrir le débat démocratique.
Elle accomplit cette mission avec sérieux et professionnalisme, comme en témoigne le haut niveau de confiance dont elle bénéficie auprès du public : en effet, 60 % des Français considèrent comme fiable l'information qu'on y trouve, contre 31 % en moyenne pour les autres médias. Ce n'est pas un hasard, c'est le fruit d'années d'investissement, de rigueur journalistique et d'indépendance éditoriale.
France Télévisions n'a pas besoin de cette réforme, qui vise à diluer son identité, à fragiliser son indépendance et à soumettre sa gouvernance à un pouvoir centralisé.
Le présent amendement vise donc à préserver France Télévisions de la mise sous tutelle prévue dans cette proposition de loi. Préservons un modèle qui fonctionne, qui fait preuve de résilience dans un environnement médiatique en crise et qui continue à remplir pleinement ses missions de service public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Dans la vie parlementaire, certains moments sont savoureux, et j'avoue que celui-ci en est un ! Il y en a d'autres que j'attends aussi avec gourmandise…
J'attendais donc de savoir, mes chers collègues, comment vous alliez défendre ces amendements : vous avez en effet soutenu avec conviction la création d'une holding qui regroupe l'INA, Radio France et France Médias Monde en excluant France Télévisions, en suivant une argumentation très structurée pendant deux minutes. Je trouve cela fabuleux, j'attends la suite avec impatience ! (On s'offusque sur les travées du groupe SER.)
L'avis est évidemment défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Monsieur le rapporteur, je vous rassure, nous allons proposer d'exclure les différentes sociétés une à une de la holding ; nous n'en sommes qu'à la première !
J'ai remarqué que vous n'utilisez plus l'expression de « BBC à la française », qui est, chacun l'a bien compris, le doux rêve poursuivi derrière ce projet de holding. En effet, lorsque les conservateurs et les réactionnaires sont arrivés au pouvoir au Royaume-Uni, la concentration leur a rendu la tâche très facile quand ils ont voulu amoindrir les pouvoirs de l'audiovisuel public. C'est ce qui s'est passé à la BBC, qui n'est plus que l'ombre d'elle-même…
Que s'est-il passé exactement quand les conservateurs sont arrivés ? Accusations de wokisme, chasse aux sorcières, désignation de personnalités proches du pouvoir au conseil d'administration, menaces sur le financement, déprogrammation d'émissions phares ou de documentaires gênants : la BBC est devenue un lieu d'intervention politique constante.
Ce sont surtout les coupes budgétaires qui sont à craindre après un regroupement de ce type. En octobre dernier, la BBC a subi 700 millions de livres sterling de coupes claires dans son budget de 3,5 milliards de livres, en raison d'un gel de ses ressources sur plusieurs années.
Quelles ont été les victimes prioritaires de ces coupes ? Les radios, précisément. BBC Radio 1 et BBC Radio 2 ont perdu près de 300 emplois. Les programmes d'information et d'investigation phares comme Newsnight, qui existait depuis 1980, ont disparu. L'audiovisuel extérieur, avec le BBC World Service, a perdu 185 emplois et a vu la fin de programmes phares diffusés depuis trente ans ou du réseau déployé en Asie, alors qu'il faut y lutter contre la désinformation.
Voilà ce qui nous attend avec la fameuse « BBC à la française » que vous souhaitez.
M. Max Brisson. Et en Allemagne ?
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Ces amendements identiques sont des amendements de repli et nous allons égrener dans des amendements similaires les sociétés concernées.
Je parlerai non pas de l'Allemagne, cher collègue Brisson, mais de la Belgique ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous passez votre temps à nous opposer des modèles internationaux qui seraient tous plus convaincants les uns que les autres.
Mme Laurence Rossignol. Leur seul modèle, c'est Fox News !
Mme Colombe Brossel. Force est de constater que ce n'est pas le cas. Nous avançons avec des arguments rationnels, étayés, et nous arrivons à la Belgique.
M. Max Brisson. On va faire tout le Benelux !
Mme Colombe Brossel. En 2018, l'audiovisuel public belge a fait l'objet d'une réforme de grande ampleur. À la place des chaînes de télévision et de radio du groupe qui ont été supprimées, on trouve désormais un pôle consacré aux contenus, qui crée et fait l'acquisition de contenus, et un pôle médias, qui analyse les publics, valorise et distribue les sujets.
Mme Rachida Dati, ministre. Vous y êtes allée ?
Mme Colombe Brossel. Selon la société des journalistes de Belgique, cette réforme a entraîné une dégradation des conditions de travail ; en 2023, un rédacteur en chef qui était en arrêt pour burn-out s'est d'ailleurs suicidé sur son lieu de travail.
Du point de vue de l'organisation du travail, un journaliste politique peut désormais, par exemple, se voir demander de travailler pour la radio, la télévision et le numérique. Ces nouvelles tâches doivent être effectuées sur le même temps de travail, ce qui accentue la pression et a nécessairement des conséquences sur la qualité de l'information.
On le voit donc, il existe à l'étranger des contre-exemples éclairants illustrant le fait que le regroupement, la mutualisation à marche forcée, la suppression de l'indépendance et de la pluralité des modes de travail, d'intervention, des points de vue et des angles peuvent conduire à un appauvrissement de la qualité de l'information et même, dans les cas les plus graves – nous les redoutons –, à une dégradation des conditions de travail des journalistes.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Je n'avais pas prévu d'évoquer la situation d'autres pays, mais je vais le faire !
Auparavant, je veux dire que je suis quelque peu déçue, car je pensais que nous aurions une véritable discussion. En commission, nous avons été frustrés : nous avons dû discuter à toute vitesse des amendements pour la séance. J'espérais donc que, comme vous nous l'aviez promis, le débat se tiendrait en séance. Or il n'y en a pas ! Vous repoussez d'un revers de main, en les ridiculisant, nos amendements, qui sont pourtant de simples amendements de repli. Mais nous irons jusqu'au bout, et nous évoquerons les différentes entités, l'une après l'autre.
Puisque vous le réclamez tous, et de Marco étant un nom italien, je vais donc parler de l'Italie (Ah ! sur des travées des groupes UC et Les Républicains.) et de la réforme de la gouvernance de l'audiovisuel dans ce pays.
Le système historique de répartition des chaînes entre partis politiques, dit « lottizzazione », a été modifié pour renforcer le contrôle gouvernemental. Sous le gouvernement Meloni, on a assisté à la levée des limitations de temps de parole pour les membres du Gouvernement et à l'accroissement du risque d'institutionnalisation politique de la Rai. Voilà jusqu'où l'on peut aller !
Je pourrais citer d'autres pays en exemple, mais le temps passant j'y reviendrai ultérieurement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22, 62 et 221.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 68 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 222 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
Radio France,
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 21.
M. Pierre Ouzoulias. Mes chers collègues, vous avez parlé, à plusieurs reprises, d'économies d'échelle. Pour ma part, je suis fonctionnaire et, chaque fois que l'on m'a parlé d'économies d'échelle, cela s'est traduit à la fin par moins de moyens… Une telle situation serait un drame pour l'audiovisuel.
Comment est-il possible de diminuer les moyens quand on sait que, aujourd'hui, pour la radio, il n'y a très souvent qu'un seul journaliste avec son micro ? Allez voir le journaliste de France Info dans la salle des conférences ! Il en va de même pour la télévision publique : un seul journaliste, avec un caméraman. Comment faire moins ?
La solution pour faire des économies, c'est de mettre en commun les contenus. Or, je vous l'ai dit, je pense que ce n'est pas une bonne chose pour le service public.
Je prendrai mon cas en exemple. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Le Journal de douze heures trente de France Culture est exceptionnel : les journalistes en plateau invitent des chercheurs, des universitaires, qui ont très souvent un point de vue beaucoup plus intéressant que les politiques. Pour ma part, j'apprends beaucoup.
Mme Rachida Dati, ministre. Il n'y a que vous qui l'écoutez !
M. Pierre Ouzoulias. Ce journal, je ne peux pas l'écouter à l'heure où il est diffusé : je l'écoute le lendemain matin, quand je me réveille ; je ne vous dirai pas à quelle heure… Or Médiamétrie ne comptabilise les écoutes en ligne qu'en direct : cela signifie que je ne suis pas un auditeur de France Culture. Madame la ministre, vous nous parlez des audiences : il faudrait inclure les téléchargements pour comparer les choses de façon rationnelle.
Je conclurai en évoquant la geste macronienne, que je n'ai cessé de suivre. Depuis 2017, on nous parle de la start-up nation : ce qui est efficace est petit. Là, vous nous vendez un mastodonte, un conglomérat, qui nous rappelle l'époque soviétique. Je ne comprends plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K. – M. Guy Benarroche applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour présenter l'amendement n° 68.
M. Christian Redon-Sarrazy. Nous en arrivons maintenant à Radio France, puisque cet amendement de repli vise à sortir cette société de France Médias, en raison de ses particularismes, qui risqueraient de ne pas être préservés en cas d'intégration à la holding.
La société nationale de radiodiffusion Radio France gère les stations publiques de radio en France métropolitaine, plusieurs formations musicales ainsi qu'un label d'édition de disques et de musique. Cette société, créée le 1er janvier 1975 après le démantèlement de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), est constituée sous la forme d'une société anonyme à capitaux publics intégralement détenue par l'État.
Le financement de Radio France provient à 80 % de financements publics et à 20 % de ressources propres, principalement issues de la publicité et des activités de diversification développées par cette société. Ainsi, 660 millions d'euros ont été attribués par l'État au titre des ressources budgétaires pour 2025.
Contrairement à France Télévisions, Radio France assure sa production en interne, mon collègue Pierre Ouzoulias a indiqué dans quelles conditions. L'intégralité de ses programmes radiophoniques et la captation de ses concerts, par exemple, sont effectuées par cette société. La production en interne permet la qualité sonore exceptionnelle de ses retransmissions.
Nous avons parlé précédemment du modèle de la BBC, qui intègre la radio. Or je crois savoir que l'activité radio de la BBC n'est pas très florissante. En outre, on oublie de rappeler que la BBC est, comme le secteur public audiovisuel français, financée par une redevance, mais celle-ci est d'un montant sans commune mesure avec notre ancienne contribution à l'audiovisuel public, puisqu'elle est de l'ordre de 220 euros.
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour présenter l'amendement n° 222. (Défendu ? sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Monique de Marco. Mes chers collègues, vous me permettrez de défendre cet amendement, en utilisant mes deux minutes de temps de parole. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. On avait compris !
Mme Monique de Marco. En revanche, il ne faudra pas m'interrompre…
Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose, dans cet amendement de repli, d'exclure Radio France de la holding proposée.
Je le répète, Radio France constitue le premier groupe radiophonique en termes d'auditeurs et de parts d'audience : elle compte 15 millions d'auditeurs chaque jour et est la première radio sur le numérique en direct et en téléchargements. Cette société n'a donc nullement besoin de faire l'objet d'un renforcement ou d'un rapprochement avec d'autres entités. Le seul renforcement nécessaire est budgétaire.
En 2025, Radio France a fait l'objet d'une coupe budgétaire de 25 millions d'euros ayant conduit à la disparition de deux antennes : Mouv' et ICI Paris-Île-de-France. J'y insiste, un budget adéquat, voilà le vrai renforcement dont Radio France a besoin.
Par ailleurs, le rapprochement envisagé risque d'entraîner une mise sous tutelle de Radio France, sous la houlette de France Télévisions, et, par conséquent, un affaiblissement de la spécificité du support radiophonique, qu'il convient de défendre alors qu'il est aujourd'hui en perte de vitesse.
Afin de protéger Radio France, ses journalistes et l'ensemble de ses salariés, le présent amendement tend à exclure ce groupe de la réforme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Cet amendement conduirait à organiser la fusion de France Télévisions avec l'INA et France Médias Monde, ce qui ne semble pas pertinent.
Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Cela a été rappelé à plusieurs reprises, les scores de l'ensemble de l'écosystème Radio France sur le numérique battent des records chaque année. Or, pendant la discussion générale, monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que nous entrions dans une autre époque, que nous étions concurrencés par toutes les plateformes numériques et que nous devions nous adapter à cette évolution.
Mais Radio France – le service public – ne vous a pas attendu pour s'adapter ! Aujourd'hui, elle est leader sur ce secteur. Je ne comprends donc pas la dissonance entre votre propos lors de la discussion générale et le fait que ce service public fonctionne très bien. Quand quelque chose marche, pourquoi vouloir le saborder, le casser ? À moins, évidemment, que l'on veuille le mettre à son service, au service des politiques ; et tel est bien l'objectif ici…
Ce sont pourtant cette indépendance et le nombre croissant de programmes de qualité proposés qui ont permis de développer l'écosystème numérique de Radio France, lequel est aujourd'hui un modèle qui bat les records d'audience, toutes plateformes confondues. Il faut conserver cet écosystème et le faire prospérer, en garantissant son autonomie, son indépendance ; il ne doit donc pas être intégré dans la holding.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote. (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Colombe Brossel. Mes chers collègues, Radio France mérite tout de même que l'on en parle pendant deux minutes !
Thomas Dossus a raison de le rappeler, dans les argumentations développées depuis le début de l'après-midi, et auparavant en dehors de cet hémicycle, il y a – je vais le dire avec mes mots, en espérant ne froisser personne – l'idée que les « coopérations par le bas » ne fonctionnent pas.
Ensuite, regardons les audiences, malgré toutes les limites que vient de décrire Pierre Ouzoulias : s'il y a bien quelque chose qui fonctionne, c'est Radio France ! France Inter rassemble sept millions d'auditeurs par jour – excusez du peu ! –, ce qui signifie que, chaque jour, plus d'un Français sur dix écoute cette station.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Pourquoi s'arrêteraient-ils de le faire ?
Mme Colombe Brossel. En outre, les nouveaux auditeurs de France Inter entrent pile-poil dans les catégories que la ministre de la culture souhaite viser. Peut-être que Radio France a « loupé le virage du numérique », mais ses équipes ont bien réussi à prendre le tournant des podcasts, vu les audiences. ! Il faudra donc m'expliquer comment on peut obtenir de tels résultats en ayant raté ce virage…
On constate donc que nous faisons face à une logique totalement idéologique, qui ne s'appuie pas sur la réalité. Aujourd'hui, Radio France est un outil de service public de radio qui est efficace, qui fonctionne, qui est adapté au monde d'aujourd'hui et qui ne subit pas, comme un boulet au pied, les freins liés au fait d'avoir raté le virage du numérique.
Il faudrait nous donner davantage d'explications sur les raisons de l'impérative nécessité de mettre au pas Radio France et de la faire entrer dans une holding exécutive. Puisque nous ne partageons pas le constat de départ – non pas parce que nous nous y opposons par principe, mais parce qu'il est faux ! –, la solution que vous nous proposez n'est pas adaptée.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Mes chers collègues, j'imagine une personne qui nous écouterait ou assisterait à nos débats sans savoir de quoi nous parlons, et qui entendrait parler de Radio France comme d'une espèce de dinosaure archaïque, totalement dépassé, qui aurait besoin de fusionner avec la télévision pour produire des podcasts.
Alors, puisqu'il existe une application radio France, je l'ai consultée. Voici les podcasts que l'on peut écouter cet été : Albert Camus – sujet consensuel – ; Marie Curie ; Le Meilleur des jeux vidéo ; La Traque de Mohamed Amra ; Staline ; In Extremis ; Canicule sentimentale – il y en a pour tous les goûts – ; Deepfakes ; Pavarotti ; Attentat de Nice ; Un Été avec Alexandre Dumas ; Gilles Deleuze ; L'Heure du rap ; L'Année 1984 ;…
M. Stéphane Piednoir. Très intéressant…
Mme Laurence Rossignol. … L'Odyssée de la croisière ; Germaine Tailleferre, la rebelle des années folles ; Les Châteaux de la Loire ; Les Envahisseurs qui ont changé le monde ; Contre-Vents ; Fureurs ; Comment occuper les enfants ? ; La Guerre de deux et demi ; 2 minutes pour être en forme ; Les Jumeaux ; French Touch… (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ce n'est pas le sujet !
Mme Rachida Dati, ministre. C'est pour qui ?
Mme Laurence Rossignol. Je dispose de deux minutes : il me reste encore cinquante-six secondes ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.) Comme je ne suis pas certaine que vous sachiez de quoi vous parlez lorsque vous évoquez Radio France (On le réfute sur les travées du groupe Les Républicains.), il me semble utile de poursuivre.
Je continue donc : Bosnie-Herzégovine ; Les Vacances ; Les Maîtres du roman populaire français ; Benjamin Tranié ; Les Liens du cœur ; Crimes et témoignages ; L'Engagement selon Malraux – j'imagine que Malraux satisfait tout le monde, il n'entre pas dans la catégorie des gauchistes woke – ; Les Bleues du foot, un thème populaire qui plaît à tout le monde ;…
Mme Rachida Dati, ministre. Le foot pour les pauvres, Deleuze pour les autres !
Mme Laurence Rossignol. … L'Idée de voyage ; Alfred Dreyfus – j'ai cru comprendre que c'était aussi devenu un sujet consensuel – ; Histoire de la poésie ; Adulescence ; Histoires de voix ; Penser l'été…
Voilà ce que vous jugez indigne de l'idée que vous vous faites des médias.
M. Max Brisson. Personne n'a dit cela !
M. Mathieu Darnaud. Vous inventez !
Mme Laurence Rossignol. C'est ce que vous nous dites depuis le début, car vous voulez détacher le linéaire des podcasts. Or il n'y a pas de podcast sans linéaire ! (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. N'importe quoi !
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Caricature !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Mes chers collègues, nous avons tous plébiscité Radio France, car cette radio a deux vertus.
M. Mathieu Darnaud. On a compris !
Mme Sylvie Robert. D'abord, elle produit en interne. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Je veux bien que vous ironisiez, mais donnez-nous des arguments ! Elle produit donc en interne, ce qui est déjà très important.
M. Mathieu Darnaud. C'est de l'obstruction !
Mme Sylvie Robert. Par ailleurs, 40 % des podcasts de Radio France sont écoutés.
M. Cédric Vial, rapporteur. 50 % !
Mme Sylvie Robert. Merci, monsieur le rapporteur.
Donc 50 %… (Mêmes mouvements.)
M. Max Brisson. Quel rapport ?
M. Olivier Paccaud. Cette réforme ne changera rien aux podcasts !
Mme Sylvie Robert. Mais calmez-vous ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Je suis calme !
Mme Sylvie Robert. Je ne demanderai donc qu'une seule chose à la ministre et au rapporteur.
On l'a dit, les audiences sont importantes, Radio France a pris le virage du numérique et les podcasts sont très écoutés. Laurence Rossignol a raison, les podcasts sont alimentés par le linéaire : c'est un élément extrêmement important, car cela donne du choix.
Alors en quoi cette holding apportera-t-elle une valeur ajoutée à ce qui existe déjà ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ? À quoi pensez-vous ? Comment Radio France va-t-elle faire mieux, finalement ?
M. Stéphane Piednoir. Ça ne tient pas la route.
Mme Sylvie Robert. Car c'est bien ce que vous lui demandez. En l'intégrant dans cette holding, vous sous-entendez qu'elle n'en fait pas assez et qu'elle devra faire mieux. Mais comment ? Expliquez-nous et, surtout, à ce stade du débat, donnez-nous des arguments, au lieu de critiquer, de sourire ou de plaisanter ; donnez-nous des arguments ! (Calmez-vous ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, soyons sérieux. Nous parlons de l'audiovisuel public dans notre pays, ce n'est pas rien ! C'est un enjeu majeur, un enjeu démocratique, et vous en riez… Nous voulons des arguments et un véritable débat de fond. (M. le président de la commission de la culture s'impatiente.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Cédric Vial, rapporteur. J'apporterai quelques arguments, mais j'ai l'impression que vous ne nous écoutez pas ou que vous ne nous entendez pas.
Nous n'avons jamais dit que Radio France n'était pas une radio de qualité, écoutée. Bien au contraire ! Vous nous faites un procès sur un point que nous n'avons jamais évoqué. Il y a d'ailleurs sur Radio France une émission intitulée Le Vrai ou faux, qui traite des fake news, une par jour. Rien qu'avec ce que nous avons entendu pendant nos débats ce soir, si nous leur faisions un signalement, ils en auraient pour trois mois d'émission ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.) Ne nous faites donc pas dire ce que nous n'avons pas dit.
M. Rémi Cardon. Ce n'est toujours pas un argument !
M. Cédric Vial, rapporteur. Effectivement, les taux d'écoute de la radio en général baissent. Les chiffres de Radio France sont plutôt stables ; il y a même quelques antennes qui progressent légèrement et qui ont obtenu de très bons résultats cette année. Nous n'avons jamais dit le contraire !
Qu'attendez-vous ? Que cela ne marche plus pour les accompagner ? Pourquoi ont-ils lancé des podcasts ? Parce qu'ils ont anticipé les besoins des usagers. (On le confirme sur les travées du groupe SER.) Il faut que nous les accompagnions, car ces besoins évoluent encore et il faut les satisfaire.
Mme Sylvie Robert. Mais quels besoins ? Dites-nous concrètement de quoi il s'agit !
M. Cédric Vial, rapporteur. Ma chère collègue, vous vous demandiez pourquoi les podcasts de Radio France marchent aussi bien. C'est vrai qu'ils fonctionnent bien, et ce pour de nombreuses raisons.
Première raison : leur qualité, qui découle de la qualité des antennes. C'est ce que nous disons depuis tout à l'heure. Nous avons, et nous voulons, un service public de qualité, dans lequel nous puissions avoir confiance.
Aujourd'hui, France Info et France Culture, notamment, sont des antennes dans lesquelles les gens ont confiance parce qu'elles sont pluralistes.
Mme Laurence Rossignol. Le problème, c'est France Inter, n'est-ce pas ?
M. Cédric Vial, rapporteur. On pourrait peut-être faire encore mieux, mais ce pluralisme est reconnu.
Deuxième raison : le très bon référencement des podcasts, notamment sur certaines plateformes, comme celle d'Apple et d'autres plateformes américaines avec lesquelles des négociations sont en cours. Or, pour négocier plus facilement avec ces plateformes, je peux vous assurer qu'il vaut mieux être plus gros et avoir une force de négociation plus large, au lieu d'être seul face à elles.
Je ne reviens pas sur la qualité de la ligne éditoriale, qui est indépendante aujourd'hui et qui le sera demain. Nous ne sommes toujours pas en train de changer cela !
Autre raison, parmi bien d'autres, qui explique pourquoi ces podcasts s'en sortent aussi bien et pourquoi les radios privées font moins de podcasts : c'est parce qu'il n'y a pas de modèle économique.
Mme Sylvie Robert. Et alors ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Le podcast, aujourd'hui, ne rapporte pas. Le service public peut se permettre – et heureusement, car c'est son rôle – de produire des podcasts parce que l'argent public le finance et que, pour ce support, il n'existe pas, ou très peu, de modèle économique avec de la publicité. C'est une des raisons, en plus de la qualité de ses podcasts que j'évoquais, pour lesquelles le service public est très puissant dans ce domaine. Il y a donc des raisons à cette réussite, et elles sont objectives.
Encore une fois, nous ne dénigrons pas ce que fait Radio France : nous voulons simplement l'aider, l'accompagner, pour faire face aux enjeux de demain.
Mme Sylvie Robert. C'est-à-dire ? Quels enjeux de demain ?
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Je souhaite, à l'occasion de cette discussion, saluer les élèves de CM2 de l'école Jacques-Prévert de Clisson, qui ont gagné le concours de création de podcast de France Inter, « L'école des Odyssées ». Combien de classes ont participé à ce concours ? 1 400.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Et alors ?
Mme Karine Daniel. Cette classe a remporté le concours en relatant la vie de Jeanne de Belleville, ébouriffante femme du Moyen Âge. Je vous invite vraiment, mes chers collègues, à écouter ce podcast remarquable.
Monsieur le rapporteur, peut-être n'y a-t-il pas de modèle économique derrière ce podcast, mais il y a en tout cas un véritable projet d'éducation aux médias, de médiation et d'appropriation des outils de la radio et du numérique par des écoliers.
M. Mathieu Darnaud. Hors sujet !
Mme Karine Daniel. Pas du tout !
Au travers de la question que j'ai posée tout à l'heure – à laquelle je n'ai toujours pas eu de réponse – sur l'affectation des moyens et la distribution des budgets aux différentes filiales de la holding envisagée, nous nous interrogeons sur la capacité future de ces filiales à assurer des missions qui, certes, n'ont pas de modèle économique en tant que tel, mais sont utiles en matière de politique publique, notamment dans le domaine de l'éducation aux médias.
Ces missions ont une vraie valeur ajoutée du point de vue de l'éducation à la citoyenneté, de l'utilisation et de l'appropriation des outils de la radio et de la télévision par les jeunes générations, en les orientant vers les médias publics. (Mme Marie-Claire Carrère-Gée s'impatiente.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Marques de satisfaction sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Rachida Dati, ministre. À quoi sert une holding, une direction unique, un chef d'orchestre ?
Cela sert d'abord à avoir une capacité d'arbitrage, qui n'existe pas aujourd'hui et qui manque, vous le savez bien. Il y a des difficultés entre Radio France et France Télévisions. Les coopérations par le bas ont été lancées voilà un moment. J'ai d'ailleurs retrouvé une note de 2023 cosignée par Mmes Veil et Ernotte, qui parlait de développer les coopérations par le bas pour aboutir à une gouvernance unique des deux sociétés. En 2023, je n'étais pas là !
On s'est rendu compte ensuite que les coopérations fondées sur cette note ne fonctionnaient pas, que les choses n'avançaient pas. À mon arrivée, en 2024, j'ai reçu les deux directrices, je leur ai demandé d'agir de manière plus volontariste en faveur des coopérations. Cela s'est un peu accéléré, mais la gouvernance unique devait constituer le point d'arrivée de ce mouvement.
À quoi sert une holding ? À éviter que l'usager français, qui finance l'audiovisuel public, ne se retrouve là où il ne veut pas être, soit obligé de suivre des médias qui ne l'intéressent pas, dont il s'est détourné. Il faut que l'audiovisuel public s'adapte à de nouveaux usages ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
M. Pierre Ouzoulias. C'est déjà ce qu'il fait !
Mme Rachida Dati, ministre. La holding permettra donc des investissements massifs dans le numérique. Au sein du conseil d'administration, la stratégie sera coordonnée, unique, cohérente et massive, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Il faut ensuite chercher les gens là où ils sont, en renforçant la proximité. Monsieur le sénateur Jadot, les audiences de France Info ont baissé de 14 % ! Cela ne marche pas ! (Mêmes mouvements.)
M. Thomas Dossus. Quelles sont les audiences ?
Mme Rachida Dati, ministre. Si l'on veut une information fiable et de qualité, il faut un moyen permettant de relancer France Info avec les outils actuels.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Parlez-vous de France Info ou de France Info TV ?
Mme Rachida Dati, ministre. Madame Rossignol, j'ai été très sensible à votre litanie des podcasts sur Deleuze ou sur la Bosnie-Herzégovine, mais à qui s'adressent-ils ? Selon vous, Deleuze serait réservé à certains, et le football, c'est populaire, ce serait pour le reste ? Je vous remercie de votre charité ! (Mme Marie-Pierre de La Gontrie s'exclame.) Nous voulons, nous, que les Français puissent s'intéresser à tout, que l'accès aux programmes soit simple. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie fait des moulinets avec ses index de chaque côté de son visage.)
Un peu de respect, madame de La Gontrie ! Je ne suis pas fille de sénateur, certes,…
M. Pierre Ouzoulias. Moi non plus, je ne suis pas fils de sénateur !
Mme Rachida Dati, ministre. … mais vous ne pouvez pas me faire ce geste ! S'il vous plaît, respectez-moi, y compris dans votre gestuelle. Je ne suis pas votre femme de ménage ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE-K, SER et GEST.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ah bon ?
Mme Rachida Dati, ministre. Votre réponse est éloquente ! Je vous le répète, je ne suis pas votre femme de ménage ! Mon père ouvrier a peut-être travaillé pour votre père, mais cette époque est révolue ! (Mêmes mouvements.)
Mme Monique de Marco. C'est incroyable !
Mme Rachida Dati, ministre. Il faut aller chercher les Français là où ils sont et s'adapter à leur usage de l'audiovisuel public. Là est l'intérêt d'une gouvernance unique, d'une stratégie cohérente et coordonnée.
En ce qui concerne les audiences, vous demandez pourquoi changer Radio France et France Inter. Mais seuls 9,8 % des auditeurs de France Inter sont des Français des classes populaires !
M. Pierre Ouzoulias. Les chiffres des téléchargements ne sont pas pris en compte !
Mme Rachida Dati, ministre. On peut choisir de rester entre nous, comme je l'ai dit – 38 % des auditeurs de France Inter sont des CSP+ (catégories socioprofessionnelles élevées) –, mais, selon moi, il faut engager une stratégie volontariste pour intéresser tous les Français à la radio et à la télévision publiques, que, je le répète, ils financent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et créer une holding changerait cela ?
Mme Rachida Dati, ministre. Bien sûr !
Mme Raymonde Poncet Monge. Qu'est-ce que cela va changer ?
M. Roger Karoutchi. Allez, votons !
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Madame la ministre, nous venons d'avoir une explication assez particulière…
Mme Rachida Dati, ministre. Parler des classes populaires, cela vous gêne ? (Protestations sur les travées du groupe SER.)
M. Yan Chantrel. Depuis le début de l'examen de ce texte, vous n'avancez aucun argument.
Mme Rachida Dati, ministre. Pour la légitimité, vous reviendrez !
M. Yan Chantrel. Vous vous livrez à des attaques personnelles pour masquer le vide de votre pensée sur ce projet.
Mme Rachida Dati, ministre. Quel juge !
M. Yan Chantrel. Ce que vous faites en revanche, madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, c'est attaquer le service public, en vous en prenant à des journalistes lors d'une émission du service public. C'est du jamais vu !
Mme Rachida Dati, ministre. C'était un signalement contre un mode de management ! Des agents du service public ont été attaqués !
M. Yan Chantrel. Je représente les Français établis hors de France ; dans quel autre pays voit-on des ministres attaquer des journalistes du service public sur une chaîne du service public, en les menaçant d'un procès et d'un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale ?
Mme Rachida Dati, ministre. Que dites-vous des enquêtes de Mediapart qui dénoncent ce harcèlement ?
M. Yan Chantrel. On ne voit cela que dans des régimes qui ne sont pas démocratiques. C'est du jamais vu en France !
Ces interventions illustrent votre attitude à l'égard du service public et cela nous fait craindre le pire par rapport à la création de la holding ! Madame la ministre, vous êtes l'incarnation de ces dérives, vous continuez de nous menacer et de tenter de nous intimider, mais vous ne nous faites pas peur !
M. Olivier Paccaud. Cela vole haut…
M. Yan Chantrel. Nous prendrons tout le temps nécessaire pour débattre calmement, tranquillement, sur des positions de fond ; en effet, depuis le début de nos discussions, nous nous concentrons sur le fond, mais vous n'êtes pas capable de donner un seul argument de fond, ce qui est pathétique !
Mme Rachida Dati, ministre. C'est vous qui l'êtes !
M. Yan Chantrel. En revanche, vous essayez de passer en force par tous les moyens. Nous, nous resterons là, nous serons mobilisés jusqu'au bout pour ne pas laisser passer ce texte et pour lutter contre les dérives que vous incarnez en permanence, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Le groupe Union Centriste votera évidemment contre ces amendements.
Nous sommes accusés de ne pas développer nos arguments. Nous proposons un modèle adapté aux enjeux de demain et nous avons un désaccord de fond ; mais, de grâce, arrêtez de caricaturer nos positions ! Nous avons déjà subi la litanie assez ennuyeuse de titres de programmes, au demeurant très tentants.
J'ai particulièrement apprécié la comparaison avec des pays étrangers ; au cours des nombreux débats que nous avons eus récemment, sur le temps de travail ou sur les retraites, vous avez toujours refusé de telles comparaisons, parce que « notre histoire », parce que ceci, parce que cela…
Mme Alexandra Borchio Fontimp. Eh oui !
Mme Annick Billon. Bien entendu, nous voterons contre ces amendements et, bien entendu, nous soutenons le service public.
M. Roger Karoutchi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je ne comprends pas le jeu auquel nous jouons.
Mme Rachida Dati, ministre. Je vais vous le dire !
M. Pierre Ouzoulias. Sur ce texte, le Gouvernement n'a pas demandé la procédure accélérée. Le Gouvernement ne l'a pas non plus inscrit à l'ordre du jour prévisionnel de la session extraordinaire de septembre prochain ; et nous apprenons à l'instant même, par une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP), que le Gouvernement ne demanderait pas l'ouverture d'une séance au-delà de vendredi minuit.
Mme Rachida Dati, ministre. Bien sûr que si !
M. Pierre Ouzoulias. Par conséquent, de toute façon, madame la ministre, votre texte ne sera pas voté, et nous l'examinerons de nouveau à la rentrée de septembre.
Compte tenu de ces conditions, je préférerais que notre dialogue soit apaisé et surtout que vous nous apportiez des réponses techniques. Madame la ministre, comment connaissez-vous la caractérisation sociale des auditeurs qui téléchargent des podcasts ?
Mme Rachida Dati, ministre. Nous avons les statistiques !
M. Pierre Ouzoulias. Techniquement, je ne vois pas comment cela serait possible. Les analyses de Médiamétrie reposent sur des appels, durant lesquels les personnes décrivent leur utilisation de la radio. On connaît le nombre et le lieu des téléchargements, mais on ne peut connaître l'origine sociale des auditeurs. Je ne comprends pas d'où viennent les chiffres que vous avancez : il faut nous le préciser. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin, pour explication de vote.
Mme Corinne Narassiguin. J'aimerais également comprendre d'où viennent les chiffres avancés par la ministre. Madame la ministre, comment pouvez-vous avancer que France Info ne marche pas, alors que, durant la dernière saison, son audience était en hausse ? Selon les derniers chiffres de Médiamétrie, elle a accueilli 126 000 auditeurs supplémentaires en un an.
La réalité, madame la ministre, c'est que vous n'aimez pas le service public, c'est que la neutralité et l'indépendance du service public vous gênent. (Mme Catherine Di Folco et M. Jean-Raymond Hugonet protestent.)
Yan Chantrel l'a indiqué il y a un instant, lorsque vous menacez des journalistes du service public durant une émission de grande audience, dont les extraits sont bien sûr repris sur les réseaux sociaux, vous vous rendez coupable des mêmes dérives que celles qui se multiplient aux États-Unis, dans une démocratie qui tend de plus en plus vers l'autocratie.
C'est ainsi que cela commence : on attaque d'abord les médias. D'autres comme Yannick Jadot l'ont déjà dit, nous sommes en train de toucher à l'indépendance de l'information, qui est un pilier de la démocratie. Si, en 2027, l'extrême droite arrivait au pouvoir, vous leur auriez offert tous les outils permettant de contrôler totalement l'information et de mettre fin à la liberté du débat démocratique dans notre pays.
M. Roger Karoutchi. C'est légèrement caricatural…
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Cette fin de session extraordinaire se révèle être une extraordinaire session, car il s'agit en réalité d'une « session Rachida Dati » ! Souvenez-vous, mes chers collègues, nous nous accordions hier soir pour convenir, lors de l'examen de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, qu'il s'agissait d'une loi Rachida Dati…
Madame la ministre, veuillez m'en excuser, mais il s'agit aussi ce soir d'une loi Rachida Dati et, si nous ne vous entendons pas beaucoup,…
Mme Rachida Dati, ministre. Vous voulez que je réponde ?
M. Guy Benarroche. … nous pensons que c'est parce que vous ne voulez pas parler, mais peut-être est-ce en réalité parce que vous n'avez pas d'argument technique à apporter. Nous aimerions bien les connaître, ces arguments, si vous les aviez : cela permettrait de lever un doute, de savoir quelles sont les raisons qui vous motivent. Mais tant que vous ne parlez pas, madame la ministre, nous ne pouvons pas savoir…
Mme Rachida Dati, ministre. Cela suffit, le mépris ! Vous savez lire et écrire !
M. Guy Benarroche. Madame la ministre, si cela ne vous dérange pas, je préférerais que vous preniez la parole plutôt que de m'interrompre ; tels sont les usages dont nous avons l'habitude au Sénat.
M. le président. Pas d'interpellation directe de Mme la ministre, monsieur Benarroche !
M. Guy Benarroche. Je n'interpelle personne, monsieur le président.
En ce qui me concerne, je tenais à féliciter M. le rapporteur de l'exactitude de ses propos au sujet de la qualité du travail de Radio France. Cette radio remplit une mission de service public. Elle ne répond pas forcément aux exigences d'un modèle économique, mais en définitive, par la qualité de ses programmes, elle sert la Nation.
Toutefois, il y a quelque chose que je n'arrive pas à comprendre – dans le monde économique dont je suis issu, la chose paraît bizarre – : à partir du moment où nous disposons d'un outil qui fonctionne correctement,…
M. le président. Merci, mon cher collègue.
M. Guy Benarroche. … qui donne de meilleurs résultats que les sociétés privées qui le concurrencent, pourquoi le supprimer ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Merci de participer à l'animation !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Attendez la chute, ma chère collègue ! (Sourires.)
Mes chers collègues, permettez à un sénateur qui n'est pas membre de la commission de la culture d'intervenir. Je sens le soupçon de certains collègues de la gauche de l'hémicycle par rapport aux intentions des auteurs de la proposition de loi, de M. Lafon, des membres des différents groupes qui soutiennent ce texte et du Gouvernement.
J'en suis persuadé, nous avons tous un amour et une passion pour le service public, et en particulier pour le service public audiovisuel.
Mme Raymonde Poncet Monge. Il n'y a que des preuves d'amour !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous sommes tous conscients du rôle des chaînes locales, à la télévision comme à la radio. Madame Rossignol, vous avez omis de mentionner la très bonne émission d'Alain Finkielkraut, Répliques, le samedi matin, avant Concordance des temps, qui est une autre très bonne émission. On aurait pu les mentionner aussi.
Puisque nous sommes soupçonnés de préparer l'éviction d'Untel ou d'Untel, je veux rappeler que – les faits sont têtus –, s'il y a un journaliste qui a été évincé par le pouvoir politique, c'est Daniel Bilalian,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C'était Jean-Pierre Elkabbach !
M. Jean-Baptiste Lemoyne. … en décembre 1991, après que le ministre de l'intérieur Philippe Marchand avait levé le petit doigt !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous n'étiez pas né ! (Rires.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. J'avais quatorze ans, je regardais la télévision, et je me souviens avoir été choqué (Applaudissements ironiques et rires sur les travées du groupe SER.) de voir ce journaliste évincé par le pouvoir politique.
Un dernier point : nos amis de la gauche devraient savoir comment fonctionne une holding, puisque c'est ce qu'ils pratiquent au quotidien : le Nouveau Front populaire, c'est une holding et pourtant chacun des partis qui en font partie y vit ! (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
Mme Colombe Brossel. Cela ne marche pas du tout !
Mme Laurence Rossignol. Cela ne marchera jamais !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21, 68 et 222.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 15 rectifié est présenté par M. Karoutchi, Mmes Belrhiti et Di Folco, MM. Milon, Daubresse, Le Rudulier et Panunzi, Mmes Micouleau et Berthet, MM. H. Leroy, Burgoa et Paul, Mmes V. Boyer, Morin-Desailly, Eustache-Brinio, Muller-Bronn, Dumont, M. Mercier et Lassarade, M. Bonnus, Mme Ventalon, MM. Belin et Bouchet et Mme Imbert.
L'amendement n° 20 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
L'amendement n° 69 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 210 rectifié bis est présenté par Mme Briante Guillemont, M. Fialaire, Mmes M. Carrère et Jouve et MM. Laouedj, Gold et Daubet.
L'amendement n° 212 est présenté par Mmes Ollivier et de Marco, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel.
L'amendement n° 255 est présenté par le Gouvernement.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
, France Médias Monde
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l'amendement n° 15 rectifié. (M. David Ros s'exclame et applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, ayons un moment de sérénité dans cet hémicycle.
Autant je partage l'ambition de la proposition de loi en ce qui concerne l'ensemble des chaînes de radio et de télévision, autant l'audiovisuel public extérieur représente à mes yeux un cas à part.
Chaque année, je défends péniblement l'augmentation des crédits de France Médias Monde, qui n'est pas seulement la voix de la France, mais qui est aussi l'image de nos valeurs. Ce média défend ces valeurs dans le monde, ce qui est de plus en plus difficile en raison de la compétition de chaînes largement financées par des pays autoritaires.
M. Pierre Ouzoulias. Oui !
M. Roger Karoutchi. En outre, de nombreux bureaux de France Médias Monde ont des relations conflictuelles avec les autorités des pays où ils sont installés.
L'audiovisuel public extérieur est donc, au sein de l'audiovisuel, un monde très à part. Ce n'est pas une question d'audiences, en métropole ou à l'extérieur ; il s'agit de savoir si France Médias Monde a les moyens d'exister, de parler aux Français établis à l'étranger, mais également à tous les francophones qui souhaitent connaître la vision « française » du monde, sans toutefois dépendre de la Nation. L'audiovisuel public extérieur a besoin d'un statut à part.
Pour cette raison, nous ne pouvons pas, dans l'immédiat, l'intégrer à la holding. Attendons de voir comment celle-ci se met en place et de savoir quels moyens supplémentaires peuvent être accordés à l'audiovisuel public extérieur, mais, dans l'immédiat, préservons son indépendance et sa force.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 20.
M. Pierre Ouzoulias. Il est difficile de parler après M. Karoutchi lorsque l'on partage la totalité de son propos. Mon cher collègue, vous avez entièrement raison.
Mme Laurence Rossignol. C'était un moment de grâce !
M. Pierre Ouzoulias. France Médias Monde, c'est la voix de la France. Ce que cette société coûte n'a pas d'importance. Ce qui compte, c'est que ce que nous représentons, nos valeurs, nos principes, continuent d'être entendus partout où notre voix peut, malheureusement, apporter une différence, une contradiction, de l'esprit critique. C'est un sujet essentiel.
Je m'interroge sur l'introduction de cette société dans la holding, car il me semble que la tutelle de France Médias Monde devrait être pluriministérielle.
M. Roger Karoutchi. Tout à fait ! Le ministère des affaires étrangères devrait y participer !
M. Pierre Ouzoulias. Le ministère de la culture ne peut porter seul la voix de la France. Le ministère des affaires étrangères devrait nécessairement y contribuer. Nous touchons les limites de la proposition de loi, car je ne vois pas comment une holding pourrait permettre une tutelle pluriministérielle sur les entités qu'elle réunit.
Toutefois, ce qui nous distingue, monsieur Karoutchi, c'est que j'estime pour ma part que France Médias Monde devrait être exclue de la holding non pas à titre temporaire, mais à titre définitif.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour présenter l'amendement n° 69.
M. Yan Chantrel. Je me réjouis également de constater que nous sommes nombreux, au sein de l'hémicycle, à partager l'idée que France Médias Monde n'est pas une société comme les autres et qu'il n'est pas opportun de l'englober dans la holding réunissant des médias aux activités nationales qui ne s'adressent pas au même public.
France Médias Monde a pour mission de diffuser l'actualité française et internationale auprès des publics du monde entier, via une approche pluraliste, indépendante, pédagogique. Sa vocation est à la fois diplomatique, culturelle et informative. Elle contribue à valoriser le point de vue français et européen sur les grands enjeux mondiaux. Elle a aussi pour but de promouvoir la francophonie et la diversité linguistique, de défendre les principes de liberté de la presse, des droits humains et du débat démocratique.
M. Max Brisson. Tout cela à la fois !
M. Yan Chantrel. Pour cette raison, France Médias Monde est particulièrement concernée par la guerre de l'information et les enjeux géopolitiques liés à la désinformation. Son rôle stratégique est un enjeu sensible, tant diplomatique que politique et culturel.
Je profite de la défense de cet amendement pour saluer tous les collaborateurs de France Médias Monde, qui, bien souvent, ne sont pas salariés et travaillent à la pige, aux quatre coins du monde. Ils exercent leur métier dans des conditions difficiles. Leurs revenus sont souvent proches du seuil de pauvreté et ils ne bénéficient ni de couverture sociale ni de retraite. Défendre la liberté et la qualité de l'information, c'est également prendre soin de ceux qui l'exercent.
M. David Ros. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour présenter l'amendement n° 210 rectifié bis.
M. Bernard Fialaire. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour présenter l'amendement n° 212.
Mme Mélanie Vogel. Cet amendement identique vise à exclure France Médias Monde de la holding créée par la réforme.
Mes collègues l'on indiqué, France Médias Monde joue un rôle très particulier dans la presse et l'audiovisuel. Près de 255 millions de personnes consultent les contenus produits par cette société à travers le monde, soit bien plus que la population française, dans vingt et une langues.
Le travail des journalistes de France Médias Monde, très particulier, n'a pas grand-chose à voir avec celui de leurs confrères en France. Un argument essentiel n'a été que peu développé : l'une des forces de cette entité, c'est qu'elle promeut les valeurs de la France sans pour autant pouvoir être perçue comme un organe de propagande de notre pays, ce qui protège les journalistes qui travaillent pour elle à travers le monde.
Si ces journalistes produisant sur le terrain des émissions dans toutes les langues étaient considérés dans les pays où ils travaillent comme des travailleurs dépendants des intérêts de l'État français, cela altérerait non seulement la qualité présumée de leurs travaux, mais cela les placerait aussi, dans certains pays, en danger.
Yan Chantrel l'a rappelé, n'oublions pas que ces personnes travaillent souvent dans des conditions extrêmement précaires, qu'elles n'ont pour la plupart ni contrat formel ni affiliation à un système de sécurité sociale, voire vivent parfois dans des pays où il n'y a pas de protection sociale. Ne fragilisons pas davantage ces personnes ni la voix de la France.
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, ministre, pour présenter l'amendement n° 255.
Mme Rachida Dati, ministre. Cet amendement identique vise également à exclure France Médias Monde du périmètre de la holding.
Le Gouvernement avait hésité sur ce sujet lors de la première lecture de la proposition de loi. Lors de l'examen du budget, sur l'initiative du sénateur Roger Karoutchi, nous avons renforcé le budget de France Médias Monde.
Dans le contexte géopolitique extrêmement fracturé et compte tenu des grandes tensions internationales actuelles, France Médias Monde joue évidemment une mission spécifique, celle de porter les valeurs démocratiques et républicaines dans le monde, qui sont loin de faire l'unanimité. La société développe de nouveaux projets en Afrique, dans le monde arabe, en Europe de l'Est, qui sont notamment destinés à développer de nouveaux contenus en langue étrangère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. La commission a émis sur ces amendements identiques un avis défavorable, que je me permets de nuancer.
M. Yan Chantrel. Ah !
M. Cédric Vial, rapporteur. Mes chers collègues, vous avez tous insisté sur le rôle particulier joué par France Médias Monde dans l'audiovisuel extérieur. Or, si une holding sans France Télévisions, Radio France ou sans l'INA perdrait tout son sens, très honnêtement, cette holding pourrait fonctionner sans France Médias Monde.
Si nous souhaitons que France Médias Monde fasse partie de la holding, c'est non pas dans l'intérêt de la holding, mais dans celui de France Médias Monde.
Vous avez tous défendu l'importance de cette société. Nous partageons cette idée, tout comme nous sommes convaincus de l'importance de Radio France et de France Télévisions. La création de la holding n'est pas une punition, au contraire ! Vous l'avez indiqué, les ressources des journalistes sont parfois très limitées localement, et ceux-ci sont contraints de bricoler.
M. Yan Chantrel. Oui !
M. Cédric Vial, rapporteur. Être inclus dans un groupe plus important pourrait les aider, en leur permettant de bénéficier de ressources et de moyens supérieurs et d'utiliser des technologies dont ils ne disposent pas actuellement.
M. Yan Chantrel. Il faudrait l'inverse !
M. Cédric Vial, rapporteur. Roger Karoutchi a affirmé que France Médias Monde devrait travailler avec le ministère des affaires étrangères ; mais c'est déjà ce qu'ils font ! Dans une holding, demain, ces coopérations pourraient toujours avoir lieu, voire se développer.
Permettez-moi néanmoins de rappeler une chose : France Médias Monde, ce n'est pas la voix de la France, contrairement à ce que Mme Vogel a dit, parce que le financement de l'audiovisuel public que nous avons adopté rend France Médias Monde indépendant du politique et de l'exécutif.
France Médias Monde défend dans plusieurs langues une vision française de l'actualité et la francophonie dans le monde. C'est déjà un regroupement – je ne parle pas de holding pour ne pas vous heurter – de trois médias différents : France 24, RFI, et une radio en langue arabe, dont le nom m'échappe en cet instant.
Nous souhaitons que France Médias Monde intègre la holding, mais nous savons écouter, nous avons compris les enjeux, et ce n'est pas grave si cela n'arrive pas tout de suite. Ce qui importe, c'est de comprendre qu'à terme, France Médias Monde aura sa place dans la holding.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Le débat est intéressant et important, notamment parce que nous n'avons pu l'avoir en commission.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. Il faut arrêter, nous sommes tous d'accord !
Mme Colombe Brossel. En réalité, étant donné les conditions dans lesquelles nous avons travaillé, nous n'avons pu débattre de rien en commission.
Cédric Vial a laissé la porte ouverte au fait que, à l'issue du vote de ces amendements, France Médias Monde ne fasse pas partie du vote de la holding. Cela nous conforte néanmoins dans notre difficulté à comprendre quelles sont les positions défendues par chacun dans l'hémicycle. À certains moments, on nous dit que le texte est exactement le même que celui que le Sénat a adopté il y a deux ans et à d'autres on nous dit exactement l'inverse. Il faut savoir raison garder.
Au-delà des particularités de France Médias Monde, que certains qui connaissent mieux le sujet que moi ont exposées, l'argumentation du rapporteur est troublante : il indique que la holding, c'est super, mais pas pour tout le monde. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie renchérit.)
M. Cédric Vial, rapporteur. Non !
Mme Colombe Brossel. Cela nous étonne. Monsieur Karoutchi, je vous ai écouté avec attention ; vous avez dit qu'il fallait préserver l'indépendance et la force de l'audiovisuel public extérieur. Nous sommes d'accord, mais nous disons qu'il faut préserver l'indépendance et la force de l'audiovisuel public tout court !
M. Roger Karoutchi. Cela n'a rien à voir !
Mme Colombe Brossel. Nous ne comprenons pas votre argumentation ; si la holding peut ne pas être une bonne chose pour France Médias Monde, car elle ne garantirait ni la force ni l'indépendance de l'audiovisuel extérieur, en quoi la création d'une holding exécutive renforcerait-elle l'indépendance et la force de l'audiovisuel public ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. C'est vraiment nul !
Mme Colombe Brossel. Nous n'avons toujours pas eu de réponse ! C'est un véritable un jeu de dupes !
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Nous voyons bien l'intérêt de ce débat.
Monsieur Karoutchi, je vous ai bien écouté et je suis totalement d'accord avec ce que vous avez dit sur l'importance et l'indépendance de France Médias Monde, sur sa diversité et la place qu'elle joue dans le monde. En effet, nous avons besoin de ce média, surtout dans la période que nous traversons. Je rappelle que, en outre, nous sommes en pleine cinquantième session de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, ce qui nous permet de mesurer toute l'importance du travail de cette société.
Ce que je comprends moins, et cela s'adresse aussi à vous, madame la ministre, c'est que vous affirmiez qu'il faut conserver un organe spécifique, alors que vous disiez précédemment que la création d'une holding ne poserait pas de problème, que chaque média pourrait y exprimer ses particularités. J'avoue donc être perdu…
Lorsque vous indiquez que France Médias Monde ne doit pas incluse dans la future holding – et je suis totalement d'accord avec vous, c'est impératif – afin d'en préserver la spécificité et de conserver une certaine diversité, vous nous démontrez précisément les limites de cette holding ! L'organisation que vous êtes en train de mettre en place, ce système à une seule tête avec un nivellement par le bas, entraînera la disparition des spécificités de chacun. Et cela vous saute aux yeux dans le cas de France Médias Monde, au point que vous avez été obligés de déposer ces amendements ; voilà qui révèle les limites de votre raisonnement…
Revenons donc à la raison. Voilà pourquoi nous avons déposé tous ces amendements. Il faut non seulement extraire France Médias Monde du champ de cette holding, mais il faut, tout simplement, renoncer à la constitution même de celle-ci.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne suis pas membre de la commission de la culture, je ne dispose pas de l'expertise de nos collègues qui en font partie et encore moins de celle de M. le rapporteur, mais j'écoute les débats et j'ai été très sensible aux arguments développés par M. Karoutchi et par les auteurs des autres amendements identiques.
Tout ce qui a été dit sur France Médias Monde vaut pour les autres composantes du service public de l'audiovisuel.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Non !
Mme Laurence Rossignol. Toutes ont leur spécificité ! Du reste, la tonalité de l'avis du rapporteur sur ces amendements était elle-même différente.
Je me dis donc que, peut-être, il y a deux points de vue – celui des défenseurs des intérêts, justifiés, de France Médias Monde et celui des défenseurs des intérêts de la holding – et que, peut-être, les intérêts de la holding ne sont pas les mêmes que ceux des composantes de cette structure.
C'est pourquoi, pour notre part, nous défendons, depuis le début, les intérêts de France Télévisions, les intérêts de Radio France, les intérêts de l'INA, mais aussi les intérêts des formations musicales – peut-être en parlerons-nous plus tard –, bref de tout ce qui fait la richesse et la diversité de l'audiovisuel public.
J'y insiste : le fait que la holding ait ses propres intérêts est assez gênant, parce que ce ne sont pas ceux du service public de l'audiovisuel ni, en tout cas, ceux de la diversité.
S'il faut maintenir France Médias Monde – j'en suis absolument convaincue – à l'extérieur de cette éventuelle holding, c'est parce que celle-ci peut nuire, à un moment, à l'une des composantes du service public de l'audiovisuel. Or ce qui est valable pour l'une l'est pour toutes les autres.
M. le président. La parole est à M. Thomas Dossus, pour explication de vote.
M. Thomas Dossus. Au moins, le rapporteur est cohérent !
En revanche, Mme la ministre et notre collègue Karoutchi ont développé des argumentations qui, selon nous, s'appliquent aux autres composantes de la holding mais qui, d'après eux, seraient pertinentes pour France Médias Monde et non pour Radio France ou encore France Télévisions.
Nous aussi, nous sommes cohérents : nous pensons que la holding risque de fragiliser l'indépendance et la diversité des différentes branches qui composent le service public de l'audiovisuel.
Sans doute, la situation de France Médias Monde s'inscrit dans un contexte particulier : la voix, ou en tout cas l'approche, de la France en matière de diversité, de démocratie et de pluralisme, s'est singulièrement étiolée à l'international, notamment au cours des derniers mois, et notre crédibilité s'est largement affaiblie. L'indépendance de France Médias Monde est ce qui garantit que le pluralisme des débats puisse s'exporter. Nous ne voulons donc pas soumettre ce bel outil de portée internationale à des considérations franco-françaises purement gestionnaires, car il s'en trouverait affaibli, lui qui n'a pas la même mission que le service public national.
Néanmoins, je le répète, le constat vaut pour les autres branches : toutes seraient affaiblies par cette holding. Il est remarquable que les arguments de la ministre soient réversibles : tantôt la holding affaiblirait, tantôt elle n'affaiblirait pas, selon le service public que vous voulez mettre au pas…
M. le président. La parole est à Mme Monique de Marco, pour explication de vote.
Mme Monique de Marco. Je veux revenir sur les propos du rapporteur. Celui-ci nous a assuré que France Médias Monde aurait intérêt à entrer dans la holding.
M. Cédric Vial, rapporteur. Oui.
Mme Monique de Marco. Puisque la commission a examiné la proposition de loi très vite et n'a pas eu le temps de mener des auditions, je vous lirai un extrait d'un texte envoyé à différents sénateurs, dans lequel France Médias Monde exprime ses inquiétudes et son insatisfaction, considérant que la holding ne lui profitera pas.
« Nous n'avons pas les mêmes missions que nos confrères de France Télévisions ou de Radio France. Nos publics sont à l'étranger. Par conséquent, nos contenus sont adaptés à des audiences spécifiques. […] Quels seraient donc les progrès en matière de synergie au sein de France Médias sinon, sans doute, siphonner les expertises de nos 400 correspondants répartis dans le monde entier, au détriment de nos enquêtes ?
« De plus, France Médias Monde bénéficie de financements spécifiques pour des projets à l'étranger. Fondre l'ensemble de ces financements dans une enveloppe globale rendrait invisibles nos efforts pour développer des partenariats bien souvent sensibles. Nous ne pouvons nous permettre de voir ces budgets partir vers des priorités nationales. Ce serait nier tout le travail effectué depuis des années pour informer dans des zones sensibles. »
Le passage qui suit est très important : « Nous avons déjà testé la holding : en 2008, l'audiovisuel extérieur de la France voit le jour, qui deviendra, en 2012-2013, France Médias Monde. Cette holding, qui a rapproché RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD), s'est accompagnée de deux plans sociaux, avec 341 postes supprimés entre 2010 et 2013. Nous avons constaté, tout au long de ces années, une ubérisation de l'information. »
Il aurait été intéressant d'auditionner cet acteur…
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. Je salue l'intervention de Roger Karoutchi. Elle ne m'a pas étonné ; depuis que je suis à la commission des finances, il cherche chaque année, en tant que rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel extérieur, à obtenir un petit quelque chose en plus pour France Médias Monde. Je le retrouve donc très logiquement à défendre cette position.
Si cette proposition de loi est adoptée, Roger Karoutchi ne pourra plus intervenir en séance, lors de l'examen des futurs projets de loi de finances, comme il le fait habituellement. Ce sera fini ! Je le dis aussi pour le rapporteur spécial sur ces crédits, que j'aperçois derrière lui, Jean-Raymond Hugonet.
En effet, dès l'instant où il y aura fusion, le Parlement ne sera saisi que d'un seul sujet : les crédits accordés à la holding. Nous passerons donc d'un débat, en deuxième partie du PLF, sur les crédits de la mission « Audiovisuel public », en présence du ministre de la culture, à un débat de première partie, avec le seul ministre des comptes publics.
Soyons précis : non seulement ce changement empêcherait Roger Karoutchi de soutenir France Médias Monde,…
Mme Annick Billon. Il faut sauver le soldat Karoutchi !
M. Claude Raynal. … mais cela empêcherait en outre tout parlementaire d'intervenir sur la répartition des fonds. Ce serait très grave pour notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Monique de Marco applaudit également.)
M. Yan Chantrel. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.
Mme Sylvie Robert. Il y a un aspect très intéressant dans ce débat, déjà soulevé par quelques collègues : la cohérence des positions des uns et des autres.
Nous sommes cohérents : nous souhaitons retirer France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde de la holding. Le rapporteur l'est également : il veut tout garder.
Toutefois, un certain nombre d'autres voix se font entendre.
Je suis tout à fait d'accord avec M. Karoutchi et les collègues auteurs des amendements identiques : il est vrai que France Médias Monde joue un rôle stratégique important face à la désinformation. Nous avons d'ailleurs pu le constater grâce à la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères. Cette société est devenue un enjeu diplomatique, culturel et politique. Dans une structure telle qu'une holding, on pourrait être tenté de se passer de plurilinguisme et de perspective internationale, en raison du risque d'uniformisation dont nous parlions tout à l'heure.
Puisque l'on fait des comparaisons entre les pays, tournons-nous vers la BBC : celle-ci a créé la branche internationale BBC World Service, précisément pour se différencier du reste du groupe et être beaucoup plus indépendante et agile sur les questions internationales et dans la lutte contre la désinformation.
Madame la ministre, nous sommes d'accord pour protéger France Médias Monde de la holding ; mais pourquoi Radio France n'aurait-elle pas droit à cette protection ? et France Télévisions ? et l'INA ? Cette holding représenterait-elle un danger pour France Médias Monde ? Donnez-nous des arguments démontrant le contraire !
M. le président. La parole est à Mme Mélanie Vogel, pour explication de vote.
Mme Mélanie Vogel. Je tenais à lever un doute, car, apparemment, M. le rapporteur et moi nous sommes mal compris sur la question de savoir si France Médias Monde était ou non la voix de notre pays.
J'ai dit exactement l'inverse de ce qu'il a entendu. J'ai dit que ce qui mettrait en danger les journalistes travaillant à l'étranger pour cette structure, qu'ils soient pigistes ou correspondants, serait d'être perçus dans les pays où ils exercent leur métier comme des personnes au service de la France et de son gouvernement. D'abord, nous ne sommes pas censés construire des agences de propagande, comme le font certains régimes. Surtout, alors qu'ils travaillent de manière indépendante, les journalistes de France Médias Monde peuvent déjà être perçus aujourd'hui comme des agents au service d'un gouvernement. Accroître cette perception les placerait dans une position de vulnérabilité qui, dans certains pays, pourrait mettre leur sécurité personnelle en danger.
Je voulais lever toute ambiguïté à ce sujet.
M. Cédric Vial, rapporteur. Nous sommes d'accord.
Mme Mélanie Vogel. J'en suis ravie.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je vois bien le petit jeu ridicule – pardonnez-moi de le dire ainsi – auquel on se prête sur les travées de gauche en disant : « Aha ! vous identifiez donc bien les dangers cette holding ! »
Aujourd'hui, alors même que la holding n'existe pas, France Médias Monde est déjà dans une situation non satisfaisante, ses relations avec France Télévisions et avec les autres sociétés sont très difficiles. En effet, cette structure dépend du ministère des affaires étrangères, de celui de la culture et des crédits de l'Agence française de développement (AFD) et elle fait appel, dans un certain nombre de pays, à du personnel qui n'est pas français.
France Médias Monde n'a donc strictement rien à voir ni avec les radios et télévisions émettant sur le territoire national ni avec l'INA. C'est un autre monde ! J'ai toujours plaidé en faveur de la création, une bonne fois pour toutes, d'une société audiovisuelle publique extérieure différente et indépendante du reste du spectre de l'audiovisuel public, car, j'y insiste, c'est un monde à part.
Les choses sont simples : France Médias Monde a besoin de plus de crédits – je n'y insiste pas, mais je vous remercie d'y avoir fait mention, monsieur Raynal –, mais aussi d'une identité et de liberté. La situation actuelle n'a rien à voir avec la holding : France Médias Monde est déjà mal à l'aise,…
Mme Sylvie Robert. Les autres sociétés aussi !
M. Roger Karoutchi. … parce que la relation avec France Télévisions est inégale. L'enjeu ne réside pas dans les liens avec les autres radios et télévisions de la holding ; il s'agit de se mettre dans la tête que l'audiovisuel public extérieur devrait relever d'une structure totalement différente.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le rapporteur, le nom de la radio qui vous échappait est Monte Carlo Doualiya. Cette antenne émet uniquement en arabe et elle est diffusée par satellite.
M. Cédric Vial, rapporteur. Y compris en France.
M. Pierre Ouzoulias. En effet.
Sur son site internet, en français et en arabe, cette radio se décrit comme « laïque, moderne, porteuse des valeurs de liberté, d'égalité et de respect des droits humains ». Pour moi, voilà la voix de la France et son message universel !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Permettez-moi d'exprimer mon incompréhension, mes chers collègues.
On a rejeté précédemment l'exclusion de France Télévisions du champ de la holding, que je défendais au regard de l'action de cette société dans les outre-mer, et maintenant cet argument à du poids pour France Médias Monde ! Je ne comprends pas, il y a deux poids, deux mesures…
Les outre-mer sont-ils, oui ou non, source de rayonnement à l'international ? Oui ! La France est-elle présente sur tous les océans du monde grâce à ces territoires ? Oui ! Alors, pourquoi intégrer France Télévisions et le réseau Outre-mer La Première dans cette holding, si cette dernière n'est pas jugée bénéfique pour France Médias Monde ?
Je regrette, madame la ministre, de ne pas vous avoir entendue sur le sujet de l'audiovisuel public en outre-mer. C'est vraiment dommage. À croire que la culture est réservée à Paris !
M. Pierre Ouzoulias. Au VIIe arrondissement !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Vous êtes la ministre de la culture de toute la France, y compris des outre-mer. Aussi, quand vous réformez l'audiovisuel public en outre-mer, ayez au moins quelques mots pour nous expliquer le bien-fondé de votre démarche !
Vous n'avez pas daigné vous exprimer, pourtant, je ne vois dans cette réforme rien de rassurant en matière de sauvegarde de la liberté de l'information chez nous. Vous avez parlé des classes populaires, madame la ministre, mais vous n'avez rien dit sur les plus vulnérables dans les outre-mer, rien sur les 36 % d'habitants de La Réunion ou sur les 77 % d'habitants de Mayotte qui vivent sous le seuil de pauvreté ! Que déclarez-vous à ces classes populaires des outre-mer ? Que nous apportera cette holding, à nous qui sommes si loin de vous et à qui vous ne daignez même pas parler ce soir ?
M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour explication de vote.
Mme Karine Daniel. Je tiens à souligner la richesse de ce débat autour de France Médias Monde et à exprimer ma surprise face à une volonté pour une fois partagée de sortir – c'est un progrès – une entité de la holding. Mais pourquoi le fait de garantir la diversité de l'information et de s'assurer que la France parle à tout le monde serait-il un enjeu à l'échelle internationale et européenne, et non à l'échelle des territoires ?
Dans la lignée de ce qui vient d'être signalé, à juste titre, au sujet des outre-mer, j'appelle votre attention sur un fait : fusionner des entités qui ont une dimension régionale et leur imposer des contraintes nouvelles les met en difficulté. Or la holding renforcerait ces difficultés. ICI Loire Océan n'est pas la même chose qu'ICI Breizh Izel !
On a demandé à ces radios de faire de la télévision. Vous avez précédemment cité France Info, madame la ministre. La radio France Info marche très bien, mais France Info TV ne marche pas, parce que l'on a rapproché les deux pour faire de la fausse télé à partir d'une vraie radio. Puis on affirme que France Info ne fonctionne pas !
Au travers de ces tentatives de rapprochement entre des médias différents et qui fonctionnent bien, si bien qu'on leur impose des contraintes supplémentaires – « Vous avez tant de succès que vous allez faire un autre métier –, on plombe le système, ce qui permet ensuite de dire qu'il ne fonctionne pas…
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, prenez le temps de l'évaluation ; évaluons les résultats de ce que l'on a demandé à ICI – passer de la radio à un média filmé – et à France Info : passer de la radio à la télé.
Mme Laurence Rossignol. Très juste.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J'ai été frappé par le fait que notre collègue de La Réunion a, dans son argumentaire, mis sur le même plan l'outre-mer et l'étranger. Les Ultramarins apprécieront. Pour moi, ce n'est pas la même chose…
Mme Laurence Rossignol. C'est vrai.
M. Olivier Cadic. Je présente par avance mes excuses à M. le président de la commission et à M. le rapporteur : je ne suivrai pas leur avis en ce qui concerne ces amendements identiques, je voterai les amendements du Gouvernement et de M. Karoutchi.
M. Christian Redon-Sarrazy. Il s'en excuse !
M. Olivier Cadic. En premier lieu, M. Karoutchi a raison : il y a besoin de temps, les Français de l'étranger sont un public spécifique, et intégrer France Médias Monde à la nouvelle organisation exigera plus de temps, pour procéder à des ajustements. Il est impossible de revoir tout ce système d'un coup !
En second lieu, comme le dit Mme la ministre, il faut éviter de prendre le risque que le groupe France Médias Monde soit perçu à l'étranger, de manière brute, comme la voix du Gouvernement. Vous le savez, le combat à mener est celui de la perception : à l'étranger, la question des faits n'est pas vue de la même façon que dans notre pays. Ainsi, le Gouvernement lui-même nous invite à réfléchir et à prendre notre temps.
C'est une question de pur pragmatisme, contrairement aux objections dogmatiques que l'on entend, et mon vote sur ces amendements ne m'empêche pas de soutenir le texte.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Les raisons pour lesquelles France Médias Monde ne doit pas être concernée par la réforme ont été longuement développées.
Je tiens pour ma part à inverser le raisonnement en expliquant, à partir de l'exemple de ce groupe, pourquoi les autres entités du service public de l'audiovisuel ne doivent pas intégrer la holding non plus. France Médias Monde démontre qu'une holding n'est pas nécessaire pour entretenir des coopérations au sein de l'audiovisuel public français.
D'abord, cette société contribue déjà activement aux offres communes numériques, avec Lumni, France Information, Culture Prime, etc. Sur cette dernière plateforme, les contenus produits par RFI et France 24 rencontrent d'ailleurs un succès notable : plus de 15 millions de vues sur Facebook et près de 4,5 millions sur TikTok. Et, sur YouTube, les cinq shorts les plus visionnés sont des contenus produits par France Médias Monde.
Ensuite, ce groupe contribue à l'application de Radio France, via des podcasts de RFI et, depuis novembre 2024, de France 24. En outre, RFI met à disposition de TV5 Monde ses podcasts natifs.
Enfin, en 2025, le direct et certaines vidéos à la demande de France 24 ont été intégrés à la plateforme France TV. À l'inverse, 90 % des programmes sur la France diffusés par France 24 sont issus de France Télévisions.
Cette démonstration s'ajoute à tous les arguments que vous avez vous-mêmes exposés contre l'intégration de France Médias Monde à la holding. Ainsi, la raison principale que vous invoquez à l'appui de la fusion des autres sociétés audiovisuelles au sein d'un même groupe – la volonté de favoriser les coopérations entre médias de l'audiovisuel public – n'est pas pertinente, ces coopérations existent déjà.
Mme Monique de Marco. Voilà !
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Ce que nous voulons démontrer, c'est le risque de faire passer l'international et le plurilinguisme au second plan ; dans une structure dominée par les médias nationaux, la branche internationale serait délaissée.
Pourquoi ? En raison du déséquilibre budgétaire entre entreprises – France Médias Monde ne représente que 7 % du budget total de l'audiovisuel public –, mais aussi de la « loi du mort-kilomètre », qui fait nécessairement pencher les arbitrages en matière d'information en faveur du national, plus important aux yeux des auditeurs et des spectateurs.
Prenons un exemple. La fusion des deux chaînes d'information en continu de la BBC, BBC News et BBC Word Service, s'est traduite par une couverture de l'actualité nettement plus axée sur les informations britanniques, en déphasage total avec les attentes des téléspectateurs des autres continents. S'en est suivie une baisse d'audience de 10 % pour la chaîne internationale.
À l'opposé de l'exemple britannique, l'Allemagne a fait le choix de conserver une structure juridique autonome, distincte de l'audiovisuel public national. Faire de même dans notre pays n'empêcherait aucunement France Médias Monde de poursuivre les nombreuses synergies déjà existantes et qui ont vocation à se poursuivre, comme prévu dans le contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 du groupe.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Ne pas intégrer France Télévisions ou Radio France dans la holding reviendrait à faire une croix sur celle-ci ; en revanche, ne pas y intégrer France Médias Monde ne la pénaliserait pas.
Toutefois, selon nous – par « nous », j'entends la commission, le rapporteur et moi-même –, l'intégration de France Médias Monde dans le groupe présente un intérêt moins pour la holding que pour France Médias Monde.
Prenons un exemple tout simple, tiré du partenariat de distribution, annoncé la semaine dernière, entre France Télévisions et Amazon : le groupe audiovisuel français sera distribué sur la plateforme d'Amazon. Quand Delphine Ernotte a négocié ce partenariat, elle l'a fait pour tout son groupe, c'est-à-dire pour France 2, France 3 et peut-être d'autres chaînes. Avec un groupe intégré, le président de la holding aurait peut-être pu intégrer des émissions de France 24 dans ce partenariat.
Je ne doute pas des grandes qualités de la présidente de France Médias Monde, mais quelque chose me dit qu'elle ne parviendra pas à frapper à la porte du président d'Amazon pour obtenir de figurer sur la plateforme de cette entreprise. Voilà un exemple concret des synergies que pourrait engendrer la holding.
Par ailleurs, il est toujours difficile de parler de l'audiovisuel extérieur. Même le président Sarkozy, malgré ses tentatives, n'est pas complètement parvenu à y mettre un peu d'ordre. Il faudra un jour s'interroger : pourquoi réorganiser ce secteur est-il impossible ? Il est tout de même assez paradoxal qu'une puissance mondiale comme la France se paie le luxe de compter non pas une, mais deux chaînes de télévision internationale : France 24 et TV5 Monde. Notre pays paie pour les deux, même si le financement de TV5 Monde n'est pas entièrement public. Quel est le sens de cette organisation ? Je pense franchement que l'on gagnerait en efficacité en nous contentant d'une seule chaîne.
Enfin, pourquoi ne serait-il pas gênant de ne pas intégrer France Médias Monde à la holding ? Parce qu'il y a déjà des équipes internationales au sein de Radio France et de France Télévisions. Radio France compte à elle seule plus d'une centaine de journalistes internationaux, vingt-deux grands reporters internationaux et une dizaine d'antennes à l'étranger employant des permanents. Ce personnel continuera à travailler et la holding aura un secteur international, en faisant travailler ensemble les équipes de Radio France et de France Télévisions.
Néanmoins, le paysage demeurera éclaté, avec France 24, RFI et TV5 Monde d'un côté, et la holding, qui développera son activité internationale, de l'autre. Il faudra bien finir par mettre de l'ordre dans l'organisation de notre audiovisuel extérieur. Sans doute, l'intégration n'est pas essentielle pour la holding à ce jour, mais je suis sûr qu'elle le deviendra pour France Médias Monde très rapidement. (Très bien ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour explication de vote.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. Le groupe RDPI votera en faveur de ces amendements identiques. Notre orateur au cours de la discussion générale, Mikaele Kulimoetoke, a exprimé, au nom de notre groupe, le souhait de les voir adoptés. Notre collègue Samantha Cazebonne y est également attachée.
Toutefois, je suis sensible aux propos du président de la commission de la culture. La holding aura nécessairement une stratégie internationale. Il faudra donc veiller à ce que cette dernière coexiste harmonieusement avec l'action de France Médias Monde. Nous comptons sur le bon sens des acteurs pour travailler en ce sens. Suivons le sujet de près.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié, 20, 69, 210 rectifié bis, 212 et 255.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Union Centriste et, l'autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 360 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 266 |
Contre | 69 |
Le Sénat a adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Bacchi, Mmes Cukierman et Corbière Naminzo, M. Ouzoulias et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky.
L'amendement n° 70 est présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
L'amendement n° 223 est présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
et Institut national de l'audiovisuel
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l'amendement n° 23.
M. Pierre Ouzoulias. C'est de l'INA que nous allons parler à présent.
L'INA est vraiment un modèle de réussite, une institution qui a réussi à se rénover totalement et qui, aujourd'hui, offre des services tout à fait exceptionnels. Je me suis permis, en discussion générale, de citer une allocution donnée par le Premier ministre Jacques Chirac sur l'ORTF en 1974 : c'est sur le site de l'INA que j'ai trouvé cet entretien. Je vous conseille de le regarder, mes chers collègues : il est vraiment très intéressant.
L'INA est aussi une grande réussite commerciale. En 2021, il a augmenté son chiffre d'affaires de 20 % et, en 2022, de 5 %. Ma crainte est que cette institution serve de « vache à lait » à la future holding et que les bénéfices dégagés par l'INA, qui sont aujourd'hui réinvestis dans la numérisation des fonds, tâche absolument essentielle, partent combler des déficits ailleurs.
Par ailleurs, l'INA a aujourd'hui un statut particulier : c'est un Épic, un établissement public industriel et commercial. Or, avec cette réforme, il va perdre son statut pour devenir une société privée. Or l'INA gère le dépôt légal : il y a là une difficulté. J'ai du mal à imaginer comment une société privée pourrait gérer un dépôt légal… Le dépôt légal est une mission fondamentale, qui remonte à François Ier, comme vous le savez, et qui exige d'être tenue fermement par l'État, parce qu'il s'agit d'une mission régalienne. J'y insiste : j'ai du mal à imaginer – mais je pèche sans doute par archaïsme – que l'on puisse confier le dépôt légal à une société privée.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour présenter l'amendement n° 70.
Mme Sylvie Robert. J'irai dans le sens des propos de mon collègue en disant à mon tour combien l'INA est une maison absolument exceptionnelle.
Je vous livre quelques chiffres, madame la ministre, mes chers collègues, révélateurs de la valeur du travail de l'INA : cet institut conserve l'un des plus grands fonds audiovisuels au monde, avec plus de 22 millions d'heures de programmes audiovisuels – radio, télévision, web –, plus de 7 millions de documents numérisés. Son patrimoine comprend notamment des fonds précieux comme ceux de l'ORTF – nous en parlions tout à l'heure – et des chaînes de l'audiovisuel public, et des images et des sons de toutes natures : discours politiques, publicités, journaux télévisés.
Il remplit également une mission tout à fait particulière : comme l'a dit notre collègue Pierre Ouzoulias, il assure le dépôt légal du web média. Chaque jour, il archive des contenus audiovisuels diffusés en ligne sur les sites des médias, sur les réseaux sociaux ou encore sur des podcasts, ce qui représente plus de 4 000 heures de contenu par jour.
On propose de changer son statut. L'INA va devenir, s'il entre dans la holding, une société anonyme. Cette évolution suscite plusieurs inquiétudes au sein de l'Institut. La première de ces inquiétudes a trait, bien sûr, au rythme de numérisation des archives, car, dans un groupe, on a forcément moins de liberté : il va falloir aussi répondre aux demandes du président-directeur général. La poursuite ou non de la gratuité de l'accès à certains contenus sera également un véritable enjeu.
Surtout, et je conclurai sur ce point, se pose, au-delà du statut, la question du positionnement futur de l'INA au sein du groupe : en la matière, il reste des précisions à apporter. J'attends du rapporteur et de la ministre qu'ils nous disent en quoi le travail d'archivage de l'INA sera une valeur ajoutée pour cette holding.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour présenter l'amendement n° 223.
Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires propose lui aussi d'exclure l'INA de la holding France Médias.
L'INA n'a pas besoin d'être fondue dans une superstructure centralisée pour remplir ses missions. Cela a été dit, l'INA fonctionne, l'INA innove, l'INA rayonne. Il le fait avec des moyens limités, mais avec une efficacité et une efficience remarquables. Surtout, il le fait en restant fidèle à sa mission de service public.
Au cours des dernières années, l'INA a opéré une transformation importante : plus de 1,7 milliard de vidéos de ses archives ont été vues sur les réseaux sociaux. Il a su sortir d'un rôle uniquement patrimonial pour devenir un acteur culturel de premier plan dans l'univers numérique. L'INA ne se contente pas d'archiver : il réinvente les usages culturels et médiatiques autour de la mémoire collective, en s'adaptant aux nouveaux outils, comme avec la plateforme de streaming Ina madelen, ou en collaborant avec des acteurs culturels et éducatifs.
Autrement dit, toutes les évolutions que vous évoquez pour motiver et faire passer votre réforme, l'INA les met déjà en œuvre.
L'INA n'a donc pas besoin d'un rapprochement avec France Télévisions ou avec Radio France pour s'adapter : il a besoin d'un renforcement budgétaire. Aujourd'hui, il reste le parent pauvre de l'audiovisuel public en matière de dotation en capital de l'État. Ce manque de moyens le contraint à abandonner ou à réduire plusieurs projets majeurs, des projets pourtant essentiels du point de vue, justement, de l'adaptation, notamment autour de l'intelligence artificielle, des projets essentiels pour permettre aux citoyens d'accéder facilement à cette mémoire audiovisuelle.
Intégrer l'INA dans une holding au nom d'une rationalisation administrative n'apporterait aucune réponse aux besoins dont je viens de parler. Pis, cela affaiblirait son autonomie éditoriale et son identité, qui font aujourd'hui sa richesse. (Mme Monique de Marco applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée, Souyris et M. Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
audiovisuel
insérer les mots :
en étroite coopération avec ces dernières
La parole est à Mme Monique de Marco.
Mme Monique de Marco. Cet amendement de repli vise à rééquilibrer les pouvoirs au sein de la future holding pour éviter que France Médias n'exerce une domination excessive sur ses filiales. En confiant à France Médias la responsabilité de définir les orientations stratégiques de ses filiales, cette proposition de loi instaure une logique de tutelle qui affaiblit en profondeur l'autonomie des sociétés de l'audiovisuel public. Elle nie leur capacité à penser et à piloter leurs missions ; en un mot, elle nie leur avenir.
Cette recentralisation n'est pas neutre : elle marque une rupture dans le fonctionnement du service public en le rapprochant d'un système vertical, dans lequel les décisions se prennent loin des rédactions, loin des antennes, loin des réalités de terrain. Ce modèle est en totale contradiction avec la nature même de l'audiovisuel public, qui repose sur la diversité des formats, la pluralité des expressions et l'indépendance des rédactions.
Chaque société de l'audiovisuel public a construit au fil du temps une expertise, une sensibilité, une stratégie éditoriale. Ces différences ne sont pas des faiblesses, ce sont des forces qu'il faut préserver. Imposer à ces sociétés une ligne stratégique unique, décidée par une holding centralisée, reviendrait à standardiser l'audiovisuel public.
Dans un contexte où les menaces sur le pluralisme de l'information sont nombreuses, qu'elles soient économiques, politiques ou technologiques, il est plus que jamais essentiel de garantir à chaque entité publique la capacité de se gouverner, de s'exprimer et d'agir librement dans le respect de ses spécificités.
C'est pourquoi notre groupe propose, par cet amendement constructif, de rééquilibrer le dispositif en prévoyant que les orientations stratégiques de France Médias Monde soient définies en étroite collaboration avec les sociétés concernées, dans un esprit de dialogue, de coresponsabilité et de respect mutuel. Ce n'est pas simplement une question de gouvernance : c'est une exigence démocratique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Je remercie tous ceux qui ont parlé de l'INA en des termes élogieux ; je partage ces éloges. L'INA, cela a été dit, est un fleuron de l'audiovisuel public. Non seulement l'Institut a compris l'intérêt pour lui de faire partie de la holding – d'ailleurs, son président ne s'y trompe pas, qui souhaite en faire partie –, mais c'est également dans l'intérêt de la holding, car l'INA peut se targuer d'une expertise spécifique, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle. Il dispose d'une capacité et de compétences en la matière qui méritent d'être partagées avec l'ensemble des autres sociétés de l'audiovisuel public.
L'INA assure évidemment le dépôt légal. Le changement de statut n'y changera rien : il continuera d'exercer cette mission, qu'il y ait ou non une holding, que l'Institut devienne ou non une société anonyme. Vous le savez, trois structures se partagent la gestion du dépôt légal de l'audiovisuel : le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui est chargé du cinéma, la Bibliothèque nationale de France et l'INA. La réforme n'y changera rien et ne ralentira pas le rythme auquel cette tâche est effectuée. Ces structures captent tous les flux diffusés sur les sites internet, à la télé, etc. Tout cela fonctionne très bien.
La plus-value de l'INA, notamment due à son expertise en matière d'intelligence artificielle, est qu'il parvient à exploiter ses archives, à les éditorialiser en fonction de l'actualité et à les vendre. Il dispose ainsi de ressources propres grâce à ce qu'il accomplit en plus de ses missions de service public. Les équipes de l'INA font à cet égard, depuis quelques années, un travail vraiment remarquable, que nous devons saluer, sous la houlette de leur président.
L'INA a une autre mission parfois oubliée : une mission de formation. L'Institut a été créé pour cela, pour former notamment à tous les métiers techniques du secteur de l'audiovisuel, régie, son, etc. Or on s'aperçoit que les autres sociétés audiovisuelles, France Télévisions et Radio France, font assez peu – en tout cas insuffisamment – appel à l'INA pour dispenser ces formations, là où ce rôle lui incombe normalement.
L'intégration dans la holding, demain, changera les choses en faisant évoluer les procédures d'appels d'offres ou la formation interne à ces métiers. Ce changement sera une vraie plus-value pour l'INA et pour l'ensemble de l'audiovisuel public, car la compétence de l'Institut profitera à tout le monde.
Mme Annick Billon. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Au fur et à mesure de la discussion, les choses deviennent plus claires. La cible de cette réforme, de cette holding, c'est la diversité et la pluralité de l'information, et c'est particulièrement France Inter – nous aurons l'occasion d'y revenir – et un certain nombre d'émissions, notamment d'investigation, qui sont l'apanage des journalistes.
Madame la ministre, mes chers collègues, c'est cela qui, pour vous, doit changer, en s'alignant sur le fonctionnement des télés privées, ces chaînes d'opinion où l'on trouve peu de journalistes, où officient presque exclusivement des commentateurs et des éditorialistes.
Cette offensive que vous menez fait des dégâts collatéraux : il y a des balles perdues. L'INA est le dommage collatéral de votre réforme. Or, à l'heure où nous nous inquiétons tous fréquemment de la transmission et du rapport des jeunes générations à l'histoire, il faut rappeler que l'INA, précisément, c'est la transmission.
Je l'ai dit tout à l'heure, je suis une consommatrice de plateformes. Vous savez tous comment s'appelle la plateforme de l'INA, j'imagine ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Madelen !
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le rapporteur, je ne vous faisais pas l'insulte d'imaginer que vous ne le saviez pas.
Sur Madelen, on trouve des choses passionnantes : le débat d'entre-deux tours entre Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand en 1974 – bon moment, diront mes collègues des travées d'en face –, le débat Mitterrand-Giscard de 1981 – bon moment, diront nos collègues de ce côté-ci de l'hémicycle –, le débat Mitterrand-Chirac de 1988 – encore un bon moment, mais, je vous rassure, mes chers collègues de droite, votre tour arrive (Sourires.) –, ou encore le débat de 1995 entre Jacques Chirac et Lionel Jospin : un bon moment pour vous, un moins bon pour nous ! (Nouveaux sourires.) C'est ainsi : c'est l'histoire.
L'histoire, c'est ce qui se transmet, et l'histoire se transmet par l'audiovisuel. Or cette tâche, aujourd'hui, revient à l'INA.
J'ai entendu ce qu'a dit M. le rapporteur il y a un instant sur la mission de formation. En réalité, vous voulez faire de l'INA un prestataire pour les autres médias audiovisuels,…
M. Cédric Vial, rapporteur. C'est l'une de ses missions !
Mme Laurence Rossignol. … au détriment de ce qui est son activité historique principale : le recueil et la conservation de nos documents.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Lors d'un débat trop rapide en commission, vous nous aviez répondu la même chose, monsieur le rapporteur, en invoquant l'activité de formation de l'INA, et vous aviez développé succinctement les mêmes arguments.
Ce qu'ont essayé de vous dire nos collègues qui ont présenté ces quatre amendements, c'est que l'INA exerce bien d'autres missions. Et personne n'arrive à comprendre ce qu'il va advenir de ces autres missions, qui sont le cœur et le fondement de l'Institut. En guise de réponse, Mme la ministre s'est contentée d'un avis défavorable : nous n'en savons pas davantage.
Je peux entendre ce que vous dites, monsieur le rapporteur, sur l'activité de formation. Mais la formation devient votre seul argument pour défendre l'intégration de l'INA à la réforme ; or, en tout état de cause, elle est loin d'être le cœur de métier de l'Institut. Plus personne, à l'arrivée, n'y comprend rien…
Qu'adviendra-t-il de ses missions d'archivage ? On ne le sait pas. Qu'adviendra-t-il de ses missions de transmission ? On ne le sait pas davantage et cette question n'est évoquée nulle part – je parle non pas uniquement de la formation des salariés de la future holding exécutive, mais de la transmission proprement dite, notamment en direction du jeune public.
On aimerait savoir pourquoi l'INA se retrouve embarquée dans cette aventure !
Vous nous dites que la direction de l'Institut est pour. C'est exact. Mais les salariés, eux, sont radicalement contre. Ils ont bien compris – ils développent d'ailleurs cet argument depuis de nombreux mois – qu'ils étaient considérés comme la poule aux œufs d'or et que personne ne comptait s'appuyer sur leurs compétences, celles qui relèvent de leur cœur de métier.
J'aimerais donc qu'il soit répondu à la question suivante : pourquoi l'INA, si l'on met de côté les activités de formation, qui sont fort nobles – c'est l'ancienne responsable de formation qui vous le dit –, mais qui ne sont pas le cœur de métier de l'Institut ?
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vous remercie beaucoup, monsieur le rapporteur, de la qualité de vos arguments, que j'entends. Vous avez raison : l'INA a aujourd'hui une compétence absolument reconnue dans le domaine de l'intelligence artificielle, où elle joue un rôle tout à fait essentiel, comme en matière de formation.
Toutefois, qu'est-ce qui empêche l'INA, en tant qu'Épic, de constituer des filiales pour travailler ensuite avec les autres structures de l'audiovisuel public ? Vous voyez où je veux en venir, monsieur le rapporteur : plus tard dans le débat, vous nous proposerez que la maison mère, ou la société de tête, puisse créer des filiales pour permettre la synergie entre les différentes composantes de la holding. Ici, c'est la même chose ! Un Épic peut parfaitement constituer une filiale. Et l'on pourrait fort bien imaginer que la filiale de l'Épic INA vende ou mette à disposition ses services en matière de formation et d'intelligence artificielle à toutes les autres composantes de l'audiovisuel public français : rien ne l'interdit.
Il me semble qu'il y a là une solution beaucoup plus souple et beaucoup plus intéressante. Je vais le dire avec un mot d'aujourd'hui : c'est une solution agile ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. L'intégration de l'INA dans une holding audiovisuelle présente plusieurs risques.
Le premier est celui d'une dilution de sa mission patrimoniale, qui a été exposée par mes collègues. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, l'INA a une mission spécifique de conservation, de numérisation, de valorisation et de transmission du patrimoine audiovisuel. Or, dans une holding qui, logiquement, sera davantage centrée sur la production et la diffusion d'actualités, sa mission de transmission de la mémoire risque d'être reléguée au second plan, voire jugée moins prioritaire. Le patrimoine pourrait devenir un outil de marketing plutôt qu'un bien commun.
Une perte d'indépendance fonctionnelle et stratégique pourrait également avoir lieu : l'intégration dans la holding pourrait conduire l'INA à s'aligner sur des stratégies plus globales, avec à la clé une perte de son agilité et de son indépendance en matière de conservation du patrimoine.
Une logique de groupe prévalant désormais, il est possible de surcroît qu'une partie des ressources budgétaires soient réorientées vers les autres entités, plus visibles, que sont France Télévisions et Radio France, au détriment d'une structure peut-être moins rentable, en tout cas moins visible. Les investissements dans la numérisation, les archives ou la formation pourraient également diminuer.
Quid, par ailleurs, d'une certaine confusion des rôles ? L'INA a un rôle de tiers de confiance dans la collecte et la conservation des contenus audiovisuels de l'ensemble des médias publics et privés. Dès lors qu'il sera intégré dans une holding regroupant les producteurs de contenus publics, son impartialité perçue pourra être remise en question, et des risques de conflits d'intérêts pourront se poser.
Je veux soulever enfin le problème juridique du statut. Comme vous le savez, l'INA est un Épic, doté, comme tel, d'un statut spécifique. L'intégration dans une société nationale comme France Médias supposerait une modification législative complexe et, potentiellement, une perte de statut. C'est pourquoi nous souhaitons retirer l'INA de la holding.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour explication de vote.
M. Claude Raynal. J'aurais tendance à voir les choses à rebours : je comprends mal l'intégration de l'INA dans la holding, et je vais vous dire pourquoi.
Si je puis m'exprimer ainsi à propos d'un établissement public, son « marché » est bien plus large que le seul secteur public.
Prenons l'hypothèse d'une entreprise privée comprenant en son sein une division susceptible de gagner des marchés hors du giron de l'entreprise : le groupe serait tenté de faire de cette division une entité séparée, afin qu'elle ne dépende pas seulement de ses relations avec lui, mais qu'elle puisse, grâce à la scission, remporter des marchés à l'extérieur.
C'est typiquement la situation que j'ai en vue concernant l'INA. Si vous intégrez l'INA dans une holding publique aux côtés de France Télévisions et de Radio France, vous refermez de toute évidence les marchés de l'INA sur ceux de la holding.
M. Cédric Vial, rapporteur. Mais non !
M. Claude Raynal. Pour les entreprises privées du secteur, il sera dès lors beaucoup plus compliqué de s'adresser à l'INA, tout simplement parce cela reviendra à s'adresser à un concurrent, tandis qu'un INA indépendant peut tout à fait trouver des marchés plus larges que ceux de France Télévisions et de Radio France.
Mes chers collègues, vous avez plutôt l'habitude de défendre, de manière générale, une vision agile de l'économie ; aussi suis-je très étonné qu'en l'espèce vous soyez plutôt favorables à une sorte d'enfermement de l'INA. Il faut au contraire en rester à la vision d'ouverture vers des marchés extérieurs que j'ai décrite, car ceux qui sont susceptibles d'acheter des images et des reportages auprès de l'INA sont nombreux. Conservons cette possibilité ! (Mmes Colombe Brossel et Émilienne Poumirol applaudissent.)
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit dix. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu'à minuit et demi, afin de poursuivre l'examen de ce texte.
Il n'y a pas d'observation ?…
Mme Laurence Rossignol. Nous sommes pleins de bonne volonté et nous avons plein de choses à dire !
M. le président. Il en est ainsi décidé.
La parole est à Mme Evelyne Corbière Naminzo, pour explication de vote.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit au sujet de l'INA : l'INA, c'est notre patrimoine, c'est un outil d'images et de sons que nous devons préserver absolument. Ce patrimoine vivant est mis à la disposition du public ; il est notre mémoire, ouverte à tous. L'INA est un moyen pour l'éducation et la formation, cela a été dit, et il faut savoir également qu'il existe des antennes de l'INA dans toutes les régions de France.
M. Cédric Vial, rapporteur. Il n'y a pas d'antennes !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Ne soyons pas naïfs : croyons-nous vraiment qu'une fois l'INA intégré dans cette holding il sera encore en mesure de maintenir toutes ces antennes dans nos régions ? Cet archivage, cette sauvegarde du patrimoine, a un coût ; et, nous le savons bien, lorsque des logiques de gestion plus globales s'appliqueront, il y aura des concessions à faire et des décisions à prendre.
Alors, une fois que nous aurons porté ce coup fatal à l'INA, nous viendrons, chacun à notre tour, à la tribune, pour y défendre hypocritement l'antenne de l'INA…
M. Cédric Vial, rapporteur. Quelle antenne ?
Mme Evelyne Corbière Naminzo. … en péril dans nos régions respectives, en invoquant l'éloignement ou le soutien à la ruralité. Ne prenons pas cette décision ! Elle est mauvaise, et même fatale, pour l'INA et pour le patrimoine français. Prenons plutôt une décision d'égalité, qui préserve tous les territoires.
M. Cédric Vial, rapporteur. Quelles antennes ?
Mme Laurence Rossignol. Respectez notre collègue !
Mme Evelyne Corbière Naminzo. Nous en rediscuterons lors de l'examen du PLF !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, je ne sais pas si, comme mon collègue, je dois vous remercier de la qualité de vos arguments. Je vous remercie, en tout cas, d'avoir des arguments – c'est déjà pas mal ! – et de nous respecter en expliquant l'avis que vous avez émis.
J'en viens à vous, madame la ministre. Allez-vous enfin prendre le risque de présenter vos arguments, en un mot de parler ? Voyez ce qui s'est passé à propos de la formation : M. le rapporteur a évoqué cette question de la formation, cela ne nous a pas convaincus, mais nous avons pu du moins rebondir, et lui dire en quoi cet argument – mon collègue a parlé d'un argument de qualité, en tout cas, c'est un argument – nous semblait peu recevable.
Mais vous, madame la ministre, quand allez-vous enfin parler ? Quand allez-vous prendre le risque d'argumenter et, par là même, de nous respecter ? « Défavorable ! », pour toute réponse, comme l'a dit l'un de mes collègues, c'est un peu court !
De deux choses l'une : ou bien vous ne voulez pas prendre le risque de présenter vos arguments, ce qui, pour une ministre de la culture, soulève quelques questions ; ou bien vous n'avez pas d'arguments, seconde hypothèse de plus en plus plausible, votre seul souhait étant d'accélérer une concentration autoritaire.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je m'inscris dans le droit fil des propos de Raymonde Poncet Monge et des orateurs qui l'ont précédée : ils ont dit tout l'intérêt de l'INA en matière de conservation et de valorisation des archives, mais aussi de formation. M. le rapporteur a d'ailleurs très bien expliqué toute la spécificité de l'INA, tant dans sa mission de service public, dont l'importance a été rappelée, que dans sa capacité à se positionner sur d'autres marchés.
La vraie question est la suivante : qu'est-ce qui nous garantit que l'INA, en intégrant la holding, ne sera pas tout simplement dissoute et que ses missions de service public ne deviendront pas complètement inexistantes au sein de cette structure ? Tel est bien le risque ! On le voit d'ailleurs à propos de chacune des entités concernées : le problème est bien celui de la perte de spécificité, mais aussi du financement.
La vraie question, pour ce qui est de l'INA, c'est en effet celle du financement et de la pérennisation de ce financement. On peut légitimement s'interroger : qu'en sera-t-il, au sein de la holding, des budgets réellement orientés vers le financement de l'INA et de ses missions de service public ?
Il est minuit treize et nous allons interrompre notre discussion aux alentours de minuit trente. Il ne vous reste donc pas beaucoup de temps, madame la ministre, pour prendre la parole et pour nous donner vos arguments. C'est quand même un sujet important, l'INA ! Nous avons besoin de comprendre ; des questions très précises vous ont été posées et j'aimerais obtenir quelques réponses.
Faute de telles réponses, je m'interroge vraiment sur votre précipitation à faire adopter ce texte. De ne pas vous entendre – de ne pas entendre vos arguments –, je dois dire que cela nous contrarie !
M. le président. La parole est à M. Rémi Cardon, pour explication de vote.
M. Rémi Cardon. Pour ma part, j'ai découvert l'INA en cours d'histoire. Aujourd'hui, vous vous y attaquez en essayant de le faire entrer dans une holding alors que nous n'avons aucune information précise sur le fonctionnement futur de cette structure.
L'INA, c'est l'accès gratuit pour tous à plus de quatre-vingts ans d'histoire politique, sociale, culturelle et audiovisuelle. C'est la France qui se regarde, se comprend et se transmet. Ainsi que M. le rapporteur le soulignait tout à l'heure, c'est un acteur de l'innovation, de la recherche, de l'intelligence artificielle et de la formation. Il n'a nul besoin de faire partie d'une quelconque holding ; d'ailleurs, nous ne savons toujours pas en quoi celle-ci serait un facteur de modernisation.
C'est aussi un outil essentiel pour nos enseignants, les chercheurs, les journalistes, les créateurs. Comme je l'ai indiqué, c'est un pilier de l'éducation aux médias, de la lutte contre les fake news – je pense que nous en avons bien besoin aujourd'hui – et de la construction de l'analyse critique, si nécessaire à nos enfants dans un monde qui se polarise avec les réseaux sociaux.
Affaiblir l'INA ou le diluer, pour des raisons purement comptables, dans une holding serait une faute historique. Sans mémoire, il n'y a pas de culture. Sans archives, il n'y a pas de vérité. Sans services publics forts, il n'y a pas de démocratie apaisée ni informée.
Chers collègues, on ne construit pas l'avenir en contraignant ou en effaçant le passé. Sauver l'INA de cette holding, c'est sauver une partie de ce que nous sommes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. David Ros, pour explication de vote.
M. David Ros. Je souscris aux propos de plusieurs de nos collègues, en particulier à ceux de Claude Raynal sur l'appel au dépassement.
Beaucoup a été dit sur l'INA. J'observe tout de même qu'un sujet a été oublié. En cette période de Tour de France, si vous voulez revoir la victoire d'un Français, en l'occurrence Bernard Hinault en 1985, vous pouvez consulter les archives de l'INA. (Sourires.) Le sport aussi, c'est important.
Plus sérieusement, nous avons évoqué tout à l'heure les spécificités de France Médias Monde. L'INA en présente également. Je pense au patrimoine, à la formation, aux nouvelles technologies à intégrer – il a été fait référence à l'intelligence artificielle – et, plus généralement, à la culture scientifique. À l'heure où de grands pays font fi du patrimoine et de la mémoire ou de la culture scientifiques, il me semble essentiel pour la souveraineté de la France de préserver l'INA.
M. le rapporteur affirme vouloir donner satisfaction à la direction, qui soutient l'intégration de l'Institut dans la holding. Dans ce cas, il faudrait aussi donner satisfaction à tous ceux qui ne souhaitent pas faire partie de la holding. Un peu de logique !
En l'occurrence, il faut prendre en compte l'intérêt général supérieur. Je ne dis pas cela uniquement pour le ministère de la culture, même si nous aimerions bien connaître sa position en la matière. D'autres ministères, comme celui de l'éducation nationale, de la recherche ou des sports, sont aussi concernés.
Nous avons besoin de l'INA, qui doit être un fer de lance de notre souveraineté nationale.
Mme Colombe Brossel. Excellent !
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Il est minuit dix-sept : il nous reste 310 amendements à examiner sur 330 !
Je remercie M. le rapporteur de ses explications, ainsi que tous nos collègues du côté droit de l'hémicycle qui se sont abstenus de prendre la parole même s'ils en avaient très envie, ce qui nous aura au moins permis d'examiner vingt amendements depuis quatorze heures trente...
Nous voterons évidemment contre les amendements en discussion commune.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23, 70 et 223.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe Les Républicains et, l'autre, du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 361 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 226.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 362 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 71, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
, dont elle détient directement la totalité du capital,
La parole est à Mme Karine Daniel.
Mme Karine Daniel. Cet amendement de repli vise à éviter que l'intégralité du capital des sociétés de l'audiovisuel public ne soit détenue par la holding.
Une telle concentration capitalistique est dangereuse, car elle transforme des sociétés publiques autonomes en simples filiales d'un conglomérat.
Quand une holding détient 100 % du capital d'une entreprise, cela lui confère notamment le pouvoir de définir l'orientation stratégique et l'offre des programmes, tout en déterminant les politiques des ressources humaines, influant sur les conditions de travail, l'organisation du personnel et la rémunération. Cela facilite également les restructurations brutales. Si, demain, la holding détient 100 % du capital, rien ne l'empêchera de décider unilatéralement de la fusion de deux rédactions, de la fermeture d'une antenne régionale ou de la suppression d'un service.
C'est ce que l'on observe dans le secteur privé. Ainsi, le quotidien La Lettre avait révélé le recours à des pratiques de gun jumping lorsque Vivendi a racheté Editis : les décisions étaient prises de manière anticipée au sein de la holding avant même le feu vert des autorités européennes, et sans consultation des équipes concernées.
Plus grave encore, une telle concentration capitalistique ouvre la voie à d'éventuelles privatisations futures. Si, demain, un gouvernement décide de céder une partie du service public audiovisuel, il lui suffira de vendre les actions détenues par la holding. C'est exactement ce qui s'est passé avec la société France Télécom, devenue Orange.
Je prendrai un exemple outre-Manche. Même après sa réorganisation en 2017, la BBC a conservé ses structures juridiques distinctes pour ses différentes activités. Conformément à sa charte royale, elle n'a pas procédé à une absorption capitalistique intégrale. Ses activités commerciales, comme la production via BBC Studios ou la diffusion internationale via BBC News, sont exercées par des filiales juridiquement autonomes et séparées de l'organisme public. Chacune de ces entités dispose de sa propre gouvernance et de comptes distincts. Ce modèle permet de garantir une étanchéité claire entre mission de service public et logique commerciale, dans le respect des principes de transparence et d'indépendance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 363 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 73, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
cohérence
insérer les mots :
, à la diversité
La parole est à Mme Sylvie Robert.
Mme Sylvie Robert. Cet amendement vise à préserver la diversité dans les programmes offerts par l'audiovisuel public et à donner mission explicite à la holding de veiller à cette diversité dans ses choix stratégiques.
En effet, comme nous l'avons souligné, la création de cette holding pourrait conduire à l'uniformisation de l'offre de programmes en concentrant tous les pouvoirs éditoriaux dans les mains d'une seule personne. Cette centralisation extrême risque peut-être d'imposer une vision éditoriale unique là où coexistaient auparavant des approches plurielles et complémentaires : France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde.
Il est intéressant de voir qu'un certain nombre de signaux d'alarme sont déjà là. On pourrait craindre une standardisation des contenus dans une logique de rentabilité ou d'audience, qui condamnerait les programmes innovants, des créations originales ou même des contenus de niche, alors que ceux-ci font pourtant la richesse de notre audiovisuel public.
L'exemple britannique est assez intéressant et plaide contre cette réforme. Il faut le savoir, à la BBC, les chaînes locales ont été fusionnées, dans une logique de rationalisation des ressources publiques. Elles ne diffusent des programmes distincts que le matin, partageant maintenant un programme commun l'après-midi et le soir. Est-ce vraiment le modèle que nous voulons pour notre pays ?
Mme Colombe Brossel. Non !
Mme Sylvie Robert. Plus inquiétant encore, les rapprochements radio-télé se soldent systématiquement par un appauvrissement de l'offre radiophonique. En témoignent dans le privé les exemples de RTL-M6 ou de RMC-BFM. Les moyens sont redéployés vers la télévision, plus coûteuse à produire. Les audiences radio ont donc chuté respectivement de 27 % et 34 % pour RTL et RMC entre 2017 et 2024.
À quoi mèneraient ces filialisations et ces fusions ? Vraisemblablement à un appauvrissement des contenus et, au final, à une dégradation du service rendu aux citoyens !
C'est pourquoi nous tenons à faire figurer la diversité aux côtés de la cohérence et de la complémentarité dans les prérogatives de la société France Médias.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. La parole est à Mme Colombe Brossel, pour explication de vote.
Mme Colombe Brossel. Nous allons défendre plusieurs amendements ayant un objet comparable.
J'aimerais savoir – je ne demande évidemment pas un long développement sur chaque amendement ; ce serait lassant, je peux le comprendre… – pourquoi la commission et le Gouvernement répondent systématiquement « avis défavorable » et « même avis ». Pourquoi n'expliquez-vous pas votre position, sur cet amendement ou sur un autre ? Pourquoi refusez-vous tout amendement de repli, monsieur le rapporteur, madame la ministre ?
Nous proposons simplement d'introduire un certain nombre d'objectifs,…
Mme Sylvie Robert. Et de garde-fous !
Mme Colombe Brossel. … de garde-fous et de garanties dans le texte. En l'occurrence, nous souhaitons y faire figurer une référence à la « diversité » ; nous évoquerons d'autres objectifs ensuite.
Vous ne pouvez pas nous accuser de chercher à éviter le débat de fond et, lorsque nous vous posons des questions de fond, vous contenter de répondre « avis défavorable » ou « même avis ». Je vous demande donc de nous apporter une réponse un peu plus étayée.
Pourquoi la commission et le Gouvernement émettent-ils des avis défavorables lorsque nous proposons d'introduire des garde-fous ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
Mme Colombe Brossel et Mme Sylvie Robert. Merci, monsieur le rapporteur !
M. Cédric Vial, rapporteur. Ce débat est très intéressant.
Vous pourriez déposer des centaines d'autres amendements pour dire à la holding ce qu'elle doit faire. Mais vous ne pouvez pas à la fois vous déclarer en faveur de l'indépendance des médias et vouloir leur dicter dans la loi ce qu'ils doivent faire.
Le rôle du législateur n'est pas d'imposer à la holding de faire ceci ou cela ; il est de fixer un cadre, des règles. Ensuite, les médias sont indépendants.
Depuis le début de nos débats, nous faisons en sorte de garantir cette indépendance, en termes de financement ou de nominations. Ne leur disons donc pas ce qu'ils doivent faire.
Tous les amendements tendant à dire à la holding ce qu'elle doit faire recevront un avis défavorable de notre part. Le législateur n'a pas à jouer ce rôle-là.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.
Mme Raymonde Poncet Monge. Monsieur le rapporteur, nous vous remercions d'avoir pris la peine, à la différence de Mme la ministre, de nous donner vos arguments.
En l'occurrence, l'idée n'est pas de dire à la holding ce qu'elle doit faire ou ne pas faire. Il s'agit simplement de préciser des missions de service public. Oui, nous souhaitons graver dans le marbre de la loi que la préservation de la diversité des programmes de l'audiovisuel public fait partie des missions de France Médias.
Après tout, les services publics ont bien des missions : continuité, égalité, etc.
Donner une mission, ce n'est pas dire ce qu'il faut faire. Cet amendement de repli vise simplement à protéger ce qui risque d'être menacé par votre réforme. Nous souhaitons que l'objectif de préservation de la diversité des programmes de l'audiovisuel public soit inscrit dans la loi.
M. le président. La parole est à M. Yan Chantrel, pour explication de vote.
M. Yan Chantrel. Monsieur le rapporteur, vous mentionnez vous-même dans le texte les objectifs de cohérence et de complémentarité. Pourquoi ne pourrait-on pas y faire figurer également une référence à la diversité ?
Il s'agit non pas de dire à la holding ce qu'elle doit faire, mais de fixer des principes. Et, je suis désolé, fixer des principes, c'est bien le rôle du législateur.
Votre réponse nous inquiète quelque peu. Vous ne nous apportez aucune garantie sur le respect à l'avenir du principe de diversité des programmes. Or notre crainte, depuis le début de ce débat, c'est précisément qu'il puisse y avoir des atteintes – nous les avons décrites – à un certain nombre de principes que nous considérons comme fondamentaux. La diversité en fait partie.
Votre refus de cet amendement en dit long : vous ne pouvez pas garantir la diversité des programmes par la holding. C'est particulièrement inquiétant, et cela nous renforce dans l'idée qu'il n'est pas possible de vous suivre sur cette proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 364 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 74, présenté par Mmes S. Robert et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mme Rossignol, MM. Cardon et Chaillou, Mme de La Gontrie, M. Féraud, Mme Féret, M. Kerrouche, Mmes Le Houerou et Narassiguin, MM. Redon-Sarrazy, Roiron, Uzenat et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après le mot :
cohérence
insérer les mots :
, à l'innovation
La parole est à Mme Colombe Brossel.
Mme Colombe Brossel. Cet amendement devrait vous plaire : il est hyper start-up nation ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) Cela va nous permettre de terminer la séance dans un moment de concorde.
Voilà un amendement extrêmement en phase avec l'état d'esprit et le positionnement de notre Haute Assemblée, qui soutient activement l'innovation dans la sphère économique… Faites au moins semblant de sourire !
Plus précisément, cet amendement de repli vise à intégrer dans les orientations stratégiques de la holding une référence explicite à « l'innovation » des programmes. Il s'agit d'insister sur la créativité et la qualité des contenus diffusés sur l'audiovisuel public, la bataille des contenus étant, en réalité, le point central pour conquérir de nouveaux publics, notamment les jeunes.
Entre parenthèses, si l'on considère comme un enjeu culturel et démocratique le fait d'inciter les jeunes à écouter la radio et à regarder la télévision, il serait préférable de s'interroger sur le type de contenus susceptibles de les intéresser, plutôt que de créer un « machin » avec une seule personne qui décide…
Mentionner l'innovation, c'est simplement reconnaître ce que fait déjà l'audiovisuel public, notamment en matière de programmes culturels, éducatifs, numériques et de jeunesse. À cet égard, l'Arcom a souligné l'importance de mener des expérimentations audacieuses et a lancé des appels à contribution pour la recherche en innovation audiovisuelle, notamment numérique.
À l'ère de nouveaux modes de consommation audiovisuelle et de la nouvelle économie de l'attention, la recherche sur les formats est un enjeu essentiel. C'est aussi un moyen de limiter les risques inhérents au modèle de gouvernance décrit dans la proposition de loi, qui pourrait aboutir à une rationalisation des ressources et à une priorisation des économies d'échelle, au détriment de la créativité et de la diversité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Cédric Vial, rapporteur. Avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, ministre. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe Union Centriste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
M. le président. Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 365 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l'adoption | 112 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 29 amendements au cours de la journée. Il en reste 303 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 11 juillet 2025 :
À neuf heures quarante, l'après-midi et, éventuellement, le soir :
Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, rejetée par l'Assemblée nationale, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle (texte de la commission n° 825, 2024-2025).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 11 juillet 2025, à zéro heure quarante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER