Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin, Mme Marie-Pierre Richer.
1. Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2024-2025
Conclusions de la conférence des présidents
5. Démission et remplacement d’un sénateur
6. Politique générale – Lecture d’une déclaration du Gouvernement
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Véronique Guillotin,
Mme Marie-Pierre Richer.
1
Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2024-2025
M. le président. Mes chers collègues, j’ai reçu de M. le Premier ministre communication du décret de M. le Président de la République en date du 27 août 2025 portant convocation du Parlement en session extraordinaire.
Acte est donné de cette communication.
Ce décret, qui vous a été adressé, a été publié sur le site internet du Sénat.
En conséquence, la seconde session extraordinaire est ouverte.
2
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie le 3 septembre 2025, sont consultables sur le site du Sénat.
En l’absence d’observation, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
SECONDE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Lundi 8 septembre 2025
À 15 heures
- Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2024-2025
- Lecture d’une déclaration de politique générale
Mardi 9 septembre 2025
À 15 heures
- Déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, quatrième alinéa, de la Constitution
• Intervention des orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe, par ordre décroissant des effectifs des groupes, avec 14 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste et 8 minutes pour les autres groupes, ainsi que 3 minutes pour les sénateurs non inscrits
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 septembre à 15 heures
• En application de l’article 60 bis, alinéa 3, du Règlement, le Sénat statuera, par un scrutin public à la tribune, sur la déclaration de politique générale du Gouvernement
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 9 septembre à 13 heures
TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
ORDRE DU JOUR CONDITIONNEL ET PRÉVISIONNEL
(sous réserve de la publication du décret du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire)
Lundi 22 septembre 2025
À 16 heures et, éventuellement, le soir
- Ouverture de la troisième session extraordinaire de 2024-2025
- Proposition de loi organique visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie pour permettre la mise en œuvre de l’accord du 12 juillet 2025 (procédure accélérée ; texte n° 876, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : lundi 22 septembre à l’issue de la discussion générale
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 19 septembre à 15 heures
Mardi 23 septembre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 23 septembre début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 22 septembre à 15 heures
Mercredi 24 septembre 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 24 septembre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire (texte n° 496, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 septembre à 8 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1er, du Règlement : lundi 22 septembre à 12 heures
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 19 septembre à 17 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 5 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 4 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions des orateurs des groupes : mardi 23 septembre à 15 heures
- Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)
- Projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés (procédure accélérée ; texte n° 871, 2024-2025)
Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation, de la communication et du sport.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 19 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 24 septembre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 23 septembre à 15 heures
Jeudi 25 septembre 2025
À 10 h 30 et 14 h 30
- Éventuellement, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l’exercice du mandat d’élu local (texte n° 854, 2024-2025)
- Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels provenant d’États qui, du fait d’une appropriation illicite, en ont été privés (procédure accélérée ; texte n° 871, 2024-2025)
Lundi 29 septembre 2025
À 16 heures
- Projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (procédure accélérée ; texte n° 870, 2024-2025) : discussion générale
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 29 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 30 septembre début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 26 septembre à 15 heures
Mardi 30 septembre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi de lutte contre la vie chère dans les outre-mer (procédure accélérée ; texte n° 870, 2024-2025) : discussion des articles
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mercredi 1er octobre 2025
À 15 heures
- Ouverture de la session ordinaire de 2025-2026
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 1er octobre à 11 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe RDPI)
Cet ordre du jour sera fixé ultérieurement
Le soir
- Débat sur le thème : « Quelle réponse apporter à la crise du logement ? » (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Possibilité pour le Gouvernement de prendre la parole après chaque orateur pour une durée de 2 minutes ; possibilité pour l’orateur de répliquer pendant 1 minute
• Temps de réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Conclusion par le groupe Les Républicains : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 30 septembre à 15 heures
Jeudi 2 octobre 2025
À 10 h 30
- Questions orales
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 7 octobre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Ces textes ont été envoyés à la commission des affaires sociales, avec une saisine pour avis de la commission des lois sur la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir.
Ces textes feront l’objet d’une discussion générale commune.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 22 septembre à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 24 septembre matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 2 octobre à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 7 octobre en début d’après-midi et à la suspension du soir et mercredi 8 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 2 heures
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 octobre à 15 heures
Mercredi 8 octobre 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 8 octobre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Jeudi 9 octobre 2025
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Éventuellement, vendredi 10 octobre 2025
À 9 h 30 et 14 h 30
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 14 octobre 2025
À 14 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Mercredi 15 octobre 2025
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 15 octobre à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Moldavie relatif à l’échange de permis de conduire (procédure accélérée ; texte n° 764, 2024-2025)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord de coopération dans le domaine de la défense entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine du Nord (texte n° 788, 2024-2025)
• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : lundi 13 octobre à 15 heures
- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l’élimination de la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales et l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (procédure accélérée ; texte n° 855, 2024-2025)
Ce texte sera envoyé à la commission des finances.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 8 octobre matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 14 octobre à 15 heures
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Jeudi 16 octobre 2025
À 10 h 30, 14 h 30 et le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 21 octobre 2025
À 14 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutins publics solennels sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir l’égal accès de tous à l’accompagnement et aux soins palliatifs (texte n° 662, 2024-2025) et sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit à l’aide à mourir (texte n° 661, 2024-2025)
Ces textes feront l’objet d’explications de vote communes.
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 20 octobre à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 21 octobre à 12 h 30
3
Décès d’anciens sénateurs
M. le président. J’ai le regret de vous rappeler le décès de nos anciens collègues Jacky Le Menn, qui fut sénateur d’Ille-et-Vilaine de 2008 à 2014 ; Alain Anziani, qui fut questeur et sénateur de la Gironde de 2008 à 2017 ; Jean Boyer, qui fut sénateur de la Haute-Loire de 2001 à 2014 ; Roland Courteau, qui fut sénateur de l’Aude de 1980 à 2020 ; et Gérard Fayolle, qui fut sénateur de la Dordogne en 1997 et 1998.
4
Démission d’un sénateur
M. le président. M. Jean-Marc Ruel m’a fait connaître qu’il démissionnait de son mandat de sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon à compter du 11 juillet 2025 à zéro heure.
Son siège est devenu vacant et sera pourvu, selon les termes de l’article L.O. 322 du code électoral, par une élection partielle qui aura lieu le 14 septembre 2025.
5
Démission et remplacement d’un sénateur
M. le président. Par lettre en date du 25 juillet 2025, le ministère de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, notre collègue et doyen, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, démissionnaire de son mandat, avait été remplacé par Mme Brigitte Bourguignon, dont le mandat a commencé le 1er septembre 2025 à zéro heure.
En votre nom à tous, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue dans notre assemblée. (Applaudissements.)
6
Politique générale
Lecture d’une déclaration du Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture d’une déclaration de politique générale du Gouvernement.
Cette déclaration de politique générale est prononcée en ce moment même à la tribune de l’Assemblée nationale par M. François Bayrou, Premier ministre.
Le Gouvernement ayant engagé sa responsabilité devant l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 1er, de la Constitution, cette déclaration, qui va être lue par Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, ne peut faire l’objet ni d’un débat ni d’un droit de réponse, conformément à l’article 39, alinéa 1er, de notre règlement.
Je donne la parole à Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui va lire cette déclaration devant le Sénat.
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de prononcer devant vous le texte de la déclaration du Premier ministre, qui s’exprime en ce moment même devant l’Assemblée nationale.
« Cette épreuve de vérité, comme chef du Gouvernement, avec l’assentiment du Président de la République, je l’ai voulue. J’ai voulu ce rendez-vous.
« Certains d’entre vous, les plus nombreux, les plus sensés sans doute, »…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « ont pensé que c’était déraisonnable, que c’était un trop grand risque. Or je crois exactement le contraire.
« Le plus grand risque était de ne pas en prendre, de laisser se continuer les choses sans rien changer, de faire de la politique comme d’habitude, de faire durer sans prendre les décisions courageuses qui s’imposent, jusqu’au moment où l’irréparable est commis, où l’on arrive au bord de la falaise.
« Ce dont nous traitons aujourd’hui, ce n’est pas d’une question politique, c’est d’une question historique.
« Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les partis, le pouvoir, les gouvernants, les rivalités des uns avec les autres. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les peuples et les nations.
« Les questions politiques, ce sont celles qui concernent les adultes qui se disputent. Les questions historiques, ce sont celles qui concernent les enfants et le monde que nous leur construisons.
« Les questions politiques, ce sont des questions pour la prochaine élection. Mais les questions historiques, ce sont des questions pour la prochaine génération ; des questions pour demain, qui se jouent aujourd’hui. »
M. Yannick Jadot. Et les réponses ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Tous, nous savons que notre pays, au-delà de l’orientation décisive qui doit se trancher aujourd’hui, se trouve devant un immense champ de questions qui vont appeler, dans les années qui viennent, des changements profonds. En cinq minutes, je tiens à citer les plus graves.
« Nous sommes devenus, depuis l’an 2000, un pays qui produit moins que les autres. Notre retard de production face à nos voisins les plus proches, notamment allemands et belges, mesuré par le chiffre du PIB par habitant, est de 15 %. Par rapport à nos voisins néerlandais, il dépasse même les 30 %, et ce malgré les efforts accomplis ces dernières années, qu’il s’agisse de la création d’entreprises, de l’emploi ou de l’investissement, avec France 2030.
« Imaginez ce que seraient nos revenus familiaux et les ressources de l’État si nous avions 15 % ou 30 % de plus à partager, si nos salaires étaient de 15 % ou 30 % plus élevés, si les ressources de l’État étaient de 15 % à 30 % plus abondantes. Si elle avait la production de ses voisins, la France n’aurait aucun problème de déficit. Elle n’aurait pas de problème de dette. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. À qui la faute ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « La production, c’est donc notre urgence nationale.
« Parallèlement – cette question n’est pas sans lien avec la précédente –, nous sommes devant un immense problème d’éducation nationale.
« Notre école, notre collège, notre lycée, nos universités, qui étaient jadis autant d’exemples pour la planète entière, sont aujourd’hui déclassés. »
Mme Marie-Pierre Monier. Ça, c’est certain !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Cette chute affecte la maîtrise des fondamentaux – l’écrit, la lecture, la langue dans son ensemble ou encore l’arithmétique élémentaire. Les difficultés s’observent aussi en matière d’orientation. Trop précoce, trop angoissante et trop mécanique, cette dernière ne traduit pas la promesse républicaine : l’égalité des chances, d’où que l’on vienne, laquelle implique, s’il le faut, une deuxième, voire une troisième chance.
« Nous sommes devant une immense question de modèle social. Inventé il y a quatre-vingts ans, sous l’inspiration du Conseil national de la Résistance (CNR), notre modèle social est aujourd’hui déficitaire, déstabilisé par la démographie, notamment par le vieillissement des Français et le déséquilibre du système de retraite.
« Nous sommes devant une immense question de logement – logement des familles, parcours de la location à la propriété pour ceux qui le souhaitent, logement des jeunes, en particulier des étudiants, ou encore logement d’urgence. Notre modèle est à réinventer.
« Nous sommes le pays du monde qui a le mieux identifié l’enjeu écologique, lequel passe par le développement durable et la production décarbonée. C’est une fierté. Mais, en un temps où cet enjeu est battu en brèche un peu partout sur la planète, c’est un défi de mobilisation générale.
« Nous sommes devant une immense exigence et une inquiétude liées à la sécurité ; à la sécurité de tous les jours, au respect de l’intégrité des biens et des personnes. Et, nous le savons, cette inquiétude, c’est d’abord celle des plus fragiles. Sécurité et justice sont les pendants de notre premier devoir d’État.
« Nous sommes devant la question que les migrations posent à nos pays et à nos sociétés, migrations liées aux différences de développement. La misère sévit chez les uns, allant de pair avec une démographie expansive, tandis que l’abondance semble régner chez les autres, dans des pays dont la population est déclinante ; et je ne parle pas du facteur aggravant que constitue la déstabilisation climatique.
« À cet égard, nous avons deux obligations : d’une part, contrôler et maîtriser les arrivées ; de l’autre – j’en ai la conviction –, intégrer ceux qui sont et seront là par le travail, par la langue, par l’engagement à respecter nos principes de vie.
« J’ajoute à ces enjeux l’aménagement du territoire dans l’Hexagone, marqué par les déséquilibres entre les métropoles et par les “déserts français”. Transports, équipements, centres de décision : les territoires sont en demande et ont souvent l’impression que nul ne les entend.
« Nos outre-mer font face à leurs propres enjeux de vie quotidienne et de destin. Nous savons qu’ils doivent être totalement réinventés ; d’ailleurs, le Gouvernement s’est saisi de ces questions dès son installation.
« Tous ces chantiers sont immenses et urgents. Nous sommes face à une magnifique cathédrale à reconstruire pour un peuple qui le mérite, un peuple doté de capacités à nulles autres pareilles.
« Nous sommes au premier rang dans le monde pour les sciences fondamentales, en mathématiques, en physique, en chimie, en génétique et en pharmacie, pour les technologies, pour le quantique, pour l’algorithmique et pour la robotique.
« Nous sommes au premier rang dans le monde, à l’égal des empires, pour le spatial, pour l’aviation, pour les hélicoptères, pour la construction navale, pour les sous-marins comme pour les centrales nucléaires. Mais, ayant conquis les sommets, notre économie doit aujourd’hui reconstruire ses camps de base et rééquilibrer son commerce extérieur, de l’agriculture, l’industrie et l’automobile, où nous avons des atouts, jusqu’à l’équipement de la maison, domaine dont nous sommes presque absents.
« Or ces enjeux sont aujourd’hui soumis à la question dont tout dépend, à cette question d’urgence vitale, au sens où notre pronostic vital est engagé.
« De cette question dépendent notre État, notre indépendance, nos services publics, notre modèle social. C’est celle de la maîtrise de nos dépenses ; c’est la question du surendettement.
« Votre soutien, l’accord minimal sans lequel je ne pourrai poursuivre ma mission, je le demande à l’Assemblée nationale sur un seul point, mais décisif : le constat de la situation du pays.
« La France n’a pas connu de budget en équilibre depuis cinquante et un ans. Depuis cinquante et un ans, chaque année, les dépenses s’accroissent, les déficits se répètent et les dettes s’accumulent. Tous les ans, nous dépensons plus que nos ressources de l’année, et souvent beaucoup plus.
« Cela se justifie bien sûr dans certaines circonstances. Je pense non seulement à la crise des subprimes, crise financière mondiale survenue sous Nicolas Sarkozy, mais aussi à l’incroyable succession de coups du sort survenus depuis 2020 – covid, guerre en Ukraine, crise énergétique, inflation et menaces en tout genre. Mais nous ne revenons jamais en arrière. L’endettement est devenu un réflexe ; pis encore, une addiction.
« Les dépenses ordinaires du pays, celles de notre vie de tous les jours, destinées à faire fonctionner les services publics, à verser les retraites, à rembourser nos feuilles de sécurité sociale, nous avons pris l’habitude de les financer à crédit. Il en résulte un dépassement systématique de dépenses.
« Chaque année, pour acquitter chaque euro de dépassement de dépenses, il faut emprunter, comme un ménage ou une entreprise emprunte à la banque quand il accuse un déficit. Or un euro de déficit, c’est un euro de dette supplémentaire. L’addition des déficits, gonflant de milliards d’euros tous les ans, nous a conduits à une écrasante accumulation, qui atteint 3 415 milliards d’euros de dettes à l’heure précise où nous parlons.
« Cette accumulation a un prix : c’est la ponction que le service de la dette représente tous les ans, c’est-à-dire ce qu’il faut payer aux créanciers pour les intérêts et la part de capital que l’on doit rembourser. Cela, on est obligé de l’acquitter, sinon, c’est la banqueroute. Si l’on ne le faisait pas, on ne trouverait plus à emprunter un centime. Or nous ne pouvons pas vivre sans emprunter, qu’il s’agisse de payer les fonctionnaires, de verser les retraites, de faire fonctionner la sécurité sociale ou de remplir nos obligations d’emprunteur.
« D’ores et déjà, nos obligations de remboursement annuel, intérêts et part du capital à rembourser cumulés, dépassent, et de loin, ce que notre pays produit en plus chaque année par sa croissance, par les progrès accomplis par rapport l’année précédente.
« Il faut avoir les chiffres précis en tête. Ces derniers ne sont nullement abstraits. Ils disent une chose évidente et que nous ne pouvons pas faire semblant d’ignorer.
« Au rythme actuel de croissance et d’inflation, chaque année, la France produit un peu plus que l’année précédente, pour un montant de 50 milliards d’euros environ.
« Face à ces 50 milliards d’euros de richesses produites en moyenne, en 2020, il nous a fallu verser environ 30 milliards d’euros. En 2024, c’était 60 milliards d’euros. Cette année, c’est 67 milliards d’euros. En 2026, ce sera 75 milliards d’euros. L’année suivante, ce sera 85 milliards d’euros. À la fin de la décennie, nous assure la Cour des comptes, ce sera 107 milliards d’euros. Face aux 50 milliards d’euros créés par le travail, plus de 100 milliards d’euros seront alors transférés à nos créanciers, soit plus du double !
« Autrement dit, tout le travail, toute l’inventivité du pays pour progresser, pendant une année, les fruits de ce progrès que nous voulons pour les nôtres, en particulier pour nos enfants, sont dès à présent entièrement reversés à nos créanciers. Et la majorité de ces derniers sont étrangers.
« Il s’agit là de dépenses obligatoires et totalement improductives. Pas un emploi de plus, pas un service amélioré, pas un équipement mis en place : notre pays travaille, il croit s’enrichir, mais tous les ans il s’appauvrit un peu plus. Il subit une silencieuse, souterraine, invisible et insupportable hémorragie.
« Si c’est insupportable, on ne doit pas le supporter. C’est le sens de cette déclaration du Gouvernement devant l’Assemblée nationale.
« Comme capitaine du navire, »…
Mme Cathy Apourceau-Poly. « Je suis capitaine, capitaine d’un navire »… (Sourires sur les travées des groupes CRCE-K et SER.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « informé de la voie d’eau qui s’élargit sans cesse, du flot qui envahit nos cales, je dis que notre devoir est d’abord, et tout de suite, de l’étancher. Nous devons nous y mettre tous.
« On me dit : “Ce n’est pas urgent. Cela peut attendre. Vous êtes trop impatient. Vous voulez aller trop vite : le bateau flotte encore, il ne faut pas troubler les passagers et l’équipage.” Là est la confrontation des points de vue, là est la prise de responsabilité de chacun.
« Je dis au contraire que si nous voulons la sauvegarde du navire sur lequel nous sommes, sur lequel sont nos enfants, il faut agir sans retard.
« J’ajoute que le but n’est pas hors d’atteinte. Il suppose seulement la mobilisation de tous et un effort modéré de chacun si l’on s’y prend à temps. Mais il convient, même brièvement, d’élargir l’analyse, de dépasser les conséquences sur la vie des Français et d’envisager – je veux le faire devant vous – ce que seraient les conséquences sur le destin de la France.
« Nous tous, d’où que nous venions, nous sommes les héritiers de la France. C’est ce destin, unique entre les peuples, d’une puissance moyenne par le nombre de ses habitants, mais à vocation universelle, qui fait de nous ce que nous sommes.
« Aujourd’hui, le destin de la France, notre mère patrie, cette nation inscrite dans l’histoire, se trouve menacé par nos quotidiennes impérities.
« Pour une nation, la question de l’influence est vitale. Il s’agit, plus précisément, de la capacité à faire rayonner des valeurs.
« Nos valeurs, françaises et universelles, sont partout menacées. Les droits de l’homme et d’abord les droits des femmes, le droit au respect et à la liberté des femmes, le droit des enfants, le droit à la liberté et au respect de la vie privée, le droit à la libre opinion, à la libre conviction, le droit à la libre religion, à la libre philosophie, le droit de se former, cet ensemble de droits comme il n’y en eut jamais, dans aucune société, depuis que le monde est monde, tout cela, qui le défend, sinon la France ?
« Et comment la France peut-elle défendre cet ensemble de valeurs, lui donner sens avec et par l’Union européenne, si elle se révèle faible, si elle a perdu la crédibilité de sa souveraineté ?
« Nous ne sommes pas, à cet instant, les défenseurs de nos seuls intérêts, de notre santé ou de notre prospérité. Nous sommes les défenseurs menacés d’un bloc de valeurs lui aussi menacé.
« De notre indépendance et de notre souveraineté dépend notre capacité d’influence.
« Du respect que la France impose aux autres dépend le respect que l’on portera à ses valeurs.
« La soumission à la dette est comme la soumission par la force militaire. Que nous soyons dominés par les armes ou par nos créanciers du fait d’une dette qui nous submerge, nous perdons notre liberté ; et, dans les deux cas, il ne tient qu’à nous de nous émanciper pour retrouver le chemin de la liberté. Cela ne demande qu’un effort sur nous-mêmes !
« C’est pourquoi la France, sous l’autorité du Président de la République et par le vote de ses parlementaires, a choisi un plan d’équipement de ses armées impliquant le renforcement de ses hommes et de ses matériels : la loi de programmation militaire (LPM).
« Cette loi – vous le savez –, il est nécessaire non seulement de la respecter, mais aussi de l’abonder par des investissements complémentaires décidés en raison des dangers de toute nature auxquels notre pays et notre continent sont exposés. C’est précisément pourquoi 3 milliards d’euros supplémentaires sont inscrits dès cette année dans le plan présenté aux Français au mois de juillet dernier.
« De la même manière, le Gouvernement propose au pays un plan pour aller vers le désendettement ; pour que la France échappe en peu d’années à l’inexorable marée de dettes qui la submerge.
« En quatre ans – c’est un délai raisonnable dans la vie d’un pays et de ses habitants –, il s’agit non pas de mettre fin à la dette, mais de faire en sorte que celle-ci cesse d’augmenter.
« Voilà le plan : atteindre en 2029 le seuil de 3 % de déficit public annuel à partir duquel la dette n’augmente plus. Et si la dette n’augmente plus, le travail des Français, leur inventivité, leur créativité et leur confiance retrouvée remettront le pays à flot, et cela plus vite qu’on ne le croit.
« Tout nous y invite : les technologies d’un monde qui va de révolution en révolution, l’intelligence artificielle, notre créativité intellectuelle, culturelle, artistique et notre recherche.
« Si nous nous libérons de ces chaînes qui nous entravent, alors tous les épanouissements seront ouverts aux Français d’aujourd’hui et aux générations qui viennent. Tout est prêt, tout est en germe : il ne manque que la détermination nécessaire pour sortir de la situation actuelle.
« Cela implique des efforts, mais des efforts modérés, des efforts qu’un pays doit considérer comme supportables. Il s’agit de dépenser un peu moins que ce qui était attendu ou programmé ; de freiner les dépenses et de les étaler dans le temps.
« Il faut l’affirmer devant nos concitoyens et à la face du monde : personne ne sera abandonné. En outre, c’est d’abord et avant tout des jeunes que nous devons nous occuper.
« J’ai été frappé des messages que j’ai reçus pour avoir évoqué les plus jeunes et le poids qui pèse sur leur génération. Ces derniers portent et vont porter, pendant vingt ou trente ans, voire davantage encore, le poids des milliers de milliards d’euros des dettes que leurs aînés ont contractées »…
Mme Silvana Silvani. C’est n’importe quoi…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « et qu’ils devront, eux, endosser.
« Les dettes dont il s’agit n’ont pas été contractées afin d’équiper le pays pour ces jeunes. Elles n’ont pas été décidées pour leur avenir.
« Ces milliers de milliards d’euros de dettes ont été consacrés à éponger les dépenses courantes, celles de la vie de tous les jours, que, dans un pays normal, chaque génération devrait assumer pour son compte. Depuis des décennies, sur ce point, nous avons rompu le contrat de confiance entre générations qui est à la base du contrat social.
« J’ai été frappé de vérifier combien les plus jeunes se perçoivent comme une génération sacrifiée. Ils disent : “Nous n’aurons pas de retraite. La retraite, ce ne sera jamais pour nous.”
« Ils sont confrontés à un double enjeu et, souvent, à un double échec, dans la recherche de travail et dans la recherche de logement, notamment étudiant – en tout cas, dans certaines villes et certaines régions.
« Il s’agit, de plus, d’une génération qui ne se voit pas d’avenir commun. Cette situation est insupportable du point de vue démocratique ; insupportable du point de vue civique autant que du point de vue moral.
« La prise de conscience, c’est aussi celle-là : que les plus avancés en âge unissent leurs efforts pour alléger la dette que les plus jeunes devront acquitter. Ne leur dites pas que vous les aimez, que vous veillez sur eux, si vous faites semblant d’ignorer la charge écrasante accumulée sur leurs épaules.
« J’ai parlé de prise de conscience. Ayant mené ces derniers mois un exercice selon moi sans précédent de transparence à l’égard de nos concitoyens, j’ai vu la puissance des forces qui veulent que l’on continue à fermer les yeux. Certes, il y a un fait nouveau : depuis quelques semaines, leur première phrase est devenue : “Nous ne nions pas la situation !” Mais ils ajoutent aussitôt : “Nous sommes en désaccord avec la méthode, avec les décisions prises, avec le rythme du désendettement, avec l’identification des causes, et nous combattrons tout cela de toutes nos forces. C’est pourquoi nous voulons faire tomber ce gouvernement qui nous invite à l’effort.” »
M. Rachid Temal. Quelle démagogie !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Les uns disent – et ne croyez pas que j’ignore l’efficacité d’un tel discours : “Ce sont les immigrés qu’il faut mettre à contribution. Ce sont les étrangers qui sont la cause de tous les problèmes. C’est auprès de ceux-là que nous gaspillons notre argent : ce sont eux qu’il faut taper au porte-monnaie.”
« On entend aussi, de la part des mêmes : “C’est l’Europe : nous nous ruinons à respecter nos engagements ! En prenant 20 milliards d’euros par-ci, 10 milliards d’euros par-là, vous voyez que c’est facile. »
Mme Cécile Cukierman. C’est vraiment le café du commerce !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Je suis d’accord – je l’ai dit – pour que l’on vérifie, mesure par mesure, s’il existe des anomalies ou des injustices lésant nos compatriotes. Ainsi, j’ai pris la décision d’intervenir au sujet de l’aide médicale de l’État (AME), pour faire entrer dans la norme les conclusions du rapport présenté par Claude Évin et Patrick Stefanini. »
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Tous deux ont rappelé, et je leur en suis reconnaissant, que ce gouvernement est le premier à prendre en compte leur rapport, remis il y a deux ans déjà. »
M. Hussein Bourgi. C’est poussif !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « J’ai aussi entendu des voix qui disaient : “Ça me soulève le cœur !” Mais, en tout état de cause, l’addition des économies est très loin de représenter un ordre de grandeur qui soit à la dimension du problème.
« Selon un autre discours, ce sont les riches qu’il faut faire payer. » (Exclamations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. Oh non pas ça, ayez pitié ! (Sourires sur les mêmes travées.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Là encore, je ne sous-estime pas l’efficacité de ce discours.
« Bernard Arnault et ses semblables sont devenus les cibles emblématiques d’une pensée magique. » (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Bernard Jomier. Cessez de sourire !
M. Hussein Bourgi. Ce n’est pas au niveau !
M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
M. Hussein Bourgi. C’est vraiment le chant du cygne !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « dans lesquelles on plante des aiguilles pour faire mal à ceux qu’elles représentent et les atteindre, j’imagine, au portefeuille. »
M. Yannick Jadot. Au sac Vuitton ? (Sourires sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE-K.)
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « On me l’accordera, je ne suis pas le défenseur attitré ou stipendié de ces réussites. Mais je n’oublie pas ce qu’elles font tous les jours pour le pays. Je n’oublie ni les 40 milliards d’euros d’excédent du commerce extérieur dégagés par le secteur du luxe ni la valorisation de l’image de la France, »…
Mme Émilienne Poumirol. C’est pour cela qu’il ne faut pas les mettre à contribution ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « qui contribue à l’industrie comme au tourisme ni les dizaines de milliers d’emplois que ce secteur représente. (Murmures sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)
« On nous dit : “Il suffit de leur prendre ce qu’ils ont, ou une large part de ce qu’ils ont, ou chaque année 2 % de ce qu’ils ont, et les problèmes de la France seront réglés.” En raisonnant ainsi, on oublie deux choses essentielles.
« Premièrement, un pays comme le nôtre a besoin d’investisseurs. Or les 1 % des plus hauts contribuables assument une large part de l’investissement privé dans l’appareil productif en France. »
M. Fabien Gay. Ça, c’est faux !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Deuxièmement, dans le monde où nous vivons, et où les frontières sont ouvertes, ceux que l’on cible disposent d’une réplique très simple et immédiate : ils déménagent. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.) Ils ont pléthore de pays où trouver un refuge fiscal, parmi lesquels le Luxembourg, la Belgique, la Suisse et, pour les entreprises, les Pays-Bas.
« Demandez à nos voisins britanniques. Ils ont décidé de taxer les étrangers qui étaient depuis des années exonérés de fiscalité. Nombre d’entre eux ont déménagé et, en conséquence, le prix de l’immobilier a explosé à Milan. » (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Rachid Temal. Et alors ?
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Mentionnons, au passage, que ce type de fiscalité est interdit par le Conseil constitutionnel : ce dernier l’a depuis longtemps déclaré confiscatoire, donc inconstitutionnel.
« Cela étant, je le réaffirme, il conviendra de trouver un type de contribution grâce auquel les très hauts revenus et les très hauts patrimoines seront appelés à participer spécifiquement à l’effort national. »
M. Mickaël Vallet. À condition d’être patriotes…
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « En parallèle, un travail doit être mené en profondeur pour éviter que l’on ne mette en place ou que l’on ne perpétue des stratégies d’optimisation fiscale manifestement anti-égalitaires et, bien qu’elles soient juridiquement correctes, moralement discutables.
« Les solutions de facilité, celles que l’on vend aux Français à longueur de discours, ne suffiront jamais.
« Entre ceux qui affirment : “Nous allons instituer 20 ou 30 milliards d’euros d’impôts nouveaux” et ceux qui proclament : “Pas 1 euro d’impôt supplémentaire” ; entre ceux qui disent : “Nous allons prendre les ressources dépensées pour les étrangers” et ceux qui déclarent qu’ils s’y opposeront “jour et nuit et jusqu’au bout” – telles sont en effet les forces qui annoncent leur intention d’additionner leurs voix pour faire tomber le gouvernement –, c’est un tohu-bohu qui se prépare pour la France. »
Mme Cathy Apourceau-Poly. C’est scandaleux !
Mme Cécile Cukierman. Nous n’avons rien demandé ! C’est le Premier ministre qui a sollicité ce vote !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « Et, pardonnez-moi de le rappeler à ce moment, le problème, la menace, le risque pour la France demeurera entier, parce que les députés ont le pouvoir de renverser le Gouvernement, mais pas celui d’effacer le réel. (M. Rachid Temal s’exclame.)
« Le réel demeurera inexorable, les dépenses continueront d’augmenter, le poids de la dette, déjà insupportable, sera de plus en plus lourd et son service de plus en plus coûteux !
« Il n’y a donc qu’un chemin pour que notre pays s’en sorte, aujourd’hui comme dans les années 1950, quand le général de Gaulle et, un peu plus tôt, Pierre Mendès France affirmaient, l’un : “Un pays qui n’est pas capable d’équilibrer ses finances publiques est un pays qui s’abandonne”, et l’autre : “Je refuse que l’équilibre des finances publiques se fasse par l’accroissement chronique de la dette !” C’est précisément la question qui est posée aujourd’hui.
« Mesdames, messieurs les parlementaires, dans cette démarche inédite, qui vise à mettre face à leur responsabilité propre, personnelle, humaine, tous les parlementaires, tous ceux qui voient bien que quelque chose ne va pas, même s’il est plus commode d’ignorer cette évidence, dans cette démarche, disais-je, il y a une certaine idée de la démocratie et du gouvernement d’un peuple.
« J’ai choisi de m’adresser à vous comme si le destin n’était pas écrit, comme si la réponse de l’Assemblée nationale à l’engagement de la responsabilité du Gouvernement n’avait pas été annoncée à cor et à cri, sur tous les tons et toutes les antennes, de la part du plus grand nombre des groupes de l’Assemblée nationale.
« Je m’adresse à vous en prenant au pied de la lettre nos principes, ceux qui sont énoncés à l’article 27 de la Constitution : “Le droit de vote des membres du Parlement est personnel.” Cela veut dire que, en principe, les mots d’ordre n’ont pas leur place ici. Ce qui a sa place ici, c’est la conscience personnelle de chacun des parlementaires de la Nation.
« Tous les partis politiques qui ne participent pas au Gouvernement ont annoncé leur décision de le renverser, un exploit tout relatif puisque ce gouvernement est sans majorité – ni majorité absolue ni majorité relative – et que sa chute irrévocable était annoncée depuis la première minute de son existence.
« Ici, je veux apporter une précision. J’ai une haute idée des mouvements politiques. Je me suis engagé, quand j’avais à peine plus de vingt ans, dans celui auquel j’adhère encore aujourd’hui. Je ne l’ai jamais quitté. Je l’ai défendu quand nous n’étions qu’une poignée à y croire encore.
« Je l’ai porté envers et contre tous, et je suis fier de la génération de responsables qui m’entourent aujourd’hui. Et je suis certain que, sur beaucoup de ces bancs, le même sentiment d’intime fidélité et de fierté avec le parti auquel on adhère est partagé. Mais les partis politiques ont aussi un défaut fondamental, celui qu’a si précisément vu, y compris à son détriment, le général de Gaulle, »…
M. Jean-François Husson. Décidément !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. … « c’est que leur logique toujours les conduit à la division.
« C’est une malédiction que nous vérifions à cet instant. Notre pays a le plus urgent besoin de lucidité, il a le plus urgent besoin d’unité. Or c’est la division qui menace de l’emporter, qui menace son image et sa réputation.
« Les forces politiques qui annoncent qu’elles vont faire tomber le Gouvernement, ce sont les forces politiques les plus opposées entre elles, celles qui se désignent comme ennemies, celles qui sont incompatibles par les idées autant que par les arrière-pensées !
« Ce qu’elles préparent, si leur logique de division l’emporte, je l’ai déjà dit : c’est le tohu-bohu, le désordre où chacun hurle dans son coin et dont rien de bon ne peut sortir.
« Le Gouvernement, par ma voix, engage devant vous sa responsabilité. Cela signifie que, par ma voix, à la tribune, il dit : “Mesdames, messieurs les parlementaires, le problème dont nous vous saisissons, comme représentants de la nation, nous paraît si grave, il implique si profondément chacun de nos concitoyens, qu’il requiert votre soutien”.
« Sans un soutien minimal de la part des Français, représentés ici par leurs parlementaires, l’action exigeante et courageuse que ce problème implique n’a aucune chance de pouvoir s’imposer. Et s’il n’y a pas ce soutien minimal, cette entente minimale entre les grandes sensibilités du pays, sur le constat et sur l’impérieuse trajectoire de redressement, alors l’action du Gouvernement serait vouée à l’échec et, pire encore, elle n’aurait pas de sens.
« S’il s’agit de faire semblant, de ménager la chèvre pour obtenir le chou, de se rendre aux logiques de marchandages et de divisions, de dissimuler l’essentiel pour communiquer sur le secondaire, en sachant que l’on continue la marche vers l’accident, je ne serai pas l’homme d’une telle politique.
« Je crois aux compromis, mais aux compromis qui respectent l’essentiel : la vérité des hommes et des choses, la hiérarchie des ordres et des urgences. Je crois aux compromis qui ne se construisent pas sur l’ambiguïté.
« Requérir le soutien du pays pour agir, c’est pour moi l’article premier du contrat démocratique. Dans des domaines aussi sensibles, je n’ai jamais cru à l’épreuve de force. Je crois à la conviction partagée. Et je crois qu’il convient de vérifier cet accord de fond auprès des Français ou de leurs représentants chaque fois que nécessaire.
« Ma conviction, c’est que, au fond, au point où nous en sommes arrivés, il ne reste plus que deux chemins.
« Le chemin vers lequel, sur toute la planète, le monde bascule, c’est celui qui considère que la destinée des peuples est d’obéir et que, pour que s’instaure cette logique autoritaire, contre le droit des peuples et les droits de l’homme et du citoyen, tous les coups sont permis et la fin justifie les moyens, notamment l’utilisation de tous les conflits, de toutes les mésententes, de toutes les calomnies, qu’il convient de faire flamber.
« Et vous voyez sans peine, de l’Est lointain à l’Ouest qu’on croyait proche, combien cette conception de bulldozer – la loi du plus fort, le rapport de force brutal – paraît s’imposer, sous les applaudissements des uns et dans le découragement des autres.
« Mais nous, nous sommes là pour faire prévaloir l’autre chemin : ranimer le projet même de la démocratie, celui qui considère plus juste, plus intéressant et plus fructueux de respecter le citoyen, même minoritaire, et de le considérer comme un partenaire, coresponsable de son propre destin.
« Cette démarche, cette méthode, fait de la vérité partagée avec les Français son arme suprême.
« Cette démarche, cette méthode, conduit à l’unité du pays et écarte la malédiction de la division perpétuelle.
« Le philosophe et militant Marc Sangnier, qui siégea par deux fois au Palais-Bourbon, après la Première Guerre mondiale, puis après la Seconde, a défini ce projet de démocratie : “La démocratie est l’organisation sociale qui porte à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen.” »
M. Loïc Hervé. C’est bien vrai !
Mme Élisabeth Borne, ministre d’État. « La conscience, c’est-à-dire la plus juste, la plus lucide compréhension des choses et des événements. Et la responsabilité, c’est-à-dire l’engagement.
« Nous, citoyens, ne sommes pas là pour être condamnés soit à obéir, soit à la révolte. Nous sommes là pour prendre notre part du destin, les yeux ouverts et avec la vérité comme boussole.
« Nous sommes un peuple qui s’interroge, non pas seulement sur son avenir, sur l’avenir du monde et de la planète, mais sur le chemin que l’on peut emprunter pour construire cet avenir.
« Ce que dit le moment que nous vivons, c’est qu’il y a un chemin et un seul pour la France : celui de la vérité partagée et du courage. » (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration de politique générale dont il vient d’être donné lecture au Sénat.
Le texte de cette déclaration sera publié.
7
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mardi 9 septembre 2025 :
À quinze heures :
Déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d’un débat et d’un vote, en application de l’article 49, alinéa 4, de la Constitution.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures quarante.)
Pour le Directeur des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
FRANÇOIS WICKER