M. le président. La parole est à M. Jean-Baptiste Blanc. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Baptiste Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler de la dette publique en trois minutes est assez frustrant. Je m’en tiendrai donc à quelques réflexions.
Le débat sur la dette publique reste trop souvent enfermé dans une lecture strictement nationale, alors que notre trajectoire financière dépend désormais directement de celle de l’Union européenne.
Or l’Union européenne entre dans une phase décisive : le remboursement entre 2028 et 2035 de la dette commune émise pour le plan de relance Next Generation EU, soit 800 milliards d’euros, est un choc de financement inédit, potentiellement absorbant.
Sans ajustement, le risque est clair : le budget européen deviendrait quasi exclusivement un instrument de remboursement, au détriment de nos priorités stratégiques – défense, innovation, climat, numérique, compétitivité. La dette européenne, conçue comme un levier de puissance, pourrait alors se transformer en facteur de paralysie.
Pour éviter cet étau budgétaire, une solution s’impose : faire rouler une partie de cette dette, comme le préconisent de nombreux économistes, dont Mario Draghi.
Il s’agit non pas de renoncer au remboursement, mais d’adopter les pratiques de gestion active qui sont celles des « souverains matures », en lissant précisément les maturités pour éviter un mur de refinancement et en maintenant un stock de dette stable et liquide. Cette stratégie renforcerait la crédibilité financière de l’Union, ferait émerger un véritable actif sûr européen et donnerait, enfin, de la profondeur à l’union des marchés de capitaux. Surtout, elle permettrait de financer les investissements indispensables à notre souveraineté collective.
Toutefois, cette capacité d’action commune suppose une exigence de discipline nationale. C’est pourquoi je souhaite soumettre au débat une proposition émanant de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol), dont je salue les travaux. Il s’agirait d’inscrire dans la Constitution et dans la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) une règle budgétaire de moyen terme, claire, contraignante et protectrice pour les générations futures.
Le principe est simple. Il consiste en une obligation constitutionnelle d’équilibre hors cycle pour le projet de loi de finances, avec une réduction progressive des déficits. La même règle serait applicable à la sécurité sociale.
Pour les collectivités locales, un mécanisme de surveillance et de traitement de la dette excessive serait mis en place.
Un comité budgétaire indépendant, chargé d’évaluer les hypothèses économiques, serait créé.
En cas de dérapage, la règle prévoirait une obligation d’amortissement dans les lois de finances suivantes. Enfin, des dérogations seraient strictement encadrées.
Ma dernière réflexion, monsieur le ministre, sera plus personnelle. Vous connaissez peut-être mon obsession pour le « zéro artificialisation nette » (ZAN). (Sourires.)
M. Jean-Baptiste Blanc. En effet… Cela fait des mois que j’interroge vos prédécesseurs sur les pertes de recettes qui sont imputables à cette mesure de décroissance. À combien de projets industriels et de projets de logements devons-nous renoncer du fait du ZAN ? Aucun de vos prédécesseurs n’a été en mesure de le dire. Or il me semble que cela a un lien avec le déficit et la dette : nous pourrions avoir plus de recettes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour répondre à cette très bonne question.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. M. le sénateur Blanc, que je connais bien, a toujours une petite surprise dans la manche ! (Sourires.)
Sur la question du ZAN, vous savez que le Gouvernement a proposé de sortir les projets industriels du dispositif. Malheureusement, cela s’inscrivait dans le cadre d’un projet de loi de simplification de la vie économique – nous en parlions précédemment – dont le parcours parlementaire est quelque peu chaotique.
Nous réfléchissons donc à la manière de reprendre cette question, mais il est évident que nous devons faire sauter ce verrou afin de ne pas compromettre le développement économique.
Monsieur le sénateur, vous avez développé l’idée d’Europe puissance. J’y souscris. Nous avons construit l’Union européenne comme un grand marché, en lui fixant des règles nécessaires au fonctionnement d’un grand marché.
Être un grand marché, c’est une force. Mais l’Europe ne sera pas attractive si, en même temps, elle n’est pas une grande puissance économique et une grande usine.
M. Laurent Duplomb. Il y a de quoi faire !
M. Sébastien Martin, ministre délégué. C’est tout mon combat et je suis convaincu que vous le partagez.
Le rapport Draghi que vous avez cité, monsieur le sénateur Blanc, doit être une véritable feuille de route pour la Commission européenne.
Un mouvement semble aujourd’hui engagé : on considère de plus en plus qu’il est nécessaire, finalement, de s’inspirer de ce que font les autres. Nous ne pouvons pas être les seuls à fermer les yeux sur le fait que les États-Unis et la Chine subventionnent massivement leur économie et s’appliquent à eux-mêmes des règles de protection ; et ils ne comprennent pas pourquoi nous ne faisons pas de même…
Nous sortons donc progressivement de la naïveté, même s’il reste à convaincre certains partenaires européens, qui considèrent les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comme une sorte de bible. On peut être croyant, mais dans la pratique, il faut parfois savoir s’adapter. Il y va de notre puissance.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet de la dette, qui revient quotidiennement à l’ordre du jour de nos débats, est essentiel pour notre pays.
Permettez-moi tout d’abord de rappeler le contexte. Pour stabiliser la dette, le Gouvernement annonce un effort de 30 milliards d’euros, dont une part considérable repose, une nouvelle fois, sur les collectivités locales. Or, je le rappelle, les finances de ces dernières sont obligatoirement à l’équilibre. Les collectivités respectent la règle d’or : elles ne peuvent pas voter de budget en déficit.
Il faut aussi dire la vérité : depuis près de trente ans, la dette des collectivités est stable, voire en légère diminution. Elle était de 9 % du PIB en 1995, et de 8,9 % en 2023. De plus, elle ne finance que de l’investissement.
La contribution qui est aujourd’hui demandée aux collectivités – entre 4,6 milliards et 8 milliards d’euros – n’est pas un simple ajustement technique. Elle se traduira par un gel prolongé des dotations, des restrictions fiscales, des compensations rabotées. Autant de décisions qui, cumulées, risquent d’affaiblir les finances locales, de freiner l’investissement public et de restreindre toujours davantage l’autonomie financière des collectivités, pourtant garantie par notre Constitution.
Soyons lucides : la dette devient problématique lorsqu’elle ne finance plus l’avenir, mais compromet les capacités d’action de nos territoires. Or les collectivités réalisent 58 % de l’investissement public civil dans notre pays. Réduire leurs marges, c’est ralentir les transitions écologique et numérique, freiner l’économie de proximité et asphyxier la vitalité sociale de nos territoires.
Pourtant, on leur demande aujourd’hui de contribuer largement au-delà de leur poids réel dans la dette publique. Les collectivités ne représentent que 8 % de cette dette, mais on exige qu’elles fournissent plus de 15 % de l’effort budgétaire !
Depuis 2017, l’endettement des collectivités n’a augmenté que de 10 milliards d’euros quand celui de l’État a bondi de 880 milliards d’euros.
Dans le projet de loi de finances pour 2026, les mesures s’accumulent et rendent l’équation tout simplement intenable : baisse de compensation fiscale – plus de 1,3 milliard d’euros en moins –, écrêtement de la TVA – 700 millions d’euros perdus –, hausse des cotisations employeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) – 1,3 milliard d’euros –, doublement du dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) – 2 milliards prélevés –, et j’en passe.
Tout cela s’ajoute aux 2,2 milliards d’euros de contributions au titre de l’année 2025.
Mes chers collègues, ce n’est plus un effort, c’est un transfert de charges. C’est un désengagement, masqué si l’on peut dire.
Quand l’État transfère des charges sans les compenser, quand il déduit les recettes sans adapter les dotations, il déplace sa dette vers les maires, les présidents de département et de région. Il crée une dette cachée, mais bien réelle, dans les comptes locaux. Au bout du compte, qui en paie le prix ? Nos écoles, nos infrastructures, nos projets d’aménagement et nos associations.
Le débat sur la dette ne peut pas se réduire à un concours de vertu budgétaire. Il doit être un débat de sens, de priorités et de vision pour nos territoires.
Pour notre part, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous assumons une dette qui prépare l’avenir, qui finance la transition écologique, la santé, l’éducation et les infrastructures essentielles. Nous assumons une dette qui protège et qui permette d’investir. Nous refusons celle qui asphyxie et porte le signe du renoncement.
En 2025, les efforts budgétaires imposés par le Gouvernement ont entraîné une baisse de 12 milliards d’euros de l’investissement local, soit une chute de 16 % par rapport à 2023 !
En 2026, l’impact du nouveau tour de vis sera clairement récessif pour nos territoires. Comment soutenir l’économie locale si nos collectivités ne peuvent plus investir ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Madame la sénatrice, il est bien légitime qu’au Sénat l’on défende les collectivités. J’ai bien entendu vos propositions, ainsi que celles qui sont défendues ici d’une manière générale.
Lors du Congrès des régions de France, le Premier ministre s’est montré très ouvert il y a quelques jours – j’étais à ses côtés – sur les efforts qui seront demandés aux collectivités. Un débat extrêmement riche se tiendra donc dans cet hémicycle.
Étant moi-même toujours président d’une association nationale d’élus locaux – je me suis toutefois mis en retrait depuis ma nomination au Gouvernement –, je ne méconnais pas le rôle des collectivités dans l’investissement, la réindustrialisation, la cohésion nationale et la cohésion des territoires !
Je ne doute pas de la richesse des débats à venir, au cours desquels le Gouvernement fera preuve d’ouverture. À la fin des fins, je l’espère, l’esprit de responsabilité partagée l’emportera.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour la réplique.
Mme Frédérique Espagnac. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse responsable. Comme vous l’avez souligné, le Premier ministre a donné quelques signes d’ouverture devant les départements et les régions de France.
C’est essentiel pour notre maillage industriel, mais aussi pour les entreprises, PME et TPE, qui aujourd’hui, dans nos territoires, ne vivent que grâce aux investissements des collectivités locales. Je vous alerte sur les grandes difficultés de certaines d’entre elles : des licenciements sont à venir et leur activité est essentielle dans nos territoires pour préserver l’emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, inexorablement, la France aborde l’exercice budgétaire 2026 avec un déficit public indécent et une dette accablante supérieure à 115 % du PIB, le tout dans un environnement financier tendu et dans un contexte politique chaotique.
Voilà quelques semaines, les agences de notation Fitch et Standard & Poor’s ont altéré la note française, en pointant notamment la dégradation de notre trajectoire d’endettement.
Tant que les taux restent bas, tout va bien ; mais si par malheur ils venaient à augmenter, la charge de la dette augmenterait mécaniquement. Elle atteindrait alors un niveau difficilement soutenable. C’est une véritable bombe à retardement !
Cette situation peu enviable n’a malheureusement rien d’étonnant si l’on considère le clientélisme dans lequel notre pays se complaît depuis tant d’années. Il a d’ailleurs atteint son paroxysme avec la célèbre et populaire devise présidentielle du « quoi qu’il en coûte ». Qu’il survienne un virus, un choc énergétique ou un nuage de sauterelles, l’État est là et nous protège, toujours et encore.
Reconnaissons-le honnêtement, même si en France, tout le monde se plaint, on y a pris goût, à cette protection XXL ! Seulement voilà, depuis bien longtemps, elle est devenue totalement incontrôlée, extrêmement coûteuse et n’est plus entièrement financée.
Une telle situation critique devrait appeler, à l’évidence, une réaction budgétaire vigoureuse pour éviter une catastrophe. Eh bien non. En dépit d’un taux de prélèvements obligatoires record, notre addiction reprend le dessus : on nous ressort la machine à taxer et le recours à l’endettement. C’est un véritable suicide collectif !
À partir de là, la suite semble assez claire : l’effort structurel indispensable qu’appellent de leurs vœux de nombreux sénateurs est démocratiquement presque impossible à obtenir.
Alors, la politique de l’autruche est de retour et voilà que des esprits brillants échafaudent des stratégies fumeuses, fondées, comme d’habitude, sur des prévisions plus qu’optimistes. Ils viennent nous expliquer, la mine grave, que la situation n’est pas aussi critique qu’on le dit, que la France est trop grosse pour tomber. Too big to fail ! Et pour cause : des titres de dette français sont incorporés dans de très nombreux produits financiers et détenus par un très grand nombre de banques, fonds de pension et autres compagnies d’assurance vie.
Un défaut, même partiel, de la dette française créerait, pour le système financier mondial, une onde de choc qui plongerait l’économie mondiale dans une crise dont elle pourrait ne pas se remettre. Personne n’aurait donc vraiment intérêt à ce qu’un défaut souverain français se produise. C’est peu ou prou, monsieur le ministre, ce que vous nous avez dit.
Mes chers collègues, rappelons-nous ce que nous disaient ces mêmes esprits brillants à la veille du 15 septembre 2008 au sujet de la célèbre et très puissante banque Lehman Brothers. On connaît la suite…
Monsieur le ministre, il ne nous reste plus qu’à ressortir les amulettes ou à croiser les doigts ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur Jean-Raymond Hugonet, je ne sais pas si l’on peut comparer le covid à un nuage de sauterelles ! Souvenons-nous que personne n’était préparé à cette crise ; la réaction a été d’ampleur, certes, mais elle avait recueilli sur le moment – cela a été rappelé – le soutien de l’ensemble des groupes politiques. Ne mésestimons pas, ne sous-estimons pas cette réaction, qui était nécessaire.
Bien évidemment, je ne juge pas la position de ceux qui pensent que le frein aurait pu être levé plus tôt. À l’époque, nous plaidions tous en faveur d’un soutien fort et massif de l’État pour permettre à notre économie de se maintenir, aux salariés de bénéficier de mesures de chômage partiel, aux commerçants, restaurateurs et hôteliers de percevoir un revenu malgré la fermeture de leur établissement. De nombreuses mesures ont coûté très cher, c’est un fait, mais elles étaient indispensables.
Alors oui, il faut maintenant savoir ralentir ; telle est la trajectoire que s’est fixée le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2026. Mais non, on ne peut pas comparer un État et Lehman Brothers, une banque privée ayant engagé des processus et des procédures frauduleuses appuyés sur des produits financiers qu’elle seule était capable de comprendre.
Pour autant, je partage votre gravité, monsieur le sénateur, et je juge, comme vous, qu’il est nécessaire de prendre la situation au sérieux.
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le ministre, je vous écoute avec beaucoup d’intérêt depuis le début de ce débat. Vous nous servez les sempiternels confettis de paroles qu’un bon nombre de ministres – nous en avons vu passer 176 depuis que le président Macron est à la tête de ce pays – nous ont déjà servies. À ce même banc, nous avons même entendu M. Le Maire mentir à la représentation nationale au sujet du processus…
Bien évidemment, tout le monde était favorable à l’idée de soutenir et de défendre le pays en cas de crise. Cela nécessitait toutefois un contrôle – si le rapporteur général était présent, il vous le dirait par le menu –, et ce contrôle n’a pas été exercé.
Monsieur le ministre, notre dette ne semble pas vous poser trop de problèmes, puisque nous sommes un pays riche. Sachez tout de même que des banques comme Lehman Brothers avaient elles-mêmes des stocks de dette française. Elles étaient couvertes par de hautes instances et nous l’avons su seulement lorsque l’État américain les a laissé tomber. Prenez garde, monsieur le ministre !
M. le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 3 400 milliards d’euros, 115 % du PIB, plus de 50 000 euros par Français, contre 3 000 euros en 1990 : la spirale de la dette dévore notre souveraineté, notre capacité d’action et notre avenir.
Rendez-vous compte : en 2025, la France paiera plus de 74 milliards d’euros d’intérêts sur sa dette.
Ces milliards partent dans les poches de créanciers étrangers ou nationaux plutôt que dans les écoles, les hôpitaux ou les routes. La dette et ses intérêts siphonnent désormais une part croissante des ressources de l’État.
Pendant quarante ans, nous avons laissé l’État enfler comme jamais. Nous avons accumulé les administrations, empilé les dispositifs et les normes, multiplié les subventions, ajouté des taxes aux taxes, des impôts aux impôts, élargi les missions de l’État.
Là où les collectivités locales et les communes sont vertueuses, l’État est en faillite. Matignon devrait prendre conseil auprès des maires plutôt qu’auprès du parti socialiste !
Nous avons cru qu’en injectant de la dépense publique partout, nous aurions la prospérité partout. Ce fut une erreur historique, qui a pavé la voie à la ruine nationale.
Aujourd’hui, la dette ne finance plus la modernisation, mais l’immobilisme et le déclassement progressif de notre pays. Elle ne construit plus l’avenir ; elle entretient l’illusion que l’État peut tout résoudre, alors qu’il ne sait même plus se financer lui-même.
Il faut avoir le courage de dire la vérité, celui de regarder en face la machine bureaucratique et de dire « Assez ! ». Il est l’heure de tout changer, de transformer radicalement l’État, de le ramener à ce qu’il doit être : un État régalien, solide, efficace, mais limité et réduit.
C’est maintenant qu’il faut agir, et non demain, dans dix ans, lorsque les marchés décideront à notre place ou lorsque le FMI s’installera à Bercy.
La dette n’est pas un accident ; elle est la conséquence directe d’un État hypertrophié. La seule réponse efficace est un choc de désendettement, condition d’un pays souverain, respecté et maître de ses choix.
Laisser filer la dette, c’est en effet accepter la servitude, accepter que nos enfants paient demain pour les lâchetés d’aujourd’hui.
Aussi, j’aimerais que l’on médite les propos de Thomas Jefferson selon lesquels il est immoral de léguer à une génération future les dettes contractées par une génération présente. Refusons ce scénario, refusons la facilité qui conduit au déclin !
La vérité est que la France ne s’en sortira qu’en assumant un choix clair : réduire le périmètre de l’État pour libérer la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le sénateur, je m’exprimerai dans quelques instants à la tribune ; je vous répondrai donc très brièvement afin d’éviter les redites.
Je tiens à saluer l’esprit d’exigence et de responsabilité auquel vous appelez en matière budgétaire. Il nous permettra d’aboutir, je l’espère dans les toutes prochaines semaines, à l’adoption d’un projet de loi de finances et d’un budget pour notre pays.
Les Françaises et les Français attendent en effet que les positions des uns et des autres convergent vers un compromis. Ils expriment une forme d’angoisse à l’idée de ne pas voir l’aboutissement des débats incessants qui nous occupent depuis quelques semaines.
Je remercie l’ensemble des sénatrices et des sénateurs qui se sont exprimé lors de ce débat et je vous rejoins, monsieur le sénateur Le Rudulier : il faut aussi réformer l’État. C’est d’ailleurs ce qu’envisage le Premier ministre au travers d’un projet de loi, qui sera bien entendu travaillé au Sénat, relatif à la décentralisation, certes, mais aussi à la réforme de l’État.
Conclusion du débat
M. le président. En conclusion du débat, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Sébastien Martin, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargé de l’industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il me sera difficile, à l’issue des échanges que nous venons d’avoir d’éviter les redites.
Je remercie de nouveau le Sénat d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui fut très riche et dense. C’était une première pour moi, et j’ai eu grand plaisir à échanger avec chacune et chacun d’entre vous.
Nous partageons tous l’idée selon laquelle la dette représente cette part du passé qui pèse sur notre avenir si nous ne la maîtrisons pas, si nous ne la contrôlons pas et si nous ne retrouvons pas les marges de manœuvre nécessaires afin qu’elle constitue non pas un poids mais un levier d’action pour financer le futur, les investissements et, finalement, notre croissance.
La dette atteint aujourd’hui 115,6 % du PIB. Ce chiffre est le résultat de crises successives, et particulièrement de la crise liée au covid, durant laquelle nous avons voulu protéger les ménages et les entreprises. C’était nécessaire, mais, bien évidemment, ces choix ont eu un coût qui pèse sur notre capacité à décider de notre avenir.
Dans ce contexte, redresser les finances publiques doit être notre boussole. L’effort engagé l’an dernier produit ses premiers résultats : nous sommes en bonne voie pour ramener le déficit à 5,4 % du PIB, comme cela avait été décidé dans la loi de finances pour 2025.
Mais, soyons honnêtes – et des orateurs de divers groupes l’ont dit –, notre déficit demeure trop élevé par rapport à celui de nos voisins. Cet écart peut avoir des conséquences sur notre souveraineté budgétaire.
C’est pourquoi l’objectif du Gouvernement ne variera pas : il s’agit de faire en sorte que le déficit repasse sous la barre des 3 % du PIB en 2029. La décrue doit commencer dès cette année. C’est indispensable pour maintenir la crédibilité financière de la France, car l’écart de taux avec l’Allemagne s’est creusé : alors qu’il était de 0,5 %, il s’élève désormais à près de 0,8 %. Nous empruntons plus cher que l’Espagne ou le Portugal, tandis que la charge de la dette pourrait atteindre 80 milliards d’euros en 2028, soit 30 milliards de plus qu’en 2025.
Pour autant, il convient de garder la tête froide, même si nous devons regarder la réalité en face.
Notre économie reste solide. Avec un taux de croissance de plus de 1,1 % de PIB en 2024, la France a fait mieux que les pays de la zone euro en moyenne. Au troisième trimestre 2025, le taux de croissance a été de 0,5 % – un résultat supérieur aux prévisions. Notre inflation, quant à elle, est stabilisée sous les 2 % et elle devrait le rester en 2026. La politique économique du Gouvernement vise à entretenir cette dynamique.
Je tiens également à rappeler que la France continue de se financer dans de bonnes conditions. Notre stratégie d’émission de dette repose sur la régularité et la prévisibilité. Comme cela a été indiqué à plusieurs reprises au cours de ce débat, la demande des investisseurs reste élevée : elle est en moyenne trois fois supérieure à l’offre. Nous pouvons aussi compter sur un marché diversifié, ce qui limite les risques.
Par ailleurs, depuis 2017, la France est un pays pionnier en matière de financement durable ; cette politique est d’ailleurs aujourd’hui suivie par tous nos partenaires. Par financement durable, j’entends les financements verts, qui permettent de cibler les politiques d’investissement, et les emprunts que nous contractons pour financer la transition écologique.
Néanmoins, nous devons faire face à notre dette. J’espère n’avoir à convaincre personne dans cet hémicycle que ce n’est pas en augmentant la charge qui pèse sur nos entreprises que nous y parviendrons. Nous ne résorberons pas notre endettement en imposant davantage nos forces productives ! J’en appelle donc à la modération fiscale dans les débats en cours, et je sais pouvoir compter sur le Sénat pour défendre notre industrie et nos emplois.
Il faut garder la tête froide et se souvenir que les investisseurs ont besoin de prévisibilité. Chaque sursaut, chaque blocage politique alourdit la charge de notre dette. Notre levier fondamental, c’est la stabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la stratégie fixée par le Premier ministre est une stratégie de responsabilité. Elle repose sur quatre piliers : le soutien à notre appareil productif, créateur de richesses ; la maîtrise des dépenses de l’État, en garantissant une contribution juste des collectivités ; le redressement des comptes sociaux, pour faire face aux défis démographiques ; enfin, la simplification et la réduction des normes.
La dette n’est pas une fatalité. Elle doit être envisagée comme un défi que nous devons relever collectivement car, quelles que soient nos positions politiques, nous ne pourrons pas avancer sans avoir traité cette question. La soutenabilité de nos finances publiques conditionne, en effet, directement notre capacité à investir, à produire, à protéger et à décider en toute souveraineté.