Table des matières

  • Vendredi 14 septembre 2001
    • Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, M. Alain Richard, ministre de la défense, et M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur
  • Mercredi 19 septembre 2001
    • Traités et conventions - Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes - Examen du rapport
    • Nomination de rapporteurs

Vendredi 14 septembre 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Audition de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, M. Alain Richard, ministre de la défense, et M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, élargie aux membres des autres commissions, a entendu M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, M. Alain Richard, ministre de la défense et M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, en présence de M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le parlement, sur les conséquences internationales et intérieures des attentats survenus aux Etats-Unis le mardi 11 septembre 2001.

Après avoir fait part du sentiment de compassion et de solidarité qu'inspirent les événements tragiques du 11 septembre aux Etats-Unis, M. Hubert Védrine a souligné l'impression de vulnérabilité suscitée au sein de l'opinion publique par ces formes de terrorisme. Les auteurs de tels actes, a-t-il poursuivi, cherchent sans doute à provoquer un conflit entre des civilisations qui se réclament d'une culture et d'une religion différentes. Le ministre des affaires étrangères a estimé justifié le principe d'une riposte américaine, fondée notamment sur le droit de légitime défense reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Il a indiqué que les Etats membres de l'OTAN avaient décidé d'appliquer l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord qui laisse à chacun d'entre eux le choix de déterminer les moyens d'aider le pays qui a fait l'objet d'une agression.

M. Hubert Védrine a estimé que les Américains n'ont pas encore tranché entre les différents types de réaction possibles et qu'ils ne demanderaient pas nécessairement le concours des alliés. Il n'est pas possible en particulier, a-t-il noté, de savoir s'ils interviendront dans le cadre de l'OTAN. Parmi les ripostes possibles, certaines seront largement comprises par l'ensemble de la communauté internationale, tandis que d'autres pourraient susciter des oppositions. Le Président de la République et le gouvernement apprécieront, le moment venu, les conditions dans lesquelles s'exprimera la solidarité française.

La lutte contre le terrorisme, a ajouté le ministre des affaires étrangères, ne doit pas seulement se traduire par des opérations punitives mais mobiliser également l'ensemble des moyens disponibles, policiers et judiciaires en particulier, afin de prévenir et d'éradiquer ce phénomène. Elle revêt également, a-t-il jugé, une dimension politique. L'effort pour tenter de régler les crises que connaît le monde contemporain doit notamment être poursuivi.

M. Daniel Vaillant, après s'être associé à la douleur des familles et des proches des victimes des attentats du 11 septembre et rendu un hommage particulier à l'ensemble des équipes de secours, a souligné qu'il importe de ne pas transformer la volonté légitime de réagir en haine de l'autre et de ne pas confondre terrorisme islamiste et Islam. Il a indiqué que la France a mis à la disposition des Etats-Unis des capacités d'intervention en matière de sauvetage. Il a également rappelé que si notre pays n'a pas fait l'objet dans les circonstances actuelles de menaces particulières, il n'est pas à l'abri de violences dont il a déjà été l'objet par le passé. C'est pourquoi les autorités ont décidé la mise en place de la procédure Vigipirate renforcée.

Le ministre de l'intérieur, après avoir informé les sénateurs de la réunion du comité interministériel de lutte contre le terrorisme, a souligné l'intense mobilisation des services de renseignement français en concertation avec nos partenaires américains et européens. La France a montré sa capacité à faire face à la crise actuelle et le civisme de nos compatriotes constitue pour l'avenir la principale force de notre pays.

M. Alain Richard, ministre de la défense, a d'abord évoqué la participation des armées et de la gendarmerie à la montée en puissance du plan Vigipirate, en observant que la participation des forces armées se cumulait avec leurs autres missions et pourrait s'inscrire dans une certaine durée. Il a également souligné le durcissement du dispositif permanent de défense aérienne du territoire. La priorité, a-t-il poursuivi, porte sur le renforcement de la capacité d'information et de renseignement, afin de détecter et prévenir les risques possibles. La situation actuelle, a-t-il enfin estimé, justifie entièrement le choix de développer et promouvoir l'Europe de la défense.

Un débat s'est ensuite engagé avec les sénateurs.

A M. Jacques Chaumont qui l'interrogeait sur les réactions de la Russie, compte tenu de ses propres préoccupations à l'égard du terrorisme islamiste, M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, a précisé que les autorités russes ne manquaient pas de souligner que les événements confirmaient les menaces provenant d'une internationale islamiste terroriste sur laquelle elles n'avaient cessé d'alerter la communauté internationale. Toutefois, au-delà d'une association de principe au combat contre le terrorisme, le gouvernement russe demeurait prudent sur la question d'une éventuelle riposte américaine, même s'il est probable qu'il pourrait donner son approbation à certains types de représailles.

A M. Christian de La Malène qui se demandait si l'heure n'était pas venue de privilégier des méthodes offensives de lutte contre le terrorisme, méthodes auxquelles nos sociétés occidentales ne sont peut-être pas préparées, M. Hubert Védrine a répondu qu'un tel combat appelait une combinaison de moyens préventifs et punitifs. Il s'est déclaré convaincu que les démocraties ne devaient en rien abandonner, pour mener ces combats, les valeurs qui les fondent, et qu'en dépit de réelles vulnérabilités, elles ne pouvaient être vaincues par un terrorisme dont il importe d'assécher les sources.

M. Robert Del Picchia a interrogé le ministre des affaires étrangères sur l'efficacité d'instruments tels que la convention internationale relative au financement du terrorisme et sur les liens entre les événements survenus aux Etats-Unis et la situation au Proche-Orient.

Rappelant les progrès intervenus ces dernières années dans la lutte contre le blanchiment d'argent, M. Hubert Védrine a souligné, s'agissant de la convention sur le financement des activités terroristes, la nécessité de passer du stade des principes à celui de l'application concrète.

Il a par ailleurs estimé que les attentats perpétrés aux Etats-Unis ne pouvaient se réduire à une conséquence de la situation au Proche-Orient, mais qu'ils relevaient au contraire d'un combat beaucoup plus global, mené par des factions extrémistes contre toutes formes de cultures ou de croyances différentes des leurs. Il a cependant ajouté qu'incontestablement, l'absence de résolution du conflit du Proche-Orient fournissait à ces mouvements les troupes qu'ils recherchent.

Mme Monique Cerisier-Ben Guiga s'est demandé s'il se trouvait des responsables politiques américains conscients que les attentats de cette semaine n'étaient pas sans lien avec des mouvements fondamentalistes que les Etats-Unis avaient parfois encouragés.

M. Hubert Védrine a estimé que si une telle analyse critique était parfois formulée, c'était au sein d'organismes de recherche indépendants et non au sein de l'administration.

M. Jean-Pierre Fourcade, se référant aux observations formulées par M. Aymeri de Montesquiou, qui avait regretté une certaine neutralité de la France face au régime des Talibans et aux forces du commandant Massoud, a interrogé le ministre des affaires étrangères sur un éventuel infléchissement de la politique française en Afghanistan.

M. Hubert Védrine, rappelant que la France avait toujours fermement condamné le régime des Talibans, a vivement récusé le terme de neutralité. Il a précisé que si des contacts avaient été maintenus avec Kaboul, au demeurant à un niveau essentiellement technique, c'était avant tout pour permettre aux organisations non gouvernementales françaises, et à leur demande, de poursuivre leur action humanitaire au profit des populations afghanes. Il a par ailleurs indiqué que le commandant Massoud lui avait personnellement déclaré qu'il comprenait cette attitude, qui allait dans l'intérêt de l'aide humanitaire à son peuple.

Il a également confirmé à M. Xavier de Villepin, qui l'interrogeait sur les ramifications de l'organisation Ben Laden, y compris avec certains Etats, que les réseaux terroristes fonctionnent grâce à un ensemble de liens très divers avec des organisations économiques ou caritatives, voire avec des services étatiques parfois incontrôlés, leur assurant dans plusieurs pays autant de relais ou de sources de financement.

M. Robert Del Picchia ayant évoqué les sources de financement du terrorisme, et notamment le trafic de drogue dont l'Afghanistan semblait constituer l'une des plaques tournantes, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, après avoir cité d'autres trafics illégaux, comme celui des armes, a marqué sa préoccupation face à la surveillance des frontières extérieures de l'espace Schengen. Il a souligné à ce titre la responsabilité incombant à tous les Etats parties à l'accord de Schengen. Il a également estimé que cette question comptait parmi les plus aiguës au regard de l'adhésion de nouveaux pays à l'Union européenne et il a insisté sur l'importance de la coopération policière européenne.

M. Serge Vinçon, observant que les services de renseignement américains n'avaient décelé aucun signe précurseur d'une opération impliquant une cinquantaine de terroristes, s'est interrogé sur la place accordée au renseignement humain, au regard des moyens techniques considérables dont s'étaient dotés les Etats-Unis ces dernières années.

M. Alain Richard a estimé qu'il serait prématuré de porter un jugement sur l'efficacité des services de renseignement américains. Il a rappelé que, traditionnellement, la France accordait une place importante au renseignement humain, sans pour autant négliger l'apport du renseignement technique. Il a toutefois souligné la difficulté d'approcher certaines organisations terroristes avec des moyens de renseignement humain.

M. Pierre Laffitte a estimé indispensable de renforcer, y compris par un effort budgétaire conséquent, la place accordée à la fonction « renseignement ».

M. Xavier de Villepin, président, a relevé l'impossibilité dans laquelle se trouvait le Parlement de porter une appréciation sur l'organisation des services de renseignement et de répondre sur ce point aux préoccupations de l'opinion publique. Il a rappelé les propositions effectuées depuis plusieurs années par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en vue de mieux associer le Parlement aux questions de renseignement, au travers d'une structure parlementaire à l'effectif très limité qui serait habilitée à connaître, non pas des opérations, mais des orientations générales de l'organisation, du fonctionnement et des missions des différents services de renseignement et qui pourrait en rendre compte à leurs assemblées.

M. Alain Richard, ministre de la défense, a indiqué que le gouvernement ne formulait aucune objection à l'encontre d'une telle idée qui allait dans le sens de la démocratie. Il a toutefois évoqué certaines limites des organes parlementaires en charge du renseignement, les structures trop larges, et donc peu protectrices du secret, n'ayant le plus souvent accès qu'à un nombre limité d'informations alors que les structures réduites disposent d'une information plus large, mais diffusée auprès de leurs seuls membres, et non de l'ensemble des parlementaires.

A M. Claude Estier qui évoquait les déficiences du contrôle de l'accès aux vols intérieurs aux Etats-Unis, M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, a précisé que sur les vols intérieurs français les contrôles étaient plus approfondis.

M. Denis Badré a regretté qu'en signe de solidarité les bourses européennes n'aient pas cessé leurs cotations durant la fermeture de Wall Street.

Enfin, à la suite d'une question de M. Xavier de Villepin, président, un échange a eu lieu sur le dispositif mis en place par nos postes diplomatiques et consulaires aux Etats-Unis et par le ministère des affaires étrangères en vue d'informer les familles des Français résidant aux Etats-Unis.

Mercredi 19 septembre 2001

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Traités et conventions - Accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Guy Penne sur le projet de loi n° 380 (2000-2001) autorisant la ratification de l'accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la Confédération suisse, d'autre part, sur la libre circulation des personnes.

Le rapporteur a précisé que cet accord, soumis à la ratification des parlements nationaux, était accompagné de six autres accords sectoriels, conclus directement entre l'Union européenne et la Suisse, qui portent sur les transports terrestres, les transports aériens, la coopération scientifique, les marchés publics, les échanges agricoles, ainsi que sur la reconnaissance mutuelle de l'évaluation de la conformité des produits industriels.

M. Guy Penne, rapporteur, a ensuite brièvement rappelé les grandes étapes qui avaient mené au rejet, le 6 décembre 1992, par la population suisse, de l'adhésion de la Confédération à l'espace économique européen. Il a présenté la série globale des sept accords souvent considérés comme un palliatif à l'isolement économique et diplomatique ressenti par la Suisse depuis cette date. Pour sa part, la Suisse a organisé, a-t-il rappelé, le 21 mai 2000, un référendum sur ces accords qui a recueilli 67 % de voix positives.

Abordant l'accord de libre circulation des personnes, le rapporteur a rappelé que celui-ci supposait de la part de la Suisse un effort marqué de libéralisation de son marché du travail ; en effet, à l'heure actuelle, ce pays délivre des permis d'emploi en fonction des disponibilités éventuellement constatées dans les diverses branches professionnelles. Or, au terme de la période transitoire de douze ans prévue par l'accord, les droits d'entrer, de résider et de travailler comme salarié ou comme travailleur indépendant seront mutuellement reconnus entre les pays membres de l'Union européenne et la Suisse.

Par ailleurs, le rapporteur a précisé que les travailleurs frontaliers français ne seront plus tenus, dès l'application de l'accord, à l'obligation quotidienne qui leur est actuellement faite de regagner leur domicile en France : seul un retour hebdomadaire restera requis. Il a indiqué que, à l'heure actuelle, près de 70.000 frontaliers français se rendent quotidiennement en Suisse pour y travailler.

Le rapporteur a rappelé que ces frontaliers s'étaient montrés hostiles aux modalités d'application de la coordination prévue par l'accord en matière de régime de sécurité sociale et qui prévoit, comme pour les autres pays membres de l'Union, une affiliation obligatoire au régime en vigueur sur le lieu de travail. Ces réticences semblent avoir été comprises par le gouvernement français qui devrait offrir la possibilité à ces frontaliers de conserver, au moins temporairement, leur affiliation aux régimes français.

Puis le rapporteur a évoqué les bénéfices attendus de la ratification de l'accord sur la libre circulation des personnes et qui permettra l'application des six autres accords sectoriels. S'agissant de la France, il a souligné que la liberté d'accès, qui sera à terme totale, des Français à des emplois situés en Suisse, sera profitable à notre marché du travail qui connaît un taux de chômage (environ 8 %) supérieur au taux suisse (environ 2 %) ; il a également rappelé la forte attente découlant d'une possibilité, pour le trafic routier français, d'emprunter la voirie suisse, possibilité qui sera plus largement ouverte par l'accord sur les transports terrestres ; quant à la Suisse, outre le fait que ces accords lui permettent d'amorcer un rapprochement avec les pays membres de l'Union européenne, ils lui octroient un certain nombre d'avantages, notamment en matière agricole et de transports aériens.

En conclusion, le rapporteur a estimé que l'ensemble des sept accords semblait mutuellement profitable à l'Union européenne et à la Suisse. Il a donc proposé d'adopter l'accord de libre circulation des personnes, seul soumis à ratification parlementaire ; il a fait part, à ce propos, d'un courrier que lui avaient adressé les trois sénateurs de Haute-Savoie pour faire valoir leurs souhaits de voir le gouvernement français envisager des mesures d'accompagnement lors de l'application de cet accord, courrier que le rapporteur se proposait d'annexer à son rapport écrit.

En réponse à M. Robert Del Picchia, MM. Guy Penne, rapporteur, et Xavier de Villepin, président, ont précisé les préoccupations exprimées par leurs collègues sénateurs de la Haute-Savoie, en souhaitant que le gouvernement puisse, lors du débat en séance publique, y apporter des éléments de réponse.

En réponse à M. Xavier de Villepin, président, qui s'était enquis des raisons pour lesquelles les Etats membres de l'Union devaient impérativement conclure leurs procédures de ratification d'ici à la fin de l'année en cours, M. Guy Penne, rapporteur, a précisé que cette date limite avait été retenue lors de la signature des sept accords entre l'Union européenne et la Suisse, en juin 1999 : il s'agissait là d'un engagement politique des membres de l'Union européenne envers la Suisse. De surcroît, celle-ci conditionne la conclusion de l'accord sur la fiscalité de l'épargne, en cours de discussion avec l'Union européenne, à l'entrée en vigueur de ces accords sectoriels.

La commission a alors adopté le projet de loi.

Nomination de rapporteurs

Puis la commission a désigné :

- M. André Rouvière sur le projet de loi n° 431 (2000-2001) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine (ensemble un échange de lettres),

- M. Hubert Durand-Chastel sur le projet de loi n° 432 (2000-2001) autorisant l'approbation de la convention d'extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République dominicaine.