Table des matières




Mercredi 3 décembre 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie - Examen du rapport

La commission a examiné, sur le rapport de M. Serge Vinçon, le projet de loi n° 88 (2003-2004) autorisant la ratification du traité relatif à l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.

M. Serge Vinçon, rapporteur,
a tout d'abord indiqué que le traité d'adhésion à l'Union européenne de 10 nouveaux Etats, ouvrait la voie au cinquième élargissement qu'ont connu les pays fondateurs. Mais par son ampleur et ses implications, cet élargissement est sans précédent. L'Europe à 25 comptera plus de 453 millions d'habitants, sur un territoire de 4 millions de km2 dont l'unification au sein d'une même communauté de droit est sans exemple. Le poids économique et commercial de cet ensemble se trouvera, d'emblée, notablement accru.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a précisé que l'adhésion des nouveaux membres avait fait l'objet d'une préparation particulièrement attentive. A la suite du Sommet de Copenhague de juin 1993, qui a défini les critères d'adhésion, les négociations ont commencé pour 6 pays, puis pour 6 autres, avec un passage au crible de leur législation au regard de l'acquis communautaire, réparti entre 31 chapitres de négociations. M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que ce processus avait été accompagné d'aides financières à hauteur de 19 milliards d'euros. Il a souligné que si le coût de l'élargissement était souvent évoqué pour les Etats membres actuels, le coût politique et social des réformes pour les adhérents était considérable et pouvait suffire à évaluer leurs motivations.

L'adhésion simultanée de 10 candidats a été décidée à Copenhague, en décembre 2002. M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que sur le terrain juridique, sauf quelques exceptions, les nouveaux adhérents étaient prêts. Au nombre des difficultés signalées par les rapports de suivi de la commission, certaines n'ont de conséquences que pour les adhérents. M. Serge Vinçon, rapporteur, a cité le cas des organismes de gestion des aides agricoles : si ceux-ci ne sont pas opérationnels le 1er mai 2004, les aides agricoles ne seront pas versées. D'autres difficultés ont trait au fonctionnement du marché intérieur que M. Serge Vinçon, rapporteur, a jugées plus préoccupantes, s'agissant notamment de la sécurité sanitaire des aliments. D'autres difficultés concernent les moeurs politiques et administratives et ne pourront s'améliorer que sur le plus long terme.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a considéré qu'il fallait mesurer l'effort consenti par les adhérents, rendu de plus en plus important par les progrès de l'intégration européenne au fur et à mesure des élargissements. Il a ainsi indiqué que pour les nouveaux adhérents, l'acquis communautaire comprenait la participation à l'euro, ou à l'espace Schengen, dès qu'ils pourront en réunir les conditions nécessaires, sans possibilité de clause d'exemption.

Il a ensuite évoqué l'état de préparation de l'Union européenne elle-même et de ses membres actuels face au processus d'élargissement. M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que pendant le déroulement du processus, l'Union européenne avait continué à progresser, en passant notamment par l'étape décisive de l'entrée en vigueur de l'euro.

Avec la Convention, puis la Conférence intergouvernementale, l'Union tente par ailleurs de se doter d'institutions et de procédures plus efficaces.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a rappelé que le traité de Nice s'appliquerait, compte tenu des délais de ratification d'un nouveau traité, et ce quels que soient les résultats de la conférence intergouvernementale en cours. Il a alors détaillé les dispositions du traité de Nice relatives à la composition du Parlement européen et de la Commission, ainsi qu'à la pondération des voix au Conseil. Bien que le préalable institutionnel à l'élargissement, posé par le traité d'Amsterdam, ait été levé par le traité de Nice, les insuffisances de ce texte ont été souvent soulignées : une commission à la composition pléthorique, qui pourrait nuire à l'efficacité de la méthode communautaire ; une rotation trop importante de la présidence du Conseil et une prise de décision à l'unanimité qui risque d'être paralysante. M. Serge Vinçon, rapporteur, a considéré que le fonctionnement de l'Union européenne dans les prochaines années risquait d'être difficile.

Devant ces difficultés, il a souligné que la motivation de l'élargissement pour les Etats membres actuels était essentiellement politique et rejoignait en cela les précédents élargissements à la Grèce, à l'Espagne et au Portugal. L'intérêt d'arrimer ces Etats à la démocratie et à la stabilité politique est considérable pour l'Union européenne. Il ne s'agit pas pour autant de sous-estimer les difficultés induites par l'élargissement.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que la première de ces difficultés était liée à l'écart de richesses avec les nouveaux adhérents. Les efforts pour la convergence de leurs économies devront être supérieurs à ceux consentis lors de l'adhésion de l'Espagne et du Portugal. Il a précisé que les craintes liées aux effets sur l'emploi dans la partie occidentale de l'Union européenne n'avaient pas été sous-estimées et avaient conduit à différer, pour certains Etats, la libre circulation effective des travailleurs salariés.

La seconde difficulté est celle du coût de l'élargissement. M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué qu'il était dans un premier temps relativement limité et que, par ailleurs, le budget communautaire pour 2004 était marqué par un souci de rigueur. Compte tenu de la vocation agricole des nouveaux adhérents et des écarts de richesse, le PIB moyen des nouveaux adhérents étant inférieur à 70 % de la moyenne communautaire actuelle, des craintes se sont fait jour quant à l'avenir de la politique agricole commune et de la politique régionale. Elles représentent respectivement 45 % et 34 % du budget communautaire. M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que les 10 nouveaux Etats membres seraient tous éligibles au Fonds de cohésion et que 38 régions seraient éligibles à l'objectif 1 des fonds structurels. Il a rappelé que le versement des aides directes agricoles serait progressif jusqu'en 2013. A terme, il a considéré que la convergence indispensable des nouveaux Etats nécessiterait des efforts qui conduiront à recevoir moins et à contribuer davantage. Il a néanmoins rappelé que le budget communautaire était plafonné à 1,24 % du PIB de l'Union européenne et que les transferts budgétaires étaient quant à eux plafonnés à 4 % du PIB des destinataires. M. Serge Vinçon, rapporteur, a évoqué la question, actuellement à l'étude, de la création d'une véritable ressource propre pour le budget communautaire, ce qui permettrait d'éviter que le débat sur les perspectives financières soit uniquement polarisé sur la question du taux de retour.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a souligné que les préoccupations liées à l'élargissement étaient également d'ordre institutionnel. Les adhérents ne rejoignent pas une organisation stabilisée mais un processus d'intégration en cours, avec des compétences qui évoluent. Evoquant le cas particulier de l'Eurogroup et de la coordination des politiques économiques, il a considéré que la question de la gouvernance de la zone euro devait être résolue rapidement, les membres de la zone euro devenant, du fait de l'élargissement, minoritaires au sein du conseil Ecofin.

De façon plus large, M. Serge Vinçon, rapporteur, a considéré qu'il fallait s'interroger sur les objectifs ultimes de la construction européenne. Tout comme les Etats membres actuels, les adhérents n'ont pas le même niveau d'ambition pour l'Europe. En conséquence, l'ambition d'une Europe puissance ne pouvait pas faire partie de l'acquis communautaire et, sur ce point, il apparaît difficile de progresser rapidement à 25.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que les 10 futurs membres avaient approuvé leur adhésion par voie référendaire, à l'exception de Chypre dont le parlement l'a ratifiée à l'unanimité. Chez les actuels Etats membres, les procédures de ratification devraient être achevées d'ici la fin de l'année 2003, pour permettre la participation de l'ensemble des Etats aux élections européennes de juin 2004.

En conclusion, M. Serge Vinçon, rapporteur, a considéré que le traité d'élargissement ouvrait à l'Union européenne des potentialités considérables, mais qu'il ne fallait sous-estimer ni les difficultés ni l'ampleur des avancées qui restent à faire. Il a souligné que l'enjeu méritait les efforts consentis. L'élargissement ne remet pas en cause l'ambition française pour l'Union européenne et il appartiendra à notre pays de continuer à la promouvoir, y compris à l'égard de nos nouveaux partenaires.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Xavier de Villepin s'est inquiété des risques politiques entraînés par l'élargissement de l'Union et s'est notamment interrogé sur les moyens d'éviter l'accession au pouvoir de partis nationalistes. Il a ensuite relevé les difficultés posées par la situation de Chypre et s'est interrogé sur les contraintes et obligations qui pèseront sur l'Union élargie après l'adhésion d'un pays divisé.

Enfin, rappelant les réserves émises récemment par la Commission quant à certains aspects de la reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats, il s'est demandé s'il leur était possible de corriger ces retards avant le 1er mai prochain.

M. André Dulait, président, s'est associé aux inquiétudes suscitées par l'adhésion de Chypre qui risquera de conduire l'Union à « importer » un sujet de litige potentiel important avec la Turquie.

M. André Boyer s'est interrogé sur ce qui ressortirait de l'actuelle CIG quant aux futures institutions de l'Union : quel effectif pour la Commission, quelle règle de majorité au conseil ? Autant de questions aujourd'hui non réglées. Il a ensuite abordé la question de Chypre dont la partie Nord était occupée illégalement par la Turquie, la « République turque de Chypre Nord » refusant politiquement de quitter « l'ensemble » turc. Pour la Turquie, cette question pourrait constituer une « monnaie d'échange » dans sa démarche de candidat à l'adhésion.

M. Robert Del Picchia a insisté sur l'importance de la prise en compte du poids démographique des pays dans le processus de prise de décision de l'Union, estimant par ailleurs que le principe d'un commissaire au moins par Etat membre pourrait finalement aboutir. Au demeurant, à défaut d'un accord à Rome concluant la CIG, c'est le traité de Nice qui s'appliquerait dans sa totalité. Il n'y a pas, a poursuivi M. Robert Del Picchia, de risque d'une immigration massive à partir des nouveaux pays membres : en effet leurs citoyens bénéficient déjà du droit de circulation et de résidence dans les pas de l'Union. En revanche, le risque est réel d'un transfert d'entreprises des Quinze vers les nouveaux pays. M. Robert Del Picchia a enfin relevé qu'au sein du conseil Ecofin de l'Union élargie, les pays de la zone euro se trouveront en minorité.

M. Didier Boulaud s'est interrogé sur les suites de cet élargissement, notamment vis-à-vis des Balkans, rappelant que la consolidation de la paix était l'enjeu principal de la construction européenne, et en faisait toute la cohérence.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a indiqué qu'elle s'était interrogée sur la nature de son vote sur le traité d'Athènes. « Affectivement », elle le votera, compte tenu de l'enjeu de paix qu'il représente et du profond désir des peuples concernés de rejoindre l'Union. Elle a cependant déploré que ce traité, si prolixe en normes précises sur certains sujets, ne prévoie rien dans le domaine social, des services publics ou du droit du travail.

M. Serge Vinçon rapporteur a apporté les éléments de réponse suivants :

- les critères politiques figurent d'ores et déjà dans le traité et l'acceptation de ces critères est étroitement liée à l'adhésion. La culture démocratique est certainement plus récente chez les nouveaux adhérents, ce qui peut expliquer certains problèmes ;

- sur la question de Chypre, le traité concerne potentiellement l'ensemble de l'île, mais ne s'appliquera, dans un premier temps, que dans sa partie Sud. La commission espère avoir réglé cette question avant le ler mai 2004, et la question chypriote constitue certainement une « monnaie d'échange » pour l'adhésion turque.

M. Xavier de Villepin a souligné qu'un certain pessimisme était de mise sur la question chypriote, en l'absence de volonté explicite d'aboutir de la part du gouvernement turc.

- sur la composition de la commission, M. Serge Vinçon, rapporteur, a précisé qu'aucune remise en cause du principe d'un commissaire par Etat, adopté à Nice, ne paraissait possible avant 2009, date de la fin du mandat de la prochaine commission. Il a indiqué que le principe du plafonnement du nombre de commissaires avait cependant été arrêté par le traité de Nice, dans une union à 27 membres ;

- la libre circulation des travailleurs sera effective dès le 1er mai 2004 au Royaume-Uni, ce qui conduit à relativiser les craintes quant à son impact sur l'emploi dans la partie occidentale de l'Union européenne. La création d'un impôt européen sur les sociétés figurait au nombre des hypothèses de travail actuellement examinées et permettrait d'éviter des délocalisations en nombre trop élevé ;

- les Etats des Balkans sont considérés comme des candidats potentiels, sans qu'aucune date n'ait été fixée, à l'exception de la Croatie sur laquelle la commission rendra un rapport en 2004 qui pourrait proposer au Conseil l'ouverture de négociations pour une adhésion envisageable en 2009-2010.

M. Claude Estier a alors considéré que le résultat des récentes élections en Croatie n'était pas encourageant par rapport à la perspective de l'adhésion.

Evoquant l'adhésion de la Turquie, M. Serge Vinçon, rapporteur, a rappelé que la candidature turque serait examinée sur le fondement des mêmes critères, c'est-à-dire le respect des droits de l'homme, de l'Etat de droit et la capacité à faire face à la pression du marché intérieur. M. Michel Pelchat a souligné que la Turquie avait accompli ces dernières années de gros progrès dans cette direction.

M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué que l'initiative « nouveau voisinage » avait pour but d'organiser des relations plus étroites entre l'Union et ses voisins qui ne sont pas concernés par la perspective de l'adhésion.

Répondant à Mme Maryse Bergé-Lavigne, il a indiqué que la sécurité sociale ne figurait pas au nombre des compétences communautaires, mais que la libre circulation des travailleurs, les crédits de cohésion et la pleine participation au marché intérieur devraient favoriser le développement économique et un certain progrès social.

M. Guy Penne s'étant inquiété de ce que l'élargissement pourrait conduire à un nivellement des droits sociaux, M. Serge Vinçon, rapporteur, a cité l'exemple de l'Espagne dont le développement social après l'élargissement est indéniable. Au demeurant, la volonté de rejoindre l'Union européenne témoigne de son caractère attractif et constitue un événement historique que notre pays doit prendre en compte.

Au nom du groupe socialiste, M. Claude Estier a indiqué qu'il se prononcerait en faveur du traité d'adhésion qu'il n'était d'ailleurs pas possible de ne pas voter, les pays adhérents l'ayant déjà tous ratifié. Il y a toutefois un manque de logique à voter un élargissement sans savoir préalablement en quoi consistera l'approfondissement de l'Union européenne. Il a exprimé à cet égard son pessimisme quant aux résultats de la conférence intergouvernementale dont on pouvait craindre qu'elle conduise à un « détricotage » du texte issu de la convention, voire qu'elle ne débouche sur aucun texte. Le risque existe d'un élargissement sans progrès dans l'approfondissement conduisant à la mise en oeuvre du traité de Nice qui poserait de nombreux problèmes. Le vote sera donc davantage dicté par la raison que par l'enthousiasme. Cette unanimité prévisible ne devra pas masquer la complexité des questions à venir.

La commission a alors adopté le projet de loi à l'unanimité.

Traités et conventions - Création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Guy Penne sur le projet de loi n° 86 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord portant création de l'Organisation internationale de la vigne et du vin.

M. Guy Penne, rapporteur, a précisé que l'accord intergouvernemental signé le 3 avril 2001 par 35 pays membres de l'Office international de la vigne et du vin (OIV) visait à refonder les statuts d'une institution internationale créée en 1924 par des pays producteurs de vins et dont le siège est à Paris. L'Office deviendra l'Organisation internationale de la vigne et du vin. Son mode de fonctionnement et ses missions seront actualisés.

M. Guy Penne, rapporteur, a indiqué que l'OIV, organisation à vocation scientifique et technique, comptait actuellement 47 pays. Les États-Unis s'en sont retirés en 2001, en raison de différends sur les principes devant orienter les méthodes de production viticoles. Dépourvu de pouvoir normatif, l'OIV agit par voie d'incitation en formulant des recommandations qui sont ensuite reprises soit par les États, soit par des organisations internationales telles que la Communauté européenne, l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ou l'Office mondial de la propriété industrielle.

Le nouveau statut de l'OIV redéfinit ses missions en fonction des principales préoccupations des milieux viticoles et vinicoles : la recherche scientifique et technique, les pratiques oenologiques, l'étiquetage, la garantie d'authenticité des produits et la protection des indications géographiques. Il clarifie le mode de prise de décision, en retenant le principe du consensus mais en prévoyant une procédure de vote à la majorité qualifiée, sauf si un pays invoque ses intérêts nationaux essentiels. La pondération des voix, comme celle des contributions financières, est modifiée pour tenir compte de critères objectifs tels que la production de vins ou la surface du vignoble.

M. Guy Penne, rapporteur, a précisé que les 47 pays-membres avaient accepté le principe de cet accord. L'Organisation internationale de la vigne et du vin se substituera à l'actuel Office dans l'année suivant la 31ème ratification. 29 ratifications ayant pour l'instant été recensées, 2 ratifications supplémentaires sont nécessaires d'ici la fin de l'année pour permettre une entrée en vigueur en 2004.

Souhaitant que la France, pays où siège l'organisation, permette la mise en oeuvre rapide du nouvel accord, M. Guy Penne, rapporteur, a demandé à la commission d'émettre un avis favorable sur le projet de loi autorisant son approbation.

À l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Louis Moinard a demandé des précisions sur les conditions dans lesquelles les États-Unis s'étaient retirés de l'OIV.

M. Guy Penne, rapporteur,
a rappelé que les États-Unis étaient le 4e producteur mondial de vin. Alors qu'en France et en Europe prévaut une logique de terroirs et d'appellations, répondant à des conditions bien précises de production, la filière viticole américaine obéit davantage à une logique de marché, les pratiques de production s'adaptant à la demande des consommateurs. Cette différence d'approche s'est retrouvée au sein de l'OIV dont les Etats-Unis se sont retirés en 2000 après avoir été mis à plusieurs reprises en minorité sur le vote de certaines recommandations. Cette position n'exclut pas, à terme, un retour dans la nouvelle organisation où prévaudra le principe de prise de décision par consensus.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi.

Traités et conventions - Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale - Examen du rapport

Puis la commission a examiné le rapport de M. Michel Pelchat sur le projet de loi n° 438 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale.

M. Michel Pelchat, rapporteur, a rappelé les circonstances de l'entrée en vigueur du statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998 et ratifié par la France le 9 juin 2000. A la différence des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda, institués par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, le statut de Rome prend la forme d'un traité international, dont l'entrée en vigueur est conditionnée à sa ratification par les Etats. Or, ce processus a été affecté par l'évolution de la position des Etats-Unis qui, après l'avoir signé en décembre 2000, ont refusé de le ratifier en mai 2002. La nouvelle administration, soutenue par le Congrès, a souhaité garantir l'immunité de juridiction devant la Cour pénale internationale des militaires et de tous les agents officiels ressortissants des Etats-Unis. A cette fin, par la résolution 1422 du Conseil de Sécurité de juillet 2002, renouvelée en juillet 2003 par la résolution 1487, les Etats-Unis ont obtenu une immunité de juridiction, renouvelable chaque année, pour leurs ressortissants engagés dans des opérations de maintien de la paix sous l'égide des Nations unies. Les Etats-Unis sont également parvenus à signer 70 accords bilatéraux visant à empêcher la remise de leurs ressortissants à la CPI ou la subordonnant à leur accord préalable. Ils continuent à exercer des pressions sur de nombreux Etats, l'aide militaire américaine ayant été suspendue à 34 pays pour cette raison.

Cependant, le traité instituant la CPI a été ratifié à ce jour par 92 Etats. Le traité est entré en vigueur au 1er juillet 2002. L'Union européenne a adopté une position commune, le 30 septembre 2002, afin d'encadrer la conclusion d'accords bilatéraux entre ses Etats membres et les Etats-Unis, excluant l'impunité des ressortissants de ce pays, la réciprocité pour les ressortissants des Etats de l'Union européenne et limitant les catégories de personnes concernées.

Depuis l'entrée en vigueur du statut de Rome, la Cour s'est progressivement mise en place. Les juges ont été élus et son budget a été fixé. La France y contribuera à hauteur de 12,8 %, soit, en 2004, 5,5 millions d'euros. Près de 600 requêtes ont déjà été déposées et, pour la plupart, rejetées.

M. Michel Pelchat, rapporteur, a ensuite présenté l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, soulignant le caractère classique de la plupart des dispositions. Elles ont pour objectif de permettre à la Cour, à son personnel et à tous ceux qui collaborent à son travail, d'accomplir leur mission et leurs fonctions en toute liberté. La Cour se voit ainsi reconnaître la personnalité juridique internationale, l'inviolabilité de ses locaux, une immunité absolue de juridiction et d'exécution, l'inviolabilité de ses archives, une exemption fiscale et le libre transfert de ses avoirs. Les personnels de la Cour bénéficient de privilèges et immunités limités aux besoins de leurs fonctions. Il s'agit notamment d'une immunité de juridiction pour les actes accomplis dans l'exercice de leur responsabilité, de la liberté de circulation, de l'inviolabilité de leur correspondance et de la non-imposition des traitements perçus.

Apparaissent en revanche comme novateurs, les immunités et privilèges accordés aux avocats et collaborateurs de la défense, aux témoins, aux experts et aux victimes. Ils bénéficient d'une immunité de juridiction pour tous les actes accomplis en rapport avec la Cour, de la liberté de circulation et de l'inviolabilité de leurs documents.

M. Michel Pelchat, rapporteur, a alors précisé que 41 Etats avaient signé l'accord, que deux l'avaient ratifié, dix ratifications étant nécessaires pour son entrée en vigueur.

A la suite de la présentation des dispositions de l'article unique du projet de loi, le rapporteur a présenté l'amendement n°1, déposé par le gouvernement, créant un article additionnel après l'article unique, et visant, sans porter atteinte à une décision de justice passée en force de chose jugée, à valider le décret du 26 avril 1947 relatif à l'exécution de la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies. En effet, au cours d'un litige récent opposant le Haut Commissariat aux Réfugiés à un de ses collaborateurs, le Conseil d'Etat a estimé que ce décret était illégal au motif que la ratification de ladite convention aurait dû faire l'objet d'une loi, en application de l'article 27 de la Constitution de la IVe République, dans la mesure où elle engageait les finances de l'Etat et modifiait la législation. Il est donc nécessaire de rendre à nouveau applicable en France les dispositions de la convention.

Le rapporteur a alors proposé à la commission, d'une part, d'approuver l'article unique du projet de loi, afin de soutenir l'action diplomatique menée par le gouvernement pour mettre en place effectivement la Cour pénale internationale, et d'autre part, de donner un avis favorable à l'amendement n° 1, la France n'ayant évidemment pas l'intention de se désengager de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies.

Un débat s'est ensuite engagé avec les commissaires.

M. Xavier de Villepin a souhaité savoir si les dispositions visant à protéger les militaires français engagés dans des opérations extérieures de poursuites abusives devant la Cour pénale internationale étaient remises en cause par le présent accord, et si l'offensive diplomatique américaine allait se poursuivre, notamment en direction des pays européens.

MM. Michel Pelchat, rapporteur, et André Dulait, président, ont alors indiqué, d'une part, que la clause excluant toute poursuite pour crime de guerre pendant 7 ans pour des militaires français engagés dans des opérations n'était pas remise en cause, et d'autre part, que les Etats-Unis, qui s'opposent par principe à l'existence d'une cour pénale internationale, continuent de faire pression sur de nombreux Etats, obtenant la signature d'accords bilatéraux pouvant contredire les engagements souscrits par certains Etats parties au statut de Rome.

M. Guy Penne s'est inquiété d'un certain nombre d'incertitudes juridiques dans la mise en place de la Cour et d'éventuels conflits de compétence entre plusieurs institutions internationales.

M. André Dulait, président, a alors rappelé que la définition du crime d'agression n'avait pas été précisée dans le statut de Rome.

Après avoir adopté le projet de loi, la commission a donné un avis favorable à l'amendement n° 1 présenté par le gouvernement.