Table des matières
Vendredi 4 juillet 2003
- Présidence de M. Nicolas About, président -
Réforme des retraites - Examen du rapport
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Leclerc sur le projet de loi n° 378 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant réforme des retraites.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé que le projet de loi portant réforme des retraites dont le Sénat était saisi survenait quatre années après le rapport d'information présenté par M. Alain Vasselle intitulé : « Réforme des retraites : peut-on encore attendre ? », cette interrogation ayant alors appelé une réponse négative de la part de la commission.
Cette réforme était donc pour le moins attendue et elle apparaît indispensable à la survie même de notre système de retraite par répartition.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souligné que le diagnostic est, en effet, bien établi depuis maintenant dix ans et sans cesse affiné depuis.
Aucune politique publique n'a donné lieu à autant de rapports que la réforme des retraites. Débutée par le Livre blanc commandé en 1991 par M. Michel Rocard, alors Premier ministre, la liste des travaux préparatoires à la réforme est longue, comportant notamment le rapport remis en avril 1999 par M. Jean-Michel Charpin alors commissaire général du plan.
De fait, il appartient aujourd'hui au présent Gouvernement de mettre en oeuvre la réforme sans cesse reportée qui découle de ces rapports.
Certes, deux ans après la publication du Livre blanc, le gouvernement de M. Edouard Balladur a engagé, dès 1993, une première réforme concernant le régime général et les régimes dits « alignés ». Elle a contribué à résorber les déficits accumulés et à assurer une évolution des dépenses plus compatible avec les ressources disponibles.
Mais, depuis, les décisions nécessaires ont sans cesse été différées.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé que, quelles que soient les hypothèses retenues, le rapport Charpin faisait apparaître que les besoins de financement de l'ensemble des régimes seront amenés à s'accroître jusqu'en 2040, la progression étant plus forte entre 2005 et 2020. Ainsi, selon le scénario médian, les dépenses de retraites passeraient de 12,1 % du PIB en 1998 à 14,1 % en 2020 et à 15,8 % en 2040. Ce diagnostic a été confirmé par les travaux du Conseil d'orientation des retraites.
Face à ce défi, le rapport Charpin recommandait d'engager le plus rapidement possible une réforme, avant que le choc démographique ne fasse sentir ses effets.
Pour ce faire, il répertoriait toutes les pistes de réforme susceptibles d'assurer la viabilité de notre système de retraite par répartition. Ces pistes s'articulaient autour du triptyque désormais bien connu : recettes nouvelles, allongement de la durée d'activité, maîtrise des prestations.
Après avoir précisé le contexte dans lequel s'inscrit le présent projet de loi, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a évoqué les différentes étapes préparatoires à la réforme.
Annoncée dès juillet 2002 par le Premier ministre dans son discours de politique générale, la réforme a été réellement lancée en février dernier.
Après une première concertation avec les partenaires sociaux, relayée par la mise en place d'un « groupe confédéral », les « principes généraux de la réforme » établis par ce groupe confédéral ont été présentés le 18 avril 2003.
Le Gouvernement a alors remis aux partenaires sociaux des « propositions soumises à la concertation », avant de présenter, le 7 mai en conseil des ministres, une communication sur l'avant-projet de loi sur les retraites.
Les 14 et 15 mai, lors de nouvelles réunions avec les partenaires sociaux, MM. François Fillon et Jean-Paul Delevoye ont proposé des compléments et des modifications à cet avant-projet. Ces modifications et compléments ont fait l'objet d'un relevé de décisions accepté par les trois organisations patronales et deux des cinq organisations syndicales (CFDT et CFE-CGC).
Le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale est issu de ce compromis.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a considéré que la réforme s'articulait autour de cinq axes complémentaires.
Le premier axe tend à favoriser l'accès et le maintien dans l'emploi des « seniors » et à permettre un meilleur choix dans la gestion des temps de vie.
Le taux d'emploi des salariés de plus de 55 ans est aujourd'hui l'un des plus faibles d'Europe, du fait notamment de toutes les mesures d'âge qui ont été mises en place depuis la crise de l'emploi.
Cette situation est lourde de conséquences.
Elle fragilise les régimes de retraite, en diminuant les cotisations et en augmentant les prestations. On estime ainsi généralement qu'une baisse de un point du taux d'emploi ferait diminuer la part des pensions dans le PIB de 0,2 à 0,4 point d'ici 2040.
Elle handicape les entreprises qui vont être confrontées à un vieillissement de leur main-d'oeuvre auquel elles ne sont encore qu'imparfaitement préparées.
Le Gouvernement s'est fixé comme objectif de faire passer l'âge moyen de cessation d'activité de 57 ans et demi à 59 ans d'ici 2008. Pour ce faire, le projet de loi prévoit de limiter le recours aux préretraites qui expliquent largement ce phénomène. Il est ainsi prévu de recentrer les préretraites autour des préretraites du fonds national pour l'emploi (FNE), dans le cadre de restructurations, et les cessations anticipées d'activité de certains travailleurs salariés (CATS ), pour prendre en compte la pénibilité. Aussi le projet de loi propose-t-il d'assujettir les préretraites d'entreprise à une contribution spécifique, de supprimer les préretraites progressives et de recentrer les CATS vers les seuls salariés ayant exercé des missions pénibles.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé que le projet de loi visait également à inciter à la poursuite ou à la reprise d'activité.
Il introduit à ce titre, outre un utile assouplissement de la « contribution Delalande » ou le report de l'âge de mise à la retraite, un système de décote-surcote ambitieux.
Le système actuel apparaît en effet injuste car il ne prévoit qu'une décote, d'ailleurs élevée, dans le secteur privé, sans garantir parallèlement un mécanisme de majoration en cas de poursuite de l'activité.
Aussi le projet de loi met-il en place un système de bonification en faveur tant des salariés du secteur privé que des fonctionnaires, qui s'élève à 3 % supplémentaires par année demeurée en activité au-delà de la date à laquelle ils auraient pu liquider leur pension. La décote est maintenue dans le régime général, mais elle sera progressivement réduite de manière à ce qu'un même taux soit appliqué dans le public et dans le privé (5 % par an).
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé qu'il avait déjà insisté, dans ses rapports sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur la nécessité d'élargir la question des retraites à celle de la gestion des temps de vie. La retraite est trop souvent un couperet, sans qu'elle s'adapte à l'évolution des rythmes de vie ou aux nouvelles aspirations des citoyens.
Le projet de loi ouvre ainsi la faculté de prendre en compte les années d'études, aussi bien dans le régime général que dans la fonction publique, au moyen de rachats d'annuités. Il permet aussi aux salariés travaillant à temps partiel de cotiser sur un équivalent temps plein. Mais surtout, il réforme les règles du cumul emploi-retraite, afin de le faciliter, et il élargit les dispositifs de retraite progressive.
Le deuxième axe de la réforme vise à assurer l'équité entre les différentes catégories de salariés. Il résulte en effet des dispositions de la réforme Balladur que les salariés du secteur privé doivent justifier de quarante annuités pour bénéficier d'une retraite à taux plein, alors que les salariés du secteur public bénéficient de ce même avantage pour un nombre d'annuités inférieures.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé que cette question de l'équité avait été soumise à l'étude du conseil d'orientation des retraites (COR). Ce dernier a conclu à la nécessité d'une harmonisation des durées de cotisation entre secteur public et secteur privé, sans s'accorder toutefois sur la durée qui doit assurer cette convergence.
L'allongement progressif de la durée de cotisation du secteur public est équitable puisque l'égalité entre secteur public et secteur privé sera réalisée à l'horizon 2008.
Mais le projet de loi ne se borne pas à proposer un ajustement ponctuel des durées de cotisation. Il prévoit, de manière plus ambitieuse, la définition d'une règle permettant de partager équitablement les gains futurs d'espérance de vie entre le temps de travail et le temps de retraite.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a indiqué qu'appliquée sous la caution du COR et d'une nouvelle commission de garantie des retraites, cette règle permettra non seulement de rendre moins dramatiques de futurs ajustements, mais encore de garantir aux salariés que l'effort demandé en termes de travail supplémentaire restera constant à l'horizon 2020, la durée d'assurance nécessaire étant ajustée afin de préserver le partage temps de travail - temps de retraite constaté en 2003.
L'équité que se propose d'atteindre le présent projet de loi n'aurait pu toutefois être réalisée si n'avaient pas été prises en compte des situations particulières.
La concertation sur les retraites a placé le thème de la pénibilité au coeur du débat public. Il est clair en effet que le maintien dans l'emploi des travailleurs âgés exige une meilleure prise en compte de la pénibilité au travail.
C'est à juste titre que les partenaires sociaux se sont engagés à négocier sur ce point, tant il apparaît délicat de légiférer en la matière. L'Assemblée nationale s'est d'ailleurs inscrite dans ce cadre en introduisant une obligation de négocier sur ce sujet dans les branches.
La question des salariés ayant effectué de très longues carrières est posée depuis longtemps par les partenaires sociaux. L'ordonnance du 26 mars 1982, qui a abaissé la retraite à soixante ans, n'admettait aucune exception. Malgré certains dispositifs ayant autorisé durant un temps la cessation d'activité de salariés justifiant d'une carrière longue, aucun dispositif général n'avait pu être proposé à ceux qui, dès l'âge de 56 ans, justifient de toutes leurs annuités.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a indiqué que le projet répondait à cette préoccupation ancienne en la ciblant sur les publics pour lesquels elle est la plus justifiée, c'est-à-dire ceux ayant commencé leur carrière dès l'âge de 14, 15 ou 16 ans, et justifiant de plus de quarante annuités.
Le troisième axe de la réforme tend à conforter les régimes de non-salariés.
Cet objectif est atteint de deux façons : par le rapprochement entre les professions des industriels, commerçants et artisans d'une part, par l'harmonisation progressive des régimes des non-salariés avec le régime général d'autre part.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souligné enfin un point particulier et attendu de longue date : la mensualisation des retraites agricoles de base. Après les retraites complémentaires des artisans et commerçants en 1999 et le nouveau régime complémentaire des exploitants agricoles en 2003, le régime agricole de base était en effet le dernier régime à ne pas être mensualisé. L'effort financier ainsi consenti est estimé, en trésorerie, à 1,3 milliard d'euros.
Le quatrième axe de la réforme vise à garantir l'avenir des retraites.
Prétendre sauvegarder la retraite par répartition n'a de sens que si cette sauvegarde permet de garantir l'avenir des retraités. Cette garantie passe avant tout par un engagement solennel de préserver le pouvoir d'achat de ces derniers. Le Premier ministre, devant le Conseil économique et social, l'a rappelé avec force.
Garantir ce pouvoir d'achat consiste à assurer à ces derniers que le montant de leur pension ne soit pas victime de l'inflation, à l'instar des pensions capitalisées versées pendant l'entre-deux-guerres.
Dans les faits, l'indexation des pensions sur l'indice des prix est la règle depuis 1987. Elle a néanmoins subi beaucoup d'exceptions au gré de « coups de pouce » dont l'attribution, sans doute bienvenue pour les retraités, ne reposait sur aucune mise en perspective économique et financière de la situation future des régimes de retraite.
Une règle avait été posée par la loi du 22 juillet 1993, pour une durée de cinq ans. Le précédent gouvernement ne l'avait pas reconduite et lui avait préféré une revalorisation annuelle arbitraire.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a indiqué que le projet retenait le principe d'une revalorisation des pensions indexées sur les prix. Au nom de l'équité, les pensions des fonctionnaires seront revalorisées selon les mêmes termes.
Toutefois, ainsi que l'ont souligné tant le COR que Mme Danielle Karniewicz, présidente de la CNAVTS, lors de son audition par la commission, à réglementation inchangée, le taux de remplacement des salariés du secteur privé diminuera, même si cette diminution ne signifie pas une baisse du niveau des pensions en euros constants.
Aussi le projet de loi comprend-il des dispositions permettant de préserver le revenu global des retraités : par un mécanisme permettant, dès lors que la situation financière des régimes le permet, de majorer le coefficient de revalorisation d'un « coup de pouce », par un engagement solennel de préserver le niveau des pensions des salariés modestes et justifiant une carrière complète et par l'élargissement des dispositifs d'épargne retraite afin de permettre à chacun de compléter son revenu de remplacement à l'âge de la retraite ;
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé qu'à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003, il avait insisté pour qu'une solution ambitieuse soit trouvée afin d'améliorer la situation des retraités modestes.
Le projet de loi prévoit, d'une part, la fixation d'un objectif ambitieux de pension minimale pour les salariés ayant effectué une carrière complète. Ceux-ci, à l'horizon 2008, bénéficieront d'une pension globale au moins égale à 85 % du SMIC.
Il propose, d'autre part, une revalorisation de 3 % du minimum contributif en 2004, 2006 et 2008. En outre, les modalités de calcul de ce minimum seront revues afin que la prise en compte des trimestres effectivement cotisés soit majorée.
Puis, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a abordé les dispositions du projet de loi relatives à l'épargne retraite.
Il a constaté que l'épargne comme complément de nos régimes obligatoires par répartition était déjà une réalité dans notre pays quoi qu'en disent certains. Ainsi, on estime généralement que les revenus du patrimoine représentent de 20 à 25 % des revenus des retraités.
Pour autant, en dépit de ce poids significatif, le paysage de l'épargne retraite est aujourd'hui opaque, éclaté et en définitive inégalitaire.
Il existe ainsi déjà des produits d'épargne spécifiques dédiés à la retraite. Mais ils ne restent encore accessibles qu'à une partie de la population. Certains produits individuels ne sont accessibles qu'à quelques professions : fonctionnaires, indépendants, professions agricoles. D'autres, souscrits dans un cadre collectif, ne peuvent bénéficier qu'aux salariés des entreprises qui les ont mis en place.
Le projet de loi cherche à apporter une réponse pragmatique aux failles du système actuel.
Il cherche d'abord à diversifier les produits d'épargne retraite pour offrir à tous la possibilité d'en bénéficier. D'une part, dans un cadre collectif, il transforme le plan partenarial d'épargne salariale volontaire (PPESV) issu de la loi « Fabius » de février 2001 en plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite (PPESVR), qui constitue une nouvelle forme d'épargne salariale spécifiquement consacrée à la retraite et instituée par accord collectif. D'autre part, il met en place un nouveau produit individuel accessible à tous : le plan d'épargne individuelle pour la retraite (PEIR), sorte de « Préfon pour tous ».
Il harmonise également les dispositifs d'incitation fiscale et sociale à ce type d'épargne, pour instituer des plafonds globaux de déductibilité de manière à prévenir toute possibilité de cumul exorbitant de tels avantages.
Abordant le cinquième axe de la réforme consacré au financement des retraites à l'horizon 2020, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souligné que le Gouvernement proposait un ensemble cohérent de mesures visant à réformer notre assurance vieillesse afin, d'une part, de mieux répondre aux enjeux que constituent le travail et la retraite aujourd'hui, et d'autre part à financer notre système par répartition à un horizon raisonnable, c'est-à-dire 2020.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé que le Gouvernement s'était appuyé sur le chiffrage du besoin de financement réalisé par le Conseil d'orientation des retraites qui, dans l'hypothèse d'une diminution du chômage à 4,5 %, s'élèverait à 43 milliards d'euros en 2020.
Ce besoin se répartit en deux parts inégales. Ayant déjà fait l'effort d'une réforme de grande ampleur, le régime général affronte un besoin de financement de 15 milliards d'euros à cet horizon. Les régimes de la fonction publique, dans l'attente de leur réforme depuis plusieurs années, ne trouveront leur équilibre à cet horizon qu'au prix de ressources nouvelles ou d'économie se chiffrant à 28 milliards d'euros.
Les besoins de financements initiaux sont en outre accrus par la nécessité d'améliorer plusieurs dispositifs de l'assurance vieillesse : revalorisation des minima contributifs, création d'un régime additionnel pour la fonction publique, mesures favorables aux polypensionnés.
Dans le régime général, l'équilibre est atteint par l'affectation, à hauteur de 60 % des besoins, de ressources nouvelles. Il est donc fondamentalement inexact de prétendre que la réforme est financée par le seul allongement de la durée de cotisation.
Ces ressources sont constituées de l'augmentation des cotisations d'assurance vieillesse en 2006, qui pourraient rapporter 900 millions d'euros, et surtout, par l'affectation d'une part des cotisations chômage aux régimes de retraite, rendue possible par la diminution du chômage, dans le scénario retenu par le COR.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souligné la prudence du Gouvernement. En effet, l'affectation des cotisations chômage au financement de l'assurance vieillesse, chiffrée à 8,9 milliards d'euros, repose sur un scénario de diminution du chômage qui atteindrait un taux compris entre 5 et 6 %. Ainsi, si le scénario du COR se réalise, des marges de manoeuvre supplémentaires pourraient être dégagées.
Toutefois, des efforts doivent nécessairement être demandés aux assurés. Ainsi, l'allongement de la durée d'assurance, la proratisation et le bilan financier des mesures de décote et de surcote permettront de couvrir 35 % du besoin de financement, soient 6,2 milliards d'euros.
La situation des régimes de la fonction publique est plus délicate car le besoin de financement initial est deux fois plus important, s'élevant à 28 milliards d'euros. Les employeurs publics, c'est-à-dire in fine les contribuables, assumeront la moitié de ce besoin, soit 15 milliards d'euros. Les nouvelles modalités d'indexation des retraites de la fonction publique d'une part, et l'allongement de la durée des services d'autre part permettront d'économiser respectivement 4,5 et 9,3 milliards d'euros.
En conclusion, M. Dominique Leclerc, rapporteur, s'est dit convaincu que deux facteurs, qui rendent le scénario du COR plausible, permettront d'atteindre les objectifs en matière de financement de l'assurance vieillesse à l'horizon 2020 : l'évolution de la démographie et l'effort vigoureux que le Gouvernement va engager pour augmenter le taux d'emploi des salariés âgés français, aujourd'hui l'un des plus bas de l'Union européenne.
M. Jean Chérioux a estimé que le projet de loi portant réforme des retraites reposait sur une analyse objective de la situation. Il a considéré que, si des divergences peuvent apparaître sur les solutions proposées par le Gouvernement, il est possible de réunir un consensus autour du caractère nécessaire de la réforme. Il lui a semblé que tel était le point de vue des différentes organisations syndicales auditionnées par la commission fin avril 2003.
M. Jean Chérioux a souligné, par ailleurs, la qualité et la crédibilité des travaux du COR. Il a rappelé que le projet du Gouvernement ne reposait pas uniquement sur l'allongement de la durée de cotisations des actifs, mais qu'il prévoyait également une augmentation des cotisations à la charge des entreprises, dans le cas où le maintien en activité des seniors ne serait pas effectif.
Il a également observé que d'autres pays européens ont déjà procédé à la réforme de leur système de retraites, et qu'une telle situation doit être prise en considération au regard des exigences liées au maintien de la compétitivité économique de la France.
M. Claude Domeizel a relevé que le rapporteur avait évoqué la concertation préalable à la réforme des retraites, mais n'avait pas mentionné le vaste mouvement de protestation contre le projet du Gouvernement.
Il a considéré que le projet de loi remettait en cause le principe de la retraite à 60 ans, qu'il était injuste et incohérent et privilégiait l'épargne individuelle, mais aussi qu'il était dangereux pour la politique de la famille, en ce qu'il pénalise les femmes qui ont souvent des carrières professionnelles plus courtes que les hommes.
Mme Michelle Demessine a souligné qu'une réforme des retraites lui paraissait nécessaire. Mais elle a considéré que le projet du Gouvernement constituait une rupture avec le système mis en place à la Libération. Aussi a-t-elle fait part de son profond désaccord avec le projet du Gouvernement.
Elle a rappelé que, depuis 50 ans, le système a pu évoluer, tout en préservant la solidarité intergénérationnelle. Elle a estimé que la réforme en cours était assise, en réalité, sur un dogme, la baisse des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, ces dernières étant considérées comme inefficaces.
Mme Michelle Demessine a indiqué que, si l'allongement de l'espérance de vie était un paramètre à prendre en compte, elle ne doutait pas qu'il soit possible de consacrer une part supplémentaire du PIB au paiement des retraites, tout en évitant de faire porter le poids de la réforme sur les seuls actifs.
Elle a constaté que le dogmatisme qu'elle dénonçait était à l'oeuvre dans tous les pays européens et provoquait dans ces pays un vaste mouvement de protestation.
M. Nicolas About, président, a tenu à rappeler qu'il avait accompagné le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et les partenaires sociaux dans leurs déplacements destinés à prendre connaissance des expériences étrangères. Il a souligné que, dans la plupart des pays ainsi visités, les réformes ont bénéficié d'un accord entre les différentes familles politiques. Il a regretté qu'un tel consensus ne se dégage pas en France.
M. Alain Vasselle a souligné que la réforme des retraites avait été entreprise par le gouvernement Balladur et que, malgré un diagnostic bien établi, le gouvernement Jospin n'avait pas poursuivi dans cette voie, laissant ce chantier au Gouvernement issu des élections de 2002.
Il s'est félicité du souci d'équité qui anime le projet de loi, mais s'est interrogé sur le taux de cotisation ou de retenue demandé, à l'issue de la réforme, aux salariés du secteur privé et du secteur public.
Il a regretté que la réforme ne soit pas mise à profit pour clarifier les financements, et notamment ceux du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et du fonds de réserve des retraites (F2R), l'abondement de ce dernier étant indispensable au financement des retraites après 2020.
Mme Valérie Létard a salué la réforme courageuse conduite par le Gouvernement. Elle s'est félicitée des principes d'équité qui animent le texte et a souhaité que la réforme aboutisse à une meilleure prise en compte de la situation des femmes, mères de famille, et à un taux de remplacement égal à 90 % du SMIC pour les plus petites retraites.
En réponse aux intervenants, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a rappelé qu'à l'occasion des auditions organisées par la commission, les partenaires sociaux se sont félicités de la concertation organisée par le ministre des affaires sociales. Il a précisé que les orientations de la réforme ont été dégagées sur la base des excellents travaux du COR et il s'est félicité des vertus pédagogiques de ce débat qui a suscité une prise de conscience de nos concitoyens. Il a indiqué, à cet égard, la grande importance qu'il attachait à la création du groupement d'intérêt public (GIP), dont le rôle sera d'informer nos concitoyens sur leurs droits, et leur permettra de choisir les conditions dans lesquelles ils prendront leur retraite.
Il a salué l'intelligence de la réforme qui est profondément pragmatique comme le prouve l'instauration de rendez-vous réguliers en 2008, 2012 ou 2020 qui permettront des ajustements en fonction des évolutions de la conjoncture économique.
Il a insisté sur le fait que la réforme ne se limitait pas à la question de l'allongement de la durée de cotisation car son enjeu essentiel était bien l'emploi.
En conclusion, il s'est félicité des mesures courageuses qui étaient prises par le Gouvernement sans pour autant remettre en cause le principe de solidarité.
MM. Guy Fischer et Claude Domeizel se sont étonnés que le rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ne soit pas venu présenter les travaux de cette délégation que la commission avait pourtant accepté de saisir du projet de loi.
M. Nicolas About, président, a indiqué que Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation, et M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur, l'avaient informé que la délégation n'avait pas adopté de recommandations sur le présent projet de loi.
Il a observé que M. Claude Domeizel, membre de la délégation, ne pouvait ignorer que les recommandations proposées par le rapporteur n'avaient pas été adoptées par la délégation. Il a considéré, en conséquence, qu'il ne pouvait être fait grief à M. Marcel-Pierre Cléach de ne pas avoir présenté à la commission des recommandations qui n'avaient pas été adoptées.
Puis, la commission a procédé à l'examen des articles et amendements proposés par le rapporteur.
A l'article 5 (allongement de la durée d'assurance), la commission a adopté quatre amendements visant à préciser respectivement la durée d'assurance ou de service prise en compte pour le ratio du I de cet article ; les conditions dans lesquelles le Gouvernement élabore le rapport mentionné au II ; l'étendue du pouvoir réglementaire lorsqu'il intervient pour ajuster l'augmentation de la durée de cotisation ; le rôle et la place de la commission de garantie des retraites.
A l'article 6 (Conseil d'orientation des retraites), la commission a adopté six amendements, deux de coordination, deux de précision, un amendement rédactionnel et un amendement visant à préciser le pouvoir de proposition reconnu au Conseil d'orientation des retraites.
A l'article 7 (commission de compensation), la commission a adopté un amendement visant à renforcer le rôle de la commission de compensation.
Après l'article 7, la commission a adopté un amendement visant à introduire un article additionnel prévoyant que les intérêts financiers des sommes versées par les régimes au titre de la compensation, consignées auprès de la caisse des dépôts et consignations, seront versés au F2R.
A l'article 8 (droits des assurés à l'information), la commission a adopté six amendements : quatre amendements de coordination ou de précision, un amendement visant à préciser que les informations transmises par le groupement d'intérêt public (GIP) ne sont qu'indicatives, et un amendement qui prévoit l'intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour la mise à disposition d'informations à caractère nominatif.
A l'article 8 bis (négociation annuelle obligatoire dans l'entreprise sur l'emploi et la formation professionnelle des salariés âgés de plus de 50 ans), la commission a adopté un amendement qui vise à porter de un à trois ans la périodicité de la négociation obligatoire dans l'entreprise sur le thème de l'emploi des salariés âgés et de leur accès à la formation professionnelle.
Après l'article 8 bis, la commission a adopté un amendement visant à introduire un article additionnel qui reprend les dispositions de l'article 16 ter pour les replacer, par souci de cohérence et de lisibilité, dans la partie du projet de loi qui traite de l'âge au travail et de la pénibilité.
A l'article 8 quater (rapport sur les mesures de maintien en activité des salariés âgés), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article, le rapport demandé par cet article ne lui ayant pas semblé comporter de réelle valeur ajoutée.
A l'article 10 (limite d'âge pour la mise à la retraite d'office des salariés), la commission a adopté un amendement qui aménage la mise à la retraite pour les salariés en préretraite.
A l'article 11 (assujettissement des allocations de préretraite d'entreprise à une contribution spécifique affectée au Fonds de réserve pour les retraites), la commission a adopté quatre amendements, un amendement visant à affecter le produit de la nouvelle contribution sur certaines préretraites d'entreprises au FSV, deux amendements de précision ou de coordination et un amendement visant à pérenniser la réduction introduite par l'Assemblée nationale de la contribution sur les préretraites d'entreprises.
A l'article 12 (suppression de la préretraite progressive et limitation du champ du dispositif de la cessation anticipée d'activité), la commission a adopté un amendement visant à préciser les conditions d'entrée en vigueur de la réforme des CATS et un amendement de sécurité juridique visant à préciser la portée de cette réforme sur les allocations versées ultérieurement à la date de son entrée en vigueur.
A l'article 12 bis (rapport sur la définition et la prise en compte de la pénibilité), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article, qui lui a semblé largement satisfait tant par le droit existant que par l'amendement adopté après l'article 8 bis.
A l'article 13 bis (discrimination dans les offres d'emploi), la commission a adopté un amendement de suppression de l'article, qui lui a semblé être satisfait par le droit existant.
A l'article 14 (compétence du conseil d'administration de la caisse nationale vieillesse des travailleurs salariés), la commission a adopté un amendement de précision.
A l'article 16 (départ à la retraite avant l'âge de 60 ans), la commission a adopté un amendement qui vise grâce à l'instauration d'une surcote à permettre aux salariés justifiant d'une carrière longue de poursuivre leur activité au-delà de 60 ans.
Après l'article 16, la commission a adopté un amendement visant à introduire un article additionnel qui ouvre droit à la retraite anticipée pour les personnes lourdement handicapées qui ont néanmoins travaillé un certain nombre d'années.
A l'article 16 ter (négociation de branche triennale obligatoire sur les conditions de travail et d'emploi des salariés âgés et sur la pénibibilité), la commission a adopté un amendement de suppression de cet article, ses dispositions étant reprises dans l'article additionnel après l'article 8 bis.
A l'article 17 (majorations de pensions pour les périodes cotisées après 60 ans au-delà de la durée nécessaire pour bénéficier de la retraite à taux plein), la commission a adopté un amendement qui vise à ouvrir le bénéfice de la surcote aux salariés de plus de 65 ans ne justifiant pas de 160 trimestres tous régimes confondus.
A l'article 19 (indexation sur les prix des pensions et des salaires portés au compte), la commission a adopté un amendement prévoyant qu'un éventuel « coup de pouce » à la revalorisation des pensions relève de la compétence du Parlement dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.
A l'article 20 (rachat de cotisations), la commission a adopté un amendement qui étend les conditions de rachats aux années d'études passées dans un pays de l'Union européenne.
A l'article 22 (amélioration de la pension de réversion et suppression de l'assurance veuvage), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'article 23 (cotisations assises sur les périodes d'emploi à temps partiel), la commission a adopté un amendement ouvrant droit, pour les assurés à temps partiel ayant cotisé sur un équivalent taux plein, de bénéficier de la garantie d'un montant minimal de pension prévu à l'article 4.
Après l'article 23 bis, la commission a adopté un amendement visant à introduire un article additionnel dont l'objet est d'élargir les dispositions du congé d'accompagnement des personnes en fin de vie.
A l'article 24 bis (retraites des fonctionnaires exerçant un mandat parlementaire), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'article 27 (services effectifs et validation des périodes d'interruption ou de réduction d'activité), la commission a adopté un amendement supprimant un ajout introduit par l'Assemblée nationale qui lui est apparu superfétatoire.
A l'article 28 (rachat des années d'études), la commission a adopté un amendement de coordination avec son amendement à l'article 20 qui permet le rachat des années d'études dans les pays de l'Union européenne.
A l'article 30 (possibilité de surcotisation pour les fonctionnaires à temps partiel), la commission a adopté un amendement qui vise à compenser les efforts consentis par les fonctionnaires souffrant d'un handicap se traduisant par une incapacité égale à 80 % pour effectuer leur service.
A l'article 31 (bonifications), la commission a adopté un amendement de précision et un amendement de correction d'une erreur matérielle.
A l'article 32 (détermination du montant de la pension), la commission a adopté un amendement réparant une omission relative à l'application de la règle des six derniers mois aux personnels à temps partiel.
A l'article 34 (conditions de liquidation immédiate des pensions civiles et militaires), la commission a adopté un amendement de mise en cohérence avec la jurisprudence communautaire.
A l'article 40 (pensions militaires de réversion - mise en conformité avec le droit communautaire), la commission a adopté un amendement qui vise à la correction d'une erreur matérielle et rétablit le régime des pensions des veuves de maréchaux et amiraux de France.
A l'article 42 (pensions de réversion en cas de décès d'un fonctionnaire par suite de circonstances particulières), la commission a adopté un amendement qui vise à revenir au texte initial du projet de loi pour les II et III de cet article.
A l'article 42 bis (saisissabilité des pensions des fonctionnaires), la commission a adopté un amendement qui prévoit l'alignement du régime de saisissabilité des pensions sur celui du régime général.
Avant l'article 42 ter, la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels, le premier qui instaure une tutelle conjointe des trois ministères (affaires sociales, fonction publique et budget) pour la gestion des pensions des fonctionnaires, le second prévoyant la création d'un établissement public chargé de la gestion des pensions des fonctionnaires de l'Etat.
A l'article 42 ter (financement des pensions des fonctionnaires), la commission a adopté un amendement de précision tendant à distinguer les différentes sources de financement des pensions civiles et militaires.
A l'article 44 (abrogation de dispositions du code des pensions civiles et militaires), la commission a adopté deux amendements visant à actualiser les dispositions relatives aux cas de suspension de pensions des fonctionnaires.
A l'article 45 (dispositions transitoires), la commission a adopté un amendement visant à prévoir une entrée en vigueur immédiate pour l'article 42 bis.
A l'article 49 (cessation progressive d'activité), la commission a adopté un amendement visant à corriger une erreur matérielle.
A l'article 56 (règles de fonctionnement des régimes complémentaires obligatoires des professions artisanales, industrielles et commerciales), la commission a adopté un amendement visant à corriger une omission quant au recouvrement des cotisations des régimes d'invalidité-décès.
A l'article 58 (modalités d'entrée en vigueur du nouveau régime complémentaire obligatoire des professions industrielles et commerciales), la commission a adopté un amendement qui vise à permettre le recouvrement des cotisations acquittées au titre du régime des conjoints au-delà du 31 décembre 2003, afin d'éviter des pertes de droits au titre du régime des conjoints fermé le 31 décembre 2003.
A l'article 65 (pensions de retraite servies par le régime de base des professions libérales), la commission a adopté un amendement de cohérence avec l'article 16 et un amendement d'harmonisation relatif aux assurés justifiant d'une carrière longue.
A l'article 68 (possibilité d'extension des régimes complémentaires des professions libérales aux gérants minoritaires et aux dirigeants de sociétés anonymes), la commission a adopté un amendement qui vise à renvoyer la fixation de l'assiette des cotisations aux régimes complémentaires des professions libérales, aux statuts de ces régimes.
A l'article 78 (droit à bénéficier de produits d'épargne retraite), la commission a adopté un amendement visant à préciser que l'épargne retraite n'a vocation qu'à intervenir en complément des régimes par répartition et un amendement de précision.
A l'article 79 (création du plan d'épargne individuelle pour la retraite), la commission a adopté un amendement visant à prévoir que les membres indépendants du comité de surveillance soient élus directement par les adhérents du plan et un amendement qui vise à garantir une information individuelle aux adhérents au PEIR.
A l'article 80 (création du plan partenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite), la commission a adopté onze amendements : un amendement de précision, trois amendements de coordination, un amendement qui vise à améliorer l'information des salariés sur l'allocation des actifs des fonds et sur les principes de gestion, un amendement qui vise à préciser les conditions d'alimentation des PPESVR, un amendement qui vise à maintenir une décote majorée pour les actions de l'entreprise en cas de blocage des titres pendant au moins dix ans sur un plan d'épargne entreprise (PEE), un amendement qui vise à permettre la transformation des PPESV existants en PPESVR par simple avenant, un amendement qui vise à supprimer la taxe de 8,2 % sur la part de l'abondement de l'entreprise dépassant 2.300 euros, un amendement qui vise à porter de 25 à 50 % le taux de la provision pour investissement, applicable à l'abondement de l'employeur au PPESVR et un amendement qui étend à la branche l'obligation de négociation dans l'entreprise sur la mise en place d'un dispositif d'épargne salariale.
A l'article 82 (assujettissement à la CSG et à la CRDS de l'abondement versé par l'entreprise dans le cadre de plans d'épargne salariale au bénéfice de certains mandataires sociaux), la commission a adopté un amendement de coordination.
Puis, la commission, à la majorité, a adopté le projet de loi ainsi amendé.