Table des matières




Mardi 29 avril 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Codification - Habilitation du Gouvernement à simplifier le droit - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Gérard Dériot sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

M. Nicolas About, président
, a indiqué que le projet de loi ne ferait l'objet d'un vote sur l'ensemble à l'Assemblée nationale que l'après-midi de ce mardi et que, bien entendu, son examen par la commission se faisait sous réserve de son adoption et de sa transmission.

Il a rappelé que la commission s'était saisie pour avis des articles 10, 11, 15, 16, 19 et 20 du projet de loi pour lesquels la commission des lois, saisie au fond, lui accordait une large délégation.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a rappelé que le dépôt du projet de loi avait été annoncé dès juillet dernier par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, celui-ci ayant alors indiqué son intention de légiférer par ordonnance pour simplifier la législation. Il a estimé que cet impératif de simplification apparaissait tout particulièrement souhaitable pour notre droit social, caractérisé par une complexité croissante due pour partie à sa vocation même qui est de régir des rapports sociaux qui ne peuvent être que multiples et complexes.

Il a observé cependant que la complexité du droit social avait pour causes principales l'inflation du nombre de mesures nées d'un empilement de textes successifs dont l'articulation est parfois incertaine, l'instabilité des règles et la « technicisation » croissante de cette branche du droit. Il a ainsi souligné que le droit social apparaissait en définitive peu lisible pour les usagers, au risque de restreindre leur accès effectif aux droits, difficilement applicable pour les acteurs sociaux et source d'insécurité juridique tant pour les entreprises que pour les salariés.

Il a alors estimé que le projet de loi d'habilitation était particulièrement bien venu tout en insistant sur l'importance qu'il y avait à ne pas se méprendre sur sa portée dans le domaine social. Il a ainsi précisé qu'il ne s'agissait pas d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de fond modifiant l'architecture de notre système social comme cela avait pu être par exemple le cas avec les lois d'habilitation de 1982 et de 1986, mais que la démarche était plus pragmatique, visant pour l'essentiel à une simplification du droit social, principalement grâce à l'assouplissement de certaines procédures lourdes ou désuètes et grâce à une facilité accrue de gestion des différents dispositifs par les acteurs sociaux, et se limitant donc à de simples ajustements techniques.

Il a toutefois considéré qu'une telle démarche n'en était pas moins ambitieuse dans la mesure où elle visait à prolonger, à amplifier et à systématiser l'effort de simplification entrepris depuis plusieurs années en matière sociale, de façon souvent efficace mais parfois désordonnée.

Il a néanmoins jugé que l'effort louable de simplification engagé par le projet de loi ne devait pas exonérer d'une adaptation profonde de notre droit social et notamment de notre droit du travail, observant à cet égard que M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, venait d'annoncer la constitution d'une commission ad hoc en ce sens.

Abordant plus en détail le contenu des six articles constituant le volet social de ce texte, il a indiqué que les articles 10 et 19 visaient à simplifier les formalités sociales afférentes à l'emploi.

Il a précisé que les propositions formulées à l'article 10 s'adressaient essentiellement aux utilisateurs du chèque-emploi service qui pourraient à l'avenir adresser leur déclaration via internet et tendaient à unifier la compétence du recouvrement contentieux de ce chèque.

Observant que le champ de l'article 19 était particulièrement vaste, il a indiqué qu'il visait d'abord à harmoniser et à réduire le nombre des dispositifs d'allégement de cotisations sociales, rappelant, à cet égard, que la commission avait, dès mai 2000, alerté le précédent gouvernement sur l'extraordinaire complexité de ces dispositifs.

Il a souligné que cet article visait également à créer un « titre emploi simplifié entreprise » réservé à l'embauche occasionnelle et de courte durée, ce dispositif reprenant et précisant la proposition de « chèque-emploi entreprise » faite récemment par l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi sur l'initiative économique, et à créer un dispositif simplifié pour les bulletins de paie. Il a observé, à cet égard, qu'on pouvait légitimement s'interroger sur la forme que pourrait prendre une telle simplification dès lors qu'il n'était pas prévu de réduire le nombre des assiettes de calcul, des taux ou des organismes destinataires.

Après avoir également indiqué que l'article 19 comportait plusieurs autres dispositions visant à réduire le nombre de déclarations fiscales et sociales, à améliorer l'aide fournie aux petites entreprises et aux associations, à simplifier le mode de calcul des cotisations des travailleurs indépendants et à optimiser l'intervention des fonds d'action sociale en leur faveur, mais aussi à réformer le guichet unique pour le spectacle occasionnel, M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a souligné que cet article introduisait surtout le principe de création d'un guichet social unique sous la forme d'un « interlocuteur unique ».

Rappelant que l'amendement introduit à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi sur l'initiative économique, prévoyant un guichet unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales des commerçants et artisans, avait suscité de nombreuses critiques et avait conduit le Premier ministre à demander un rapport sur ce sujet à différentes inspections générales, il a indiqué que les premières conclusions de ce rapport mettaient en garde le législateur contre les fausses simplifications et contre les dangers pouvant résulter d'une unification brutale du recouvrement de telles cotisations, tout en proposant plusieurs scénarios de simplification.

Il a jugé qu'il appartenait au Gouvernement de négocier avec l'ensemble des organismes concernés une formule permettant de faire de cette simplification un progrès à la fois pour les caisses et pour les usagers et qu'il était dès lors souhaitable de modifier la rédaction de ces dispositions pour laisser au Gouvernement les marges de manoeuvre suffisantes.

Abordant l'article 11, M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il visait à simplifier les procédures et la gestion de plusieurs prestations sociales afin de favoriser l'accès des usagers à ces prestations mais aussi de faciliter la gestion des organismes servant ces prestations. Il a alors annoncé qu'il proposerait à la commission d'adopter deux amendements relatifs aux prestations d'accident du travail pour aller plus loin encore dans l'amélioration du service rendu aux usagers.

Indiquant que l'article 15 visait à simplifier les procédures de consultation et d'autorisation préalables à la création d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux, il a précisé que le Gouvernement souhaitait par cette habilitation prolonger la modernisation de ce secteur engagée par la loi du 2 janvier 2002, en réduisant le nombre des instances chargées de donner un avis ou de suivre les projets de création d'établissements et en rationalisant la procédure de classement des demandes de création en cas d'insuffisances des dotations pour financer l'ensemble des projets.

A cette occasion, il a souhaité que l'habilitation puisse permettre aussi une simplification des procédures d'agrément des associations gestionnaires de services d'aide à domicile, observant que le Gouvernement pourrait utilement s'inspirer sur ce sujet de la récente proposition de loi déposée par M. Georges Mouly.

Précisant que l'article 16 visait principalement à permettre la mise en oeuvre du plan « hôpital 2007 » en apportant les aménagements indispensables à la poursuite des objectifs fixés par M. François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et en prenant en compte les dysfonctionnement pointés par la Cour des comptes, il a précisé que cet article s'articulait principalement autour de trois types de mesures.

S'agissant des transferts de compétences au profit des directeurs d'agences régionales d'hospitalisation (ARH), M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a indiqué que l'objectif recherché était d'aboutir à une meilleure efficacité et à un meilleur contrôle des établissements par le renforcement des pouvoirs du directeur de l'ARH.

Il a toutefois estimé, notamment au regard des débats intervenus à l'Assemblée nationale sur ce sujet, que ces transferts nécessitaient un véritable débat parlementaire qui pourrait avoir lieu dès fin juin à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la santé publique et qu'il proposerait donc à la commission d'adopter un amendement de suppression de cette habilitation dans le cadre du présent projet de loi.

S'agissant des mesures relatives à la planification sanitaire, il a observé que les ordonnances prises en application de cet article 16 auraient pour objectif de clarifier la planification notamment par la suppression de la carte sanitaire dont les éléments seront intégrés dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROS) et par l'intégration de la santé mentale dans le dispositif général, mais aussi par l'unification et l'harmonisation des régimes d'autorisation et par la simplification des formes de coopération entre établissements de santé.

S'agissant des investissements hospitaliers, M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a indiqué que cet article visait à ouvrir la possibilité, pour accélérer leur réalisation, de recourir à des entreprises privées ou à des sociétés d'économie mixte locale (SEML).

Sur ce point, il a précisé que les établissements publics pourront bénéficier des dispositions prévues par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure permettant la mise en oeuvre de contrats entre personnes publiques et privées pour la conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement d'équipements publics.

Il a également précisé que cet article visait à permettre le recours à une SEML pour la construction, la réhabilitation et la gestion des équipements et de certains services dans le secteur sanitaire. A cet égard, il a constaté qu'une telle mesure nécessiterait d'élargir le champ d'intervention des SEML. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur l'opportunité d'autoriser les établissements publics de santé à participer au capital des SEML, observant notamment qu'une telle mesure pouvait faire courir des risques financiers importants aux établissements publics de santé. Il a, en conséquence, estimé souhaitable de supprimer cette disposition du champ de l'habilitation.

En conclusion de sa présentation de l'article 16, il a indiqué que les autres dispositions de l'article ne soulevaient pas de difficulté particulière.

Abordant l'article 20 relatif au droit du travail, il a indiqué que les mesures de simplification envisagées restaient cantonnées à de simples ajustements rendus nécessaires par certaines incohérences qui se sont progressivement glissées dans la législation sociale au fur et à mesure des différentes étapes de son élaboration. Il a notamment souligné les incohérences liées à la multiplicité des seuils d'effectifs, celles relatives à la durée de la protection des représentants du personnel contre le licenciement et celles relatives aux délais applicables aux procédures individuelles de licenciement.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a observé que le Gouvernement s'était engagé à mener une concertation avec les partenaires sociaux avant la publication des ordonnances, une telle démarche expliquant pourquoi l'essentiel des futures mesures n'était pas encore arrêté.

Il a toutefois apporté trois précisions sur le contenu prévisible des futures ordonnances. Il a indiqué que l'objectif du Gouvernement était d'harmoniser les seuils existants autour de dix salariés et de généraliser la règle du prorata temporis pour le calcul des effectifs. S'agissant des congés spéciaux, il a précisé que l'harmonisation annoncée devrait se limiter aux seules questions relatives aux procédures de demande, aux délais de prévenance de l'employeur et aux conditions de retour à l'emploi. S'agissant enfin de l'évaluation des risques professionnels, il a indiqué que l'objectif était de mieux prendre en compte la taille des entreprises pour l'élaboration du document unique d'évaluation des risques en adaptant le régime applicable aux petites entreprises sans pour autant les exonérer de l'obligation d'élaborer un tel document.

Considérant que les mesures envisagées ne constituaient donc pas des modifications de fond du droit du travail, il a toutefois souligné qu'un seul point dans le champ de l'habilitation s'écartait de ce cadre : celui du mode de calcul de la subvention des activités sociales et culturelles des comités d'entreprise. Observant que toute modification de la législation actuelle en la matière conduirait en pratique à un changement de fond du régime de la subvention, il a jugé souhaitable de supprimer cette disposition du champ d'habilitation.

Il a, en outre, indiqué qu'il proposerait à la commission d'adopter plusieurs amendements à cet article 20 tendant à préciser le champ d'habilitation afin de lever toute ambiguïté, mais qu'il proposerait également d'en élargir la portée à deux nouveaux sujets très techniques qui constituent autant de facteurs de complexité pour les salariés et les entreprises : le premier concerne les conditions dans lesquelles le chef d'entreprise peut se faire assister lors des réunions des comités d'entreprise, le second vise à adapter le régime juridique applicable au travail en temps partagé.

M. Louis Souvet a observé qu'il était parfois particulièrement difficile de simplifier, comme il avait pu en faire l'expérience lors des différents textes relatifs au droit du travail qu'il avait rapportés au nom de la commission. Il a souligné que les relations avec les ARH n'étaient pas toujours aussi difficiles qu'avait pu le laisser entendre le rapporteur pour avis et qu'il ne lui semblait pas illogique de poursuivre dans la voie du transfert de compétences à leur profit. Il s'est également interrogé sur la proposition du rapporteur pour avis permettant à un chef d'entreprise de se faire remplacer par un salarié intérimaire, et sur l'opportunité de modifier la législation afin de favoriser le travail en temps partagé, observant que seul un faible nombre de salariés étaient pluriactifs.

M. Roland Muzeau a déclaré ne pas partager les propos du rapporteur selon lesquels les dispositions de l'article 20 ne constitueraient que des ajustements de forme. A cet égard, il s'est notamment inquiété des dispositions relatives à l'harmonisation des seuils d'effectifs et du mode de calcul des effectifs, à l'harmonisation des durées de protection des représentants du personnel contre le licenciement et à l'adaptation des obligations d'élaboration du document unique d'évaluation des risques. Sur tous ces points, et en l'absence de précision, il a exprimé la crainte que la simplification annoncée ne se traduise en réalité par une révision à la baisse des garanties apportées par le code du travail aux salariés.

M. Guy Fischer a insisté sur l'importance de l'article 16. Il a souligné que derrière la réforme de la planification sanitaire se dissimulaient des décisions lourdes de conséquences pour l'accès aux soins, notamment dans les quartiers défavorisés. Il a indiqué que, si la réforme présentée par le Gouvernement avait un aspect essentiellement technique, son application allait permettre, au nom de la rationalisation, la fermeture de nombreuses unités de soins, situation à laquelle il a déjà été confronté dans son département. Il s'est enfin inquiété des conséquences d'un nouveau partenariat public/privé en matière d'investissements sanitaires, estimant qu'une telle évolution conduirait à favoriser certains grands groupes du bâtiment.

M. André Lardeux a déclaré partager les observations du rapporteur concernant les ARH. Considérant qu'elles pratiquaient bien souvent la « politique du fait accompli », il s'est interrogé sur le rôle des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS) et des directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) en cas de nouveaux transferts de compétences aux ARH. Il a également déclaré partager les interrogations de M. Guy Fischer sur les conséquences de la rationalisation technique, estimant qu'il importait aussi de prendre en compte les répercussions sociales et territoriales d'une telle rationalisation. S'agissant des SEML, il a déclaré partager la position du rapporteur et souhaité ne pas autoriser les établissements publics de santé à entrer dans le capital d'une SEML alors même qu'ils n'auraient pas la garantie de participer au conseil d'administration. Il a, en outre, estimé qu'une telle mesure conduirait à un transfert de charges vers les collectivités locales pour les investissements sanitaires.

M. Jean-Pierre Godefroy a considéré que les dispositions de l'article 20 ne se limitaient pas à un simple ajustement du droit du travail mais pourraient aller bien au-delà. Il a également déclaré partager les observations du rapporteur sur les ARH. Il a, en outre, souhaité que le Parlement ne se dessaisisse pas de sa compétence sur la question de l'interlocuteur unique, rappelant qu'il s'agissait là initialement d'une initiative parlementaire et que les deux assemblées avaient déjà eu l'occasion de se pencher en détail sur cette question. Il a, enfin, observé que les régions qui participeraient au financement des établissements publics de santé pourraient entrer dans les ARH et que l'amendement annoncé par le rapporteur à l'article 16 conduirait alors à fragiliser la régionalisation de la politique de santé souhaitée par le Gouvernement.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est interrogée sur les conséquences des ordonnances qui pourraient être publiées en application de l'article 19 sur le dispositif du chèque-emploi associatif actuellement en cours d'examen par le Parlement.

M. Alain Vasselle, revenant sur l'article 16, s'est interrogé sur la possibilité pour les hôpitaux de faire appel au concours d'organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) aménageurs en matière d'investissements hospitaliers.

M. Nicolas About, président, a rappelé que, lors de l'examen du projet de loi sur l'initiative économique, le Sénat, sur proposition de sa commission spéciale, avait souhaité renvoyer la question du guichet unique aux ordonnances afin de permettre au Gouvernement d'organiser la concertation nécessaire avec les organismes sociaux avant toute décision.

En réponse aux différents intervenants, M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis, a indiqué que le nombre de salariés pluriactifs dépassait 50.000 et que leur situation était encore mal prise en compte par le code du travail. Il a jugé alors souhaitable de lever les contraintes actuelles sans pour autant que la solution la plus pertinente soit nécessairement la mise en place d'un statut spécifique au multisalariat comme l'avait suggéré la proposition de loi adoptée par le Sénat en 1999, à l'initiative de M. André Jourdain.

S'agissant de la question des seuils d'effectifs, il a indiqué que l'intention du Gouvernement était d'harmoniser les seuils compris autour de dix salariés pour généraliser soit un seuil applicable aux entreprises ayant au moins dix salariés, soit un seuil applicable à celles ayant au moins onze salariés. Il a toutefois indiqué qu'aucune décision n'était prise et que cette question ferait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux.

S'agissant du calcul des effectifs, il a déclaré que la simplification visait à généraliser le mode de calcul prévalant pour le comité d'entreprise, ce mode de calcul apparaissant le plus fidèle à la réalité sociale d'une entreprise.

S'agissant de l'harmonisation des différentes durées de protection des représentants du personnel contre le licenciement, il a jugé qu'une harmonisation à trois mois paraissait difficilement imaginable, estimant qu'il n'était pas fréquent de réaliser une harmonisation sur la base d'une exception.

S'agissant de l'évaluation des risques, il a précisé que le projet de loi visait simplement à permettre d'adapter les conditions d'élaboration du document unique en fonction de la taille de l'entreprise mais aussi de la nature de l'activité et donc du degré d'exposition au risque. Il a alors considéré qu'une telle évolution permettrait de mieux corréler les obligations des employeurs à la nature des risques auxquels ils sont exposés, tout en rappelant qu'il n'était pas envisagé de supprimer purement et simplement l'obligation d'élaboration d'un tel document pour les petites entreprises mais simplement de les assouplir.

S'agissant des SEML, il a estimé que la possibilité, pour un établissement public de santé, d'entrer dans le capital d'une SEML constituait un risque financier important. Il a, par ailleurs, observé que si l'établissement n'avait pas les ressources suffisantes pour engager des travaux, il n'en aurait pas non plus pour entrer dans le capital de la SEML et qu'il n'était en outre pas garanti que l'établissement puisse siéger au conseil d'administration de la société sauf à prendre le risque d'un engagement financier très important. Il a, par ailleurs, souligné que la longueur des délais de réalisation de l'investissement hospitalier tenait pour une large part aux conséquences des décisions des ARH. En réponse à M. Alain Vasselle, il a observé qu'il était déjà possible pour les maisons de retraite de faire appel à des organismes HLM et qu'il était nécessaire d'explorer les voies d'une telle participation pour un hôpital.

S'agissant de l'interlocuteur unique, il a rappelé que la mise en oeuvre du principe de libre choix nécessitait la négociation avec chacune des caisses d'un cahier des charges strict permettant de garantir à la fois la neutralité et l'efficacité du service public chargé du recouvrement. Il a précisé que cette négociation ne ressortissait pas au domaine législatif.

S'agissant enfin du chèque-emploi associatif, il a indiqué que le présent projet de loi n'interférait en rien avec l'examen de la proposition de loi que venait d'adopter le Sénat.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

A l'article 11 (allégement des procédures et des formalités imposées aux usagers bénéficiaires de prestations sociales), la commission a adopté deux amendements visant à étendre le champ de l'habilitation en matière de prestations d'accidents du travail, le premier pour autoriser l'élargissement du dispositif SESAM-Vitale à la branche accidents du travail, le second pour clarifier et simplifier les conditions d'indemnisation en cas d'accidents du travail successifs.

A l'article 16 (simplification de l'organisation administrative et du fonctionnement du système de santé), elle a adopté deux amendements tendant à supprimer, d'une part, le nouveau transfert des compétences au directeur de l'ARH et, d'autre part, la possibilité pour un établissement public de santé de participer au capital d'une SEML.

A l'article 19 (simplification des déclarations sociales), elle a adopté un amendement visant à faciliter la négociation à venir sur la mise en oeuvre d'un interlocuteur unique.

A l'article 20 (simplification du droit du travail et de la formation professionnelle), elle a, outre cinq amendements de précision, adopté deux amendements visant à élargir le champ de l'habilitation à deux nouveaux domaines : l'harmonisation des conditions dans lesquelles le chef d'entreprise peut se faire assister lors des réunions des comités d'entreprise et l'adaptation du régime juridique applicable au travail en temps partagé. Elle a également adopté un amendement visant à supprimer l'habilitation du Gouvernement à simplifier le mode de calcul de la subvention des activités culturelles et sociales des comités d'entreprise. Elle a, enfin, adopté deux amendements tendant à élargir la possibilité pour un chef d'entreprise ou son conjoint non salarié de se faire remplacer par un salarié en contrat à durée indéterminée sur deux points : d'une part, en étendant cette possibilité à un collaborateur ou un associé non salarié, d'autre part, en permettant également un tel remplacement par un salarié intérimaire.

La commission a enfin émis un avis favorable à l'adoption du volet social du projet de loi ainsi amendé.

Auditions - Réforme des retraites

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé aux auditions des partenaires sociaux sur les propositions du Gouvernement sur la réforme des retraites.

M. Nicolas About, président, a rappelé que la commission avait souhaité connaître les réactions des partenaires sociaux sur les propositions du Gouvernement qui leur ont été adressées le 18 avril 2003 à l'issue de trois mois de concertation. Il a précisé que ces auditions feraient l'objet d'un compte rendu intégral adressé aux membres de la commission et publié dans son rapport. Il a indiqué que ces auditions, qui se situaient en amont du « temps de la décision », selon l'expression de M. le Premier ministre, seraient naturellement complétées par le recueil des positions des organisations patronales et syndicales sur le projet de loi tel que transmis, courant juin, par l'Assemblée nationale.

Audition de M. Robert Buguet, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

La commission a procédé à l'audition de M. Robert Buguet, président, M. Pierre Burban, secrétaire général, et M. Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Robert Buguet
a tout d'abord rappelé son attachement au système par répartition et fait part de l'accord de son organisation sur l'équilibre général des propositions gouvernementales. Il a indiqué que le seul point de divergence sensible portait sur l'assiette des cotisations sociales à la charge des entreprises qui devrait être, pour l'UPA, établie sur une base plus large. Il a précisé, à cet égard, que les cotisations sociales reposaient sur le facteur travail alors même que ce dernier ne représente plus que 60 % du produit intérieur brut (PIB) contre 98 % en 1945.

Il a rappelé que le régime des artisans avait tiré les leçons des difficultés des années 1950 et 1960 en reconnaissant désormais les avantages de la répartition. Il s'est prononcé en faveur d'un plus grand rapprochement des régimes de retraite publics et privés en raison de la divergence prévisible, à l'avenir, des taux effectifs de remplacement. Estimant ces derniers à un niveau d'environ 60 % aujourd'hui, il s'est inquiété, au cas où aucune réforme n'interviendrait, de la perspective d'une diminution dans le secteur privé jusqu'à 40 % tandis que celui du secteur public demeurerait inchangé.

Il a également déploré le trop faible taux d'activité des personnes de plus de 50 ans dans notre pays. Il a insisté sur le recours trop fréquent aux plans sociaux et aux préretraites dans les grandes entreprises en soulignant que le secteur de l'artisanat n'y avait pas recours pour sa part.

Insistant sur la nécessité d'un suivi de la réforme, il a souhaité qu'en cas de croissance importante, les retraités puissent également bénéficier d'une part de l'accroissement de la richesse nationale.

M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur les moyens d'encourager l'activité des « seniors».

M. Serge Franchis a insisté sur la situation des salariés dont le parcours professionnel est caractérisé par une entrée tardive ou difficile sur le marché du travail, ou par de fréquentes périodes de chômage.

M. Claude Domeizel a souligné l'impact très défavorable des mesures prises par le Gouvernement en 1993 et s'est interrogé sur les conditions préalables à l'exigence d'un allongement de la période d'activité.

M. Jean Chérioux a souligné le caractère nécessairement évolutif de la réforme envisagée.

M. Alain Vasselle a souligné l'importance des besoins de financement de la protection sociale et notamment de l'assurance maladie. Il s'est interrogé, au regard des observations de la Cour des comptes, sur l'impact d'une mesure portant de six mois à trois ans la prise en compte du traitement des fonctionnaires pour le calcul de leur retraite.

M. Louis Souvet a estimé que l'évolution récente des marchés financiers montrait qu'il convient de relativiser les perspectives de taxation des revenus du capital.

Mme Annick Bocandé a insisté sur la nécessité d'aborder la question des conjoints des collaborateurs.

M. Guy Fischer a souligné que la prise en compte des six derniers mois de salaire comme valeur de référence pour le calcul des retraites de la fonction publique devait être appréciée au regard du déroulement de la carrière des fonctionnaires qui évoluait peu au cours des dernières années d'activité.

Audition de M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, et M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales, de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

M. Jean-François Veysset
a tout d'abord exprimé sa satisfaction de voir désormais le Gouvernement se saisir du problème de l'avenir des retraites et rappelé l'implication de son organisation dans les travaux du Comité d'orientation des retraites (COR).

Face au besoin de financement des régimes de retraite à l'horizon 2020, il a souligné l'impossibilité d'accroître les cotisations sociales ou de recourir à la contribution sociale généralisée (CSG) en raison, d'une part de leurs niveaux déjà élevés et, d'autre part, de l'harmonisation des niveaux du salaire minimum de croissance (SMIC) qui se traduira, au cours des trois prochaines années, par une hausse sensible du coût du travail pouvant aller dans certains cas jusqu'à 15 %.

S'agissant des propositions du Gouvernement, il a considéré que le montant des économies, limité à 6 milliards d'euros, lui apparaissait insuffisant au regard des besoins de financements. Il a également exprimé son scepticisme sur le scénario qui, en tablant sur un taux de chômage de 4,5 %, devrait permettre un transfert de 10 milliards d'euros de cotisations du régime de l'assurance chômage vers les régimes de retraite. Il a enfin mis en garde, en raison de son impact financier, contre l'éventualité de permettre aux personnes ayant commencé à travailler très jeune et ayant cotisé plus de 40 ans de partir en retraite avant l'âge de 60 ans. Il a noté, à cet égard, que 1,3 million de personnes remplissaient ces conditions et que le coût d'une telle mesure serait compris, en fonction des hypothèses retenues, entre 2 et 13 milliards d'euros.

En réponse à M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale sur l'assurance vieillesse, portant sur les perspectives d'excédents futurs sur l'assurance chômage, M. Jean-François Veysset a précisé que la charge du remboursement de l'emprunt que contracte l'UNEDIC cette année devrait encore peser sur ses comptes jusqu'en 2009, ce qui retarderait d'autant l'amélioration escomptée.

M. Claude Domeizel a considéré que la position de la CGPME apparaissait proche des propositions gouvernementales, s'agissant notamment du refus d'envisager tout apport de financement nouveau en faveur des régimes de retraites.

M. Serge Franchis a insisté sur la nécessité d'aménager les conditions dans lesquelles se déroulent les fins de carrière.

M. Alain Vasselle s'est également interrogé sur le maintien en activité des seniors.

M. André Lardeux s'est interrogé sur le caractère réaliste d'un maintien de l'âge de la retraite à 60 ans dans le contexte européen actuel, notamment en Allemagne et en Autriche.

Audition de M. Guy Robert, secrétaire général de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL)

La commission a procédé à l'audition de M. Guy Robert, secrétaire général de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL).

A titre liminaire, M. Guy Robert a indiqué que les professions libérales rassemblaient 600.000 entreprises qui employaient 1,2 million de personnes. Il a également exprimé son accord sur le schéma général dessiné par les propositions de réforme des retraites du Gouvernement.

Il a souligné les spécificités des professions libérales et relevé, à ce titre, le début tardif de l'exercice des professions libérales qui s'établit en moyenne à 36 ans ainsi que l'âge de départ en retraite fixé à 65 ans. Il a aussi salué l'esprit de responsabilité et la bonne gestion des 13 caisses de retraite de ce secteur d'activité qui connaissent aujourd'hui encore un rapport démographique favorable. Sur ce point, il a jugé normal de faire bénéficier la solidarité nationale de cette situation positive tout en considérant que les transferts en résultant ne devaient pas être excessifs.

M. Guy Robert a exposé plusieurs demandes destinées à mieux tenir compte des spécificités de l'exercice des professions libérales, notamment la création d'un contrat de collaborateur libéral, la possibilité pour les jeunes de s'affilier plus tôt, l'autorisation de racheter des points, l'assouplissement du cumul emploi/retraite en fin de carrière et l'éligibilité du régime vieillesse de base des professions libérales à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S).

M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est inquiété de la situation des professions libérales dans le domaine de la santé.

M. Claude Domeizel a observé que les professions libérales étaient caractérisées à la fois par un début tardif de l'activité professionnelle et par l'impossibilité, dans de nombreux cas, comme celui des chirurgiens par exemple, de poursuivre cette activité à un âge avancé. Il s'est interrogé, dans le cadre de la solidarité inter-régimes, sur les taux de cotisation retraite des professions libérales.

Mercredi 30 avril 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Auditions - Réforme des retraites

Au cours d'une première séance tenu dans la matinée, la commission a procédé à la suite des auditions des partenaires sociaux sur les propositions du Gouvernement sur la réforme des retraites.

Audition de M. Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail (CGT), responsable du dossier retraite

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire de la Confédération générale du travail (CGT), responsable du dossier retraite.

En préambule, M. Jean-Christophe Le Duigou a déclaré que la réforme des retraites avait donné lieu à une concertation importante, témoignant certes du souci d'écoute du Gouvernement, mais ne conduisant pas à une véritable négociation.

Il a ensuite exprimé trois critiques quant aux propositions formulées par le Gouvernement depuis le 18 avril. Il a, en premier lieu, déploré l'absence de véritable garantie sur le niveau des pensions, les objectifs de stabilisation annoncés par le ministre du travail, des affaires sociales et de la solidarité, impliquant une diminution, par rapport tant au salaire minimum de croissance (SMIC) qu'au salaire de référence, de 10 % pour le minimum contributif et de 17 % pour la retraite moyenne. Il a, en deuxième lieu, émis de vives réserves sur le système d'acquisition des droits, malgré la proposition de rachat d'annuités manquantes, ce système risquant de générer d'importantes inégalités en défaveur de certains publics (femmes, étudiants, ouvriers). Il s'est enfin déclaré sceptique sur les conditions du bouclage financier de la réforme, fondé sur un scénario de baisse rapide et durable du chômage dont la réalisation n'est pas assurée.

Il a, en outre, déclaré que réformer les retraites était une nécessité ancienne mais que celle-ci ne devait pas entériner un décrochage définitif entre le niveau des retraites et celui des salaires. Il a ensuite précisé que l'alignement public-privé devait permettre de créer un socle commun de garanties mais qu'il ne résoudrait pas les difficultés financières des régimes du privé, problème dont la solution résidait, pour moitié, dans la question de l'emploi. Il a enfin souligné que les inégalités entre assurés en matière d'espérance de vie risquaient de rendre inégalitaire l'application, pour le calcul de l'allongement de la durée de cotisation, d'un ratio global entre temps de travail et temps de retraite.

M. Dominique Leclerc, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est demandé si la situation des régimes de base ne justifiait pas aujourd'hui des mesures comparables à celles prises par les partenaires sociaux en 1996 et ayant fortement affecté le montant des pensions de retraite.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur le rôle qui pourrait être celui du conseil d'orientation des retraites (COR) dans le suivi de la réforme et sur la nature du consensus existant sur le principe d'une réforme englobant les régimes publics et privés.

M. André Lardeux a souligné la pertinence du principe d'un maintien du ratio temps de travail-temps de retraite.

M. Claude Domeizel a fait part de ses réserves quant à l'urgence qu'il y avait à achever l'examen de la réforme des retraites dès avant l'été.

M. Guy Fischer a insisté sur l'évolution du minimum contributif et le maintien des avantages familiaux de retraite.

M. Michel Esneu a déclaré que la nécessité d'un alignement des durées de cotisations entre public et privé était dans l'ensemble comprise par les assurés.

M. Louis Souvet a constaté la nécessité d'un remodelage de l'architecture des régimes de retraite.

Audition de M. Alain Petitjean, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

La commission a procédé à l'audition de M. Alain Petitjean, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

M. Alain Petitjean a tout d'abord exprimé ses réserves sur un certain nombre de propositions du Gouvernement pour la réforme des retraites. Il a déploré que le financement des besoins des régimes repose uniquement sur une augmentation de la durée de cotisation, les ressources émanant d'un redéploiement des cotisations chômage, rendues moins nécessaires par l'amélioration de l'emploi, risquant en outre de se révéler insuffisantes. Il a ensuite vivement regretté que les mesures annoncées ne prévoient pas un maintien du taux de remplacement à son niveau actuel.

Il a ensuite formulé le souhait que le départ précoce de personnes ayant commencé à travailler très jeunes ne soit pas limité à celles entrées dans la vie professionnelle à 14 ou 15 ans. Il a jugé insuffisantes les contreparties offertes aux fonctionnaires en retour de l'harmonisation de leur durée de cotisation avec celle en vigueur dans les régimes privés. Il a ensuite considéré qu'il serait sans doute nécessaire d'aller au-delà de 40 annuités de cotisations et de mettre en place un dispositif institutionnel de suivi pour peu que ce dispositif ne prive pas les pouvoirs publics de toute capacité d'arbitrage dans le futur. D'un point de vue technique, il a estimé que les mécanismes de compensation inter-régimes devaient être revus et celui de la « surcompensation » entre régimes spéciaux supprimé. Il a considéré que ces derniers devraient être concernés à terme par les principes généraux de la réforme, la méthode utilisée pour la réforme des retraites d'Electricité de France - Gaz de France (EDF-GDF) pouvant servir de piste.

M. Dominique Leclerc, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a insisté sur la prise en compte de la pénibilité, sur les possibilités de financements alternatifs des régimes et sur les mécanismes d'indexation des pensions.

M. Jean Chérioux a souligné l'importance du débat sur la nature de l'organisme chargé dans l'avenir de faire des propositions objectives en matière d'évolution des régimes de retraites.

M. André Lardeux s'est enquis de l'impact de la réforme sur les régimes spéciaux.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur les avancées qui pourraient faire évoluer la position de la CFDT sur l'harmonisation entre régimes publics et régimes privés.

Audition de MM. Gérard Aschiéri, secrétaire général, Gilles Moindrot, Daniel Rallet et Jean-François Quantin, secteur revendicatif, de la Fédération syndicale unitaire (FSU)

La commission a procédé à l'audition de MM. Gérard Aschiéri, secrétaire général, Gilles Moindrot, Daniel Rallet etJean-François Quantin, secteur revendicatif, de la Fédération syndicale unitaire (FSU).

Accueillant la délégation de la FSU, M. Nicolas About, président, a précisé que cette organisation syndicale, par ailleurs membre du COR, était auditionnée pour la première fois par la commission.

M. Gérard Aschiéri a tout d'abord souligné que la question des retraites représentait un défi social plus encore que financier. Il a insisté sur le fait que son organisation ne s'opposait pas au principe d'une réforme et que celle-ci était rendue nécessaire par des facteurs démographiques comme l'augmentation de l'espérance de vie ainsi que par l'évolution du rapport à l'emploi dans la société française. Il a, par ailleurs, considéré que l'équité entre les secteurs privé et public était certes souhaitable mais pas dans les termes retenus par les propositions gouvernementales.

Il a jugé que la comparaison de la durée de cotisation de 37,5 années dans la fonction publique avec celle de 40 ans dans le secteur privé n'était pas pertinente dans la mesure où les droits à la retraite n'étaient pas acquis de la même manière. Il a également considéré que l'équité devait être appréciée à l'aune de deux critères, aujourd'hui sensiblement comparables dans les secteurs privé et public : l'âge de départ à la retraite et le taux de remplacement.

Il a déclaré que la réforme des retraites devait être envisagée sur la base de garanties communes pour tous : droit effectif de départ en retraite à 60 ans, taux de remplacement à 75 % et durée de cotisation de 37,5 années. Il a estimé par ailleurs que l'effort nécessaire en faveur des retraites - de l'ordre de 6 % à 7 % de produit intérieur brut (PIB) sur les 40 prochaines années - n'était pas hors de portée et devrait finalement s'avérer comparable à celui qui a déjà été réalisé entre 1960 et aujourd'hui.

M. Dominique Leclerc, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur l'introduction d'une décote dans les régimes de la fonction publique ainsi que sur la part de la richesse nationale qu'il conviendrait d'attribuer au financement des retraites.

M. Alain Vasselle a insisté sur les mesures propres à favoriser l'emploi des « seniors » ainsi que sur les voies et moyens de couvrir les besoins de financement des régimes de retraite.

M. Jean Chérioux a observé de manière générale que la production de richesses était un préalable à leur distribution.

M. Claude Domeizel s'est inquiété du choix de la dramatisation retenue par le Gouvernement.

Audition de M. Guillaume Sarkozy, président du groupe de propositions et d'actions « protection sociale », et M. Jacques Creyssel, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

La commission a procédé à l'audition de M. Guillaume Sarkozy, président du groupe de propositions et d'actions « protection sociale », et M. Jacques Creyssel, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF).

M. Guillaume Sarkozy a déclaré partager les objectifs communs à l'ensemble des partenaires du groupe confédéral, à savoir la sauvegarde du système par répartition et le maintien du niveau des pensions. Il a toutefois déclaré que cette sauvegarde devait se faire en cohérence avec les solutions retenues par les partenaires européens de la France et, qu'à ce titre, il lui semblait que l'augmentation des cotisations, qui affecte tant le pouvoir d'achat que la compétitivité des entreprises, ne constituait pas une solution. Il a déclaré qu'il ne lui semblait pas impossible d'afficher pour objectif d'allonger de deux ou trois années la durée de cotisations sur une période de trente ans.

Il a ensuite fait part de son scepticisme sur le bouclage financier de la réforme proposée par le Gouvernement, tout en considérant que la prise de décisions courageuses et attendues depuis trop longtemps suffisait à susciter son adhésion. Il a précisé que dès lors que des mesures d'équilibrages seraient prises, le MEDEF était prêt à avancer sur des sujets précis, notamment en faveur des personnes ayant commencé à travailler de manière précoce, totalisant une longue période de cotisations ou ayant occupé des postes caractérisés par leur pénibilité.

Il a admis que le départ précoce des salariés expérimentés était une responsabilité partagée entre patronat, syndicats et pouvoirs publics et que leur maintien nécessiterait tant des postes plus adaptés qu'un effort de formation et de requalification. Il a ensuite souligné la difficulté de mobiliser des financements en faveur des retraites, le financement de la protection sociale posant d'autres difficultés, s'agissant notamment de l'évolution de l'assurance maladie. Il a considéré en outre qu'il fallait conserver le lien entre le contrat de travail et la retraite. Aussi a-t-il préconisé de parachever la réforme de l'État afin d'utiliser au mieux les prélèvements obligatoires.

M. Dominique Leclerc s'est enquis sur les engagements qui pouvaient être souscrits pour le maintien en activité des « seniors » et la perspective d'une participation du MEDEF aux travaux futurs du conseil d'orientation des retraites.

M. Claude Domeizel s'est interrogé à cet égard sur les raisons qui avaient conduit le MEDEF à ne pas participer aux travaux du COR.

M. Nicolas About, président, s'est inquiété des conditions dans lesquelles pourrait être opéré un basculement des cotisations chômage sur le financement des retraites.

M. André Lardeux s'est interrogé sur la pertinence d'introduire une part de capitalisation dans le financement des retraites.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la part de responsabilité des entreprises quant au faible taux d'activité des « seniors ».

Audition de M. Jean-Louis Deroussen, secrétaire général adjoint chargé de la protection sociale de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Deroussen, secrétaire général adjoint chargé de la protection sociale de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

M. Jean-Louis Deroussen a tout d'abord déclaré que les propositions faites par le Gouvernement souffraient d'un double handicap, puisqu'elles ne comportaient pas de mesures en faveur de l'emploi des jeunes et étaient souvent présentées comme synonymes d'une baisse du niveau des pensions notamment pour les carrières incomplètes. A ce titre, il a estimé que la proratisation proposée par le Gouvernement affecterait sensiblement le montant des pensions et qu'il lui semblait plus équitable d'abandonner la règle des 25 annuités pour la remplacer par un calcul sur les 100 meilleurs trimestres. Concernant l'augmentation de la durée de cotisations dans les régimes de la fonction publique, M. Jean-Louis Deroussen l'a estimée équitable tant qu'elle n'était pas accompagnée, ainsi que l'annonçait le Gouvernement, de l'instauration d'un mécanisme de décote en cas de départ anticipé. Il a souligné que le rôle des avantages familiaux de retraite devait être à tout prix préservé, de même que le niveau du minimum contributif.

Il a constaté que les réactions que faisait naître l'allongement prévu de la durée de cotisations étaient dues à des perspectives différentes entre les pouvoirs publics chargés de piloter un système de retraite sur le long terme et des salariés hantés par la crainte du chômage en fin de carrière. Il a souligné les risques d'une discrimination entre cotisants selon leur espérance de vie, cette discrimination faisant perdre au système par répartition une part de son caractère solidaire et risquant de pénaliser gravement les femmes dont l'espérance de vie est plus élevée.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour les lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur les différents financements possibles des régimes de retraites et la place de l'épargne-retraite.

M. Jean Chérioux a souligné les difficultés qu'il y avait à prendre en compte les inégalités d'espérance de vie existant entre cotisants.

M. Yves Krattinger a insisté sur le caractère particulièrement délicat du choix tendant à privilégier soit l'emploi des jeunes, soit l'emploi des « seniors ».

Audition de M. Bernard Devy, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail-Force ouvrière accompagné de M. Roland Gaillard(CGT-FO)

La commission a procédé à l'audition de M. Bernard Devy, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO), accompagné de M. Roland Gaillard, secrétaire général de la Fédération Force ouvrière des fonctionnaires.

M. Bernard Devy a tout d'abord exprimé un regret quant à la conduite de la concertation entre Gouvernement et partenaires sociaux, cette concertation n'ayant pas permis une véritable confrontation des points de vue. Il a ensuite fait part de son accord sur le constat formulé par le COR mais il a constaté que les propositions du Gouvernement souffraient de deux limites sérieuses, la question de l'emploi et celle du financement.

S'agissant du besoin de financement des régimes de retraite, M. Bernard Devy a souligné que celui-ci s'élèverait à 10 milliards d'euros en cas de retour au plein emploi à l'horizon 2010, et qu'il serait assuré par le basculement des cotisations chômage sur les cotisations retraites. Il a déclaré que ce retour n'était pour l'instant pas assuré et qu'en l'absence d'amélioration de l'emploi, le besoin de financement se trouverait fortement accru alors même que le redéploiement des cotisations chômage s'avérerait impossible. Il a ainsi considéré qu'en l'absence d'affichage de moyens nouveaux pour les régimes de retraites, à hauteur de deux points de PIB, il ne pouvait considérer les propositions du Gouvernement comme financées. Il a déclaré que, pour sa part, la CGT-FO préconisait un élargissement de l'assiette de cotisation, la taxation de certains profits des entreprises et qu'une augmentation des cotisations elles-mêmes ne devait pas être considérée comme un tabou. Il a ensuite insisté sur la question de l'emploi qui demeurait la véritable clef de la réforme des retraites, rappelant que le niveau d'activité des seniors rendait impossible l'allongement de la durée de cotisations.

Il a déclaré que, pour sa part, la CGT-FO préconisait une réforme à caractère social, comprenant la suppression des dispositions prévues par le gouvernement Balladur ayant entraîné une baisse du niveau des pensions ainsi que des difficultés pour les assurés à effectuer, du fait du marché du travail, leur durée légale de cotisation. Il a enfin préconisé que le fonds de réserve des retraites soit abondé de manière satisfaisante, par exemple avec une contribution sur les produits financiers. Il s'est enfin déclaré favorable à l'amélioration de l'information des assurés sur leurs droits, même s'il lui semblait difficile de procurer des informations fiables à l'assuré avant ses 55 ans.

M. Dominique Leclerc, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est notamment interrogé sur le développement de l'épargne-retraite.

M. Yves Krattinger s'est enquis, à la lumière de l'analyse de la réforme de 1993, quant à l'effet de l'allongement de la durée de cotisations sur l'augmentation de la durée effective d'activité.

M. Jean Chérioux a fait observer que les fondateurs du régime par répartition n'avaient probablement pas anticipé l'allongement de l'espérance de vie auquel est confronté aujourd'hui ce régime.

M. André Lardeux s'est interrogé sur l'ampleur de l'augmentation des prélèvements obligatoires nécessaires pour assurer à elle seule l'équilibre financier des régimes de retraites.

Audition de M. Jacques Mairé, secrétaire général adjoint chargé du dossier des retraites, et M. Jean-Louis Besnard, conseiller national de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA-Fonctionnaires)

La commission a procédé à l'audition de M. Jacques Mairé, secrétaire général adjoint chargé du dossier des retraites et M. Jean-Louis Besnard, conseiller national de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).

En accueillant la délégation de l'UNSA, M. Nicolas About, président, a souligné, comme il l'avait fait pour la FSU, que cette organisation syndicale était auditionnée pour la première fois par la commission.

A titre liminaire, M. Jacques Mairé a précisé que son organisation était présente principalement dans le secteur public, mais également dans le secteur privé. Evoquant les travaux du COR, M. Jacques Mairé a exposé plusieurs éléments de consensus : la nécessité d'une réforme, le maintien du système par répartition ainsi que le besoin de projections à moyen et long termes. M. Jacques Mairé a également noté que le niveau moyen des retraites était actuellement dans l'ensemble correct et qu'il devrait le rester à l'avenir.

Il a rappelé les projections démographiques qui évaluent le nombre de retraités en 2040 à 22 millions contre 12 millions en 2000 alors même que la population active devrait diminuer. Il en a conclu que cette évolution, au demeurant heureuse car liée à la hausse de l'espérance de vie, dépassait le simple problème de financement pour affecter l'ensemble de la société.

Il a estimé que plusieurs défauts caractérisaient les propositions gouvernementales : le refus de discuter de l'augmentation des moyens de financement, l'incertitude sur le montant des retraites et l'allongement de la durée de cotisation. M. Jacques Mairé a affirmé qu'il n'avait pas initialement pensé que ce dernier point devait être une « bataille essentielle », mais que les conditions dans lesquelles cette mesure semblait être envisagée par le Gouvernement pour la fonction publique la rendait aujourd'hui inacceptable. Il a déploré, à ce titre, le manque d'étalement dans le temps de la réforme ainsi que l'introduction d'un système de décote.

M. Nicolas About, président, a constaté que si la réforme des régimes de la fonction publique avait été entreprise plus tôt, elle aurait pu être plus progressive.

M. Dominique Leclerc, rapporteur sur les lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé, d'une part sur les marges de manoeuvre possibles pour faire face aux besoins de financement ainsi que, d'autre part, sur le mode d'indexation souhaitable des retraites.

M. Michel Esneu a fait observer que le contexte actuel de la nouvelle réforme des retraites n'était pas comparable avec celui de la précédente.

M. Jean Chérioux a mis en avant le devoir d'explication et de pédagogie qu'appelait la question des retraites ainsi que l'impératif d'y répondre.

Audition de Mme Solange Morgenstern, secrétaire nationale du pôle protection sociale, et Mme Danielle Karniewicz, déléguée nationale auprès du pôle protection sociale de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

La commission a procédé à l'audition de Mme Solange Morgenstern, secrétaire nationale du pôle protection sociale, et Mme Danielle Karniewicz, déléguée nationale auprès du pôle protection sociale de la Confédération française de l'encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

Mme Solange Morgenstern a d'abord déploré que plusieurs paramètres n'aient pas été pris en considération dans les propositions formulées par le Gouvernement pour la réforme des retraites. Elle a notamment regretté que ces propositions n'affichent pas clairement la mesure de l'effort financier devant être fourni dans le futur. Elle a rappelé que, dans un scénario favorable d'amélioration de l'emploi, le besoin de financement des régimes de retraites atteindrait 15 milliards d'euros en 2020, seuls 5 milliards pouvant être financés par des économies, 10 milliards d'euros, soit deux à trois points de cotisations, devant être trouvés d'ici là.

Elle a ensuite critiqué les mécanismes permettant de calculer le montant des pensions, relevant les difficultés entraînées par la réforme de 1993 qui aboutit à ce que, même nanti d'une carrière complète, l'assuré n'atteint pas le plafond de la sécurité sociale. Elle a, en revanche, insisté sur la nécessité de tenir compte des années réellement cotisées, et de mieux ainsi séparer ce qui relève de mécanismes contributifs et de la solidarité. Elle a précisé que la CFE-CGC préconisait, en réponse à l'entrée plus tardive sur le marché du travail, la faculté de racheter les annuités correspondant aux années d'études supérieures. Elle a enfin souligné la nécessité de prévoir un financement non contributif pour le départ anticipé des personnes ayant effectué une carrière longue, ces départs anticipés posant de surcroît des difficultés d'articulation avec les régimes de retraite complémentaire.

Concernant le financement, elle a, d'une part, souhaité que le non contributif soit financé par l'impôt et a précisé que la CFE-CGC était favorable à une réforme du mode de financement des régimes de retraite, et notamment la transformation d'une partie des cotisations calculées sur la masse salariale en une cotisation sociale sur la consommation, qui frapperait également les produits importés. Elle s'est déclarée en accord avec le principe d'instauration d'une décote-surcote pour peu que celle-ci soit actuariellement neutre. Elle a déclaré que l'épargne salariale, transformée en épargne-retraite, constituait un leurre, sauf à affecter des ressources d'un niveau tel qu'elles feraient nécessairement défaut au régime de répartition. Elle a enfin souligné les dangers qu'il y aurait à instaurer de fait le principe d'une retraite dégressive selon le niveau de revenu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur les perspectives offertes par le développement de l'épargne salariale et de l'épargne-retraite.