La protection de l’enfance connaît aujourd'hui une crise multifactorielle : financement, crise d'attractivité, fragmentation des acteurs, dégradation des conditions de travail, hausse du nombre d'enfants pris en charge, complexification des parcours... La multiplication des scandales et les récents rapports (Assemblée nationale, CESE, Défenseur des droits, etc.) mettent tous en lumière les difficultés rencontrées par la protection de l'enfance et dénoncent des faits de maltraitance envers les enfants mais aussi de souffrance au travail. Dans ce cadre, les commissions des lois et des affaires sociales du Sénat ont décidé de mettre en place une mission conjointe de contrôle sur la protection de l’enfance qui s'attachera à proposer des recommandations opérationnelles visant à améliorer concrètement le fonctionnement de cette politique publique.

La mission, rapportée par Mmes Pascale Gruny (Les Républicains - Aisne) et Anne-Marie Nédélec (Les Républicains - Haute-Marne) pour la commission des affaires sociales et Mmes Agnès Canayer (Les Républicains - Seine-Maritime) et Patricia Schillinger (RDPI - Haut-Rhin) pour la commission des lois, devrait pouvoir rendre ses conclusions à l'automne 2025.

Pourquoi ce contrôle ?

Selon l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, « la protection de l’enfance vise à garantir la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le respect de ses droits ». Force est de constater que cette ambition n'est aujourd'hui pas réalisée pour les 340 000 mineurs et jeunes adultes pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

La protection de l’enfance repose à la fois sur des mesures administratives, fondées sur l’adhésion des familles et pilotées par les départements dans le cadre de l’ASE, et sur des mesures de protection judiciaires. Ces dernières peuvent être mises en œuvre par les services de l’ASE et par les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), dépendant du ministère de la justice, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur en conflit avec la loi.

Près de 80 % des mesures relatives à l’aide sociale à l’enfance relève des mesures judiciaires, avec des variations très importantes entre départements, entre 56 % dans le département du Loiret et 90 % dans le département de la Seine-Saint-Denis. En outre, le juge présente parfois des réticences pour ordonner une décision de placement en raison du nombre de places insuffisantes pour l’accueil des enfants placés. La question de la bonne articulation entre les services de l’ASE et de la PJJ est donc essentielle.

La protection de l’enfance rencontre également des difficultés particulièrement fortes pour prendre en charge de façon adéquate les publics les plus jeunes et, à l’inverse, ceux qui sont les plus proches de la majorité légale. Ainsi, la petite enfance fait face à des besoins spécifiques avec une saturation des modes d’accueil pour les enfants de moins de 3 ans. Par ailleurs, 50 % des personnes sans domicile fixe sont des anciens enfants de l’ASE, illustration flagrante des difficultés de la protection à assurer une transition des jeunes qui lui sont confiés vers l’âge adulte.

La protection de l’enfance fait également face à de nombreux défis transversaux. Elle doit d’abord répondre aux besoins spécifiques des enfants et adolescents en situation de handicap qui comptent pour 15 % des effectifs pris en charge . Surtout, elle fait face à une véritable crise d'attractivité, près de 97 % des établissements et services de protection de l’enfance déclarant rencontrer des difficultés de recrutement.

L'avenir de la protection de l'enfance constitue donc un véritable enjeu de politique publique. Si le Parlement a souhaité y apporter des réponses en adoptant la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, cette tendance n’a jusqu’à présent pas été inversée, l'effectivité de ces dispositions dépendant largement des moyens mobilisés pour leur mise en œuvre et de la capacité des acteurs à pouvoir faire évoluer leurs pratiques professionnelles.