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DÉLÉGATION DU SÉNAT À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Mardi 16 janvier 2001

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président. -

Audition de M. Jean-Louis Guigou, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale

La délégation a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Guigou, délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

M. Jean-Louis Guigou a d'abord déclaré que la France disposait aujourd'hui de plusieurs niveaux de planification :

- une perspective à vingt ans, avec les schémas de services collectifs ;

- une planification à moyen terme, avec les contrats de plan Etat-région ;

- une programmation à court terme, dans le cadre des comités interministériels d'aménagement et de développement durable du territoire.

M. Jean-Louis Guigou a ajouté que le document intitulé " Aménager la France de 2020 : mettre les territoires en mouvement " rendait compte de sept années de travaux de prospective effectués par la DATAR et ayant mis à jour un certain nombre de tendances lourdes, de tendances nouvelles et de phénomènes de rupture.

S'agissant des tendances lourdes, le délégué a évoqué le couple " mondialisation "/" territorialisation " ; le premier terme favorisant le développement de quelques " mégalopoles " et le second, un repli " communautariste " qui pourrait être à l'origine d'une certaine dislocation de notre pays.

Face à cette situation, il a relevé que la réaction politique se manifestait selon deux scénarios :

- une forme " jacobine ", qui aurait plutôt tendance à préconiser la fermeture des frontières et un certain affaiblissement de l'Europe ;

- une forme " néo-girondine ", qui milite pour une France " polycentrique " aux territoires " recomposés ".

Sur ce point, M. Jean-Louis Guigou a mis l'accent sur la montée en puissance des formes de regroupement et de coopération territoriale représentées par les communautés urbaines, les communautés d'agglomération, les communautés de communes, ainsi que les " pays ".

Puis il a estimé que les schémas de services collectifs présentaient trois caractéristiques principales :

- ils constituent une " planification stratégique " fondée non plus sur une " politique de l'offre ", mais sur une " demande du terrain " ;

- ils ne sont pas déclinés en termes de secteur d'activité mais, " géographiquement ", à l'échelon des territoires ;

- ils participent à la construction d'une nouvelle notion de l'intérêt général définie en concertation avec les partenaires régionaux.

Après avoir fait le point sur le calendrier de consultation des schémas, M. Jean-Louis Guigou a exprimé le souhait que la politique d'aménagement du territoire, fondée, notamment, sur les schémas de services, les contrats de plan Etat-région ainsi que sur les nouvelles notions d'agglomération et de pays, soit poursuivie sur la durée, à l'abri des aléas de la conjoncture politique.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a insisté, pour sa part, sur trois points :

- il convient de mieux prendre en compte la dimension européenne des problèmes de l'aménagement du territoire ; des notions telles que la " maritimité " et la " périphéricité " n'ayant pas, par exemple, le même sens pour la France et pour l'Union européenne prise globalement ;

- en second lieu, les prochaines élections municipales et cantonales ne faciliteront pas la concertation locale que le Gouvernement entend mener sur les schémas de services collectifs ;

- enfin, il conviendrait de renforcer le rôle du Parlement afin de mettre en place une véritable gestion démocratique des quelque 400 milliards de francs dépensés chaque année par l'Etat, l'Europe et les collectivités territoriales dans le cadre des politiques contractualisées d'aménagement du territoire.

M. Claude Belot a estimé que les recompositions territoriales, telles que les " pays ", étaient une conséquence directe de la " mondialisation ". Il a jugé indispensable de mieux redéfinir le champ des pouvoirs de l'Etat et des régions, avant de mettre l'accent sur le foisonnement des initiatives locales qui se sont fait jour dans la période récente.

M. Roger Besse a estimé que les études et cartes prospectives de la DATAR faisaient peu de cas de l'ensemble géographique, économique et humain cohérent que constitue le Massif central.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Louis Guigou a notamment déclaré que la France devait éviter, à tout prix, de devenir un simple territoire de passage, en relevant que sur certains axes, plus de 20 % du trafic étaient de transit. Il a ensuite souligné qu'en matière d'aménagement du territoire, les décisions seront à l'avenir de plus en plus partagées entre le niveau européen (102 milliards de francs de fonds structurels sur 400 milliards environ pour l'aménagement du territoire), celui de l'Etat et le niveau des régions. Evoquant l'effet " TGV + 35 heures ", il a enfin noté avec intérêt l'évolution de certaines zones rurales où les résidences secondaires ont de plus en plus tendance à redevenir des résidences principales.

Après avoir mis l'accent sur le retard du volet routier des contrats de plan Etat-région, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que le concept d' " inter-régional " pourrait " figer " les relations entre les collectivités territoriales. Il lui a préféré la notion de " réseau de régions " s'appuyant sur des solidarités ou des caractéristiques communes, qui peuvent être de plusieurs ordres : par exemple, le caractère montagneux ou maritime du territoire, voire des expériences institutionnelles novatrices, telles que les " conseils régionaux de jeunes ".

En réponse, M. Jean-Louis Guigou a déclaré que la DATAR, loin de vouloir imposer quoi que ce soit, s'était surtout fixé pour objectif d'observer les réalités territoriales et d'en tirer les conséquences.