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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE
Mercredi 20 décembre 2000
- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président. -
Audition de M. Louis Gallois, président de la SNCF
Après avoir rappelé le calendrier d'examen, par la délégation, des deux schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a souhaité que le président de la SNCF puisse s'exprimer sur différents sujets d'actualité : les schémas de services d'abord, mais aussi les récentes décisions européennes sur le paquet ferroviaire, la mise en oeuvre de la régionalisation du transport ferroviaire régional, ainsi que les nouveaux " produits marketing " de la SNCF.
M. Louis Gallois, président de la SNCF, a tout d'abord indiqué que la SNCF avait apporté deux contributions -une concernant le fret, l'autre concernant les voyageurs- aux travaux du comité de pilotage qui a élaboré les schémas de services de transport.
Il a ensuite insisté sur la demande d'intermodalité qui concernait tant les voyageurs qui souhaitent pouvoir bénéficier d'une chaîne de transport continue et de qualité que les marchandises pour lesquelles il convient d'offrir une " offre logistique globale ".
A l'échelle européenne, M. Louis Gallois a souligné trois priorités :
- la résolution des problèmes d'interopérabilité ;
- la résorption des goulets d'étranglement ;
- enfin, la mise en oeuvre des directives européennes constitutives du " paquet ferroviaire " en ce qui concerne le fret international.
Sur ce dernier point, le président de la SNCF a estimé que les conditions de la concurrence intermodale n'étaient pas toujours favorables au mode ferroviaire.
Il a ensuite relevé que le secteur ferroviaire français était confronté à quatre défis spécifiques :
- l'existence de Paris, avec une forte concentration subséquente des trafics ;
- l'impératif d'aménagement du territoire ;
- l'existence d'une notion de service public à la française ;
- enfin, la question plus générale des incivilités qui affectent plus particulièrement le secteur ferroviaire.
Puis M. Louis Gallois a évoqué les spécificités françaises que constituent :
- des parts de marché ferroviaire plus importantes que chez nos proches voisins ;
- la séparation du gestionnaire de l'infrastructure avec la création de Réseau ferré de France ;
- la généralisation de la régionalisation des services ferroviaires régionaux.
Il a ensuite déclaré que la SNCF disposait de quatre atouts :
- une croissance notable des trafics (plus 15 % sur les marchandises sur la période 1999-2002, plus 11 % sur les voyageurs pour la même période) ; à cet égard, il a rappelé l'objectif de doublement du trafic de fret en 2010, soit 100 milliards de tonnes/km ;
- l'amélioration constante de la qualité du service ferroviaire ; sur ce point, il a évoqué les objectifs de régularité, de fiabilité et de professionnalisme, ainsi qu'une organisation du service mieux centrée sur la clientèle ;
- le développement, à l'échelle de l'Europe, d'un espace de développement naturel pour le chemin de fer ; M. Louis Gallois a mis l'accent sur les alliances nouées par la SNCF avec d'autres entreprises ferroviaires ; il a relevé que la part européenne des trafics SNCF pourrait atteindre, dans 10 ans, 40 % du trafic voyageurs, et 70 % du trafic fret ;
- la mise en oeuvre d'une régionalisation qui constitue un gisement de trafic considérable et devrait provoquer une profonde modernisation dans le " management " de l'entreprise ferroviaire.
M. Louis Gallois a indiqué que le programme d'investissement de la SNCF, sur les cinq prochaines années (2001-2005), devrait progresser de 60 % par rapport à la période 1996-2000. Il a souligné la nécessité, pour l'entreprise, de disposer d'un cadre stable et prévisible pour assurer le " financement sain " des investissements nécessaires.
Le président de la SNCF a émis un avis " globalement très favorable " sur les schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises. Il a estimé, cependant, que ces documents auraient pu être plus explicites sur l'évolution des parts modales de marché, sur le respect des engagements pris à Kyoto, ainsi que sur le mode de financement des infrastructures.
Il a enfin signalé que le commissaire européen chargé des transports avait récemment déclaré que la productivité aux Etats-Unis était supérieure d'un point à celle de l'Europe, du fait des problèmes de saturation que celle-ci rencontrait dans le domaine des infrastructures de transports.
M. Jacques Oudin, rapporteur pour la délégation des schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises, a déclaré qu'il avait été déçu par le document porté à sa connaissance, ce dernier se caractérisant, selon lui, par :
- une appréciation contestable de la demande de transport dans les vingt prochaines années ;
- une absence de comparaison entre les rentabilités des différents modes de transport, notamment par l'internalisation des coûts externes ;
- un manque de perspective en ce qui concerne le développement des infrastructures nouvelles.
Pour résumer, M. Jacques Oudin a estimé que les schémas de services laissaient beaucoup de questions sans réponse :
- quelle demande satisfaire ?
- à quel type d'infrastructure pourra répondre cette demande au moindre coût ?
- quel type d'investissement pourra permettre de créer ces infrastructures ?
- quel type de financement sera le mieux adapté à ces investissements ?
En réponse, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a indiqué que l'objectif de doublement du trafic ferroviaire fret en dix ans nécessiterait un investissement de l'ordre de 40 milliards de francs pour le matériel, et de 40 à 50 milliards de francs pour les infrastructures.
Il a ensuite expliqué la baisse relative et momentanée du niveau des investissements ferroviaires en 98-99 par les " pics d'investissement " occasionnés par le Thalys, Eurostar et le développement du " TGV-réseau ". Il a encore rappelé qu'il était prévu d'investir quelque 120 milliards de francs dans les infrastructures ferroviaires au cours des dix prochaines années.
M. Jacques Bellanger a estimé que le succès du fret ferroviaire était conditionné par une politique de " guichet unique ", ainsi que par une démarche européenne. Il s'est ensuite demandé si notre pays disposait des outils d'investissement adaptés à des financements tels que, par exemple, le projet " Lyon-Turin " et s'il ne conviendrait pas de recourir à des financements mixtes.
M. Jacques Bellanger s'est encore interrogé sur la possibilité de concilier les financements privés et l'idée de péréquation.
En réponse, M. Louis Gallois, président de la SNCF, a déclaré que, du fait des conventions de service public, le réseau francilien, de même que le réseau régional de la SNCF, étaient " condamnés à l'équilibre ". Le TGV dégage une marge positive. Les grandes lignes classiques, a-t-il ajouté, enregistrent, en revanche, des pertes (plusieurs centaines de millions de francs par an). Concernant le fret, l'entreprise tend à réduire les déficits par un effort consistant à " saturer l'outil " par une politique de volume. Il a reconnu que notre action, dans ce domaine, restait liée à la politique de nos voisins et au caractère ambitieux de cette dernière.
M. Louis Gallois a encore souligné la possibilité de mettre en place, en effet, des financements mixtes pour les grands projets tels que le " Lyon-Turin ".
M. François Gerbaud a souligné la nécessité impérieuse de résorber l'endettement du secteur ferroviaire, condition nécessaire de tout grand programme d'investissement. Il a encore mis l'accent sur l'importance de la régionalisation, du maintien de la notion de service public, du développement de l'esprit d'entreprise au sein de la SNCF, ainsi que sur le problème majeur de la rénovation des gares.
Après une nouvelle intervention de M. Jacques Oudin, rapporteur pour la délégation des schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises, qui a appelé de ses voeux des comptes de transport clairs, fiables et exhaustifs, permettant d'établir des coûts globaux et une tarification harmonisée, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a soulevé la question du renouvellement du matériel roulant, ainsi que celle de la propriété juridique de ce matériel.
Après avoir indiqué que l'entreprise ferroviaire n'avait pas à supporter financièrement les charges liées au service public -ce qui n'excluait nullement un effort de péréquation en dehors des procédures de service public- M. Louis Gallois, président de la SNCF, a, lui aussi, souhaité l'établissement de comptes de transport clarifiés au niveau européen. Il a encore mis l'accent sur l'investissement massif que la SNCF consacrerait au matériel roulant dans les prochaines années ; sur ce point, il a souligné le retard important dont souffrait le réseau classique : 27 ans d'âge moyen pour les locomotives électriques, 33 ans d'âge moyen pour les locomotives diesel.
En conclusion, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a constaté que le souci de la transparence dans le domaine des transports faisait l'unanimité.