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DÉLÉGATION DU SÉNAT À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Mercredi 18 avril 2001

- Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président. -

Audition de M. Jean-Louis Guigou, délégué général à la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)

La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Louis Guigou, délégué général à la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR).

M. Jean-Louis Guigou a déclaré que la philosophie générale des projets de schémas de services collectifs était articulée autour de plusieurs facteurs de changement :

- la prise en compte d'un nouveau contexte territorial, caractérisé par un moindre besoin en grands équipements, et parallèlement, par le développement des responsabilités locales ;

- l'évolution du comportement des citoyens autour d'un certain nombre de données nouvelles telles que la réduction de la durée du travail, le vieillissement démographique ou " l'effet TGV " ;

- la mise en place progressive d'une véritable " économie du savoir " à travers l'internet à haut débit ;

- des préoccupations de plus en plus affirmées dans le domaine environnemental et climatique ;

- une exigence accrue en matière de cohésion sociale et de sécurité.

Il a ajouté que les projets de schémas de services collectifs s'appuyaient, en conséquence, sur deux orientations stratégiques majeures :

- la redéfinition des cadres territoriaux (rôle accru des régions, mise en place des " pays " et des bassins d'emplois...) ;

- la mise en oeuvre d'une politique tendant à favoriser :

- le développement de la solidarité et de la proximité ;

- le rayonnement et la compétitivité de la France ;

- une plus grande maîtrise des risques.

Puis M. Jean-Louis Guigou a rappelé les différentes étapes de la consultation locale sur les projets de schémas de services collectifs.

Ont ainsi été sollicités successivement les conférences régionales d'aménagement et de développement durable du territoire (cette consultation s'est déroulée du 16 janvier au 16 février 2001), les conseils économiques et sociaux des régions, les conseils régionaux, les chambres consulaires et un certain nombre d'instances diverses.

S'agissant des conseils régionaux, le délégué a précisé qu'un peu plus de la moitié d'entre eux avait, à ce jour, formulé un avis. Il a ajouté que l'ensemble des avis devrait pouvoir être recueilli dans la première semaine du mois de mai.

Il a ensuite déclaré que les " remontées " des régions faisaient apparaître une appréciation positive globale sur la démarche gouvernementale, même si le calendrier a souvent été considéré comme trop contraignant.

Il a ajouté que les critiques et propositions des régions se divisaient en deux catégories :

- une catégorie relevant du " local ", et concernant surtout les infrastructures de transport, telles que l'A32 ou la liaison Bourges-Auxerre ;

- une seconde catégorie touchant à des sujets nationaux, et reflétant trois types de préoccupations :

- une demande d'approfondissement des enjeux européens avec, notamment, une meilleure prise en compte de l'intégration européenne globale, de l'intégration des politiques communautaires, ainsi que de la situation des régions transfrontalières pour lesquelles les projets de l'Etat ont été jugés peu innovants ;

- un souci d'intégrer des thématiques absentes des projets de schémas de services, tels que la culture scientifique et technique, les liens entre la santé et l'environnement, la politique de la recherche dans le domaine de l'énergie, la dimension méditerranéenne des espaces naturels et ruraux ;

- une volonté de voir préciser un certain nombre de choix en ce qui concerne, notamment, la formation continue et professionnelle, les services culturels de proximité, le rôle des collectivités territoriales dans les télécommunications, la valorisation des espaces naturels et ruraux...

Enfin, M. Jean-Louis Guigou a relevé que certaines critiques émanant des régions portaient sur des questions qui n'avaient pas été abordées par les projets de schémas de services collectifs du fait du cadre imposé par la loi, et notamment celles relatives au périmètre des schémas, à l'approfondissement de la décentralisation, aux questions de sécurité et de risque, ou encore à la situation du littoral.

Abordant, enfin, le calendrier de la consultation nationale, M. Jean-Louis Guigou a déclaré que la transmission officielle des projets de schémas de services aux délégations parlementaires interviendrait vers le 15 mai 2001. Un comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire arrêterait, par la suite, les orientations définitives des schémas au début du mois de juillet 2001, afin que les décrets puissent sortir à la mi-juillet.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a relevé, tout d'abord, que les collectivités territoriales avaient pu faire preuve d'une faible motivation à l'égard des projets de schémas de services collectifs, du fait du calendrier qui leur avait été imposé. Il a jugé, ensuite, qu'un doute subsistait sur l'implication réelle de l'Etat sur tous les sujets traités par les schémas en l'absence d'engagements financiers précis ; la réalisation de nombreux objectifs étant subordonnée à l'intervention massive des collectivités locales. Il s'est, ensuite, interrogé sur le " lieu d'arbitrage " des éventuels conflits entre les orientations des différents schémas. Il a estimé, enfin, que les projets de schémas de services collectifs présentaient un grave défaut de lisibilité globale.

En réponse, M. Jean-Louis Guigou a rappelé que les schémas de services collectifs n'auraient de portée obligatoire qu'à l'égard de l'Etat. Les schémas, a-t-il ajouté, proposent simplement un " cadrage " des actions prioritaires de l'Etat. Ils feront, au demeurant, l'objet d'une révision en 2003 ; ainsi le cadrage " révisé " servira-t-il de fondement à la future génération de contrats de plan.

Après s'être élevé contre les délais imposés aux délégations parlementaires pour l'examen des projets de schémas, M. Jacques Oudin a formulé un certain nombre de critiques sur les schémas de services collectifs de transport de voyageurs et de marchandises :

- la notion de service, intéressante en elle-même, n'est jamais explicitée ;

- à l'exception du domaine portuaire, le schéma ne prend nullement en compte la dimension européenne des problématiques ;

- les documents ne comportent ni calendrier, ni modalités de financement. A cet égard, M. Jacques Oudin a fait observer que 45 milliards de francs par an avaient été dépensés pour les infrastructures de transport au cours des dix dernières années, et que les projets du Gouvernement n'envisageaient, au cours des dix prochaines années, qu'un investissement de 30 milliards de francs par an, soit une réduction d'un tiers. Pourtant, a-t-il souligné, la demande de transport ne cesse de s'accroître et le décalage entre l'offre et la demande ne pourra que susciter des problèmes de congestion, d'encombrement et d'insécurité.

En conclusion, M. Jacques Oudin s'est demandé si le Gouvernement ne comptait pas sur les régions pour combler le déficit d'investissement projeté.

M. Claude Belot s'est vivement élevé contre le fait que la consultation sur les projets de schémas de services ait " laissé de côté " les grandes agglomérations et les départements. Ces collectivités, a-t-il ajouté, ont néanmoins un " mot à dire " sur leur devenir.

En second lieu, il a estimé que les collectivités consultées n'ont pas disposé du temps nécessaire pour " approfondir " les documents qui leur ont été transmis. Cependant, a-t-il précisé, il est évident que tout projet territorial pourra être écarté, à l'avenir, au motif qu'il n'est pas explicitement prévu dans un des schémas de services collectifs.

M. Claude Belot a encore estimé que cette mise à l'écart de la " démocratie d'en bas " pourrait susciter de véritables mouvements de révolte dans certaines collectivités locales.

En réponse à M. Jacques Oudin, M. Jean-Louis Guigou a déclaré que selon le Gouvernement, les transports devraient connaître à l'avenir une croissance maîtrisée. D'autre part, a-t-il précisé, les phénomènes de saturation ne concernent que les véhicules légers à certaines périodes de l'année ou sur certaines zones géographiques (Ile-de-France, contournement de Lyon et de Montpellier, ...). Il a ajouté que les taux de croissance les plus élevés en matière de transport devraient porter sur les échanges internationaux, ainsi que sur les transits internationaux, d'où le choix politique gouvernemental en faveur du fret ferroviaire.

Puis le délégué a estimé que les questions posées par M. Claude Belot posaient de très graves problèmes.

Après l'intervention de M. Jean-Pierre Raffarin, président, le délégué a rappelé que la prime d'aménagement du territoire (PAT) relevait de la compétence exclusive de la Commission européenne et de l'Etat.

Il a reconnu, ensuite, que les procédures de consultation sur les projets de schémas de services collectifs n'avaient pas été pleinement satisfaisantes.

M. François Gerbaud a regretté l'absence de démarche commune des politiques de transport des différents pays de l'Union. Il a souligné, ensuite, que les projets de schémas de services collectifs faisaient bien souvent l'impasse sur les possibilités de financement. Il s'est demandé, ensuite, comment concilier, dans chaque région, les priorités du fret ferroviaire et le développement des " trains express régionaux ".

En réponse, M. Jean-Louis Guigou a souligné que l'Etat avait pris la décision de doubler le trafic de fret ferroviaire en 10 ans et qu'il demeurait, en tout état de cause, responsable des grands choix nationaux, quelles que soient les modalités de financement mises en oeuvre.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que le problème de l'identité du " financeur " jouait un rôle important dans toute consultation locale et que le manque de clarté sur ce sujet provoquait inévitablement des soupçons. Puis, il s'est déclaré inquiet sur l'exécution des contrats de plan dans le domaine des infrastructures.

Audition d'une délégation du comité stratégique chargé d'élaborer le schéma des services collectifs de l'énergie

Enfin, la délégation a procédé à l'audition d'une délégation du comité stratégique chargé d'élaborer le schéma des services collectifs de l'énergie, composé de M. Christophe Baulinet, adjoint au directeur général de l'énergie et des matières premières au ministère de l'industrie, et de Mme Ariane Azéma, conseiller du délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale.

M. Christophe Baulinet a rappelé, tout d'abord, que bien que la France dispose de très faibles ressources énergétiques naturelles, elle était parvenue, grâce aux programmes nucléaires et hydrauliques, à atteindre un taux d'indépendance énergétique d'environ 50 % en l'an 2000, contre 25 % au milieu des années 1970. Compte tenu de la faiblesse des ressources françaises en énergie primaire, a-t-il ajouté, la seule marge de manoeuvre, pour notre pays, à structure de production constante, tient au développement des énergies renouvelables et à la maîtrise de l'énergie. Puis il a souligné les résultats positifs de la politique énergétique, qui a permis d'obtenir une production d'électricité qui renforce la compétitivité nationale, et qui place notre pays, quatrième producteur industriel de l'OCDE, au 23e rang en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

Interrogé par M. Bernard Piras, rapporteur de la délégation sur le schéma des services collectifs de l'énergie, sur la valeur juridique de ce schéma, M. Christophe Baulinet a déclaré que ce document d'orientation n'avait pas de valeur normative pour les collectivités locales, mais qu'il mettait en valeur les engagements pris par l'Etat.

Evoquant le même sujet, Mme Ariane Azéma a indiqué que, compte tenu de sa nature réglementaire, le schéma était susceptible d'être opposable aux schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire qui doivent être compatibles avec lui, de même que le schéma directeur de développement de la région Ile-de-France et les schémas d'aménagement régionaux des départements d'outre-mer, avant de souligner que la précision des dispositions du schéma aurait une incidence déterminante sur leur prise en compte par le juge.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a considéré, sur ce point, que la question du statut juridique d'un document, théoriquement non normatif, mais qui s'avérait, cependant, opposable à d'autres normes, restait posée.

Mme Ariane Azéma a observé, en réponse, que ce schéma s'appliquerait, au demeurant, sous réserve du respect des principes posés par les lois de décentralisation.

Evoquant la même question, M. Christophe Baulinet a souligné que toutes les dispositions dont la mise en oeuvre était suggérée aux collectivités locales seraient également appliquées par l'Etat, lequel prend aussi des engagements supplémentaires, à l'instar de l'accroissement du prix de rachat de l'électricité qui sera prochainement mis en oeuvre, et qui est favorable à la production décentralisée, ou d'initiatives destinées à favoriser la maîtrise de l'énergie dans la mise en oeuvre de la politique patrimoniale de l'Etat.

Après s'être interrogé sur le montant des incitations financières susceptibles d'être versées aux collectivités locales pour favoriser l'application du schéma, notamment en matière d'incinération des déchets (par l'instauration d'un prix garanti pour l'électricité produite), M. Alain Vasselle a souhaité connaître la liste des énergies considérées comme renouvelables et leur contribution potentielle à l'amélioration du taux d'indépendance énergétique de la France.

En réponse, M. Christophe Baulinet a indiqué que, parmi les énergies renouvelables qui contribueraient à favoriser l'indépendance énergétique nationale, sans qu'il soit cependant possible de quantifier le montant de cette contribution, figuraient l'éolien, le biogaz, la petite hydroélectricité, le solaire photovoltaïque, le bois et la biomasse, le solaire thermique, la géothermie, les biocarburants, et il a précisé, à la suite d'une observation de M. Bernard Piras, que les pompes à chaleur et la méthanisation s'intégraient également à cette liste.

A M. Alain Vasselle qui s'interrogeait sur le point de savoir si le Gouvernement envisageait de substituer le recours aux énergies renouvelables à la production d'électricité nucléaire, M. Christophe Baulinet a indiqué que le schéma n'évoquait pas la question du renouvellement du parc nucléaire, qui sera discutée devant la représentation nationale, et observé que ce document avait pour objet de " montrer la voie " afin d'utiliser toutes les marges de manoeuvre disponible actuellement en matière de recours aux énergies renouvelables et d'utilisation rationnelle de l'énergie.

M. Bernard Piras ayant fait part de ses préoccupations quant à la programmation des investissements, notamment en termes de réseaux électriques et gaziers, M. Christophe Baulinet a estimé qu'une telle programmation n'était pas absente du schéma, qui évoquait notamment la question de l'enfouissement des lignes, la création de microcentrales et l'installation de lignes à haute tension, avant d'ajouter que plusieurs projets importants étaient en cours, afin de faire de la France un " noeud " d'interconnexion gazière.

Répondant à une autre question du même orateur, M. Christophe Baulinet a précisé que les collectivités locales jouaient un rôle majeur dans l'aide au développement des énergies renouvelables, notamment en qualité de maîtres d'ouvrage et de productrices d'électricité, ainsi que par la délivrance d'autorisation d'occupation du sol sur des terrains destinés à installer des unités de production d'énergie renouvelable, telles que des éoliennes. Il a ajouté que les aides prévues par les schémas en faveur des PME et des PMI reposaient principalement sur un renforcement de l'utilisation rationnelle de l'énergie, grâce à une information des décideurs, par la formation des artisans, et sur l'élaboration de bilans énergétiques.