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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE

Mercredi 13 février 2002

- Présidence de M. Jean Pierre Raffarin, président. -

Audition de M. Jacques Chauvineau, membre du Conseil économique et social (section des économies régionales et de l'aménagement du territoire), rapporteur d'un avis sur « la régionalisation ferroviaire »

La délégation a procédé à l’audition de M. Jacques Chauvineau, membre du Conseil économique et social (section des économies régionales et de l’aménagement du territoire), rapporteur d’un avis sur « la régionalisation ferroviaire ».

M. Jacques Chauvineau
a tout d'abord insisté sur le rôle essentiel des régions dans cette réforme ferroviaire, capables qu'elles sont « d'articuler le local et le global, le quotidien et le long terme » dans un contexte où la croissance de la « mobilité de proximité » des personnes, de même que le développement des échanges de fret intra-européens s'accompagnent d'une hégémonie du transport routier contribuant aux désordres environnementaux et à l'engorgement chronique des infrastructures.

M. Jacques Chauvineau a relevé que plusieurs régions s'étaient, d'ores et déjà, engagées dans la rénovation du service public des transports :

- en recomposant les dessertes TER (« transport express régional ») pour répondre aux besoins actuels des territoires : besoins intervilles, périurbains, de maillage, de connexion avec les grandes lignes et, le cas échéant, avec le transport aérien ;

- en améliorant l'accessibilité des TER depuis les territoires peu denses, leur continuité avec les transports urbains, et donc en organisant l'intermodalité, notamment avec les communautés d'agglomération et les départements ;

- en veillant à la compatibilité et aux équilibres entre le développement des TER et les besoins à moyen terme de relance du fret ferroviaire ;

- en stimulant une participation citoyenne et une démocratie de proximité, responsabilisantes, « réunifiant » le consommateur, le contribuable et le citoyen.

Puis M. Jacques Chauvineau a déclaré que la réforme interpellait tout à la fois l'Etat « politique » et l'Etat « financier » sur les sujet suivants :

- l'évolution des conditions financières du transfert de compétences, la question d'une contribution plus dynamique étant posée ;

- la réévaluation du rôle de l'Etat dans le développement et les équilibres du territoire, l'Etat devant en particulier traiter le problème du désendettement de Réseau ferré de France ;

- l'animation du comité national de suivi.

Evoquant les relations entre les régions et l'opérateur ferroviaire, M. Jacques Chauvineau a estimé que des comportements plus « entrepreneuriaux » de la part de la SNCF pourraient contribuer au succès de la réforme, en ajoutant que les régions devraient, pour leur part :

- affirmer leur rôle de maître d'ouvrage sur la politique régionale des TER et sur l'organisation de l'intermodalité ; une maîtrise d'ouvrage interrégionale pouvant être souhaitable sur des sujets tels que le matériel roulant, la tarification, la billétique ou l'information intermodale ;

- revendiquer la transparence sur les potentialités de l'infrastructure ;

- mettre l'opérateur ferroviaire « en responsabilité » sur la qualité et l'efficacité du service de transport avec en particulier la généralisation des bonus/malus.

M. Jacques Chauvineau a, enfin, déclaré que la régionalisation, telle qu'elle se mettait en place, constituait une situation de transition :

- pour les régions, qui doivent faire l'apprentissage de leur rôle d'autorité organisatrice ; de ce point de vue, cette réforme sera une étape importante de la décentralisation politique française ;

- pour la SNCF, qui doit s'adapter au système complexe qu'est devenue l'organisation ferroviaire et faire évoluer des organisations et des comportements internes, hérités de sa situation de « monopole historique ».

Il a ensuite appelé de ses voeux une évaluation contradictoire de l'efficacité des pratiques décentralisatrices conduites dans les divers pays européens.

La mise en évidence des différentes solutions européennes, a-t-il souligné, pourrait contribuer à « mettre en mouvement les idées » et à ouvrir des voies « concrètes et consensuelles » vers un « développement européen durable ».

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a jugé fondamentale la clarification de la relation entre l'Etat et la SNCF, en soulignant l'importance financière d'une réforme qui va abonder les budgets des régions d'environ 10 %. Cette dotation supplémentaire, a-t-il ajouté, fera l'objet d'une évaluation par les chambres régionales des comptes qui pourront, pour la première fois, opérer des comparaisons de coût ferroviaire entre les différentes régions.

M. François Gerbaud a estimé que la réforme constituait, pour la SNCF, un défi qui devrait la conduire à achever sa « révolution culturelle ». Il s'est ensuite demandé comment concilier les exigences des TER avec les autres problèmes que constituent le développement du fret et le partage des sillons. Après avoir souligné que la question de la politique des investissements ferroviaires restait déterminante, il s'est demandé quelle était, en Europe, sur tous ces sujets, la capacité de la France de se faire entendre.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que l'échec de la régionalisation ferroviaire conduirait les régions à faire appel à la concurrence.

M. Jean François-Poncet a estimé que, seule, une vraie réforme de la fiscalité des collectivités territoriales permettrait de garantir la dotation dont les régions disposeront pour financer la régionalisation ferroviaire.

Après s'être interrogé sur la situation, à cet égard, de nos voisins européens, M. Jean François-Poncet a souhaité savoir si les départements avaient été conduits à participer financièrement à la décentralisation ferroviaire.

Après l'intervention de M. Jean-Pierre Raffarin, président, qui a répondu à l'orateur que certains départements participaient au financement de programmes de rénovation des gares, M. Jacques Chauvineau s'est déclaré en accord avec M. Jean François-Poncet sur le problème de la pérennité de la dotation forfaitaire compensatrice du transfert de compétences, avant d'indiquer que nos plus proches voisins n'avaient pas encore entrepris une véritable politique de régionalisation ferroviaire, même si les évolutions, en ce sens, devraient être rapides.

M. Jean François-Poncet s'est demandé si ce n'était pas faute d'être en capacité de réformer au plan national que l'on était conduit à « régionaliser ».

Reprenant l'idée exprimée par M. Jean François-Poncet, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que l'on était passé de la régionalisation « volontariste » du début des années 1980 à une régionalisation « nécessité» pour sortir d'un certain nombre d'impasses.

M. Jacques Oudin a déclaré que la régionalisation n'était qu'un des aspects du problème ferroviaire, dont le triple objectif était de rendre efficace la politique du fret et d'intermodalité, de développer les lignes à grande vitesse et d'assurer les dessertes territoriales. Constatant que l'actuel système ferroviaire subissait des dysfonctionnements « majeurs », une « extrême » rigidité sociale, ainsi qu'une insuffisance « criante » d'investissements, M. Jacques Oudin a plaidé pour une nouvelle politique d'évaluation et de contrôle permettant notamment au Parlement de revenir « au coeur de la politique des transports ».

En conclusion, M. Jean-Pierre Raffarin, président, a indiqué que les schémas de services collectifs n'avaient toujours pas été publiés et que les investissements, dans le secteur des transports, prenaient un sérieux retard par rapport à des volontés affichées qui ressemblaient de plus en plus à des incantations.