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DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE
Mercredi 6 novembre 2002
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président -
Audition de M. Jacques Oudin, sénateur, sur les besoins du territoire en infrastructures de transport
La délégation a procédé à l'audition de M. Jacques Oudin, sénateur, sur les besoins du territoire en infrastructures de transport.
Présentant les conclusions de travaux de l'association TDIE (Transport, développement, intermodalité, environnement), qui regroupe de nombreux opérateurs de transports en France, M. Jacques Oudin a indiqué qu'elles s'appuyaient sur la synthèse des besoins exprimés par les régions au travers de leurs plans de transports et sur une analyse des modalités de financement de ces charges d'infrastructures à l'horizon 2020.
S'agissant des perspectives de développement des différents modes de transport en France et en Europe, M. Jacques Oudin a relevé que les évolutions passées démontraient le caractère inéluctable de l'accroissement futur des trafics passagers et fret, et l'importance de la route en la matière. A l'aide de tableaux, de schémas et de cartes, il a détaillé les éléments statistiques et leur représentation en termes d'axes de flux traversant la France ou en assurant le maillage, relatifs aux infrastructures routières, ferroviaires et fluviales réalisées ces trente dernière années et à celles prévues par les schémas régionaux des transports. Il a expliqué, s'agissant de ces dernières, qu'elles visaient à absorber la croissance annoncée des trafics, supprimer les points de congestion des réseaux, développer les liaisons transeuropéennes, favoriser une desserte équilibrée et multimodale du territoire, améliorer la sécurité routière et diminuer les gênes et pollutions suscitées par la saturation des trafics routiers. En conclusion, il a estimé que les projets régionaux proposaient des perspectives cohérentes au regard des besoins, notamment en matière de grands enjeux internationaux et d'aménagement du territoire, et qu'ils démontraient la nécessité de poursuivre une politique ambitieuse d'infrastructures multimodales de transports d'ici 2020.
Abordant ensuite les financements nécessaires, M. Jacques Oudin a indiqué qu'ils étaient évalués à 142,3 milliards d'euros sur la période et ainsi répartis :
- par nature : 47,2 milliards pour les lignes d'intérêt européen (33 %), 30,8 milliards pour celles de portée nationale (22 %), 11,6 milliards pour celles de nature interrégionale (8 %) et 52,7 milliards pour celles d'intérêt régional (37 %) ;
- par échéance : 20,9 milliards d'ici 2006 (court terme, 15 %), 53,6 d'ici 2013 (moyen terme, 37 %), 53,8 d'ici 2020 (long terme, 38 %) et 14 au-delà (très long terme, 10 %) ;
- par mode : 70,6 milliards pour le fer (50 %), 56,5 pour la route (40 %) et 15,2 pour les voies fluviales et les transports aériens (10 %) ;
- par région (exceptions faites du troisième aéroport parisien, du projet de liaison fluviale Rhin-Rhône et de la traversée centrale à grande capacité des Pyrénées) : 27 milliards pour l'Ile-de-France, 25 pour Rhône-Alpes, 11,5 pour PACA, 6 pour chacune des régions Aquitaine, Pays-de-la-Loire et Languedoc-Roussillon, etc.
Indiquant alors que les efforts d'investissement ainsi estimés (7 milliards par an, soit moins de 0,4 % du PIB) étaient inférieurs à la fois à ceux accomplis par la France depuis vingt ans (même somme annuelle environ, mais représentant en moyenne 0,5 % du PIB) et à ceux prévus par ses principaux partenaires européens à l'horizon 2010 (11 milliards d'euros par an pour l'Allemagne, soit 0,54 % de son PIB, 12,6 milliards et 1,34 % du PIB pour l'Italie, 28,6 milliards et 2,8 % du PIB pour le Royaume-Uni, et 16,6 milliards et 3 % du PIB pour l'Espagne), M. Jacques Oudin a considéré qu'ils étaient parfaitement envisageables et raisonnables, sous réserve toutefois que le taux de participation de l'Union européenne au financement des infrastructures d'intérêt international soit nettement supérieur aux 10 % actuels. Il a ajouté que cette politique d'investissement était d'autant plus nécessaire qu'elle aurait pour effets de réduire les noeuds de congestion et l'encombrement sur les réseaux routier rapide et ferroviaire, de participer au développement de l'économie française grâce à la densification du réseau des transports et à sa meilleure connexion avec les réseaux européens, de favoriser l'aménagement du territoire (la totalité des aires urbaines de plus de 50 000 habitants sauf deux pouvant être desservies en 2020 par un TGV et une autoroute ou une route nationale à deux voies), de renforcer de façon notable la sécurité routière et de lutter efficacement contre les pollutions sonore et atmosphérique.
Pour conclure, et après avoir observé que la demande de transports de la part des collectivités, des usagers et des opérateurs continuerait à croître fortement, M. Jacques Oudin a évoqué les six axes de réflexion pouvant être dégagés de cette étude pour soutenir une politique des transports moderne et globale :
- la clarification des compétences et des modalités d'intervention entre les différents acteurs de transport (Europe, Etat, collectivités locales et opérateurs), en respectant les règles de la concurrence et les impératifs de continuité du service public ;
- l'intégration des contraintes européennes, et en particulier des grandes liaisons transeuropéennes, et le réexamen du taux de participation de l'Union aux financements, trop faible actuellement ;
- la mise en place d'un système de péréquation financière entre les différents modes de transport et au bénéfice des régions les moins bien desservies ;
- la détermination d'un schéma national plurimodal des transports synthétisant les demandes exprimées par les schémas régionaux de transport et intégrant les priorités nationales et européennes, devant être suivie de l'adoption d'une loi de programmation multimodale déterminant les grands projets structurant et de l'institution d'une meilleure coordination ministérielle entre les différents modes ;
- la détermination d'un nouvel équilibre financier entre les participations respectives des contribuables et des usagers ;
- l'harmonisation et la modernisation des modalités de tarification entre les réseaux dans le cadre d'une cohérence européenne.
Après avoir félicité l'orateur pour la précision et la qualité de son analyse, et observé qu'elle recoupait largement ses propres observations, M. Jean François-Poncet, président, a abordé les problèmes de tarification soulevés par les perspectives ouvertes par M. Jacques Oudin. Un premier débat, auquel ont en outre participé MM. Gérard Larcher et François Gerbaud, a concerné l'initiative allemande de taxation au kilomètre des poids lourds de 12 tonnes et plus à compter de septembre 2003, ainsi que le système néerlandais de péage autoroutier, y compris en zone urbaine, et leur possible extension rapide dans les autres Etats membres de l'Union européenne, en raison notamment de leur rentabilité pour le financement des réseaux routiers, assurée à moyen terme. A cet égard ont été soulignés les problèmes pouvant naître en France de la remise en cause de « droits acquis » à la gratuité de l'usage de certaines voies, de la détermination de la collectivité responsable du prélèvement, et de la réalité de la contrepartie susceptible de justifier la taxation pour en faciliter l'acceptation. Un second débat s'est orienté autour de la nécessaire péréquation entre les modes de transport d'une part - la création de nouvelles infrastructures ferroviaires ne pouvant être assurée par la seule contribution des usagers (qu'il s'agisse de transport de passagers ou de fret), pas plus que celle de voies fluviales - et entre les espaces régionaux d'autre part, ainsi que sur les niveaux adéquats de la participation de l'Union européenne aux financements.
Puis ont été successivement abordées par MM. Jean François-Poncet, président, Gérard Larcher, Jacques Oudin, François Gerbaud et Georges Gruillot, les questions de la liaison fluviale Seine-Nord, de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, du statut public de la SNCF au regard des exigences européennes, et de la traversée routière des Pyrénées par leur centre. En conclusion, M. Jean François-Poncet, président, a indiqué que le travail de M. Jacques Oudin constituerait à l'évidence un des chapitres essentiels du prochain rapport de la délégation relatif à l'état du territoire.