Travaux de la délégation à l'aménagement et développement durable du territoire
DÉLÉGATION À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU TERRITOIRE
Mercredi 16 novembre 2005
- Présidence de M. Jean François-Poncet, président.
Audition de M. Marc Gastambide, conseiller « Europe » à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR)
M. Jean François-Poncet, président, s'est interrogé, à titre liminaire, sur les différentes administrations nationales et européennes travaillant sur les fonds structurels et la réforme de la politique régionale européenne.
M. Marc Gastambide, conseiller « Europe » à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), a indiqué que ce dossier était suivi, au niveau national, par les services du Premier Ministre, du ministre en charge de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, du ministre délégué à l'aménagement du territoire et par la DATAR, et au niveau communautaire par les responsables des directions générales de la Commission européenne chargées de la politique régionale et de l'emploi.
Puis M. Marc Gastambide a présenté les grandes lignes de la réforme de la politique régionale proposée par la Commission européenne dans son troisième rapport sur la cohésion économique et sociale de février 2004. Il a expliqué que, dans la configuration proposée par la Commission, la nouvelle programmation, qui serait dotée de 336 milliards d'euros sur la période 2007-2013, consistait en trois nouveaux objectifs -se substituant aux actuels objectifs 1, 2 et 3- qu'il a ainsi présentés :
- le premier objectif, qui vise à assurer la convergence des régions dont le produit intérieur brut (PIB) par habitant n'atteint pas 75 % de la moyenne de l'Union européenne élargie, serait doté de 78 % des financements ;
- le second objectif, qui concerne la compétitivité régionale et l'emploi, recevrait 18 % des financements ; se substituant aux objectifs 2 et 3 de la précédente programmation, il bénéficierait à l'ensemble des régions non couvertes par l'objectif « convergence » ; à la différence de l'actuel objectif 2, il n'impliquerait plus de zonage pour l'attribution des aides ;
- le troisième objectif, qui a pour but de renforcer la coopération européenne aux niveaux transfrontalier, transnational et interrégional, se verrait allouer 4% du montant global des crédits ; cet objectif correspond à l'actuel programme d'initiative communautaire (PIC) INTERREG.
M. Marc Gastambide a souligné, à cet égard, la disparition de l'ensemble des PIC, le programme URBAN étant réparti entre les nouveaux objectifs 1 et 2, les programmes Equal et Leader étant, quant à eux, respectivement fusionnés dans le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et le Fonds social européen (FSE).
Il a ensuite indiqué que, sous réserve d'une baisse du budget communautaire par rapport à la proposition de la Commission européenne (1,24% du PIB communautaire), la France était favorable à ce schéma de réforme, de même qu'à sa traduction dans les propositions de règlements publiées en juillet 2004. Il a noté que l'approche stratégique proposée, fondée à la fois sur des « orientations stratégiques » arrêtées au niveau européen et sur des « cadres de référence stratégiques » présentés par les Etats membres à la Commission européenne, convenait particulièrement à notre pays. Il a fait observer que cette nouvelle approche impliquerait une plus grande autonomie de gestion pour les Etats membres, mais aussi en contrepartie, davantage de contrôles de la part de Bruxelles.
Concernant l'élaboration de notre cadre de référence stratégique national, M. Marc Gastambide a précisé qu'elle avait d'abord donné lieu, courant 2004, à l'élaboration, à la suite d'une concertation impliquant les associations nationales d'élus et les différents ministères concernés, d'un document introductif destiné à permettre aux préfets de régions de consulter les acteurs locaux dans le cadre du « partenariat régional ». Les contributions issues de ces consultations locales, a-t-il poursuivi, ont fait l'objet d'une synthèse restituée dans les régions en septembre et octobre 2005. Parmi les débats auxquels cette restitution a donné lieu, il a notamment cité la question de la « concentration thématique des fonds », c'est-à-dire l'affectation prioritaire des crédits en faveur de projets s'inscrivant dans des thèmes stratégiques d'intervention (« innovation et économie de la connaissance », « environnement et prévention des risques » et « accessibilité aux services et aux technologies de l'information et de la communication »), qui remplace, dans les propositions de règlements, l'actuelle logique de « concentration territoriale ».
En réponse à Mme Jacqueline Gourault, qui s'interrogeait sur la composition du « partenariat régional », M. Marc Gastambide a précisé qu'il comprenait, au niveau de chaque région, des représentants du conseil régional, des conseils généraux, des maires, des villes, des chambres consulaires et des associations socio-professionnelles. Rappelant ensuite que les prochaines étapes étaient désormais l'adoption des perspectives financières de l'Union européenne pour la période 2007-2013, des règlements communautaires sur la réforme de la politique régionale, puis des « orientations stratégiques communautaires » et enfin des « cadres nationaux de références stratégiques », il a craint que le calendrier, prévu pour permettre une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2007, ne puisse être respecté, notamment en cas d'absence d'accord sur les perspectives financières au conseil européen de décembre prochain.
M. Jean François-Poncet s'est interrogé sur la future répartition des crédits entre anciens et nouveaux Etats membres.
M. Marc Gastambide a indiqué qu'avec un produit intérieur brut (PIB) par habitant quasiment systématiquement inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, les régions des nouveaux Etats membres seraient les principales bénéficiaires de l'objectif 1 (auquel seraient finalement destinés, en cas d'adoption du compromis proposé en juin 2005 par la présidence luxembourgeoise de l'Union européenne, dit « compromis Juncker », 82 % des crédits de la politique de cohésion) et devraient, par conséquent, recevoir une partie substantielle de la future programmation européenne. Il a rappelé que si de nombreuses régions de Grèce, du Portugal et d'Espagne bénéficieront encore largement de l'objectif 1, les seules régions françaises bénéficiaires devraient être les départements d'outre-mer. Il a précisé qu'en plus de ces crédits attribués au niveau régional, le nouveau dispositif prévoyait d'attribuer des crédits du fonds de cohésion à l'échelon national aux Etats membres dont le revenu national brut par habitant ne dépasse pas 90 % de la moyenne communautaire, ce dont devraient encore bénéficier non seulement les nouveaux Etats membres, mais aussi la Grèce et le Portugal.
M. Jean François-Poncet a souhaité savoir si des simulations avaient été effectuées pour évaluer le montant des crédits que la France pourrait recevoir en fonction des différents scénarios de réforme.
M. Marc Gastambide a affirmé qu'une simulation avait été réalisée à partir du « compromis Junker », au terme de laquelle reviendraient à la France, sur la période 2007-2013, près de 13 milliards d'euros, dont 9 milliards pour la métropole, sur les 309 milliards d'euros prévus pour la politique de cohésion, ce qui représente pour elle une baisse de 25 % des crédits perçus par rapport à la période 2000-2006. Il a ajouté que la France, jugeant acceptable une telle diminution des crédits qui lui sont destinés, était néanmoins favorable au « compromis Juncker ».
Evoquant d'autres crédits européens susceptibles de bénéficier en particulier aux zones rurales, M. Jean François-Poncet a souhaité connaître les réformes qui affecteraient le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA).
M. Marc Gastambide a précisé que le FEOGA ne faisait pas partie des fonds structurels, mais qu'il était l'instrument financier du deuxième pilier de la politique agricole commune. Il a indiqué qu'à compter de 2007, il s'appellerait FEADER et que selon le « compromis Junker », il devrait être doté de 75 milliards d'euros pour la période 2007-2013. Après avoir rappelé que le FEADER comprendrait quatre volets (agriculture, territoires, diversification des activités et programme Leader), il a exprimé la crainte que, compte tenu de la masse incompressible des dépenses des volets 1 et 2, due au caractère obligatoire de mesures telles que les indemnités compensatrices de handicaps naturels (ICHN) ou les mesures agro-environnementales, les volets 3 et 4 soient un peu les « parents pauvres » du développement rural.
Revenant sur les principaux enjeux de la réforme de la politique de cohésion, il a évoqué successivement l'amélioration de l'articulation entre les différents fonds (notamment du FEDER avec le FSE et le FEADER), le débat autour de la place à donner aux villes, portées par l'actualité des violences urbaines sur le devant de la scène, dans l'utilisation des fonds structurels et la question du choix des autorités de gestion au niveau national. Il a expliqué, sur ce dernier point, que les régions françaises exigeaient d'être reconnues comme autorités de gestion, alors que le Gouvernement, dans l'esprit de la loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales, n'envisageait cette possibilité qu'au terme d'expérimentations et à condition qu'un bilan positif en ait été tiré.
En réponse à M. Jean François-Poncet, qui s'interrogeait sur les principales différences entre la prochaine génération de fonds structurels et celle de la période 2000-2006, M. Marc Gastambide a cité la disparition du zonage de l'objectif 2, l'instauration d'une approche stratégique, inspirée des stratégies européennes dites de Lisbonne sur « l'économie de la connaissance » et de Göteborg sur l'environnement, l'abandon des programmes d'initiatives communautaires (PIC) et une meilleure prise en compte des handicaps naturels affectant certains territoires (montagne, zones humides...) qui pourront bénéficier d'un taux majoré (supérieur à 50%) de subventions, à condition toutefois qu'en moyenne le taux de subvention reste de 50% à l'échelle du programme opérationnel concerné.
M. Jean François-Poncet a déclaré qu'il était défavorable à la suppression du zonage qui, a-t-il estimé, est au fondement de toute politique d'aménagement du territoire.
Mme Jacqueline Alquier a mis l'accent sur la nécessité de trouver, à l'échelle d'une région donnée, une répartition équitable des crédits, d'une part entre les territoires ruraux et les zones urbaines, d'autre part, parmi ces dernières, entre les métropoles régionales et les agglomérations de taille plus modeste.
M. Marc Gastambide a indiqué que cet équilibre devrait être recherché dans le cadre des programmes opérationnels par les autorités régionales, c'est-à-dire les préfets de régions en concertation avec les autres acteurs locaux.
M. Jean-Marc Juilhard a considéré que, dans un contexte de diminution des crédits destinés à notre pays, certains territoires comme le Massif central auraient intérêt à utiliser le dispositif de coopération européenne qui permet aussi d'obtenir un taux majoré de subventions.
Abondant en ce sens, M. Marc Gastambide a précisé que le taux de subvention de l'Union européenne en faveur des mesures s'inscrivant dans le nouvel objectif 3 (coopération européenne) s'élevait à 75% et a mis l'accent sur la grande liberté laissée aux acteurs en la matière pour le choix des projets. Par ailleurs, il a indiqué que si la France défendait, avec quelques Etats membres comme la Belgique et l'Italie, la « concentration thématique », tel n'était en revanche pas le cas de la majorité des autres Etats membres.
M. Jean François-Poncet a souligné, pour sa part, le risque que la priorité donnée à « l'économie du savoir » ne bénéficie qu'aux pôles urbains, au détriment des espaces ruraux.
M. Marc Gastambide a indiqué qu'il était souhaitable que la France invente de nouveaux dispositifs, à l'instar du projet de « pôles d'excellence ruraux », permettant d'orienter les crédits européens également vers les zones rurales.
M. Jean François-Poncet a estimé que la mise en place d'outils fiscaux incitatifs, comme les zones de revitalisation rurale, pouvait également constituer une solution intéressante pour favoriser le développement local.
Enfin, M. Claude Belot s'étant interrogé sur la possibilité, au niveau d'une région, de réorienter des crédits destinés aux technologies de l'information et de la communication non consommés par un conseil régional vers les projets de nouvelles technologies d'autres collectivités tels que les conseils généraux, M. Marc Gastambide a indiqué qu'il appartenait au préfet de région, autorité régionale de gestion des fonds structurels, d'arbitrer le cas échéant en ce sens.